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mercredi 17 septembre 2008

La raison et la victoire

Philippe Delbauvre



La raison et la victoire
Le fait d'avoir raison en politique comme dans d'autres domaines ne constitue ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante afin de remporter la victoire finale. On peut donc parfaitement gagner tout en ayant tort et perdre tout en ayant de légitimes aspirations.

L'histoire du parti communiste français peut à cet égard être éclairante. C'est au moment où il a le moins de raisons d'être, tant au niveau de son idéologie que de ses prises de positions, qu'il atteint son acmé. C'est ainsi qu'il triomphe dans les urnes au moment même où il célèbre le stalinisme et où il conteste une société où les conditions de vie ne cessent de s'améliorer. Parallèlement, il s'effondre aujourd'hui alors qu'il n'a jamais eu autant de raisons de récolter les suffrages de nos concitoyens. Jamais autant qu'aujourd'hui en effet les idées marxistes n'ont eu autant de raisons d'être. C'est ainsi que la concentration du capital via les fusions et acquisitions n'ont jamais été aussi fortes. C'est ainsi que jamais la précarité sociale sous toutes ses formes n'a été autant développée. En conséquence le parti communiste français était puissant au moment même où il avait globalement tort et se trouve aujourd'hui faible au moment où ses analyses s'avèrent globalement justes.

On peut également se rappeler l'histoire de la maison écologiste qui, quoique différente, confirme le propos. Cette tendance politique est aujourd'hui particulièrement faible en regard du passé alors que paradoxalement la nature ne s'est jamais aussi mal portée. Entre la fonte de la banquise, le dérèglement climatique dont nous venons en effet de constater encore les effets cet été, la disparition d'espèces animales dont on sait qu'elle va s'accroître, les manipulations génétiques qui vont crescendo sans que nous ne connaissions les conséquences à long terme, les écologistes voient aujourd'hui nombre de leurs idées validées dans les faits davantage qu'hier. Pourtant c'est aujourd'hui qu'ils sont, au même titre que les communistes, beaucoup plus faibles qu'ils ne l'étaient hier.

Les nationalistes de toutes obédiences feraient bien de méditer ce double échec.

Si les communistes français se sont effondrés, c'est principalement parce qu'ils se sont arc boutés sur leurs fondamentaux avec la rigidité qu'on leur connaît. Préférant l'intégrisme politique à la souplesse de l'adaptation, ils se sont condamnés eux mêmes à ne plus exister qu'à l'état de groupuscule. En quoi le profil rigide, intégriste et dogmatique de Marie George Buffet pouvait-il séduire « la société du spectacle » au sein de « la société de consommation » ? Faute de l'avoir compris et malgré, encore une fois, une doxa adaptée au monde contemporain, ils se sont effondrés.

Le cas écologiste est bien évidemment différent. Leur effondrement tient à leur trop grande proximité d'avec les autres partis. C'est ainsi que leurs thèmes purent être récupérés puis recyclés. S'ils avaient fait preuve de rigidité idéologique comme les communistes en tentant, par exemple, d'imposer aux Français le végétalisme, ils se furent condamnés. Au contraire, en reprenant socialement le réformisme doux des socialistes, ils se condamnèrent à être récupérés.

On s'accorde unanimement à reconnaître que l'électorat du Front National lors de la dernière élection majeure fut pompé par le candidat Sarkozy. Il est plus que probable que c'est la proximité des thèmes de campagne qui en est le responsable. Quand Nicolas Sarkozy parla de racaille ainsi que de karcher, il va de soi qu'il ne fit pas uniquement référence aux actes de ceux incriminés mais aussi, et volontairement, à leur nature, faisant écho à ce que beaucoup ressentent. Contrairement à l'idée répandue, ce n'est pas tant le Front National qui est allé vers l'Ump, mais bien le candidat de l'Ump qui s'est rendu sur les terres du Front National.

Il est donc maintenant nécessaire de se servir des analyses ayant trait aux communistes et écologistes. Si le Front National choisit la voie de l'intégrisme – comme les communistes – il se condamnera à la marginalisation puisque bien peu de Français pourront se reconnaître en lui. Si de la même manière, il continue de faire de sa thématique de toujours, la clef de voûte de son édifice programmatique, il disparaîtra – comme les écologistes – puisque cette thématique est aujourd'hui déjà récupérée. Il ne s'agit bien évidemment pas de l'abandonner non plus mais de ne plus en faire un fonds de commerce unique.

Il est plus que temps d'aller jusqu'au bout de la démarche de rénovation du Front National et d'éviter ainsi les deux écueils qui furent fatals aux communistes et écologistes. Il est plus qu'urgent d'abandonner les nombreux joujoux qui datent du millénaire précédent. D'une part les Français ne s'y intéressent pas, d'autre part c'est sombrer dans la rigidité qui fut mortelle pour les communistes. Il faut aussi que la différence entre Front National et Ump – on songe aux écologistes – cesse d'être floue. Cela suppose une critique radicale du Système dont l'Ump est le héraut. Peut être faut-il dire maintenant aux Français les vérités dans le domaine économique qui furent dîtes ailleurs.

Ce sont ces vérités qui nécessairement ne pourront en aucun cas être ponctionnées.