Alain Rebours |
Les politogues communistes ne considèrent pas que l'extrême droite constitue une discontinuité par rapport à la droite. Selon eux, l'extrême droite n'est que le prolongement naturel de la droite et devrait en conséquence être qualifiée de droite extrême. Celle ci n'étant donc qu'une radicalisation de la droite bourgeoise qui se fait jour suite à l'apparition de graves difficultés principalement d'ordre économique.
Les politologues libéraux, quant à eux, postulent que l'extrême droite est radicalement différente de la droite et n'a pas avec elle de terroir commun. On comprend à titre d'exemple que René Rémond ait absolument refusé d'intégrer le fascisme à sa célèbre étude des droites. Pour les historiens libéraux, extrême droite et communisme sont à ranger dans le même panier appelé totalitarisme.
Il va de soi que ces deux interprétations ne peuvent être vraies simultanément. On peut donc affirmer de prime abord qu'elles sont ou toutes les deux fausses ou que l'une seule des deux est vraie.
Prenant en compte le sérieux de certains experts de l'un et de l'autre camp qui se rangent à l'opinion de leur majorité, je me suis interrogé sur le pourquoi de cette distorsion.
Il va de soi que le concept de totalitarisme utilisé par les politologues de droite et qui fait recette en pleine guerre froide obéissait à un intérêt politique: en renvoyant dos à dos fascisme et communisme dans le panier totalitaire, les occidentaux justifiaient la poursuite de la guerre menée jusqu'en 1945.
Réciproquement, les théoriciens communistes en faisant de l'extrême droite ou du fascisme un simple surgeon de la droite adoptaient au final la même tactique que leurs homologues libéraux. La collusion entre droite et extrême droite permettait ainsi de justifier une bipartition qui au final profitait à tous.
Indépendamment de la mauvaise foi toute politicienne qui caractérise quelquefois les experts, je ne pouvais pour autant négliger la probité intellectuelle de certains de ces penseurs qu'ils fussent d'un côté ou d'un autre.
En y réflichissant, je ne pouvais que porter crédit au deux thèses simultanément et ce malgré l'interdit logique. Encore fallait-il lever l'obstacle rendant la démarche incohérente. Tout s'éclaire si on ne définit plus l'existence d'une seule extrême droite mais de deux. Ainsi, si on postule l'existence d'une droite extrême aux côtés de l'extrême droite, les deux théories deviennent simultanément cohérentes.
En effet, la droite extrême est bien le prolongement de la droite comme l'affirment les penseurs communistes et ce malgré le déni des principaux intéressés.
En effet, l'extrême droite est bien anti-système comme l'affirment les penseurs libéraux et n'a aucun rapport avec la droite.
Voilà expliqué le pourquoi de la lutte entre SS et SA lors de la nuit des longs couteaux. Voilà aussi pourquoi un même phénomène s'est produit, de manière moins sanglante, en Italie. Voilà pourquoi Drieu la Rochelle fait savoir une fois qu'Hitler a perdu la guerre, qu'il souhaite la victoire de Staline.
Une des erreurs possibles seraient de considérer que la ligne de fracture passe par la distinction entre réactionnaires et révolutionnaires: Codreanu et Evola qui étaient des réactionnaires n'étaient pas des modérés.
Il y a donc sur le côté droit de l'échiquier deux tendances antagonistes que j'ai appelées extrême droite et droite extrême qui non seulement existent réellement mais qui de plus valident les analyses des deux types de politologues.