(1) Pas si sur...
Par Philippe DELBAUVRE
Je ne sais le pourquoi de mes plus de trente ans d’engagement politique. On peut d’ailleurs se questionner en se demandant si ce que l’on pense ne nie pas ce que l’on ressent. Je crois que si d’aventure j’avais mis en jachère l’intellect au profit de mon instinct, j’eus alors abandonné le marais politicien au profit d’un hédonisme bien conforme à l’époque.
Le comportement des Français continue toujours de me surprendre, et ce plus de trente ans après. Ainsi par exemple, le fait que Dupont continue de se positionner par rapport au référentiel gauche/droite alors que simultanément, il affirme bien souvent que les équipes ministérielles changent mais que la politique suivie reste la même. Pourquoi donc ne tire t-il pas la conclusion qui, pourtant, s’impose, en s’en allant arpenter d’autres segments politiques ?
Je sais par l’intermédiaire de mes lectures en psychologie sociale (2) que le peuple éprouve de grandes difficultés à assimiler une nouvelle idée. Je sais aussi, en raison des mêmes lectures, qu’une fois l’idée admise, il devient alors extrêmement difficile de la faire sortir, même si nécessité s’impose. D’où peut être le pourquoi des engagements, ne serait-ce que verbaux, aussi bien à droite qu’à gauche.
Pourtant, des signes il y en a ; ainsi l’augmentation du Smic limitée à 0.5%. Ainsi les coupes budgétaires à hauteur de plusieurs dizaines de milliards. Ainsi, toujours la guerre, cette fois ci au Mali, qui va s’additionner avec celles de l’Afghanistan ou de l’Irak. On pourrait aussi évoquer, formule oxymorique, le mariage homosexuel, ou le droit de vote à accorder aux étrangers : dans les deux cas, malgré les rodomontades du gouvernement dit de gauche, on perçoit très bien qu’il n’est pas à la fête et que rien n’est joué. Bien évidemment, on peut être de gauche, telle qu’elle était en 1981. Non seulement les discours étaient martiaux, mais de plus on peut considérer qu’à l’époque, les actes suivirent les paroles. C’est la raison pour laquelle à mes yeux, un individu qui était de gauche à cette époque, et qui l’est encore aujourd’hui, ne peut plus désormais apporter son soutien à l’actuel gouvernement. Peu m’importe de savoir à qui bénéficiera son suffrage, mais cela ne pourra l’être qu’à une structure située à la gauche du parti socialiste et non pour le Ps lui même.
René Rémond (3), quant à lui, avait distingué la droite par l’intermédiaire de trois courants qu’il qualifia de légimiste, bonapartiste et orléaniste. La terminologie adoptée ne m’a jamais séduit sachant que dans deux cas, il existe un sous-entendu dynastique qui ne fait pas sens. Il eut été peut être plus pertinent d’évoquer les droites libérale, bonapartiste et réactionnaire. Toujours soucieux des faits, conséquence de mes premières études qui furent scientifiques, je constate qu’aujourd’hui deux de ces trois droites sont presque mortes : ainsi, la Réaction (ou contre-révolution) , malgré des militants zélés ne touchent plus le peuple. Quant au bonapartisme originel dans le cadre de la Vème république, c’est à dire le gaullisme, il n’est pas impossible qu’il ne soit mort avec le Général, Georges Pompidou ayant durant son quinquennat, marqué une involution qui ouvrit le pouvoir à Valéry Giscard d’Estaing. Assez paradoxalement, le bonapartisme était aussi présent à gauche (4), les spécialistes de ce sujet, évoquant que l’une des trois gauches pouvait être qualifiée de nationale et républicaine (5). Là encore, l’influence de cette gauche au sein du parti socialiste est devenue dérisoire avec le temps.
Dans de telles conditions, il n’est pas difficile de constater que les partis de gouvernement que sont le parti socialiste ainsi que l’Ump sont issus de la même matrice libérale, ce qui explique à ceux qui en sont quelquefois surpris, que nécessairement la même politique soit menée. Quant au centre, sachant qu’il aime à claironner via ses chefs de file qu’il se situe entre les deux grands partis, il n’est pas bien difficile de comprendre que, localisé entre deux structures très proches, il ne peut constituer une alternative puisque confondu par définition avec ses deux dernières.
Pourtant, il ne faudrait pas pour autant penser que la messe est dite ; à titre d’exemple, on peut presque considérer que François Hollande n’a pas connu ce que l’on a coutume d’appeler l’état de grâce. Et, de plus, il semblerait que les problèmes soient davantage devant que derrière ; à titre d’exemple, la réforme des retraites pourtant votée assez récemment par le gouvernement Fillon va devoir être actualisée : que vont alors penser les Français de l’obligation de cotiser plus longtemps avec probablement un départ à la retraite différé, le tout pour une pension assez modique ? On a beaucoup glosé au sujet des deux crises, économique et financière, qui ont marqué le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Pourtant, on sait aujourd’hui, chiffre à l’appui, qu’elles n’ont frappé que le premier et le dernier décile. Qu’adviendrait-il si d’aventure, les Français dans leur majorité venaient, en l’espace de quelques mois, voir diminuer leur pouvoir d’achat de 10 à 20 %, alors même que les fins de mois aujourd’hui sont déjà assez pénibles pour beaucoup ? Il va de soi que je sais pertinemment que les sévices économiques imposés aussi bien aux Grecs qu’aux Portugais n’ont pas entrainé de réactions violentes. C’est oublier, Valéry Giscard d’Estaing vient de le rappeler, que les Français constituent un peuple difficile à gouverner probablement parce qu’imprévisible. C’est oublier aussi qu’une bille lancée sur une table semble avoir toujours le même mouvement, ce jusqu’au moment où elle atteint l’extrémité. Ce n’est donc pas, au motif que les peuples occidentaux n’ont, pour l’instant, pas mené la vie dure à leurs gouvernements, qu’il en sera toujours ainsi.
« C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien. » (6)
Par Philippe DELBAUVRE
Je ne sais le pourquoi de mes plus de trente ans d’engagement politique. On peut d’ailleurs se questionner en se demandant si ce que l’on pense ne nie pas ce que l’on ressent. Je crois que si d’aventure j’avais mis en jachère l’intellect au profit de mon instinct, j’eus alors abandonné le marais politicien au profit d’un hédonisme bien conforme à l’époque.
Le comportement des Français continue toujours de me surprendre, et ce plus de trente ans après. Ainsi par exemple, le fait que Dupont continue de se positionner par rapport au référentiel gauche/droite alors que simultanément, il affirme bien souvent que les équipes ministérielles changent mais que la politique suivie reste la même. Pourquoi donc ne tire t-il pas la conclusion qui, pourtant, s’impose, en s’en allant arpenter d’autres segments politiques ?
Je sais par l’intermédiaire de mes lectures en psychologie sociale (2) que le peuple éprouve de grandes difficultés à assimiler une nouvelle idée. Je sais aussi, en raison des mêmes lectures, qu’une fois l’idée admise, il devient alors extrêmement difficile de la faire sortir, même si nécessité s’impose. D’où peut être le pourquoi des engagements, ne serait-ce que verbaux, aussi bien à droite qu’à gauche.
Pourtant, des signes il y en a ; ainsi l’augmentation du Smic limitée à 0.5%. Ainsi les coupes budgétaires à hauteur de plusieurs dizaines de milliards. Ainsi, toujours la guerre, cette fois ci au Mali, qui va s’additionner avec celles de l’Afghanistan ou de l’Irak. On pourrait aussi évoquer, formule oxymorique, le mariage homosexuel, ou le droit de vote à accorder aux étrangers : dans les deux cas, malgré les rodomontades du gouvernement dit de gauche, on perçoit très bien qu’il n’est pas à la fête et que rien n’est joué. Bien évidemment, on peut être de gauche, telle qu’elle était en 1981. Non seulement les discours étaient martiaux, mais de plus on peut considérer qu’à l’époque, les actes suivirent les paroles. C’est la raison pour laquelle à mes yeux, un individu qui était de gauche à cette époque, et qui l’est encore aujourd’hui, ne peut plus désormais apporter son soutien à l’actuel gouvernement. Peu m’importe de savoir à qui bénéficiera son suffrage, mais cela ne pourra l’être qu’à une structure située à la gauche du parti socialiste et non pour le Ps lui même.
René Rémond (3), quant à lui, avait distingué la droite par l’intermédiaire de trois courants qu’il qualifia de légimiste, bonapartiste et orléaniste. La terminologie adoptée ne m’a jamais séduit sachant que dans deux cas, il existe un sous-entendu dynastique qui ne fait pas sens. Il eut été peut être plus pertinent d’évoquer les droites libérale, bonapartiste et réactionnaire. Toujours soucieux des faits, conséquence de mes premières études qui furent scientifiques, je constate qu’aujourd’hui deux de ces trois droites sont presque mortes : ainsi, la Réaction (ou contre-révolution) , malgré des militants zélés ne touchent plus le peuple. Quant au bonapartisme originel dans le cadre de la Vème république, c’est à dire le gaullisme, il n’est pas impossible qu’il ne soit mort avec le Général, Georges Pompidou ayant durant son quinquennat, marqué une involution qui ouvrit le pouvoir à Valéry Giscard d’Estaing. Assez paradoxalement, le bonapartisme était aussi présent à gauche (4), les spécialistes de ce sujet, évoquant que l’une des trois gauches pouvait être qualifiée de nationale et républicaine (5). Là encore, l’influence de cette gauche au sein du parti socialiste est devenue dérisoire avec le temps.
Dans de telles conditions, il n’est pas difficile de constater que les partis de gouvernement que sont le parti socialiste ainsi que l’Ump sont issus de la même matrice libérale, ce qui explique à ceux qui en sont quelquefois surpris, que nécessairement la même politique soit menée. Quant au centre, sachant qu’il aime à claironner via ses chefs de file qu’il se situe entre les deux grands partis, il n’est pas bien difficile de comprendre que, localisé entre deux structures très proches, il ne peut constituer une alternative puisque confondu par définition avec ses deux dernières.
Pourtant, il ne faudrait pas pour autant penser que la messe est dite ; à titre d’exemple, on peut presque considérer que François Hollande n’a pas connu ce que l’on a coutume d’appeler l’état de grâce. Et, de plus, il semblerait que les problèmes soient davantage devant que derrière ; à titre d’exemple, la réforme des retraites pourtant votée assez récemment par le gouvernement Fillon va devoir être actualisée : que vont alors penser les Français de l’obligation de cotiser plus longtemps avec probablement un départ à la retraite différé, le tout pour une pension assez modique ? On a beaucoup glosé au sujet des deux crises, économique et financière, qui ont marqué le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Pourtant, on sait aujourd’hui, chiffre à l’appui, qu’elles n’ont frappé que le premier et le dernier décile. Qu’adviendrait-il si d’aventure, les Français dans leur majorité venaient, en l’espace de quelques mois, voir diminuer leur pouvoir d’achat de 10 à 20 %, alors même que les fins de mois aujourd’hui sont déjà assez pénibles pour beaucoup ? Il va de soi que je sais pertinemment que les sévices économiques imposés aussi bien aux Grecs qu’aux Portugais n’ont pas entrainé de réactions violentes. C’est oublier, Valéry Giscard d’Estaing vient de le rappeler, que les Français constituent un peuple difficile à gouverner probablement parce qu’imprévisible. C’est oublier aussi qu’une bille lancée sur une table semble avoir toujours le même mouvement, ce jusqu’au moment où elle atteint l’extrémité. Ce n’est donc pas, au motif que les peuples occidentaux n’ont, pour l’instant, pas mené la vie dure à leurs gouvernements, qu’il en sera toujours ainsi.
« C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il ne faut désespérer de rien. » (6)
notes |
(2) Conscience de soi et régulations individuelles et sociales - Laurent Auzoult Chagnault - Dunod – 2012.
(3) La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d'une tradition politique – René Rémond – Aubier – 1954 – (Nombreuses rééditions et actualisations). Il est utile de lire aussi, sur le même sujet: Histoire des droites en France (direction), Jean-François Sirinelli, nouvelle édition, Éditions Gallimard, coll. « Tel » (ISSN 0339-8560) nº 342-344, Paris, 2006 (1re éd. 1993), 3 vol.
(4) Bien des compagnons très proches du général de Gaulle sont issus de la gauche : Malraux, d'Astier de La Vigerie, ...
(5) Michel Debré n’hésita pas à déclarer que Jean-Pierre Chevènement était son petit fils Spirituel.
(6) Sénèque - Médéa
Article publié sur Voxnr