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dimanche 4 février 2018

Hassan Nasrallah : Trump va vers l'Armageddon / Norman Finkelstein sur le financement de l'UNRWA

Hassan Nasrallah : Trump va vers l'Armageddon, Israël sera vaincu plus facilement que Daech

Norman Finkelstein : l'aide US aux Palestiniens coûte moins qu'un yacht saoudien





Hassan Nasrallah : Trump va vers l'Armageddon, Israël sera vaincu plus facilement que Daech

Interview du Secrétaire Général du Hezbollah par la chaine Al-Mayadeen, 3 janvier 2018






Transcription :

[...] Journaliste : A la fin de la première partie de notre entretien, nous avons conclu sur deux points. Dans le premier point, tu as dit que les événements en Iran étaient sans conséquence et terminés, et le deuxième point dont on parle, le plus dangereux, est que Trump et Israël poussent la région vers une grande guerre, et pour le cas où cette guerre serait déclenchée, l’Axe de la Résistance s’y prépare et doit s’y préparer.  Et je te demandais, est-ce que Ton Eminence est vraiment inquiète et craint que cette guerre advienne ? Car je comprends de tes propos que la guerre est (une possibilité) réelle,  qu’ils vont peut-être la déclencher, et que vous allez être victorieux dans cette guerre.

Hassan Nasrallah : Ecoute, en ce qui concerne la possibilité d’une guerre, elle est réelle.  Quant à son degré de probabilité, on ne peut pas l’écarter un seul instant.  Car avec une telle mentalité, une telle administration... Et quoi qu’on dise, il ne s’agit pas seulement de Trump,  mais du vice-Président, de l’ensemble de l’administration présente, de leur vision sous-jacente...  Tu vois comme certains ont approché la cause d’Al-Quds. Il l’a approchée d’un point de vue religieux !  Ces choses sont liées à...

Si tu lis les déclarations des Américains et même des Israéliens, tu vois qu’il veut un Armageddon,  un (véritable) Armageddon qu’il prépare et vers lequel il se dirige avec force. Nous connaissons leur mentalité.

Journaliste : Ils sont soutenus par les sionistes chrétiens.

Hassan Nasrallah : Quoi qu’il en soit, il faut que nos yeux soient rivés sur cette possibilité, car  lorsqu’il détruit le processus de négociations,  ce qu’ils appellent le processus de paix, quels sont donc les choix qui restent ? Où veulent-ils amener la région (sinon à la guerre) ?  C’est pour cela que je dis que c’est une possibilité réelle.  Je ne dis pas plus que cela. Car pour affirmer plus que ça, il faut des preuves, et on va inquiéter les gens.

Journaliste : C’est vrai.

Hassan Nasrallah : Mais il ne serait pas juste que l’un d’entre  nous enjoigne les gens à être rassurés, avec Trump et Netanyahou, avec tous ces fous,  et affirme que la région va on ne peut mieux, qu’il n’y a rien à craindre, que la paix est garantie.  Où voit-on cela ? Il n’y a absolument aucun indice dans ce sens. C’est pourquoi il faut parler de possibilité permanente (de guerre).

Ici, la possibilité seule suffit, du point de  vue rationnel et quant à notre responsabilité, à nous pousser à prendre des mesures.  A savoir qu’on se doit de se préparer, de s’organiser, de renforcer notre front, notre Axe,  nos hommes, notre situation et nos capacités,  pour (la guerre) qui peut advenir (d’un jour à l’autre). Si elle n’advient pas, on n’aura rien perdu.  On se sera renforcés. Et si elle se  produit, on sera prêts à y faire face.

Journaliste : Eminent Sayed, vous vous préparez donc avec l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban et la Palestine ?  Tel est votre Axe (de la Résistance) à présent ?

Hassan Nasrallah : Fondamentalement, oui. Naturellement, on considère aussi comme inclus dans l’Axe,  car il ne s’agit pas nécessairement d’un Axe seulement militaire, toutes les personnalités, mouvements, partis et forces  des mondes arabe et musulman qui soutiennent cette voie. Nous les considérons  comme faisant partie de l’Axe (de la Résistance).  Mais les principales forces militaires sur  le front sont celles qu’on vient d’indiquer.

Mais permets-moi d’ajouter l’élément yéménite.  L’élément yéménite qui est actuellement agressé et attaqué. Lorsque j’ai annoncé que dans la guerre à venir, il n’y aura pas des dizaines mais des centaines  de milliers (de combattants qui viendront à nos côtés)  si tu te souviens, après quelques jours seulement, Sayed Abdel-Malik al-Houthi, dans un discours en direct,  a annoncé qu’il était prêt, et que des  forces djihadistes yéménites étaient prêtes à participer à cette guerre (contre Israël).

Je vais même te dire plus que ça.  A travers le contact permanent qui existe  entre nous d’une manière ou d’une autre,  j’ai reçu une lettre directement après mon discours, et avant que Sayed Abdel-Malik al-Houthi annonce cette position à la TV,  m’informant qu’ils étaient prêts, en cas de guerre, à envoyer des forces par  dizaines de milliers si on en avait besoin,  des dizaines de milliers de combattants, même si la guerre saoudo-américaine contre eux se poursuit.

Le Yémen aujourd’hui, ce qu’on désigne comme l’armée yéménite et les forces populaires qui y combattent,  font selon nous pleinement partie de l’Axe de la Résistance et du Front de la Résistance.  Et du reste, c’est l’une des raisons de la guerre menée contre le Yémen.

Journaliste : C’est vrai.
Eminent Sayed, afin qu’on ne dise pas directement après cette interview (comme c’est souvent le cas) que tu exagères dans tes propos (et qu’on se demande) comment (le Hezbollah) pourrait être victorieux dans cette guerre (à venir contre Israël) alors qu’il y a (en face) des Etats puissants, l’OTAN, la possibilité d’une guerre mondiale, et tu affirmes cependant que vous allez entrer (en Palestine occupée) au-delà de la Galilée durant la prochaine guerre si elle se produit. Peut-on imaginer raisonnablement que des combattants du Hezbollah vont envahir la Galilée et au-delà ?

Hassan Nasrallah : Si une grande guerre se produit... Maintenant, la question de la Galilée est distincte, c’est une question dont on a parlé par le passé, et nous avons toujours clairement dit que la position de base (annoncée) aux combattants de la Résistance est : « Soyez prêts pour le jour où les dirigean
ts de la Résistance pourront vous demander d’entrer en Galilée ou de libérer la Galilée ». Pour ce qui est d’aller au-delà de la Galilée, cela est lié à l’idée générale dont on est en train de parler. Si une grande guerre se produit dans la région, tout peut arriver.

Journaliste : Pourquoi as-tu la certitude d’être victorieux, Eminent Sayed ? Pourquoi cette certitude ?  Vient-elle de Dieu, (du monde) Invisible ? Ou bien y a-t-il de véritables données de terrain ?

Hassan Nasrallah : En ce qui concerne Dieu et l’Invisible, la question de la confiance en Dieu le Très-Haut et l’Exalté et en Sa Promesse, cela a évidemment une place fondamentale. Mais Dieu le Très-Haut, même lorsqu’il a assuré (les croyants) de Son aide et de Son soutien, a posé des conditions (matérielles) : « Préparez contre (vos ennemis) tout ce que  vous pouvez comme forces. » (Coran, 8:60) Et Il a dit : « Si vous assistez (la cause de)  Dieu, Il vous soutiendra. » (Coran, 47:7) La deuxième partie (nos propres efforts sur le terrain) est fondamentale.

Notre lecture de l’ennemi israélien à travers toutes les expériences et toutes les guerres est différente. Cet ennemi n’a pas de force en lui-même. Et il est possible de lui infliger une défaite. C’est le premier point. Ce débat était ancien mais nous y avons mis fin. Personne ne peut remettre en cause les réalisations de la Résistance au Liban et en Palestine. L’une des plus grandes réalisations de la Résistance sur les plans militaire, moral, culturel, psychologique et politique, c’est d’avoir brisé le mythe de l’armée israélienne invincible. (Nous avons démontré que) cette armée peut être vaincue.

Et je vais encore plus loin. Ceux qui sont capables d’infliger une défaite à Daech et aux forces takfiries en Syrie et en Irak sont bien plus capables d’infliger une défaite à l’armée israélienne.

Journaliste : Daech est plus difficile (à vaincre) que l’armée israélienne ?

Hassan Nasrallah : Bien sûr, cela ne fait aucun doute. L’armée israélienne n’a qu’un point fort, c’est son aviation. Mais la (seule) force aérienne ne permet pas de gagner la bataille. Si puissante soit-elle, la force aérienne ne permet pas de gagner la bataille.

Journaliste : Et cette force aérienne va s’affaiblir dans le futur (du fait d’une éventuelle capacité anti-aérienne du Hezbollah).

Hassan Nasrallah : Il faut qu’elle s’affaiblisse ! Le combat avec les forces takfiries est infiniment plus difficile que le combat (contre Israël). Tu vois, il y a une différence énorme entre le soldat et l’officier israélien et les combattants de ces forces (takfiries). Je ne suis pas en train d’exagérer la force (des takfiris), non. Mais je me dois d’être honnête.

Lorsque tu prends part à une bataille dans laquelle des centaines de kamikazes te font face. Je ne les considère pas comme des martyrs. Des centaines de kamikazes sur un véhicule contenant une ou deux tonnes d’explosifs, et qui s’attaquent à ta brigade, à ton bataillon ou à tes positions. Ils sont prêts à la mort, sans aucune limite. Indépendamment des raisons qui les y ont amenés (endoctrinement, drogue...). (Des forces, dont le Hezbollah, ont combattu) sur ce front très dangereux, durant  7 ans en Syrie, 3 ans et quelques en Irak, sont parvenues à infliger une défaite à Daech, et je t’affirme qu’il aurait été possible de les vaincre plus rapidement sans le soutien et la protection de Daech par les Américains. Cela doit être signalé.

Cette armée israélienne, Professeur Sami, ses soldats, rien que pour avancer, comme nous les avons vus en 2006, ainsi que dans la dernière bataille à Gaza (en 2014) à Shuja’iya, nous avons vu comment combattaient les troupes d’élite israéliennes : pour avancer, les soldats et officiers doivent être précédés de blindés, suivis d’ambulances de guerre, n’est-ce pas, des ambulances, et au-dessus d’eux, il doit y avoir des hélicoptères et la force aérienne. Sans tout ça, ils ne font pas un pas en avant.

Un tel soldat est vaincu (d’avance), c’est un lâche qui n’a aucune volonté de combattre, malgré tous les matériels et capacités fournis. Nous avons vu cela au Liban, à Gaza, et c’est cette réalité qui est présente à l’intérieur de la Palestine occupée. Aujourd’hui, nous sommes face à une armée israélienne qui sort de plusieurs défaites, et qui depuis 2006 ne fait que s’équiper, s’entrainer, faire des manœuvres, encore et encore...

Journaliste : Mais vous aussi.

Hassan Nasrallah : On ne dit pas le contraire. Mais eux, ils n’ont pas réglé leur problème. Car leur problème ne réside pas dans les tanks, les avions et les armes. Leur problème, c’est les hommes. L’équation fondamentale introduite par la Résistance, et dans laquelle l’Axe de  la Résistance a la main haute aujourd’hui, dans cette bataille, c’est l’équation de l’homme. Je fais partie des gens qui, assis à une table, affirment que 1 + 1 + 1 = 3, parce que le résultat est bien 3, je me base sur des données de terrain (incontestables).

Aujourd’hui, par exemple, l’un des points forts les plus importants, il faut que les gens le sachent, l’un de nos principaux points forts dans la grande bataille (qui se prépare) contre les sionistes, c’est qu’actuellement, il y a des centaines de milliers de combattants qui sont fin prêts à mener cette bataille sans aucune limite.

Journaliste : En abattant des avions ?

Hassan Nasrallah : Tu n’arrêtes pas de m’interroger sur (notre capacité à) abattre des avions.

Journaliste : Mais c’est l’équation...

Hassan Nasrallah : (Il y a des centaines de milliers) d’aspirants au martyre (prêts à combattre Israël). Tu vois, par le passé – quand on s’est réunis avec les différents mouvements de Résistance, on a évoqué le passé –, un jeune yéménite venait rejoindre  telle faction palestinienne, ou un jeune tunisien, algérien, égyptien.

Aujourd’hui, on ne parle plus de (quelques) jeunes venant d’ici ou de là. Nous parlons de forces véritables, de  formations militaires et djihadistes, qui ont combattu sur différents terrains, qui ont pris part aux batailles les plus difficiles, qui n’ont pas peur, qui sont extrêmement aguerris, qui ont confiance en Dieu et en eux-mêmes. Aujourd’hui, ils sont présents dans l’Axe de la Résistance.

Journaliste : Très bien. Tout ce que tu dis est très prometteur. Mais on pourra te rétorquer, Eminent Sayed, que tu affirmes pompeusement que vous allez vaincre Israël, l’envahir et traverser les frontières, mais Israël vous bombarde en Syrie, et vous ne faites absolument rien  en retour, vous n’avez pas riposté. Quelle en est la raison ?

Hassan Nasrallah : C’est dans l’intérêt de la préparation à la grande guerre.

Journaliste : C’est-à-dire ?

Hassan Nasrallah : Premièrement, au point où en sont les choses, on veille tous à ne pas être entrainé vers une escalade dans tel ou tel endroit, sauf s’il n’a pas le choix. En Syrie, Israël frappe certaines choses. Parfois ils réussissent, parfois ils échouent, ils ne réussissent pas à chaque fois. C’est une question de détail sur laquelle je ne m’arrêterai pas.

Mais ils n’ont pas réussi ni ne réussiront à empêcher – Israël le sait, je ne révèle pas là un secret – que les capacités, les moyens et la préparation de la Résistance au Liban augmentent. C’est une chose qu’on prend en patience, jusqu’à nouvel ordre, je ne dis pas qu’on le tolèrera indéfiniment. (On patiente) jusqu’à nouvel ordre, dans l’intérêt du grand objectif stratégique (vaincre Daech et préparer la grande guerre contre Israël). Et c’est cela que j’ai appelé  les règles d’engagement.

Journaliste : Très bien. Tu m’as averti que tu n’entreras pas dans les détails, mais permets-moi une question. Tout le bombardement israélien sur des positions, entrepôts ou usines d’armes ou de missiles du Hezbollah n’a pas empêché que les armes parviennent au Hezbollah ? C’est ce que tu veux dire ?

Hassan Nasrallah : Ils ne l’ont pas empêché et ne l’empêcheront pas. Et ils le savent très bien. Je ne te révèle pas là un secret, même si c’est peut-être la première fois que je le dis devant les médias. Mais les Israéliens eux-mêmes le savent.

Journaliste : Il y a également un dernier front (que je souhaite évoquer) avec ta permission avant qu’on aborde la question syrienne, Eminent Sayed, et c’est le front du sud de la Syrie. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet, et ont beaucoup inquiété les Israéliens, à savoir que le Hezbollah et l’Iran, naturellement avec l’aide et le soutien de l’armée syrienne qui a aussi combattu durant 7 ans, se préparent à une Résistance près de la frontière, depuis le Golan jusqu’à toute la longueur de la frontière sud. Est-ce que c’est vrai ? Y a-t-il une nouvelle Résistance contre Israël à la frontière syro-palestinienne ?

Hassan Nasrallah : Tu vois, c’est encore une chose dont il vaut mieux ne pas (trop) parler. En fin de compte...

Journaliste : C’est une interview muette (sans aucune révélation), Eminent Sayed.

Hassan Nasrallah : C’est parce que tu insistes sur les questions difficiles (secrètes). L’ennemi a tout à fait raison de s’inquiéter, je lui dis qu’il a raison de s’inquiéter. Car en fin de compte, ce qui s’est passé dans le sud syrien, c’est une expérience majeure qui est maintenant une possibilité pour les jeunes syriens et l’armée syrienne. L’armée en tant qu’armée nationale, et les jeunes syriens. Car tu sais qu’en Syrie, il n’y a pas que l’armée qui combat. Ceux que les médias syriens désignent comme les forces alliées, ce sont des formations populaires syriennes composées de jeunes gens des villages, des villes et des régions, chacun dans sa région, les jeunes d’Alep à Alep, ceux de Deraa à Deraa, ceux de Hama à Hama, ceux de Homs à Homs, etc., ceux de Soueïda à Soueïda, etc., ils ont combattu dans leurs provinces. Ces jeunes ont acquis une expérience grande et précieuse, surtout sur le front sud. Car la nature du combat sur le front sud avait tantôt une forme classique, tantôt  une forme de guérilla, des deux côtés. Concrètement, cela a créé une structure humaine, au niveau du mode de pensée, de l’expérience, de la préparation, qui peut être réunie en 24 heures. Il n’est pas nécessaire qu’une formation effective (permanente) existe.

Notre présence même dans le sud syrien, pour des raisons liées à la nature de la bataille en cours en Syrie, partout où nous nous trouvons, il est naturel qu’Israël soit inquiet, car il y a une opposition viscérale entre nous et les Israéliens. C’est pour cela que les Israéliens sont inquiets, au sujet de tout ce qui peut se passer au sud de la Syrie, et ils œuvrent, ils font pression, ils essaient de profiter des pressions américaines, ils essaient de parler avec la Russie, ils essaient de menacer, d’effrayer, ils poussent des cris, pour qu’il n’y ait aucune Résistance et aucun Résistant dans le sud syrien. Mais jusqu’à présent, ils n’y sont pas parvenus.

Journaliste : Cela s’est produit, il y a donc une présence de la Résistance, d’après ce que je comprends de tes propos, il y a des cellules résistantes prêtes à toute guerre prochaine contre Israël.

Hassan Nasrallah : La Résistance est présente dans le sud syrien, et quoi qu’il en soit, c’est une chose normale sur le plan défensif, et la Syrie a le droit que cette Résistance soit présente à son service, s’il y a des attaques contre elle, et elle a également le droit, n’importe quand, de prendre la décision de recourir à la Résistance populaire pour libérer le Golan (de l’occupation israélienne).

Et si tu te souviens bien, dans les dernières années qui ont précédé les événements en Syrie, le Président Bachar al-Assad y a fait référence de manière claire et explicite, déclarant qu’ils finiraient peut-être par opter pour ce choix. Et c’est un choix logique et naturel, que redoute fortement Israël. Israël a très peur de ça.

Journaliste : La Résistance populaire dont parlait le Président Bachar al-Assad était syrienne.

Hassan Nasrallah : Oui.

Journaliste : Mais actuellement, d’après ce que je comprends  de Ton Eminence, il y a une Résistance populaire syrienne et non syrienne sur le front sud.

Hassan Nasrallah : Oui. […]
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Norman Finkelstein : l'aide US aux Palestiniens coûte moins qu'un yacht saoudien

Interview de Norman Finkelstein sur Democracy Now, le 10 janvier 2018 









Transcription : 


Amy Goodman : Israël fait face à une éventuelle enquête de la Cour pénale internationale concernant des crimes de guerre durant son agression de 2014 contre Gaza et l’expansion persistante des colonies de peuplement en Cisjordanie occupée. Selon la chaîne de télévision israélienne Channel 10, le Conseil de sécurité nationale israélien a récemment averti les législateurs israéliens que la CPI pourrait ouvrir une enquête durant cette année. Malgré l’avertissement, le ministre israélien de la Défense a annoncé mardi qu’Israël approuverait la construction de centaines de nouvelles habitations en Cisjordanie. Les dirigeants palestiniens ont commencé à demander une enquête de la CPI peu après l’agression de 2014 contre Gaza, qui a tué plus de 2 100 Palestiniens, dont plus de 500 enfants.

Cela survient alors qu’Israël et les États-Unis sont confrontés à une condamnation internationale croissante pour leur traitement des Palestiniens. Le mois dernier, les Nations Unies ont voté 128 à 9 en faveur d’une résolution appelant les États-Unis à abandonner leur récente reconnaissance de Jérusalem en tant que capitale d’Israël. Dans le même temps, mardi, la Suède a critiqué l’administration Trump pour avoir menacé de couper des centaines de millions de dollars d’aide annuelle à l’agence d’aide aux réfugiés palestiniens de l’ONU. L’ambassadeur de la Suède auprès des Nations Unies a déclaré que la coupure de l’aide « serait déstabilisante pour la région ». Le législateur palestinien Hanan Ashrawi a comparé la menace du président Trump de couper l’aide humanitaire à du chantage.

Hanan Ashrawi : Je dirais que les droits des Palestiniens ne sont pas à vendre, et nous ne céderons pas au chantage. Il y a des impératifs et des exigences pour la paix. Et unilatéralement, le Président Trump les a détruits. Il a même saboté nos efforts pour parvenir à une paix juste et obtenir la liberté et la dignité du peuple palestinien. En reconnaissant Jérusalem occupée comme la capitale d’Israël, il s’est non seulement disqualifié en tant que médiateur ou négociateur de paix en prenant parti et en devenant complice de l’occupation israélienne, mais il a aussi totalement saboté, totalement détruit, les fondements mêmes de la paix.

Amy Goodman : Une partie de l’argent de l’aide américaine va aux réfugiés vivant dans la bande de Gaza occupée, la zone la plus densément peuplée du monde. Depuis des années, les Nations Unies et les groupes humanitaires ont averti que les conditions à Gaza sont presque invivables en raison du blocus militaire israélien qui a duré une décennie et des multiples attaques israéliennes contre la région. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, sept personnes sur dix à Gaza vivent de l’aide humanitaire. Le taux de chômage est de 44 %. Les coupures d’électricité peuvent atteindre jusqu’à 20 heures par jour.

Gaza fait l’objet d’un nouveau livre de l’auteur et universitaire Norman Finkelstein. Il est intitulé Gaza : une enquête sur son martyre. Norman Finkelstein est le fils de survivants de l’Holocauste. Il est l’auteur de nombreux autres livres, y compris L’industrie de l’Holocauste : Réflexions sur l’exploitation de la souffrance humaine et On en sait trop : Pourquoi la romance des Juifs américains avec Israël arrive à sa fin.

Norman Finkelstein, nous sommes heureux de vous retrouver à Democracy Now ! Commençons par les dernières nouvelles de ce rapport d’une éventuelle enquête de la CPI – Cour pénale internationale – sur les crimes de guerre durant l’assaut israélien sur Gaza en 2014.

Norman Finkelstein : Eh bien, il y a des enquêtes de longue date de la CPI sur la conduite israélienne, et c’en est une autre phase, la presse israélienne rapporte que ça avance. Le Procureur en chef, Fatou Bensouda, a été très indulgente, tout comme l’ancien Procureur en chef de la CPI, quand il s’agit de poursuivre n’importe qui sauf les Africains. Depuis la fondation de la CPI en 1998, les seules personnes qui ont déjà été jugées sont des dirigeants africains ou des Africains accusés de crimes importants contre les droits de l’homme. Beaucoup d’États africains appellent la Cour Internationale du Caucase et non la Cour criminelle.

Qu’est-ce qui va sortir de tout cela, ce n’est pas clair. Il est possible que le Procureur en chef, Fatou Bensouda, utilise l’affaire de la Palestine pour démontrer que les Africains ne sont pas les seuls à être poursuivis, afin de démontrer qu’elle va mettre fin à cette situation de sans précédent. Je l’ai moi-même contactée parce que, comme je l’ai dit, c’est un processus qui s’est poursuivi sur une longue période, et ce qui s’est passé en 2014, dont je parle longuement dans mon livre, fait partie de l’enquête. Et des gens qui la connaissent et qui ont été enthousiastes à propos de mon manuscrit l’ont aussi contactée.

Je voudrais aussi faire une remarque. Bien sûr, une enquête serait une bonne chose. Bien sûr, une enquête est justifiée. Cependant, nous devons garder à l’esprit que les Palestiniens ont remporté de nombreuses victoires politiques et juridiques importantes. En 2004, la Cour internationale de Justice s’est prononcée en faveur des Palestiniens dans tous les domaines. Ensuite, il y a eu le rapport Goldstone, qui était une autre victoire importante. Le problème n’est pas que les Palestiniens manquent de victoires politiques et juridiques. Le problème est que les dirigeants palestiniens, ou soi-disant dirigeants, n’ont jamais traduit les victoires juridiques et politiques en quelque chose de concret sur le terrain. Et même si – et j’espère que cela arrivera – mais même s’il y a une victoire pour les Palestiniens à la CPI, même si cette possibilité lointaine se réalise, le problème est : que faites-vous avec cela ? Et les dirigeants palestiniens n’ont jamais rien fait avec leurs victoires.

Amy Goodman : Avant d’en venir à votre ouvrage sur Gaza, je voudrais également solliciter votre avis sur cette menace des États-Unis de couper des millions de dollars d’aide à l’UNRWA, l’agence pour les réfugiés palestiniens. Expliquez l’importance de cette agence et pourquoi les Palestiniens comptent tellement sur elle.

Norman Finkelstein : Ok. Tout d’abord, vous devez garder à l’esprit que 70% des Palestiniens à Gaza – appelons-les simplement les Gazaouis – 70% des habitants de Gaza sont classés comme réfugiés. Techniquement, cela signifie, des réfugiés réels et des enfants de réfugiés. Mais selon la catégorisation utilisée à Gaza, ils sont tous classés comme réfugiés. Ca fait donc 70%. Deuxièmement, la moitié de la population de Gaza, ou un peu plus, sont des enfants. Et vous avez donc cette population massive d’enfants réfugiée, et ils dépendent massivement de l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés (de Palestine).

L’UNRWA est financé entre 25 et 30% par les États-Unis, ce qui représente environ 300 millions de dollars par an. Par conséquent, la menace de couper l’argent à l’UNRWA serait dévastatrice pour une population déjà dévastée, dont une écrasante majorité d’enfants. Néanmoins, je voudrais garder les choses dans leur juste proportion. Ce serait sans aucun doute une catastrophe si l’UNRWA n’était plus financée par les États-Unis. Cependant, regardons les chiffres. Nous parlons de 300 millions de dollars par année. Mohammad bin Salman, le prince héritier d’Arabie Saoudite, a payé 500 millions de dollars pour un yacht. Cela aurait couvert toutes les dépenses américaines de l’UNRWA – la partie américaine –, pour plus d’un an. Il a payé 450 millions de dollars pour une peinture de (Léonard) de Vinci. Cela aurait couvert toutes les dépenses des États-Unis, encore une fois, pour plus d’un an. Il a payé 300 millions de dollars pour une maison à Versailles. Cela aurait couvert toutes les dépenses de l’UNRWA des États-Unis. Et Dieu seul sait combien d’argent il a payé pour la chronique de Tom Friedman dans le New York Times.

Amy Goodman : Eh bien, pourquoi n’expliquez-vous pas de quoi vous parlez, l’éditorial du New York Times à propos de Mohammad bin Salman, le prince héritier d’Arabie Saoudite ?

Norman Finkelstein : Il y a des jeunes gens ici, donc je dois faire attention à mon langage. Mais ce n’était rien d’autre qu’une très chère, c’était une…

Amy Goodman : Oui, faites attention. Pas de mots grossiers ici.

Norman Finkelstein : Non, ce ne sont pas des grossièretés. Mais c’était une très longue fellation verbale, probablement la plus chère de l’histoire du monde, qui a été administrée à Mohammad bin Salman, la colonne qu’il a écrite dans le Times. C’était le millésime Tom Friedman. Il se rend en Arabie saoudite pendant trois jours, dit que tout est merveilleux, parle à la sœur du prince héritier, qui est représentative du peuple saoudien, dit qu’ils sont tous très enthousiastes à son sujet, puis il s’en va et écrit cette chronique.

Amy Goodman : Mentionnant à peine, dans cette colonne, entre autres problèmes, le Yémen. Mohammad bin Salman, responsable de l’agression saoudienne soutenue par les États-Unis contre le Yémen.

Norman Finkelstein : Oui. Eh bien, le Yémen est… Vous voyez, le fait est que tous les mouvements réactionnaires et régressifs du monde arabe sont financés par les Saoudiens, que ce soit le Yémen, que ce soit le Bahreïn, que ce soit la Syrie ou l’Egypte. Partout, c’est l’argent saoudien. Et c’est aussi, incidemment, l’argent saoudien qui maintient l’Autorité palestinienne à flot. C’est pourquoi ils doivent tous rendre ho[mmage]… ils doivent tous faire preuve de déférence envers les Saoudiens. C’est un régime pourri et parasitaire.

Amy Goodman : Qu’en est-il de la relation de Jared Kushner avec Mohammad bin Salman ? Et comment influe-t-elle sur la situation ? Il est allé à plusieurs reprises en Arabie Saoudite. Jared Kushner, conseiller principal de son beau-père, le Président Trump, est apparemment responsable du processus de paix au Moyen-Orient. Et ils ont apparemment élaboré un plan – Jared Kushner et Mohammad bin Salman – pour la paix au Moyen-Orient.

Norman Finkelstein : Eh bien, tout d’abord, nous devons regarder le contexte : Jared Kushner ne connait rien à rien. Jared Kushner est seulement là parce qu’il est marié à la fille de Trump. Il est le fils de Charles Kushner. Charles Kushner est un magnat de l’immobilier, un milliardaire qui a la distinction d’avoir été arrêté et d’avoir passé du temps en prison. C’est quelque chose de très rare...

Amy Goodman : Par Chris Christie, quand il était procureur au New Jersey.

Norman Finkelstein : Oui. C’est très rare aux États-Unis pour un milliardaire de passer du temps en prison. Entre autres choses, il a embauché une prostituée et l’a fait photographier avec son beau-frère, puis a présenté la vidéo à sa femme lors d’une réunion de famille. Jared Kushner, il est entré à l’Université d’Harvard parce que l’année où il a postulé, son père a donné 2,3 millions de dollars à Harvard. Tout le monde était d’accord pour dire qu’il n’avait pas les résultats suffisants, il n’avait pas les résultats requis aux tests. Ce sont des gens qui profitent, qui profitent du profit de leurs parents. Personne n’a jamais entendu parler de la moindre connaissance qu’il possèderait au sujet du Moyen-Orient.

Et d’ailleurs, c’est la même chose avec Mohammad bin Salman. Son seul intérêt est… Il n’a qu’un seul intérêt. Et, bien sûr, l’intérêt est de maintenir son pouvoir. Mais le régime saoudien est un régime parasitaire. Littéralement, « travailler » en Arabie Saoudite, le mot « travail » est LE mot de quatre lettres (injure obscène). Si vous dites que vous avez un travail, que vous travaillez, la classe dirigeante saoudienne vous regarde avec mépris. « Vous travaillez ?! » Et donc, les Saoudiens savent que dans leur confrontation actuelle avec l’Iran, ils savent qu’ils ne pourraient pas l’emporter sur l’Iran sur le plan militaire, sur le plan stratégique. Vous savez, l’Iran est une civilisation vieille de 5 000 ans. C’est un endroit très impressionnant. Et ils espèrent que les États-Unis et Israël vont leur tirer les marrons du feu. Ils veulent donc qu’Israël et les États-Unis partent en guerre contre l’Iran. Et donc ils sont prêts à faire n’importe quoi. Vous savez, ils sont prêts à donner la Palestine. Ils donneraient ce studio. Ils l’achèteraient et le donneraient pour que les États-Unis et Israël fassent ce qu’ils veulent. Donc, nous ne parlons pas vraiment d’un plan de paix. Nous parlons de donner à Israël tout ce qu’il veut, en échange d’Israël et des États-Unis qui éliminent l’Iran.