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lundi 30 avril 2018

Conseil de Sécurité : Russie, Bolivie, Chine et Syrie / Interview de Lavrov sur BBC / La Russie démonte la propagande de Londres


Affaires Skripal, Litvinenko et Berezovsky : Moscou répond aux accusations de Londres en publiant des documents accablants

La Syrie au Conseil de Sécurité : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France sont des Etats voyous

Déclaration de la Russie à l'ONU : « L'attaque en Syrie est du hooliganisme, Washington peut mettre fin au conflit en 24 heures »

Interview de Sergueï Lavrov par la BBC

La Bolivie à l'ONU : « Les frappes contre la Syrie sont une attaque contre la communauté internationale »

Déclaration de la Chine au Conseil de Sécurité après les frappes en Syrie : « Le recours à la force est inacceptable »

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La Syrie au Conseil de Sécurité : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France sont des Etats voyous

Le Représentant Permanent de la Syrie auprès des Nations Unies, Bachar al-Ja’fari, a prononcé un discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 14 avril 2018, après que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes unilatérales contre la Syrie.

Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr



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Transcription:

Merci, Monsieur le Président.

Je me félicite de la présence du Secrétaire Général aujourd’hui, en ces moments très importants de l’histoire et des travaux du Conseil de sécurité. Le Secrétaire Général, dans sa déclaration d’hier, a averti que la guerre froide était de retour. C’est parfaitement juste. Nous sommes tous d’accord avec l’exactitude de cette déclaration. Il est important de rappeler, à cette occasion, qui sont ceux qui ont relancé la philosophie de la guerre froide.

Nous nous souvenons bien sûr qu’après l’effondrement de l’ex-URSS, un livre philosophique de Francis Fukuyama a été publié ici (aux Etats-Unis), intitulé La Fin de l’Histoire. Et un autre penseur américain, Samuel Huntington, a écrit Le Choc des civilisations. Ces deux livres ont fondé le retour de la philosophie de la guerre froide. En effet, l’essentiel de ces deux livres énonçait ceci: « Peuples du monde, soit vous suivez la voie tracée par les États-Unis et vous vous soumettez à sa volonté, soit nous vous attaquons. » Comme le dit le dicton américain: « My way or the highway » (Obéis ou expose-toi à des conséquences fâcheuses). Ainsi, la philosophie et l’atmosphère de la guerre froide sont réapparues.

Les mensonges sont inutiles, Mesdames et Messieurs. Les mensonges sont vains. Ils peuvent être utiles au menteur une seule fois. Nous ne pouvons être trompés par un mensonge qu’une seule fois. Mais quand le mensonge est répété, ce mensonge est exposé comme tel et révèle le menteur aux yeux de tous.

Mon collègue, le Représentant de la France, a annoncé que leur agression, aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis, a été menée au nom de la communauté internationale. C’est ce qu’il a dit (en français) : « La communauté internationale. » Je me demande de quelle communauté internationale le représentant français parle. Parle-t-il d’une communauté internationale qui existe réellement? Cette communauté internationale que vous représentez a-t-elle autorisé cette agression tripartite contre mon pays? Vos trois gouvernements ont-ils reçu un mandat du Conseil de sécurité pour attaquer mon pays ?

Mes collègues américains, français et britanniques ont affirmé avoir bombardé des centres de production d’armes chimiques en Syrie. C’est ce qu’ils ont dit. Si les gouvernements de ces trois pays connaissaient l’emplacement effectif de ces centres de production qu’ils prétendent avoir bombardés, pourquoi n’ont-ils pas partagé ces informations avec l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques) ? Pourquoi n’ont-ils pas partagé cette information avec la mission d’enquête présente à Damas avant d’attaquer mon pays ? C’est une question.

En passant, je tiens à vous assurer que le groupe d’experts de l’OIAC est arrivé aujourd’hui à midi. Et bien sûr, leur voyage de Beyrouth à Damas a pris une journée entière de plus que prévu, et nous ne connaissons pas les raisons de ce retard, jusqu’à ce que l’attaque ait eu lieu. C’est comme si quelqu’un s’était assuré que cette équipe d’enquêteurs n’atteindrait pas Damas hier, avant que l’agression n’ait lieu, dans l’attente qu’elle se produise. Mais la délégation est arrivée à Damas aujourd’hui à midi et, comme elle l’a demandé, elle tiendra une réunion consultative dans deux heures, à 19 heures, avec la partie syrienne. Mon gouvernement apportera tout son soutien à cette délégation pour qu’elle puisse mener à bien sa mission.

Le bâtiment du centre de recherche de Barzeh qui a été visé par cette agression tripartite, ce bâtiment même a été visité deux fois l’année dernière par des experts de l’OIAC. Le bâtiment a été minutieusement fouillé. Et ils nous ont remis un document officiel indiquant qu’il n’y avait pas d’activités chimiques dans ce centre et que la Syrie avait respecté ses obligations vis-à-vis de l’OIAC. Maintenant, si les experts de l’OIAC nous ont remis l’année dernière un document officiel qui confirme que ce centre, le centre de recherche de Barzeh, n’avait aucune activité chimique contraire à nos obligations vis-à-vis de l’OIAC, comment conciliez-vous ce fait avec les accusations que nous avons entendues aujourd’hui, selon lesquelles cette agression visait un centre de production d’armes chimiques ?

La collègue des États-Unis a déclaré que le temps de la discussion avait pris fin hier. Le temps de la discussion était terminé. Alors, que faisons-nous aujourd’hui en tant que diplomates et ambassadeurs dans ce Conseil de sécurité ? Notre mission ici est de parler, d’expliquer ce qui se passe, de faire la lumière sur les problèmes. Nous ne sommes pas ici au Conseil de sécurité pour justifier une agression contre tel ou tel pays. Comment pouvons-nous déclarer que la discussion est terminée ? La discussion ne se termine jamais pour les diplomates au Conseil de sécurité si l’objectif est de prévenir une agression et de mettre en œuvre la Charte des Nations Unies et les principes du droit international.

Les collègues britanniques et français ont parlé d’un plan d’action et ont invité le Secrétaire Général à le mettre en œuvre, avant même que le Conseil de sécurité et le gouvernement syrien ne l’aient accepté. Et les étapes de leur plan sont vraiment surprenantes et étonnantes. Je voudrais pour ma part présenter un contre-plan d’action au nom de mon gouvernement, destiné aux trois agresseurs, et qu’ils devraient mettre en œuvre aujourd’hui même. Nous considérons que cela aurait dû être le plan d’action pour aujourd’hui.

Tout d’abord, lire les dispositions de la Charte des Nations Unies afin d’établir la responsabilité de ces trois États dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, plutôt que dans la menace et la destruction de celles-ci. J’ai apporté trois versions de la Charte, deux en anglais et une en français. Peut-être que ces États auraient avantage à relire ce que dit la Charte.

Deuxièmement, ces trois États devraient immédiatement cesser de soutenir de quelque manière que ce soit les groupes terroristes armés dans mon pays. Immédiatement.

Troisièmement, mettre fin aux mensonges et à la fabrication d’allégations pour justifier l’agression continue de ces trois États contre mon pays, la Syrie.

Quatrièmement, ces trois pays devraient se rendre compte qu’après sept années de guerre terroriste imposée à mon pays, la Syrie, une guerre menée par ces pays et leurs instruments dans la région, leurs missiles, leurs navires de guerre et leurs avions ne nous affaibliront pas ni ne briseront notre volonté et notre détermination à vaincre votre terrorisme, et ils n’empêcheront pas notre peuple syrien de décider par lui-même de son propre avenir politique, sans aucune ingérence étrangère. Nous le répétons pour la millième fois : nous ne laisserons aucune interférence étrangère façonner notre avenir. Je vous ai promis hier que nous ne resterions pas inactifs contre toute agression, et le gouvernement syrien a tenu sa promesse. Et je vais vous expliquer de quelle manière le gouvernement syrien a tenu sa promesse.

Permettez-moi maintenant de m’adresser aux membres qui sont réellement attachés au droit international en leur disant que la République Arabe Syrienne, ses alliés et ses amis, et ils sont nombreux, sont parfaitement capables de faire face à l’agression brutale que mon pays a subie ce matin. Ce que nous vous demandons aujourd’hui, aux diplomates et ambassadeurs attachés à la légitimité internationale et à la Charte des Nations Unies, est de demander aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France de lire les dispositions de la Charte des Nations Unies concernant la protection de la souveraineté des Etats et le non-recours à la force dans les relations internationales. Et peut-être que les gouvernements de ces trois pays se rendront compte, ne serait-ce qu’une fois, que leur rôle dans ce Conseil est de maintenir la paix et la sécurité internationales plutôt que de les saper. Comme je viens de le dire, j’ai trois exemplaires de la Charte. Je demande au Secrétariat de les distribuer aux trois délégations afin qu’ils puissent éclairer leur ignorance et leur tyrannie.

Monsieur le Président, en violation flagrante du droit international et des lois et principes des Nations Unies, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, à 3h55 ce matin, le samedi 14 avril 2018, heure de Damas, ont mené une agression abjecte contre la République Arabe Syrienne. Cette agression s’est élevée à environ 110 missiles lancés contre le territoire de la République Arabe Syrienne, à Damas, la capitale, et dans d’autres villes et régions. 110 missiles.

En réponse à cette agression brutale, la République Arabe Syrienne a exercé ses droits légitimes à se défendre garantis par l’article 51 de la Charte des Nations Unies et a repoussé cette agression inique. Les défenses aériennes syriennes ont fait face aux missiles des agresseurs tripartites et ont réussi à en intercepter un certain nombre, même si certains d’entre eux ont effectivement touché le centre de recherche de la région de Barzeh dans la capitale Damas (non pas à l’extérieur mais bien à l’intérieur de la capitale), un centre de recherche incluant des laboratoires. Heureusement, les dommages ont été seulement matériels. Certains des missiles « beaux, nouveaux et intelligents » qui visaient une installation militaire près de la ville de Homs ont été détournés. L’explosion de l’un d’eux a blessé trois civils.

Les gouvernements de trois États avaient préparé le terrain pour leur agression brutale par des déclarations hostiles de leurs plus hauts fonctionnaires affirmant que leur seule excuse pour entraver les progrès de l’Armée Arabe Syrienne contre les groupes armés terroristes serait l’utilisation d’armes chimiques. Et effectivement, les signaux de ces agresseurs sont parvenus aux groupes armés, et dans une course contre la montre, ces groupes ont présenté cette mascarade d’utilisation d’armes chimiques à Douma. Ils ont utilisé de faux témoins, créé une fausse scène de la pseudo-attaque, comme ils l’ont fait auparavant, et ont ainsi fourni le prétexte à cette agression brutale, qui ne peut s’expliquer que par le fait que les agresseurs, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, ont décidé d’intervenir directement afin de venger la défaite de leurs proxies terroristes dans la Ghouta.

À propos, Mesdames et Messieurs, ceux qui ont mis en scène la mascarade d’attaque chimique à Ghouta ont été capturés et ont admis devant des caméras qu’ils avaient fabriqué toute l’histoire du début à la fin. Nous avons cet enregistrement et nous sommes prêts à le fournir à la Présidence de l’ONU si elle le souhaite.

Mesdames et Messieurs, je voudrais attirer l’attention de ceux d’entre vous qui sont attachés au droit international et à la Charte des Nations Unies sur le fait que cette agression flagrante transmet un nouveau message des trois agresseurs aux groupes terroristes en leur disant de continuer à utiliser des armes chimiques à l’avenir et de commettre leurs crimes terroristes, non seulement en Syrie mais aussi dans d’autres pays. Il n’y aucun doute à ce propos.

Dans 146 lettres, nous avons attiré votre attention sur la possession d’armes chimiques par les groupes terroristes et sur leurs plans de les utiliser en Syrie. 146 lettres sont entre vos mains et entre les mains des institutions internationales. Certains essaient aujourd’hui de réinventer la roue et de déterminer le sexe des anges. Vous savez tous, Mesdames et Messieurs, que cette agression a eu lieu au moment où une équipe d’enquête de l’OIAC était censée arriver en Syrie à la demande du gouvernement de mon pays pour enquêter sur l’attaque chimique présumée de Douma. Donc, en un mot, le message principal que ces trois pays adressent à vous et au monde entier est qu’ils se moquent complètement de votre autorité en tant que membres du Conseil de sécurité, et qu’ils ne veulent pas d’une enquête transparente et indépendante. Ils font des efforts pour saper le travail de l’équipe d’enquête et préjugent ses conclusions, faisant pression sur les experts pour qu’ils couvrent leurs mensonges et leurs fabrications et ne les exposent pas, comme cela s’est produit il y a six ans en 2013 avec le Dr. Sellström entre Damas et Khan al-Assal, comme je vous l’ai expliqué dans une déclaration précédente.

Comme l’a dit mon cher ami l’ambassadeur de la Bolivie, il s’agit d’une attaque contre la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité et le droit international, une attaque contre 193 États membres des Nations Unies. Les efforts de Washington, Londres et Paris pour faire échouer la mission d’établissement des faits de l’ONU correspondent à une pratique historique continue, en dépit du fait que ces trois pays continuent d’affirmer pompeusement leur prétendu soutien à de telles institutions internationales. Dans le même temps, au sein des Nations Unies, ils ont recours à des pressions politiques et à des provocations derrière des portes closes afin d’empêcher l’ONU d’accomplir ses missions. Ils s’efforcent de faire dévier l’ONU de son mandat et des objectifs pour lesquels elle a été fondée.

Nous rappelons ce qui est arrivé à toutes les missions d’enquête qui étaient responsables de l’Irak, de la Libye, de la Yougoslavie et de l’Afrique. Aucune mission d’enquête ne peut jamais réussir tant qu’elle est soumise à des provocations, à du chantage et à des pressions politiques. C’est impossible.

Aux trois agresseurs, je dis que vous êtes des imposteurs, des hypocrites et des menteurs. Vous luttez pour l’échec de toute action de l’ONU qui ne poursuit pas vos intérêts. Depuis que l’ONU a été fondée, vous avez continué à essayer d’exploiter et d’obscurcir toutes les entreprises et les réalisations des institutions internationales. L’histoire des missions d’enquête et d’établissement des faits en Irak, en Yougoslavie, en Libye, en Syrie et en Afrique témoigne du fait que ce que vous dites est très différent de ce que vous faites. Vous avez épuisé les agendas du Conseil de sécurité pendant des décennies, en le détournant de son rôle visant à établir la paix et la sécurité dans le monde, et en faisant un instrument dans la poursuite de vos politiques agressives de colonialisme et d’ingérence.

Hier soir, Monsieur le Président, le titre principal des médias américains et occidentaux était la diffusion de mensonges et de duperies exercée dans le cadre d’une campagne de désinformation déjà exercée par le passé, et destinée à promouvoir une fausse victoire et des succès illusoires. Ils savent très bien que ce ne sont que des mensonges.

Pendant que ces trois gouvernements commettaient leur agression brutale contre mon pays, la Syrie, notre système de défense aérienne l’a contrée avec une grande expertise, en interceptant ces 100 missiles et en empêchant la plupart d’entre eux d’atteindre leur cible. En même temps, le ministre américain de la Défense, aux côtés du Commandant des forces américaines et de l’agression, se tenait à la tribune d’une mise en scène vraiment étonnante par son niveau de mensonges et de distorsions de la réalité. Comme vous l’avez tous vu hier, ils sont restés incapables de répondre aux questions factuelles pour lesquelles l’opinion mondiale attend une réponse.

Moi-même, avec des millions de téléspectateurs, j’ai eu pitié d’eux pendant ce spectacle, debout comme deux élèves honteux, répétant des phrases dénuées de sens qui ne répondaient pas aux questions d’un journaliste qui essayait de clarifier les faits quant à cette frappe contre des cibles soi-disant pleines d’armes chimiques et les grands dangers que cela représenterait pour les civils à cause de la propagation et de l’évaporation de ces substances alléguées. Il n’y a pas eu de réponse. Et ils ont également été incapables de répondre à un autre journaliste qui a demandé au ministre américain de la Défense, et je cite: « Vous avez dit hier sur cette plateforme que vous n’aviez aucune preuve que le gouvernement syrien avait lancé cette attaque chimique à Douma. Qu’est-ce qui s’est donc passé ces dernières heures ?
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ? »La réponse fut que dans les quelques heures qui précédèrent, il avait reçu une confirmation des services de renseignement.

La République Arabe Syrienne condamne avec la plus grande fermeté cette agression tripartite entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, qui démontre indubitablement qu’ils n’ont aucun respect pour le droit international, même s’ils en parlent constamment, à plusieurs reprises, menteurs et calomniateurs qu’ils sont. Ces pays ont montré leur foi dans la (seule) loi de la jungle et la logique de la force, alors qu’ils occupent des sièges permanents au Conseil de sécurité, étant chargés par les États membres des Nations Unies de la responsabilité fondamentale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, et d’arrêter toute agression conformément aux principes et à la Charte des Nations Unies.

La Syrie est dégoûtée de la position honteuse des dirigeants de l’Emirat du Qatar qui ont soutenu cette agression colonialiste occidentale tripartite contre la Syrie, et ont permis à sa lave d’être lancée à partir de la base aérienne américaine d’Al-Udeid au Qatar. Il n’est pas surprenant que les gamins qui dirigent l’émirat du Qatar prennent cette position, car ils ont soutenu les bandes terroristes des Frères musulmans et d’autres de diverses manières, afin de briser la stabilité des pays arabes, en particulier la Syrie.

La République Arabe Syrienne demande à la communauté internationale, si elle existe bel et bien – nous avons entendu une nouvelle définition de la communauté internationale aujourd’hui –, et au Conseil de sécurité de condamner fermement cette agression, qui ne fera qu’aggraver les tensions dans la région et dans le monde et constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Mesdames et Messieurs, ceux d’entre vous qui sont attachés au droit international, je vous invite à imaginer avec moi la scène de la réunion qui s’est tenue hier au Conseil de sécurité américain durant lequel ils ont décidé d’attaquer la Syrie. Voilà ce que j’imagine qu’ils se sont dit : « Nous n’avons aucune base légale pour une frappe militaire contre la Syrie. Nous n’avons aucune preuve qu’une attaque chimique ait même eu lieu à Douma. Mais mettons tout cela de côté, car nous n’avons jamais eu besoin, dans aucune des actions militaires que nous avons menées, de recourir au droit international ou à tout prétexte légal. » Puis ils continuent à se parler, c’est comme ça que j’imagine la réunion d’hier : « Cette attaque militaire est nécessaire pour nous et nos alliés, afin que l’opinion publique de nos pays puisse être détournée des scandales de nos politiciens, et pour que les dirigeants corrompus de certains pays du Golfe paient la facture de cette agression. Et surtout, pour que nous protégions le terrorisme que nous avons nourri pendant des années en Syrie. »

Merci, Monsieur le Président.

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Déclaration de la Russie à l'ONU : « L'attaque en Syrie est du hooliganisme, Washington peut mettre fin au conflit en 24 heures»

Discours du représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vassily Nebenzia, au Conseil de sécurité de l'ONU le 14 avril 2018, suite à l'agression unilatérale de Washington, Londres et Paris contre la Syrie.



(Version alternative en cas de censure)
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Transcription :

Merci, Monsieur le Président.

La Russie a convoqué cette réunion urgente du Conseil de Sécurité pour discuter des actions agressives des Etats-Unis et de leurs alliés contre la Syrie. C’est la cinquième réunion à ce sujet cette semaine. Le Président de la Fédération de Russie, [Vladimir] Poutine, a fait une déclaration spécifique aujourd’hui et je vais le citer.
 
« Le 14 avril, les États-Unis, appuyés par leurs alliés, ont lancé une frappe aérienne contre des cibles militaires et civiles de la République Arabe Syrienne. Un acte d’agression contre un État souverain qui est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme a été commis sans mandat du Conseil de sécurité de l’ONU et en violation de la Charte des Nations Unies et des normes et principes du droit international.
 

Tout comme il y a un an, lorsque la base aérienne de Shayrat en Syrie a été attaquée, les Etats-Unis ont utilisé comme prétexte une mise en scène d’attaque chimique contre des civils, cette fois à Douma, une banlieue de Damas. Après avoir visité le site de l’attaque chimique présumée, les experts militaires russes n’ont pas trouvé la moindre trace de chlore ou de tout autre agent toxique. Aucun résident local n’a pu confirmer qu’une attaque chimique avait réellement eu lieu.
 
L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques a envoyé ses experts en Syrie afin d’enquêter sur toutes les circonstances des faits allégués. Cependant, en signe de mépris cynique, un groupe de pays occidentaux a décidé de prendre des mesures militaires sans attendre les résultats de l’enquête.
 
La Russie condamne dans les termes les plus vigoureux l’attaque contre la Syrie, où des militaires russes assistent le gouvernement légitime dans ses efforts de lutte contre le terrorisme.
 
Par leurs actions, les Etats-Unis aggravent la situation humanitaire déjà catastrophique en Syrie et infligent des souffrances aux civils. En réalité, les États-Unis flattent bassement les terroristes qui tourmentent le peuple syrien depuis sept ans, ce qui a entraîné une vague de réfugiés fuyant ce pays et la région.
 
L’escalade actuelle autour de la Syrie est destructrice pour l’ensemble du système des relations internationales. L’histoire rétablira la vérité des faits, et Washington porte déjà la lourde responsabilité de l’outrage sanglant en Yougoslavie, en Irak et en Libye. »
 
La Russie fait tout son possible pour convaincre les Etats-Unis et leurs alliés de renoncer à leurs plans militaires qui pourraient conduire à une nouvelle spirale de violence en Syrie et déstabiliser le Moyen-Orient.
 
Le Secrétaire Général des Nations Unies, lors des réunions du Conseil de Sécurité que nous avons convoquées hier et aujourd’hui, a fait part de ses préoccupations quant à la tournure que prennent les événements. Cependant, Washington, Londres et Paris ont préféré ignorer les appels au bon sens. Les États-Unis et leurs alliés continuent de faire preuve d’un mépris flagrant pour le droit international. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité, ils devraient être particulièrement fermes dans la protection des dispositions de la Charte des Nations Unies.
 
Il était honteux d’entendre la manière dont, pour justifier l’agression, un article de la Constitution américaine a été mentionné. Nous avons le plus grand respect pour le droit de chaque État de respecter sa propre loi fondatrice. Cependant, il est temps que Washington apprenne que le code de conduite international concernant le recours à la force est réglementé par la [seule] Charte des Nations Unies. Il sera intéressant de voir ce que les peuples de Grande-Bretagne et de France vont penser quand ils découvriront que leur gouvernement a pris part à une entreprise militaire illégale en se référant à la Constitution américaine.
 
Vous êtes constamment tentés par le colonialisme et le néocolonialisme. Vous n’avez que du mépris pour la Charte des Nations Unies et le Conseil de Sécurité, que vous essayez scandaleusement d’utiliser à vos propres fins. Vous ne faites aucun travail significatif au Conseil de Sécurité. Vous ne nous consultez pas et vous prétendez mensongèrement le contraire. Vous sapez l’autorité du Conseil de Sécurité.
 
Comme prétexte à l’agression, vous avez mentionné l’utilisation présumée d’armes chimiques dans la ville syrienne de Douma. Les représentants de la Russie, après une inspection par nos experts, ont déclaré sans équivoque qu’aucun incident de ce genre n’avait eu lieu. De plus, nous avons retrouvé des personnes qui ont participé à cette mise en scène. En réalité, les organisateurs de cette mise en scène étaient des services de renseignement étrangers. Après cet événement, les autorités syriennes ont immédiatement invité des experts. Ils ont mené une mission sur le terrain à Douma pour établir les faits. Rapidement, ces formalités ont été résolues et des garanties de sécurité ont été fournies. Au moment des frappes, les experts étaient déjà en Syrie et s’apprêtaient à commencer leur travail.

Je voudrais rappeler aux membres du Conseil de Sécurité et à tout le monde que le 10 avril, lorsque notre projet de résolution sur le travail sécurisé de la mission spéciale de l’OIAC a été bloqué, on nous a assuré qu’un tel document n’était pas nécessaire. On nous a dit que la mission, sans action supplémentaire du Conseil de Sécurité, se rendrait sur le site et mènerait une enquête sur l’incident chimique présumé de Douma. Maintenant, il est clair que nous avions parfaitement raison.
 
Hier, certains de nos collègues nous ont expliqué – certains naïvement, d’autres cyniquement – la prétendue raison de la situation, à savoir l’absence d’un mécanisme d’enquête indépendant. L’agression a démontré que ce n’est pas du tout la question, comme nous l’avions déjà affirmé. Au cours de l’attaque de l’année dernière contre la base aérienne syrienne de Shayrat, le Mécanisme d’Enquête Conjoint (MEC) des Nations Unies et de l’OIAC avait été mis en place. Cela n’a pas empêché les États-Unis de mener une attaque de missiles. Ensuite, de fait, le MEC s’est assuré que ses conclusions coïncidaient avec les raisons [alléguées] des frappes américaines.
 
Nous avons affirmé à plusieurs reprises qu’en réalité, vous n’avez pas besoin d’enquête. Vous n’en aviez pas besoin alors et vous n’en avez pas besoin aujourd’hui. Les organisateurs de l’agression n’ont même pas attendu l’établissement basique des faits par une organisation internationale autorisée à le faire. Ils prétendent tout déterminer seuls et établir d’eux-mêmes qui était coupable.
 
Et ce étant donné qu’ils ont eux-mêmes, avec les combattants qui étaient sous leur contrôle, diffusé toutes sortes de rumeurs en utilisant les réseaux sociaux. Ils ont confirmé cela par le biais de soi-disant renseignements secrets. De mythiques renseignements secrets. Mesdames et messieurs, les Casques blancs ont encore frappé. Nous étions déjà habitués au fait que lorsqu’ils mènent leurs politiques géopolitiques douteuses, les pays agresseurs accusent d’avance le « régime d’Assad ». Dernièrement, ils tendent à transférer la responsabilité sur la Russie, qui selon leur interprétation ne peut pas contrôler le dictateur. Tout cela est basé sur une mécanique qui a été bien huilée : une provocation, des accusations mensongères, un verdict et un châtiment. Est-ce ainsi que vous voulez que les affaires internationales soient menées maintenant ? C’est du pur hooliganisme dans les relations internationales. Et non du hooliganisme mineur, étant donné que nous parlons des plus grandes puissances nucléaires.

Plusieurs frappes ont été menées contre les centres de recherche scientifique de Barza et de Jamaraya. Récemment, deux inspections de l’OIAC ont été menées avec un accès illimité à toutes les installations. Les experts n’ont trouvé aucune trace d’activité qui contreviendrait à la convention sur les armes chimiques. Les installations scientifiques en Syrie sont utilisées uniquement pour des activités pacifiques visant à renforcer l’efficacité de l’activité économique en Syrie. Vous voulez que la Syrie n’ait aucune économie ? Vous voulez renvoyer ce pays à l’âge de pierre ? Il y a quelques années à peine, ce pays était l’un des plus développés du Moyen-Orient. Vous voulez terminer ce que vos sanctions n’ont pas encore réalisé ?

En même temps, vous versez des larmes de crocodile sur la souffrance des Syriens du quotidien. Les Syriens du quotidien sont fatigués de la guerre et heureux que leur autorité légitime ait libéré leur territoire. Vous vous moquez bien de leur souffrance. Vos actions agressives contribuent à aggraver la situation humanitaire qui, à en croire vos déclarations, vous inquièterait tellement.

En 24 heures, vous pourriez mettre fin au conflit en Syrie. Pour cela, Washington, Londres et Paris n’ont qu’à donner l’ordre à leurs terroristes triés sur le volet de cesser le combat contre les autorités légitimes et contre leur propre peuple.

Les frappes ont été menées contre des aérodromes militaires syriens qui sont utilisés dans le cadre d’une opération contre des organisations terroristes. C’est une contribution tout à fait originale à la lutte contre le terrorisme international qui, comme Washington ne cesse de le répéter, serait le seul but de sa présence militaire en Syrie. Nous avons de sérieux doutes à ce sujet. Il semble qu’il soit clair que ceux qui, en Occident, se drapent d’une rhétorique humanitaire en essayant de justifier leur action en Syrie censée vaincre les djihadistes, visent en réalité à démembrer le pays. Cela est confirmé par le fait que les Etats-Unis ont refusé de participer à la reconstruction des zones de Syrie qui ont été libérées des djihadistes.

Enfin, votre agression constitue une frappe et une menace majeures contre la possibilité de poursuivre le processus politique sous les auspices de l’ONU, qui, malgré des difficultés objectives, avançait à des vitesses variables. Que valent donc vos références constantes au processus de Genève si vous détruisez vous-mêmes ce processus par vos actions ?

Nous appelons les États-Unis et leurs alliés à mettre immédiatement fin aux actions agressives contre la Syrie et à y renoncer à l’avenir.
 
Nous soumettons à votre attention un bref projet de résolution sur lequel nous exigerons un vote à la fin de cette réunion. Nous aimerions nous adresser aux membres du Conseil de sécurité. Aujourd’hui, ce n’est pas le moment de se dérober à vos responsabilités. Le monde vous regarde. Prenez une position de principe.
 
Je vous remercie.

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Interview de Sergueï Lavrov par la BBC

Interview du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov pour l'émission Hard Talk sur la chaîne BBC, Moscou, 16 avril 2018 



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Transcription :

Journaliste : Sergueï Lavrov, bienvenu à Hard Talk. La semaine dernière, le monde entier était profondément préoccupé par l'éventualité d'un conflit armé direct entre les USA et la Russie. D'après vous, dans quelle mesure avons-nous frôlé un tel scénario ?

Sergueï Lavrov : Je ne pense pas que nous ayons été très proches. Je pense que cette situation a été créée par nos collègues occidentaux qui se sont comportés de manière très irresponsable. Ils ont accusé les autorités syriennes d'avoir utilisé des armes chimiques contre la population civile et en même temps ils nous ont accusés en tant qu'alliés du gouvernement syrien. Sachant qu'ils l'ont fait sans attendre que les inspecteurs de l'OIAC visitent les lieux. En réalité, c'est au moment précis où les représentants de l'OIAC étaient prêts à se rendre du Liban en Syrie que ces frappes ont eu lieu. Comme l'ont expliqué nos militaires, le canal de liaison pour empêcher des incidents imprévus (ce qu'on appelle le ‘deconflicting’) fonctionne en permanence.

Journaliste : Donc pour être clair et éviter le jargon, ai-je bien compris que les Etats-Unis et leurs alliés vous ont préalablement informés des frappes en préparation, et vous, de votre côté, vous avez assuré que la Russie ne riposterait pas ?


Sergueï Lavrov : Je préférerais ne pas entrer dans les détails concernant ces contacts de travail entre nos militaires. Les militaires russes et américains ont un canal de liaison aussi bien entre les deux capitales qu'en Syrie même, et nos militaires discutent très professionnellement entre eux toutes ces questions. Ils se comprennent très bien. Ils comprennent probablement mieux que personne tout le risque de telles aventures.

Journaliste : Monsieur Lavrov, cette crise n'est pas terminée, n'est-ce pas ?

Sergueï Lavrov : Cela dépend de ceux qui ont organisé toute cette crise.

Journaliste : En regardant les déclarations de vos diplomates, la conclusion s'invite d'elle-même. Par exemple, votre ambassadeur aux USA a déclaré que ces frappes aériennes ne resteraient pas sans conséquences. Vladimir Poutine l'a qualifié d'acte illégal d'agression. Le monde veut savoir ce que la Russie a l'intention de faire ?

Sergueï Lavrov : C'est un constat des faits. Et il y a forcément des conséquences. Je dirais que nous avons perdu les restes de confiance à nos amis occidentaux qui préfèrent s'appuyer dans leurs actions sur une logique très étrange – ‘il n'y a pas de punition sans culpabilité’. Par exemple, ils nous punissent d'abord pour Salisbury et ensuite attendent que Scotland Yard termine l'enquête. D'abord ils punissent pour Douma en Syrie et ensuite ils attendent que les experts de l'OIAC viennent et examinent les lieux. Autrement dit, cette ‘troïka’ de pays occidentaux agit selon le principe ‘si vous êtes punis, vous êtes coupables’.

Journaliste : En ce qui concerne les incidents que vous avez mentionnés – Douma et l'affaire Skripal – nous en reparlerons en détail avec vous. Mais d'abord je voudrais encore parler avec vous de l'état de nos relations diplomatiques. La Représentante permanente des USA auprès de l'ONU Nikki Haley a déclaré que les Etats-Unis restaient ‘en état opérationnel’. Comment pouvez-vous réagir à ce genre de déclarations ?

Sergueï Lavrov : Il me semble qu'il leur faudrait d'abord remettre de l'ordre à la maison, à Washington. Nous pensons que les déclarations de ce genre peuvent être faites seulement par le chef des armées ou la direction militaire. Comme je l'ai dit, les militaires russes et américains disposent d'un canal de liaison pour prévenir les incidents imprévus, mais c'est une information confidentielle.

Journaliste : Vous parlez de déficit de confiance, plus exactement vous parlez d'une absence totale de confiance entre la Russie et les Etats-Unis.

Sergueï Lavrov : J'ai dit que nous sommes en train de perdre les restes de confiance, nous ne sommes pas encore à 0.

Journaliste : Pas encore 0. Je me demande simplement, au niveau le plus basique, quand vous, Ministre russe des Affaires étrangères, vous vous levez le matin et vous lisez sur Twitter que le Président américain et chef des armées vous menace de facto et vous dit: ‘La Russie, tiens-toi prête! Des missiles beaux neufs et intelligents arrivent!’, que pensez-vous à ce sujet ?

Sergueï Lavrov : Eh bien je me dis que le Président américain a publié un Tweet.

Journaliste : Et comment réagissez-vous à ses Tweets ?

Sergueï Lavrov : Comme on dit, il faut juger sur pièces. Nous avons décidé de voir comment ces missiles ‘beaux, neufs et intelligents’ se montreront pendant les frappes, et nous avons calculé que les deux tiers des missiles n'ont pas atteint leur cible parce qu'ils ont été interceptés.

Journaliste : Mais vous n'avez aucune preuve, n'est-ce pas ?

Sergueï Lavrov : Le Ministère russe de la Défense a présenté son appréciation et il est prêt pour une discussion professionnelle à ce sujet.

Journaliste : Nous reviendrons encore sur la véracité de l'information fournie par tous les acteurs de ce conflit, mais à présent parlons un peu de diplomatie. La Première ministre britannique Theresa May et le Président français Emmanuel Macron ont très clairement souligné dans leurs déclarations que l'unique objectif de cette opération était de diminuer et d'empêcher l'usage de l'arme chimique par les autorités syriennes. L'opération n'avait pas pour but d'influencer le déroulement du conflit syrien et ne visait certainement pas à renverser le régime syrien à Damas.

Sergueï Lavrov : C'est ce qu'ils disent.

Journaliste : Et vous n'êtes pas d'accord ?

Sergueï Lavrov : Non, nous ne sommes pas d'accord. Votre émission s'appelle ‘Hard talk’ (discussion difficile), or nous avons besoin de ‘hard facts’ (des faits concrets). Et toutes ces déclarations sur le ‘highly likely’ (très probablement) sont tout simplement ridicules.

Journaliste : Pardon, quand vous dites ‘très probablement’, vous faites allusion à l'analyse selon laquelle les forces gouvernementales d'Assad ont utilisé l'arme chimique à Douma ?

Sergueï Lavrov : Non, quand je parle de l'expression ‘highly likely’, je veux dire que c'est une nouvelle invention de la diplomatie britannique derrière laquelle se cache le Royaume-Uni quand il punit les gens. Il déclare que ces gens sont ‘très probablement’ coupables. Vous savez, dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll il y a la scène du procès, et quand le roi demande: ‘Faut-il d'abord écouter les jurés ?’, la reine crie: ‘Non! D'abord la condamnation et le verdict des jurés ensuite!’ Voilà ce qu'est la logique du ‘très probablement’.

Journaliste : D'accord, c'est votre avis. Parlons de ce qui s'est passé à Douma. Permettez-moi de commencer d'abord par une question très simple. La Russie s'oppose à l'usage de l'arme chimique et pense que ceux qui utilisent l'arme chimique doivent être sanctionnés, n'est-ce pas ?

Sergueï Lavrov : Est-ce une question ? Je pensais que vous étiez bien mieux informé concernant la position russe à ce sujet. Vous posez une question avec une réponse évidente.

Journaliste : C'est évident, vous êtes d'accord. Parce que vous avez signé des accords appropriés, vous partagez la détermination de la communauté internationale à faire interdire et à éliminer complètement les armes chimiques.

Sergueï Lavrov : Oui, et bien plus, en 2017, nous avons terminé le programme de destruction de l'arme chimique en Russie, et cela a été officiellement confirmé par l'OIAC. Tout le Comité exécutif de l'OIAC a salué cette démarche. Alors que les USA, malheureusement, n'ont pas encore tenu leurs engagements, et au lieu de cela ils préfèrent le repousser éternellement.

Journaliste : Mais si je viens d'affirmer une évidence et que l'engagement de la Russie à ce sujet est clair, vous voulez donc certainement que les coupables de l'usage des armes chimiques à Douma (et leur usage est confirmé par des preuves accablantes) soient punis ?

Sergueï Lavrov : Attendez, attendez. Vous allez trop vite en besogne concernant les ‘faits’, encore une fois.

Journaliste : Je ne pense pas.

Sergueï Lavrov : Il n'y a aucune preuve de l'usage des armes chimiques à Douma le 7 avril, et vous avez déjà...

Journaliste : Mais il y a des preuves

Sergueï Lavrov : Pouvez-vous... Pouvez-vous [arrêter de m'interrompre] ?

Journaliste : Emmanuel Macron et les Français ont clairement dit qu'ils disposaient d'informations sur les vols d'hélicoptères syriens gouvernementaux au-dessus de Douma. Ils ont des photos de bouteilles de gaz retrouvées sur les lieux de l'attaque. Ils ont également enregistré tous les usages d'armes chimiques par le gouvernement syrien durant les dernières années. Si vous combinez tout ces éléments, dans la mesure ou les Français, les Américains, les Britanniques...

Sergueï Lavrov : Je ne peux pas me permettre d'être impoli envers d'autres chefs d'Etat (ni envers le chef de mon Etat, évidemment), mais vous avez cité des dirigeants de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Mais franchement, toutes les preuves auxquelles ils se réfèrent sont tirées des médias et des réseaux sociaux. Par exemple, les bouteilles de gaz. J'ai vu cette photo – une bouteille de gaz sur un lit, alors que le lit est intact, la vitre de la fenêtre n'est pas brisée. Ecoutez, vous devez être un peu plus sérieux. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi frapper (la Syrie) si le lendemain, les inspecteurs de l'OIAC vont se rendre sur les lieux pour examiner ce qu'ils affirment s'être passé ?

Journaliste : Le représentant américain de l'OIAC dit qu'il y a de sérieuses raisons de craindre que la Russie tentait de détruire les preuves à Douma. Pouvez-vous affirmer de votre côté que la Russie ne faisait rien de tel ?

Sergueï Lavrov: Oui, je peux le garantir, mais vous savez, c'est absolument la même logique que Theresa May concernant Salisbury. Quand nous avons posé des dizaines de questions, quand nous avons demandé d'organiser une enquête conjointe, quand nous avons demandé un accès au processus de prélèvement d'échantillons, elle a répondu non, qu'ils ne répondront à aucune question tant que la Russie ne répondra pas aux leurs. Or la seule question qui nous était posée était celle-ci: "Expliquez nous comment vous l'avez fait. Est-ce Vladimir Poutine qui a ordonné d'empoisonner ces deux malheureuses personnes? Ou est-ce dû au fait que vous avez perdu le contrôle de vos réserves d'armes chimiques?" Pour toute personne raisonnable, c'est une situation particulièrement étrange... Mais revenons à Douma. 

Journaliste : Oui, je reviendrai aux Skripal, mais revenons à Douma et à la question de la crédibilité. Vous avez d'abord déclaré que l'incident (chimique) à Douma n'avait pas eu lieu. Puis la Russie a changé de position et déclaré que quelque chose s'est effectivement produit, mais que c'était une mise en scène fabriquée par des pays russophobes.

Sergueï Lavrov : En effet, il n'y a pas eu d'incident (chimique). Ce qu'il y a eu, c'est une mise en scène. Aucune arme chimique n'a été utilisée.

Journaliste : Vous pensez que le Royaume-Uni est impliqué dans cette fausse attaque à l'arme chimique à Douma, n'est-ce pas ?

Sergueï Lavrov : L'Histoire a connu plusieurs tels précédents de ces dernières décennies. Ce que nous pensons effectivement, et nos renseignements pourraient partager les informations nécessaires avec leurs collègues britanniques, c'est…

Journaliste : Mais vous dites que vous avez des preuves irréfutables que c'est un faux, une mise en scène. Vous dites que les volontaires des Casques blancs y sont impliqués. Où sont vos preuves irréfutables ?

Sergueï Lavrov : Pour obtenir les preuves irréfutables il faut se rendre sur les lieux, et le...

Journaliste : Où sont les preuves irréfutables que tout cela a été mis en scène par les Casques blancs avec le soutien du gouvernement britannique ? Nous parlons de crédibilité. Où est votre crédibilité ?

Sergueï Lavrov: Ce que j'ai dit, c'est que les Casques blancs, on le sait, travaillent uniquement sur le territoire contrôlé par l'opposition, notamment le groupe Front al-Nosra. On sait que les Casques blancs tirent (régulièrement) la sonnette d'alarme concernant des prétendus incidents chimiques, comme il y a un an à Khan Cheikhoun, qui s'est avéré être un faux du début à la fin. Tout le monde sait que les Casques blancs sont financés par plusieurs pays, le Royaume-Uni y compris.

Journaliste : Mais ce ne sont pas des preuves irréfutables.

Sergueï Lavrov: Une seconde. Des preuves irréfutables de quoi ?

Journaliste : Vous avez dit avoir des preuves irréfutables qu'un pays russophobe, et vous vouliez dire le Royaume-Uni, travaillait conjointement avec les Casques blancs pour mettre en scène l'incident.

Sergueï Lavrov : Une seconde. Pourquoi dites-vous que j'ai désigné les Royaume-Uni ? Il ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit. J'ai dit ‘un Etat qui cherche à être le premier dans les rangs de la campagne russophobe’. Alors essayez de me citer sans déformer, sinon ce n'est pas très professionnel.

Alors, en parlant de preuves irréfutables, les inspecteurs de l'OIAC ont accepté de mener une enquête pour savoir ce qui s'est passé à Douma. Ils sont venus au Liban. Les autorités syriennes leur ont dit qu'ils obtiendraient immédiatement leur visa en arrivant à la frontière. Sept heures après cela la Syrie a été frappée. Pourquoi le faire à la veille de l'arrivée des inspecteurs ?

Journaliste : S'il s'avérait que les gouvernements de la France, du Royaume-Uni et des USA avaient raison et que vous aviez tort, et si le Président syrien Bachar al-Assad continuait d'utiliser l'arme chimique, comme il l'a fait en 2013 dans la Ghouta faisant jusqu'à un millier de morts, comme il l'a fait il y a un an à Khan Cheikhoun ou comme il vient de le faire à Douma, selon les Américains et leurs alliés. S'il s'avérait qu'ils ont raison et que vous avez tort, reconnaitrez-vous que le Président Bachar al-Assad doit être puni ? 

Sergueï Lavrov : Vous savez, vous ne m'entendez pas. Plus exactement vous ne m'écoutez pas. Je viens de dire que l'acte d'agression a été commis moins d'une journée avant l'arrivée sur les lieux de l'attaque chimique supposée des inspecteurs internationaux, dont des citoyens américains, si je comprends bien.

Maintenant, en ce qui concerne ce qui s'est passé il y a un an à Khan Cheikhoun. C'était le 4 avril. Le lendemain le Secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson m'a téléphoné et a demandé d'obtenir des autorités syriennes un accord pour permettre aux inspecteurs internationaux d'examiner la base aérienne d'où a décollé l'avion qui aurait embarqué cette bombe chimique. Le lendemain matin nous avons dit aux Américains que l'accord était obtenu. Ils ont répondu, ‘non, merci’ et ont frappé le lendemain. Nous avons demandé que les inspecteurs de l'OIAC se rendent sur les lieux, mais on nous a répondu que c'était très dangereux et que dans tous les cas ce n'était pas nécessaire parce que les Britanniques et les Français possédaient déjà tous les échantillons nécessaires. Nous avons alors demandé aux Britanniques et aux Français de nous expliquer comment ils avaient réussi à obtenir les échantillons dans un endroit aussi dangereux. Peut-être qu'ils ont des contacts avec les Casques blancs qui contrôlent ce territoire. Ils ont répondu que ces informations étaient confidentielles. 

Il y a bien plus de faits que nous voudrions éclaircir et bien plus de questions légitimes en réponse de la seule question que nous entendons de la part des dirigeants et des médias occidentaux : Pourquoi l'avez-vous fait? Pourquoi avez-vous utilisé l'arme chimique au Royaume-Uni ? Pourquoi couvrez-vous Bachar al-Assad?’ Et maintenant vous vous appuyez sur ces déclarations pour dire: ‘Et s'il s'avérait que vous aviez tort, alors quoi ?’ C'est très intéressant comme...

Journaliste : Vous êtes le chef de la diplomatie russe. Si d'autres incidents chimiques se produisaient et que les USA, le Royaume-Uni, la France et d'autres pays considéraient que c'est l'œuvre de Bachar al-Assad, il est certain qu'il y aurait de nouvelles frappes encore plus massives. Quel pourrait être le résultat ? Est-ce que la Russie prendra des contremesures ?

Sergueï Lavrov: Avant de parler de ‘nouveaux incidents’ il faut d'abord prouver que Bachar al-Assad a effectivement utilisé l'arme chimique. Puis-je vous donner un bref...

Journaliste : J'ai seulement posé une question très simple parce que le monde veut savoir. Selon Nikki Haley, les USA sont "chargés et prêts à faire feu", et s'ils estiment - peu importe ce que vous pouvez penser de votre côté - que Bachar al-Assad a à nouveau utilisé des armes chimiques, il est clair qu'il y aurait une réponse militaire de leur part encore plus massive. Comment réagirait la Russie face à cela ?
 
Sergueï Lavrov: Vous savez, je ne travaille pas dans la voyance. Ce que je sais, c'est qu'il y a quelque temps, trois pays occidentaux, qui dirigent actuellement cette campagne hystérique, ont averti qu'en cas d'utilisation par Bachar al-Assad de l'arme chimique, ils utiliseraient la force. Je le considère comme un signal aux 'méchants', notamment aux Casques blancs, pour organiser des provocations. Maintenant, après la frappe aérienne du 14 avril, ils disent à nouveau qu'en cas de nouvel incident, ils réutiliseront la force. Et cela constitue un autre signal adressé aux combattants et aux extrémistes pour qu'ils relancent les activités militaires, ce qu'ils ont déja fait. Immédiatement après la frappe aérienne, ils ont tenté de lancer une offensive contre Damas. Ce que je veux dire, c'est que lorsque certains disent que la Russie est responsable de (l'accomplissement des engagements) de Bachar al-Assad dans le cadre de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, c'est tout simplement révoltant. Nous avons mené ce travail conjointement avec les USA.

Journaliste : Une dernière question sur la diplomatie avant d'aborder d'autres thèmes. Aujourd'hui les USA proposeront au Conseil de sécurité des Nations unies d'examiner une nouvelle résolution qui est selon eux nécessaire pour avertir Bachar al-Assad au nom de la communauté internationale qu'il ne peut pas utiliser à nouveau des armes chimiques. Êtes-vous prêt à coopérer avec les USA à l'ONU ? Cesserez-vous d'opposer votre veto à toutes les résolutions proposées par les USA et leurs alliés ?

Sergueï Lavrov : Pas toutes les résolutions. S'il est question de la reprise du mécanisme d'enquête qui n'est pas transparent ni indépendant et qui lui-même émet la sentence sans attendre le verdict du Conseil de sécurité des Nations unies, alors nous ne pourrons évidemment pas l'accepter. D'ailleurs, ...

Journaliste : Vous n'accepterez pas.

Sergueï Lavrov : Vous savez ce que je pense ? Steve, s'il vous plaît, laissez-moi m'exprimer. Je pense que le seul but de cette résolution et de donner l'apparence, si la Russie et la Syrie acceptent de coopérer, ce qui est impossible du fait du contenu, mais si nous acceptions ils voudraient le présenter de sorte que ce sont les bombes nous ont contraint à négocier.  C'est pourquoi la résolution exige que les autorités syriennes doivent accepter les négociations. Tout en faisant l'impasse sur le fait que le principal groupe d'opposition qu'ils soutiennent, ce qu'on appelle le groupe de Riyad en la personne de son président Nasser al-Hariri, qui a récemment appelé les USA à utiliser la force pas seulement en cas d'utilisation de l'arme chimique, mais partout où l'opposition lutte contre les forces gouvernementales.

Journaliste : Quelques brèves questions. Premièrement, pensez-vous que Bachar al-Assad est sorti vainqueur de cette interminable guerre syrienne?  

Sergueï Lavrov: Il ne faut pas penser aux vainqueurs et aux vaincus, ni à Bachar al-Assad ou ses opposants. Il faut penser avant tout au peuple syrien qui a besoin d'un répit des horreurs de 8 ans de conflit.

Journaliste : Quel est l'objectif final de la Russie en Syrie ? Ces derniers temps Moscou y envoie de plus en plus de matériel et d'effectifs. Est-ce que cela signifie que vous avez l'intention d'aider Bachar al-Assad tant qu'il ne contrôlera pas chaque centimètre du territoire syrien ?

Sergueï Lavrov: Notre objectif consiste à protéger la Syrie contre l'agression qui a commencé le 14 avril et laquelle ces trois pays, comme ils déclarent, ont l'intention de poursuivre.

Journaliste : Avez-vous l'intention de livrer au Président syrien Bachar al-Assad votre tout nouveau système antiaérien S-300 ? Si oui, cela pourrait préoccuper sérieusement Israël.

Sergueï Lavrov: Le Président russe Vladimir Poutine a déjà répondu à cette question. Il a rappelé qu'il y a quelques années, à la demande de nos partenaires, nous avions décidé de ne pas livrer les S-300 à la Syrie. A présent, après un acte d'agression révoltant des USA, de la France et du Royaume-Uni, nous étudierons les options pour assurer la sécurité de l'Etat syrien.

Journaliste : Si je comprends bien, les événements de ces derniers jours vous ont poussé à revoir votre position et maintenant vous êtes enclins à fournir ces systèmes de défense antiaérienne modernes en Syrie ?

Sergueï Lavrov : Cela nous convainc que nous devons fournir à la Syrie tout ce qui est nécessaire pour aider aider l'armée syrienne à prévenir toute agression.

Journaliste : Au moins 500 000 personnes ont été tuées en sept ans de guerre en Syrie. Au moins 12 millions de personnes ont dû quitter leur foyer. Au moins 5 millions d'entre elles se sont retrouvés en dehors de la Syrie. Vous pensez sérieusement que Bachar al-Assad est vraiment capable d'unir le pays, de guérir les blessures et de diriger la Syrie ?

Sergueï Lavrov: Nous n'avons jamais rien dit de tel. Notre approche se reflète dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies – ce sont les Syriens eux-mêmes qui doivent décider du sort de la Syrie. Il faut une nouvelle Constitution, des élections, et que les Syriens décident eux-mêmes. Les tentatives incessantes de faire éclater la Syrie en morceaux vont à l'encontre de ce qui est dit publiquement et au niveau officiel. D'ailleurs la Syrie n'est pas la seule à souffrir des terribles conséquences de la guerre civile. Regardez l'Irak et la Libye. Et maintenant ceux qui ont mis ces pays dans un tel état veulent que la même chose soit faite en Syrie.

Journaliste : Maintenant parlons un peu de l'affaire de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia qui ont été empoisonnés dans la ville de Salisbury au sud de l'Angleterre. Aujourd'hui, dans cette interview, vous avez dit que la confiance était importante. Vous, Ministre russe des Affaires étrangères, affirmez que les services britanniques connus pour leur ‘autorisation de tuer’ sont impliqués dans cet incident. Peut-être que ces derniers propos étaient une plaisanterie de votre part. Dites, vous pensez vraiment que votre version sera prise au sérieux ?

Sergueï Lavrov: On nous a dit que ‘très probablement’ les Skripal ont été empoisonnés par les Russes parce qu'il n'existe aucune autre explication plausible. C'est pourquoi nous avons répondu qu'il existait d'autres versions plausibles.

Journaliste : Mais votre version n'est pas crédible.

Sergueï Lavrov : Et pourquoi donc ?

Journaliste : Avez-vous le moindre soupçon de preuve que les services britanniques ont essayé de tuer Sergueï Skripal ?

Sergueï Lavrov : Les Romains avaient déjà un critère : 'Cherchez à qui profite le crime'. Je pense que la provocation aussi bien en Syrie que sur le territoire britannique a été on ne peut plus bénéfique pour le Royaume-Uni. Aujourd'hui le Royaume-Uni se retrouve sur le devant de la scène de la politique mondiale par un tel moyen très négatif, agressif et étrange.

Journaliste : Permettez-moi de relever l'incohérence de votre position. Pendant l'interview vous avez souligné avec force l'attachement de la Russie à toutes les conventions et accords internationaux sur l'interdiction des armes chimiques, y compris en soutenant l’activité de l‘OIAC.

Sergueï Lavrov: C'est exact.

Journaliste : Et vous soutenez notamment l’activité de l‘OIAC

Sergueï Lavrov : C’est exact

Journaliste : Vous savez mieux que moi que l'OIAC a envoyé les échantillons de la substance neuro-paralytique utilisée à Salisbury à quatre laboratoires différents, et tous ont confirmé qu'il s'agissait de ‘Novitchok’ (comme le disait le gouvernement britannique) de niveau de pureté élevé.

Sergueï Lavrov: Et c'est précisément le problème. La présence même de la substance A-234 à un niveau de pureté élevé et à très forte concentration est suspecte car...

Journaliste : Il est clair qu'elle vient de Russie, de l'ex-URSS. Tout le monde sait que c'est vous qui avez inventé ce gaz neuro-paralytique.

Sergueï Lavrov: Restons-en aux faits. Vous êtes peut-être un as pour poser des questions dures, mais il faut aussi savoir écouter ! En effet, cette substance a été élaborée en Union soviétique, mais ensuite l'un de ses inventeurs s'est enfui aux USA et a publié la formule en accès libre. Vous devriez vous-même vérifier cette information d'évoquer la question. Les USA ont même breveté cette formule et cette substance est officiellement en service dans les renseignements américains ou l'armée, je ne sais plus. L'A-234 est une substance qui tue rapidement et ensuite elle s'évapore rapidement. C'est pourquoi nos chercheurs disent que les échantillons prélevés deux semaines plus tard ne peuvent en aucun cas contenir une 'très forte concentration' de cette substance.

Journaliste : Nous revenons à nouveau à la question de savoir qui l'on croit ou non. Peut-être que ce que vous dites est crédible en Russie, mais en aucun cas dans le reste du monde. Plus de 100 diplomates russes ont été expulsés de plus de 20 pays occidentaux parce qu'ils estiment que c'est la Russie qui est coupable.

Sergueï Lavrov: Si vous voulez tout de même parler sur le fond, permettez-moi d'ajouter ceci. Samedi nous avons présenté un document avec les conclusions du Centre suisse d'analyse radiologique et chimico-biologique de Spiez (l'un des laboratoires que vous avez mentionnés) qui a effectivement découvert une ‘forte concentration’ d'A-234, mais hormis ça…

Journaliste : Je vous demande : faites-vous ou non confiance à l'OIAC ? La question est très simple. Vous semblez ne pas leur faire confiance.

Sergueï Lavrov: Mince ! Pour un Britannique vous avez d'horribles manières. Le rapport du laboratoire suisse affirme aussi qu'ils ont d'abord découvert la substance BZ, inventée, si je ne m'abuse, en 1955 aux USA, et mise en service dans les armées américaine et britannique. Nous avons envoyé à l'OIAC, à laquelle nous faisons confiance, une requête pour confirmer ou réfuter qu'en plus de l'A-234, le laboratoire suisse avait découvert dans les échantillons du BZ. Maintenant nous attendons une réponse de l'OIAC, à laquelle nous faisons confiance, évidemment. Mais comme on dit, faisons confiance mais vérifions quand même.

Journaliste : Il ne nous reste pratiquement plus de temps et je dois encore vous poser une question sur les sanctions. Le ministère américain des Finances s'apprête à annoncer de nouvelles sanctions contre des personnes et des compagnies russes qui, estime-t-on, sont liées à l'armée syrienne. Le marché boursier russe avait sérieusement fléchi à cause des sanctions précédentes décrétées par le gouvernement américain. La Russie est au pied du mur.

Sergueï Lavrov : Merci pour votre compassion. Mais ne vous inquiétez pas, nous allons nous en sortir. Et ce n'est pas...

Journaliste : Le marché boursier s'est effondré de 10%, le rouble a chuté par rapport au dollar.

Sergueï Lavrov : N'avez-vous pas connu de périodes difficiles par le passé ? Vous vous souvenez, George Soros avait joué contre votre marché boursier et avait fait effondrer la Livre Sterling ? Mais ils ne s'agit pas simplement des menaces de punir ceux qui ont des contacts avec le gouvernement syrien. En fait, ils veulent punir tout le peuple russe pour avoir fait le 'mauvais' choix à l'élection présidentielle. Ils déclarent qu'ils ne nuiront jamais aux Russes du quotidien, mais seulement aux oligarques, aux politiciens et aux militaires qui déstabilisent soi-disant le monde, mais ils mentent. Leur véritable souhait consiste à causer des problèmes aux centaines de milliers de Russes, ceux qui ont été employés à...

Journaliste : Et c'est votre point faible. 

Sergueï Lavrov :  Oui, oui.

Journaliste : Et c'est votre point faible. Vous disposez peut-être du plus puissant arsenal nucléaire au monde, comme s'en vantait le Président russe Vladimir Poutine, mais votre économie est faible et vulnérable.

Sergueï Lavrov: Oui, c'est le cas et nous le savons. Mais notre économique a traversé de nombreuses épreuves depuis la Seconde Guerre mondiale. Je peux vous assurer que le gouvernement et le Président veillent attentivement à mettre en place les réformes nécessaires, et c'était le thème principal de la première partie de l'allocution du Président russe à l'Assemblée fédérale. Dans la deuxième partie, lorsqu'il a parlé de nouveaux armements, il a conclu par l'idée que nous sommes toujours prêts au dialogue sur la base du respect réciproque et de l'équilibre des intérêts.

Journaliste : Et dernière question. Le Secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres a déclaré récemment que le monde était à nouveau plongé dans une guerre froide, mais si auparavant il existait des mécanismes qui prévenaient la possibilité d'escalade entre les USA et l'URSS, aujourd'hui ces mécanismes semblent absents. Cette conclusion est terrifiante. Vous travaillez à votre poste depuis 13 ans. Peut-on qualifier la période actuelle de la plus terrible dans votre mémoire ?

Sergueï Lavrov : L'un des mécanismes est d'avoir des canaux de communication normaux. Les canaux de communications entre Moscou et Londres ont été fermés à l'initiative britannique. Les contacts entre les militaires et entre toutes les agences chargées de la lutte antiterroriste ont été stoppés il y a longtemps, toujours à l'initiative de Londres. Le Conseil OTAN-Russie, qui était un mécanisme très utile pour promouvoir la confiance et la transparence dans les relations, a de facto été fermé par l'OTAN. A présent l'OTAN ne veut parler que de l'Ukraine sur cette plateforme. L'UE a également fermé toutes les voies de coopération avec la Russie et communique avec nous uniquement sur la Syrie et d'autres...

Journaliste : Mais avez-vous le sentiment qu'une nouvelle guerre froide a commencé ?

Sergueï Lavrov: Selon moi, la situation actuelle est pire que pendant la Guerre froide parce qu'à l'époque, il y avait au moins des canaux de communication, et il n'y avait pas une telle russophobie hystérique, qui ressemble à une sorte de génocide par les sanctions.

Journaliste : Vous pensez qu'aujourd'hui la situation est pire qu'à l'époque de la Guerre froide ?

Sergueï Lavrov: Oui, précisément à cause de l'absence de canaux de communication. Du moins il n'en reste pratiquement plus.

Journaliste : Cela rend la situation très dangereuse.

Sergueï Lavrov : J'espère que vous ne serez pas le seul d'entre vos compatriotes à s'en rendre compte, et que votre gouvernement en particulier le reconnaitra.

Journaliste : C'est difficile d'imaginer ou de se rappeler une période historique où la Russie ressemblait plus à un paria et était aussi isolée qu'aujourd'hui. Vous avez la Coupe du monde de football cet été, et le Ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson l'a déjà comparée à l'organisation par Adolf Hitler en 1936 des Jeux olympiques à Berlin.

Sergueï Lavrov : En 1938, le Royaume-Uni jouait contre l'Allemagne. En 1938, bien après 1936. Vous pouvez trouver sur internet une photo avant le début du match où les joueurs allemands et britanniques font le salut nazi hitlérien.

Journaliste : Que voulez-vous dire ?

Sergueï Lavrov: Je n'ai pas l'intention de parler de Boris Johnson. Nous avons déjà parlé avec lui pendant sa récente visite à Moscou. Laissez-le s'éclater.

Journaliste : Notre temps est écoulé. Sergueï Lavrov, merci beaucoup d'avoir participé à l'émission ‘Hard Talk’.

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La Bolivie à l'ONU : « Les frappes contre la Syrie sont une attaque contre la communauté internationale »

Intervention du Représentant Permanent de la Bolivie auprès des Nations Unies, Sacha Llorenti, lors du Conseil de sécurité de l’ONU le 14 avril 2018, après que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes unilatérales contre la Syrie.


Version alternative en cas de censure

https://www.dailymotion.com/video/x6i02pq

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Transcription :

Merci beaucoup, Monsieur le Président.

Ma délégation tient à remercier le Secrétaire Général pour sa présence et sa participation à cette réunion. La Bolivie tient également à remercier la Fédération de Russie d’avoir pris l’initiative de convoquer cette réunion urgente du Conseil de Sécurité.

Aujourd’hui est un jour sombre dans l’histoire de ce Conseil. Trois membres permanents du Conseil ont pris la décision de violer la Charte des Nations Unies et de prendre une mesure unilatérale contre la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un autre Etat membre de notre organisation.


La Bolivie souhaite exprimer clairement et catégoriquement sa condamnation de l’utilisation d’armes chimiques ou de substances chimiques comme armes, car cela est injustifiable et criminel partout où cela se produit et par qui que ce soit. Leur utilisation est un crime grave contre le droit international, la paix dans le monde et la sécurité internationale. Les personnes responsables d’actes aussi terribles et criminels doivent être identifiées, faire l’objet d’une enquête, être poursuivies et punies avec la plus grande rigueur. La Bolivie continue d’exiger une enquête transparente et impartiale pour déterminer qui sont les coupables.

Mais en plus de cela, le sujet de cette réunion est le fait que trois membres permanents du Conseil ont utilisé la force en violation de la Charte des Nations Unies. On ne peut pas combattre des violations alléguées du droit international en violant le droit international.

La Bolivie est surprise par le fait que les membres permanents du Conseil, étant donné qu’ils ont une plus grande responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, ont décidé de contourner les Nations Unies chaque fois que cela leur sied. Ils défendent le multilatéralisme tant que cela leur sert, et ensuite ils le rejettent purement et simplement. Quand il n’est plus dans leur intérêt, ils ne sont plus attachés au multilatéralisme.

Malheureusement, ce n’est pas le seul cas où une action unilatérale a été utilisée. Rappelons-nous, et nous ne nous lasserons jamais de le rappeler, les événements en Irak en 2003 et en Libye en 2011.

Toute action de ce type devrait être autorisée par le Conseil de Sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies. Toute action unilatérale est contraire au droit international, contraire aux valeurs et aux principes de la Charte des Nations Unies et inacceptable. La Bolivie rejette l’usage de la force.

L’action unilatérale ne répond pas seulement aux intérêts spécifiques de ceux qui les exécutent, mais en fait, ce sont, permettez-moi l’expression, des mesures impérialistes. Il se trouve que les Empires, comme nous l’avons dit précédemment, se considèrent supérieurs au reste du monde. Ils pensent qu’ils sont exceptionnels, qu’ils sont indispensables, et, par conséquent, qu’ils sont au-dessus des lois, au-dessus du droit international.

Mais en fait, l’intérêt véritable de ceux qui utilisent unilatéralement la force et violent la Charte des Nations Unies n’est pas de faire avancer la démocratie, de promouvoir la liberté, ou de combattre l’utilisation d’armes chimiques. Leur but est d’étendre leur pouvoir et d’étendre leur domination.

Ce que nous avons vu ces dernières heures est une attaque contre la mission d’enquête de l’OIAC qui n’a même pas commencé son travail, qui devait commencer aujourd’hui. Cette attaque unilatérale est une attaque contre les organisations multilatérales telles que l’OIAC. C’est une attaque contre ce Conseil et son principal devoir de maintenir la paix et la sécurité internationales. C’est une attaque contre la Charte des Nations Unies. Et c’est une attaque contre l’ensemble de la communauté internationale.

Je demande aux membres permanents qui ont utilisé la force il y a quelques heures à peine : combien d’argent ont-ils investi dans l’armement et la formation des groupes armés en Syrie ? Quelles ressources nationales convoitent-ils ? Et avec quelle autorité morale pourront-ils invoquer la Charte des Nations Unies dans d’autres situations ?

Malheureusement, l’histoire des violations des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies est longue. Nous avons mentionné la Libye et l’Irak, mais il y a des chapitres plus récents. C’est arrivé avec la décision unilatérale concernant Jérusalem, un autre signe clair d’un manque de respect du droit international. Qui sont ceux qui vendent des armes à ceux qui bombardent des civils au Yémen ? Qui sont ceux qui rejettent l’accord de Paris sur le changement climatique ? Qui sont ceux qui se sont retirés du Pacte international sur les migrants ? Qui sont ceux qui érigent des murs ?

Mais nous croyons aussi qu’il également important de considérer l’Histoire sur de plus longues périodes. Au Moyen-Orient surtout, nous subissons les conséquences des actions provoquées par certaines puissances coloniales remontant à plus d'un siècle, et de leur mépris pour le droit international. Et ce mépris total pour le droit international que nous éprouvons encore en Syrie, est aussi quelque chose que nous avons déjà expérimenté quand, par exemple, le Royaume-Uni refuse de rendre la souveraineté des îles Malouines à l’Argentine, ou quand la question de l’archipel des Chagos n’est pas résolue, lorsque l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur ce sujet n’est pas pris en compte. En d’autres termes, nous parlons de toute une série de politiques qui compromettent la paix et la sécurité internationales.

Le Représentant permanent des États-Unis dit que les États-Unis, son pays, est prêt à faire feu, « locked and loaded », dit-elle. Bien sûr, nous avons clairement entendu ses mots avec beaucoup d’inquiétude et beaucoup de tristesse. Nous savons que les États-Unis ont des porte-avions, des satellites, des missiles « intelligents » et un énorme arsenal d’armes nucléaires. Nous savons aussi qu’ils n’ont que du mépris pour le droit international.

Mais nous avons ceci, nous avons les principes et les objectifs de la Charte des Nations Unies [il en brandit un exemplaire]. Et finalement, comme l’Histoire l’a démontré maintes fois, en fin de compte, ces principes l’emporteront.

Je vous remercie.


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Déclaration de la Chine au Conseil de Sécurité après les frappes en Syrie : « Le recours à la force est inacceptable »

Intervention du Représentant Permanent de la Chine auprès des Nations Unies, Ma Zhaoxu, lors du Conseil de sécurité de l'ONU le 14 avril 2018, après que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes unilatérales contre la Syrie.


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Transcription :

Merci, Monsieur le Président.

Je tiens à remercier le Secrétaire Général pour son intervention.

Hier encore, nous étions réunis ici pour évoquer la situation en Syrie. Durant cette réunion, la Chine a fait connaître sa position sur la question syrienne et a exprimé sa grande préoccupation face à l'escalade soudaine des tensions en Syrie. Nous avons lancé un appel clair pour une solution politique à la situation en Syrie.

Je voudrais répéter ce qui suit.

La Chine s'est toujours prononcée en faveur du règlement pacifique des différends et contre l'usage de la force dans les relations internationales. Nous préconisons le respect de la souveraineté, de l'indépendance, de l'unité et de l'intégrité territoriale de tous les pays. Toute action militaire unilatérale qui contourne le Conseil de Sécurité contrevient aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies, viole les normes fondamentales consacrées par le droit international et celles régissant les relations internationales et handicape le règlement de la question syrienne par de nouveaux facteurs aggravants.

Nous exhortons toutes les parties concernées à s'abstenir de tout mouvement susceptible de conduire à une nouvelle escalade de la situation, à revenir au cadre du droit international et à résoudre le problème à travers le dialogue et la consultation.

La Chine estime nécessaire de mener une enquête exhaustive, impartiale et objective sur l'attaque présumée aux armes chimiques en Syrie pour parvenir à une conclusion fiable qui puisse résister à l'épreuve de l'Histoire. Jusqu'à ce que cela se produise, aucune partie ne doit préjuger du résultat.

Pour résoudre le problème syrien, il n'y a pas d'alternative au règlement politique. Les parties concernées au sein de la communauté internationale devraient continuer à soutenir le rôle des Nations Unies en tant que médiateur principal et œuvrer sans relâche pour un règlement politique de la question syrienne.

Monsieur le Président, je voudrais réaffirmer que la Chine reste prête à poursuivre son rôle positif et constructif dans les efforts visant à un règlement politique de la question syrienne dans l'intérêt de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient et dans le monde entier.

Merci, Monsieur le Président.

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Affaires Skripal, Litvinenko et Berezovsky : Moscou répond aux accusations de Londres en publiant des documents accablants




Déclaration du Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie

La campagne anti-Russe lancée par les autorités britanniques du fait de l’empoisonnement présumé de l’ancien officier de la Direction générale des renseignements Sergueï Skripal et de sa fille a suivi la démarche qui a déjà été appliquée pour accuser sans fondement la Fédération de Russie quant à la tentative d’assassinat présumée contre Boris Berezovsky à Londres durant l’été 2003 et à la mort d’Alexandre Litvinenko au Royaume-Uni en novembre 2006.

Dans ces trois affaires, les sujets des provocations étaient des personnes qui avaient été poursuivies pour des crimes graves en Russie et qui avaient critiqué à plusieurs reprises les autorités russes, ce qui donnait l’impression que celles-ci avaient un motif de les éliminer. 

Dans chacun des trois cas, on retrouve une désinformation massive et des accusations infondées selon lesquelles les services spéciaux russes auraient utilisé des substances toxiques sur le sol britannique, ce qui a été utilisé comme base pour exiger des sanctions contre la Russie.

Dans les trois cas, en contradiction avec la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959, les autorités britanniques ont refusé de coopérer avec les services policiers et judiciaires russes, classifié les informations sur les progrès et les conclusions des enquêtes sur les événements mentionnés au Royaume-Uni et ainsi exclu la possibilité d’évaluer leur objectivité.

Dans ces circonstances, le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie a décidé de divulguer les faits établis dans le cadre de deux enquêtes criminelles : une enquête sur l’obtention d’asile au Royaume-Uni de manière illicite par l’accusé Boris Berezovsky en septembre 2003, en affirmant faussement que les services spéciaux russes avaient préparé son assassinat à Londres durant l’été 2003, et l’enquête sur la mort d’Alexandre Litvinenko. 

Ces faits ont été objectivement prouvés au cours des enquêtes menées en Russie et confirmées par les conclusions des services policiers et judiciaires étrangers, y compris britanniques, que les autorités politiques britanniques ont délibérément dissimulées et déformées. 

Le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie est également prêt à faire une démarche sans précédent et à publier dans les médias à grand public des copies de certains documents concernant des affaires pénales en rapport avec le dossier, y compris sa correspondance avec le Ministère de l’intérieur britannique, y compris directement avec Theresa May lorsqu’elle en était Ministre. 

Ces documents démontrent clairement qu’au moment où les autorités britanniques accordaient le statut de réfugié à Boris Berezovsky, elles savaient que sa demande d’asile était fondée sur de fausses allégations selon lesquelles une tentative d’assassinat contre lui avait été préparée à l’été 2003.

Ces documents montrent également que quelques mois avant la mort d’Alexandre Litvinenko, le Ministère de l’intérieur britannique avait été informé que lui et plusieurs autres personnes impliquées dans l’obtention de l’asile de Berezovsky par une mise en scène de tentative d’assassinat encouraient un risque réel ; cependant, il n’a pris aucune mesure opportune pour protéger ces personnes.

Les faits

En juillet 2006, le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie a reçu une demande écrite de Vladimir Terluk, un apatride originaire du Kazakhstan qui résidait au Royaume-Uni avec sa famille depuis 1999.


 Demande manuscrite de Vladimir Terluk

Il déclarait qu’entre mai et septembre 2003, Boris Berezovsky, Alexander Litvinenko, Alexander Goldfarb (vice-président de la Fondation internationale pour les libertés civiles, financée par Boris Berezovsky) et leurs avocats britanniques (dont les identités sont connues), dans le but de créer des motifs fictifs pour la demande d’asile de Boris Berezovsky, avaient tenté de le menacer et de le soudoyer pour qu’il fasse une fausse déclaration aux services policiers et judiciaires britanniques avouant qu’il était membre des services spéciaux russes et était impliqué dans la préparation de l’assassinat de Boris Berezovsky.

Terluk ayant refusé de porter ce faux témoignage, Litvinenko et Goldfarb, agissant sous les instructions de Berezovsky, ont soumis aux autorités britanniques compétentes, respectivement le 31 juillet 2003 et le 4 août 2003, de fausses informations selon lesquelles Terluk était un agent des services spéciaux russes chargé de tuer Berezovsky en utilisant une substance toxique (des copies des déclarations sont disponibles).

         Une déclaration similaire a été faite par l’avocat Clare Montgomery lors des audiences du tribunal de Bow Street à Londres concernant l’octroi de l’asile à Yuly Dubov, l’associé de Berezovsky, qui a également fui au Royaume-Uni pour éviter les poursuites en Russie. James Lewis, du Service des poursuites judiciaires de la Couronne, a participé aux audiences, et a exigé que la déclaration de Mme Montgomery fasse l’objet d’une enquête officielle. 

Dans le cadre de cette enquête, en septembre 2003, les agents de Scotland Yard Simon Rose (matricule n ° 192637, téléphone 02072302991) et David Cadman (matricule n ° 170715, téléphone 02072302175) ont demandé à Terluk s’il appartenait aux services spéciaux russes et avait été chargé de tuer Berezovsky avec une substance toxique. Terluk a catégoriquement nié ces déclarations sans fondement et a décrit en détail tout le scénario de la mise en scène de Berezovsky simulant une tentative d’assassinat afin d’obtenir l’asile au Royaume-Uni ainsi que les actions de Litvinenko, Goldfarb et d’autres personnes impliquées dans la mise en scène de cette provocation. Plus tard, Terluk a confirmé sa déposition sous serment devant la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles lors du procès contre Berezovsky en 2010.

         En guise de conclusion de l’enquête, le 13 janvier 2004, la représentante du Ministère de l’Intérieur britannique, Hazel Blears, a annoncé officiellement que celle-ci elle était terminée en raison de l’absence de preuves objectives d’une tentative d’assassinat contre Berezovsky à Londres durant l’été 2003. Malgré cela, le Ministre de l’Intérieur britannique décida d’accorder le statut de réfugié à Berezovsky et refusa pour ces motifs de l’extrader vers la Russie suite à la demande du Bureau du Procureur Général. En même temps, divers médias à grand public ont publié la déclaration de Berezovsky affirmant que le motif de l’octroi de l’asile était le fait qu’une tentative d’assassinat contre lui avait été préparée à Londres, et que Berezovsky et ses avocats en avaient notifié le Ministère de l’intérieur britannique.




      Depuis que Terluk a témoigné contre Berezovsky et ses associés, il a reçu à plusieurs reprises des menaces de leur part et, en raison de l’inaction des autorités britanniques compétentes, a dû faire appel au Bureau du Procureur Général russe en demandant la protection de l’Etat.

Le 7 août 2006, le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie a transmis au Ministère britannique de l’Intérieur ladite déclaration de Terluk afin que les mesures nécessaires visant à assurer sa sécurité puissent être prises.

Cette lettre indiquait également que durant la période du printemps à l’automne 2003, Berezovsky, Litvinenko, Goldfarb et d’autres personnes avaient tenté, par divers moyens, de persuader Terluk de fournir sciemment de fausses informations au sujet de la préparation d’une tentative d’assassinat contre Berezovsky par les services spéciaux russes.



[Des copies de la lettre du Bureau du Procureur Général russe et de la demande du 7 août 2006 avec traduction en anglais ont été publiées.]

Le 12 octobre 2006, le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie a envoyé une autre lettre au Ministère de l’Intérieur britannique complétée par une demande datée du 4 octobre 2006, pour les besoins de l’enquête, de fournir des copies des documents ayant servi de base à l’octroi de l’asile à Boris Berezovsky. C’est-à-dire des copies des déclarations sciemment fausses d’Alexandre Litvinenko et d’Alexandre Goldfarb.


  [Des copies de la lettre du Bureau du Procureur Général russe du 12 octobre 2006 et de la demande d’enquête du 4 octobre 2006 avec traduction en anglais ont été publiées.]

Ainsi, le Ministère de l’intérieur britannique a reçu lesdites demandes du Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie alors qu’Alexandre Litvinenko était toujours en vie – avant le 1er novembre 2006, date officielle de son empoisonnement. Cela signifie que les autorités britanniques ont eu l’occasion de procéder à un interrogatoire opportun de Litvinenko en relation avec les circonstances spécifiées dans les demandes du Bureau du Procureur Général russe et de protéger ce participant clé aux événements faisant l’objet d’une enquête mais ne l’ont pas fait.

De plus, le 23 octobre 2006, le Ministère de l’Intérieur britannique a adressé une lettre au Bureau du Procureur Général russe dans laquelle il refusait d’accorder une protection étatique pour les témoins dans l’affaire Boris Berezovsky, expliquant que la protection des témoins échappait au cadre de l’entraide judiciaire, comme stipulé dans les dispositions de la Convention européenne de 1959, et recommandait que la question soit traitée par Interpol.

[Une copie de la lettre du Ministère de l’Intérieur britannique du 23 octobre 2006 en anglais et en russe a été publiée.]

Entre août 2006 et décembre 2011, le Bureau du Procureur général de Russie a adressé au Ministère de l’Intérieur britannique un total de 39 demandes demandant la protection de Vladimir Terluk, complétées par des demandes d’interrogatoire de l’accusé Boris Berezovsky et de ses complices impliqués dans la provocation qui a conduit à son obtention du statut de réfugié, ainsi qu’à une confrontation directe entre ces personnes et M. Terluk.

Le Ministère de l’Intérieur britannique a ignoré les requêtes pour ces actions d’enquête ; par conséquent, l’interrogatoire de Litvinenko est devenu impossible en raison de sa mort le 23 novembre 2006. Il est évident que la mort de Litvinenko était très commode à la fois pour se débarrasser de l’un des principaux témoins qui pourraient témoigner contre Boris Berezovsky, et en guise de nouveau motif pour lancer une nouvelle campagne anti-Russe.

Ce n’est qu’après la mort d’Alexandre Litvinenko, le 14 décembre 2006, que la police de la ville de Londres a commencé à prendre des mesures pour assurer la protection de Vladimir Terluk et de ses proches, ce dont le Ministère de l’Intérieur britannique a fait état dans sa lettre du 13 mars 2007.


[Des copies de la lettre du Ministère de l’Intérieur britannique du 13 mars 2007 et du rapport de la police de Londres du 11 janvier 2007 en anglais et en russe ont été publiées.] 

Cependant, les mesures de protection de Vladimir Terluk et de sa famille se sont avérées inefficaces. Ainsi, le 31 juillet 2010, après que Vladimir Terluk a témoigné contre Boris Berezovsky à la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles, des inconnus l’ont agressé et brutalement battu avec une barre en métal, lui et sa femme, près des localités de Stevenage et Graveley, les blessant tous deux grièvement. 

[Des photographies de Vladimir Terluk et de sa femme montrant des marques de coups ont été publiées.]

Le 4 août 2010, le Procureur Général adjoint de la Fédération de Russie a envoyé une lettre personnelle concernant l’enquête sur ce crime à la ministre de l’Intérieur, Theresa May, soulevant une fois de plus la protection insuffisante offerte par les autorités britanniques à Vladimir Terluk et aux autres parties des procédures pénales dans l’affaire Boris Berezovsky, y compris Alexandre Litvinenko.

 [Une copie de la lettre du Bureau du Procureur Général du 4 août 2010 avec traduction en anglais a été publiée].

Ni cette lettre ni les messages subséquents du Bureau du Procureur Général russe adressés à Theresa May n’ont reçu la moindre réponse. Jusqu’à présent, les responsables de l’attaque contre Terluk et sa femme n’ont pas été identifiés, et aucune protection supplémentaire de l’État n’a été offerte à Terluk et à ses biens. En raison de l’inaction des autorités britanniques compétentes, le 14 octobre 2011, la voiture de la famille Terluk a été volée par des inconnus. Ce crime est également resté non résolu.

De la même manière, le Ministère de l’Intérieur britannique s’est retiré de ses obligations découlant de la Convention européenne de 1959 en enquêtant sur les circonstances de la mort d’Alexandre Litvinenko.

Par exemple, depuis le 16 décembre 2006, lorsque le Bureau du Procureur Général de la Fédération de Russie a ouvert une enquête criminelle sur le décès d’Alexandre Litvinenko, le Ministère de l’Intérieur britannique n’a pas répondu pleinement à ses demandes d’enquête sur le territoire britannique et a refusé de fournir les résultats des études d’experts visant à établir la cause de la mort de Litvinenko. 

La partie russe s’est également vu refuser toute preuve obtenue au cours de l’enquête menée par la police britannique. Ces matériaux ont été classifiés.

Entre-temps, en accord avec la position officielle exprimée à maintes reprises par les hauts responsables britanniques et diffusée par les médias à grand public impliqués, il a été soutenu qu’Alexandre Litvinenko avait été empoisonné à Londres le 1er novembre 2006 par les ressortissants russes Andrey Lugovoi et Dmitry Kovtun avec du polonium radioactif 210 produit par la Russie.

Ces allégations ont été réfutées sur la base des éléments de preuve obtenus par le Comité d’enquête russe et des résultats de l’enquête menée par le parquet de Hambourg.

Ainsi, le parquet allemand, à l’instar des autorités d’enquête russes, a confirmé que le 1er novembre 2006, Andrey Lugovoi et Dmitry Kovtun avaient rencontré Litvinenko à Londres, où ils étaient arrivés le même jour par avion, respectivement de Moscou et de Hambourg.

Cependant, la décision du Procureur Général allemand Redder du 6 novembre 2009 déclare que l’analyse de tous les éléments de preuve obtenus par le parquet de Hambourg, y compris les données fournies par le Royaume-Uni sur les sites identifiés par les autorités britanniques comme contaminées par le polonium 210, a révélé que le polonium était présent à Londres avant l’arrivée de Lugovoi et Kovtun le 1er novembre 2006. Des traces du radionucléide ont été trouvées dans le bureau de Berezovsky à Londres et dans l’organisme de l’Italien Mario Scramella, que Litvinenko avait rencontré à Londres le 1er novembre 2006 avant sa rencontre avec Lugovoi et Kovtun.

Compte tenu de ce qui précède, le Parquet de Hambourg a, par sa décision du 6 novembre 2009, mis fin à la procédure engagée en vertu du paragraphe 170 de la page 2 du Code de procédure pénale de la République fédérale d’Allemagne pour absence d’éléments soutenant l’accusation.



[Des extraits de la décision du Bureau du Procureur de Hambourg du 6 novembre 2009 dans les langues russe et allemande portant la signature du Procureur Redder ont été publiés.]

Et pourtant, les autorités britanniques persistent dans leurs accusations sans fondement contre la Russie et des ressortissants russes à propos de la mort de Litvinenko, ainsi que dans leurs tentatives d’établir des analogies non fondées entre cet événement et l’empoisonnement de Skripal et de sa fille en mars 2018 au Royaume-Uni.
 
Sayed Hasan