Samedi, 24 Février 2007 |
J’ai une question à vous poser
Philippe Delbauvre | Politique |
On peut voir dans ce phénomène une simple mode qui par définition ne serait que passagère tout comme on peut également considérer qu’il s’agit d’un fait marquant qui constitue un signe d’évolution de notre société. Si on opte pour cette dernière perspective, il devient alors essentiel d’étudier ce processus.
Il s’agit donc d’une émission placée sur la grille des programmes de telle sorte qu’elle va disposer d’une grande écoute. Situé face à une centaine de Français, le candidat politique est soumis à une suite de questions de la part de ce public sélectionné auxquelles il doit répondre. Le journaliste dirige l’ensemble avec un effacement relatif et semble se cantonner à un rôle de modérateur soucieux d’éviter d’éventuels débordements.
Une première question s’impose qui concerne la représentativité de ces Français. Représentatif de quoi exactement ? Des Français me répondra t-on. Soit. Il me semble assez surprenant qu’il n’y ait pas eu de violences sur le plateau compte tenu de la faune que l’on peut rencontrer dans les rues une fois que l’on met le nez à l’extérieur de chez soi. On peut également remarquer que chacun est ‘très propre sur lui’ et rasé d’assez près. Voilà qui n’est guère représentatif de la vie de tous les jours où l’on côtoie de tout.
Peut être s’agit-il aussi de représentation politique de la France profonde ? Mais auquel cas, sur les cents retenus, une partie non négligeable n’aurait pas assisté à l’émission puisqu’un segment assez sensible de la population ne prête aucun intérêt au fait politique.
On comprendra qu’un siège vide sur cinq voire sur quatre donnerait de l’assemblée ainsi clairsemée un tout autre sentiment fort préjudiciable à l’émission .
Les deux paragraphes précédents produisent un malaise qui ne sont pas le fruit des élucubrations de l’auteur mais bien de la réalité telle qu’elle est.
On va donc admettre comme hypothèse qu’il s’agit d’un panel représentatif de Français intéressés par la politique. Il se doit donc d’être conforme aux sensibilités présentes dans le corps électoral français, tant dans leurs diversités que dans leurs poids.
Reconnaître la diversité ce serait accepter les extrêmes qui existent dans la société française qui doivent eux aussi être représentés dans une émission dite représentative. Sont présents à la périphérie du corps électoral, d’une part les tenants de l’opposition aux principes de 1789 et d’autre part les révolutionnaires d’obédience anarchiste, léniniste, maoïste ou que sais je. De tels Français ne passeraient pas inaperçus sur un plateau et on les aurait remarqués suite aux comportement que l’on peut imaginer s’ils avaient été invités.
Soit. On va admettre que des Français de ce type n’existent qu’à l’état résiduel pour ne pas trop fissurer le si beau décor qu’on nous a installé. On ne peut pas admettre pour autant que des noms d’oiseaux n’aient pas fusé: ce serait trop consentir à la représentativité des Français.
On l’admet quand même. Cela s’appelle une hypothèse d’école ou pour les scientifiques une expérience de pensée.
Combien vaut en pourcentage le Parti Socialiste dans l’électorat ? 20 ? 25 ? 30 ? 35 ? Si moi je ne sais pas, les organisateurs de l’émission eux doivent savoir puisqu’ils ont trouvé la possibilité d’obtenir un panel REPRESENTATIF.
Admettons 30.
Mais le parti socialiste est polymorphe. Ah ! Soit !
Si Ségolène Royal a été désignée candidate avec 60 % des voix de son parti en précédant les deux autres restés derrière à 20 % cela tombe juste : 18 pour Royal, 6 pour Fabius et autant pour Dsk. Voilà donc la répartition des trente représentants du parti socialiste à l’émission.
Ouf !
Quoique. Un Français représentatif qui vote pour le candidat socialiste n’est pas membre du parti.
Compliqué, n’est ce pas ?
On peut faire malheureusement le même raisonnement pour l’ensemble du corps électoral.
De même, admettons qu’il existe deux français qui ont exactement les mêmes idées politique (j’écris bien ‘exactement’), et bien je suis au regret d’affirmer que selon le caractère, l’un pourra très bien s’exprimer et avec le plus grand calme et sans difficultés alors que l’autre sera excité et ne finira pas ses phrases.
On ne peut pas admettre, malgré toute la bienveillance de l’auteur, que ce panel est représentatif compte tenu de tout ce qui a été écrit.
Cette émission est regardée. A la télévision. Sur l’écran. Grâce aux caméras. Avez vous vu les gros plans sur certaines expressions de visages du panel durant ou suite à la réponse d’un candidat ? Est ce vous qui avez choisi ce gros plan ? Pensez vous sincèrement que l’expression du visage exhibée à tel ou tel moment de l’émission était représentative de l’ensemble ? On aurait pu très bien couper l’écran en deux parties dont l’une montrerait le visage du questionneur et l’autre celui du candidat. Pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi sélectionner quelques réactions au sein du parterre afin de les montrer et pourquoi justement celles là ?
Le journaliste en tant que modérateur s’exprime assez peu mais toujours au moment adéquat. Qu’une question soit pertinente et on a droit au ‘Il faut aller vite car tout le monde doit pouvoir s’exprimer’. Je laisse aux naïfs le fait de croire que la raison invoquée - quoique respectable - soit la bonne. On a d’ailleurs vu sur les traits du visage du journaliste en question la tendresse toute particulière qu’il portait au candidat du Front National sans rien en dire d’ailleurs : neutralité oblige !
On admettra que j’ai beaucoup trop admis pour essayer de sauver cette émission.
Emission qui met donc en scène une frange de Français non typiques avec des équipes télévisuelles qui sont, elles, très représentatives du monde médiatique.