Par Philippe DELBAUVRE |
"On peut aisément pardonner à l'enfant qui a peur de
l'obscurité; la vraie tragédie de la vie, c'est lorsque les hommes ont
peur de la lumière." Platon.
C'est via internet que j'ai rapidement appris le suicide de Dominique Venner.
Il m'apparaît important de souligner l'importance de ce nouveau media qui nous permet de savoir vite et cela avant même que la censure ne puisse s'opérer. C'est ainsi que son suicide dans un lieu hautement symbolique est désormais connu de tous. A moins que les pouvoirs ne prennent un total contrôle des ordinateurs, presse écrite et télévision ne pourront plus faire l'impasse sur une actualité internétique intense, au risque de devenir totalement déconsidérés, ce qu'ils sont déjà aux yeux des internautes qui s'instruisent via des sites d'information alternatifs.
Né avant la seconde guerre mondiale, Dominique Venner appartenait à une génération que l'on peut qualifier de Vieille France, appelée à disparaître dans les prochaines années. Son enfance ainsi que son adolescence furent celles de ceux qui ne connurent pas jeunes la société de consommation. Un peu plus âgé, s'il l'avait voulu, il aurait pu comme tant d'autres, prendre le train en marche vers une postmodernité matérialiste, hédoniste et consumériste. La voie qu'il s'est choisie alors qu'il était encore jeune et qu'il n'a plus quittée, fut celle de la rébellion. Pour reprendre une des formules de prédilection du capitaine Pierre Sergent, il fut de ceux qui mirent leur peau au bout de leurs idées. Cela lui valut l'emprisonnement qu'il effectua comme prisonnier politique.
Soldat passionné par le métier des armes, il ne cessa jamais d'être un intellectuel. Alors que tant d'autres cherchaient arguments pratiques afin de contrer l'impérialisme soviétique, il préféra s'investir doctrinalement de façon à comprendre les ressorts intimes des multiples succès communistes, succès d'autant plus surprenants que les résultats obtenus par les Rouges dans la gestion de la Cité étaient toujours désastreux. Cela fit de lui un tacticien redoutable et redouté, soucieux de transmettre à la mouvance, une efficacité apprise chez les ennemis. Lucide parce que probablement marqué par les lectures de Lenine, de Giap ainsi que des grands techniciens de la Révolution, il tenta d'influencer la mouvance en insistant sur la nécessaire formation de type subversif de l'élite des militants. C'est peut être à Netchaiev (1), le grand Ancien, qu'il me fait le plus songer.
Comme tant d'autres, je n'ai pu aussi, dès que j'ai su, que songer à Mishima, lui aussi préoccupé essentiellement par le devenir de sa civilisation. A une différence près: Mishima était réactionnaire alors que Dominique Venner représentait l'autre pôle de la mouvance, à savoir la Révolution. Peut être faudrait-il d'ailleurs, une fois de plus, évoquer l'expression oxymorique de Révolution conservatrice.
La dernière lettre de Dominique Venner est, à l'heure où j'écris, disponible en ligne:
« Je suis sain de corps et d’esprit, et suis comblé d’amour par ma femme et mes enfants. J’aime la vie et n’attend rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d’en tirer les conséquences. À défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l’illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d’abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu’à mes amis et fidèles. Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l’explication de mon geste. ».
S'impose dès lors pour tous, un profil bas devant l'acte héroïque.
Dominique Venner a pu réunir, et en cela il n'a jamais varié, la théorie et la pratique. D'un point de vue théorique, le haut lieu choisi est symbolique nous remémorant un passé millénaire dont certaines sources évoquent la nuit des temps. D'un point de vue pratique, son geste interroge ceux qui viennent d'apprendre et qui méconnaissent l'essentiel. Il s'est choisi, comme Koestler, une mort humaine, ne laissant pas les organes décider pour lui l'heure de sa mort.
Etincelle dans la nuit, Dominique Venner est resté Grec.
C'est via internet que j'ai rapidement appris le suicide de Dominique Venner.
Il m'apparaît important de souligner l'importance de ce nouveau media qui nous permet de savoir vite et cela avant même que la censure ne puisse s'opérer. C'est ainsi que son suicide dans un lieu hautement symbolique est désormais connu de tous. A moins que les pouvoirs ne prennent un total contrôle des ordinateurs, presse écrite et télévision ne pourront plus faire l'impasse sur une actualité internétique intense, au risque de devenir totalement déconsidérés, ce qu'ils sont déjà aux yeux des internautes qui s'instruisent via des sites d'information alternatifs.
Né avant la seconde guerre mondiale, Dominique Venner appartenait à une génération que l'on peut qualifier de Vieille France, appelée à disparaître dans les prochaines années. Son enfance ainsi que son adolescence furent celles de ceux qui ne connurent pas jeunes la société de consommation. Un peu plus âgé, s'il l'avait voulu, il aurait pu comme tant d'autres, prendre le train en marche vers une postmodernité matérialiste, hédoniste et consumériste. La voie qu'il s'est choisie alors qu'il était encore jeune et qu'il n'a plus quittée, fut celle de la rébellion. Pour reprendre une des formules de prédilection du capitaine Pierre Sergent, il fut de ceux qui mirent leur peau au bout de leurs idées. Cela lui valut l'emprisonnement qu'il effectua comme prisonnier politique.
Soldat passionné par le métier des armes, il ne cessa jamais d'être un intellectuel. Alors que tant d'autres cherchaient arguments pratiques afin de contrer l'impérialisme soviétique, il préféra s'investir doctrinalement de façon à comprendre les ressorts intimes des multiples succès communistes, succès d'autant plus surprenants que les résultats obtenus par les Rouges dans la gestion de la Cité étaient toujours désastreux. Cela fit de lui un tacticien redoutable et redouté, soucieux de transmettre à la mouvance, une efficacité apprise chez les ennemis. Lucide parce que probablement marqué par les lectures de Lenine, de Giap ainsi que des grands techniciens de la Révolution, il tenta d'influencer la mouvance en insistant sur la nécessaire formation de type subversif de l'élite des militants. C'est peut être à Netchaiev (1), le grand Ancien, qu'il me fait le plus songer.
Comme tant d'autres, je n'ai pu aussi, dès que j'ai su, que songer à Mishima, lui aussi préoccupé essentiellement par le devenir de sa civilisation. A une différence près: Mishima était réactionnaire alors que Dominique Venner représentait l'autre pôle de la mouvance, à savoir la Révolution. Peut être faudrait-il d'ailleurs, une fois de plus, évoquer l'expression oxymorique de Révolution conservatrice.
La dernière lettre de Dominique Venner est, à l'heure où j'écris, disponible en ligne:
« Je suis sain de corps et d’esprit, et suis comblé d’amour par ma femme et mes enfants. J’aime la vie et n’attend rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d’en tirer les conséquences. À défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l’illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d’abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu’à mes amis et fidèles. Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l’explication de mon geste. ».
S'impose dès lors pour tous, un profil bas devant l'acte héroïque.
Dominique Venner a pu réunir, et en cela il n'a jamais varié, la théorie et la pratique. D'un point de vue théorique, le haut lieu choisi est symbolique nous remémorant un passé millénaire dont certaines sources évoquent la nuit des temps. D'un point de vue pratique, son geste interroge ceux qui viennent d'apprendre et qui méconnaissent l'essentiel. Il s'est choisi, comme Koestler, une mort humaine, ne laissant pas les organes décider pour lui l'heure de sa mort.
Etincelle dans la nuit, Dominique Venner est resté Grec.
notes |
Article publié sur Voxnr