Traduction de l'anglais par Philippe DELBAUVRE.
Natella Speranskaya: La révolution
nationale a commencé en Turquie. Quelles sont les forces en présence
? Qui se bat contre qui ?
Claudio Mutti: Les slogans concernant
les «droits humains» et la «démocratie», les agissements des
Femen, la solidarité exprimée par Madonna et d'autres stars
hollywoodiennes, la rhétorique antifa truffée de "Bella ciao"
comme musique de fond, sont les symptômes d'une «révolution
orange» ou un «printemps turc », plutôt que d'une révolution
nationale. À l'heure actuelle, il est impossible de savoir si les
troubles ont éclaté de manière spontanée, ou si ce sont vraiment
des agents étrangers qui ont provoqué des troubles, comme prétendu
par Erdogan. Mais nous devons considérer que l'ambassadeur américain
Francis Ricciardone a répété deux fois en deux jours son message
en faveur des manifestants et que John Kerry a fait une déclaration
sur le droit de contester. Certes, parmi les manifestants il y a
aussi des militants et des activistes d'intérêt national,
anti-atlantistes et aussi des mouvements pro-Eurasie (comme, par
exemple, le Parti des travailleurs, ISCI Partisi); mais je ne pense
pas qu'ils sont en mesure de diriger une masse aussi hétérogène
vers l'objectif d'une révolution nationale.
Natella Speranskaya: Comment se place
la révolution turque en terme d'opposition géopolitique de
l'eurasisme (Russie, Iran, Syrie) à l'occident et à l'atlantisme
(OTAN, USA, UE) ?
Claudio Mutti: Il est vrai que
beaucoup de gens ont été troublés par l'implication de la Turquie
dans le conflit syrien. Néanmoins, lorsque les manifestants clament
"Nous sommes les enfants d'Atatürk", ils expriment une
préoccupation liée à des croyances laïcistes et séculaires, pas
à une position de type eurasiste. Malheureusement, je ne vois pas
une tendance anti-Atlantique d'importance dans la présente révolte.
Natella Speranskaya: Votre pronostic
quant à l'évolution des événements en Turquie et leurs
conséquences sur la situation en Syrie?
Claudio Mutti: Il est probable que la
révolte turque va pousser Erdogan à penser à l'adage «Qui sème
le vent récolte la tempête» et l'amènera à se consacrer
davantage aux affaires turques que syriennes, conscient sans doute
que les Américains sont toujours prêts à évincer leurs
collaborateurs, après en avoir fait usage. Ainsi, il y a deux mois,
son ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a signé un
protocole d'accord avec le SCO. Si le gouvernement turc veut être
cohérent avec cette décision, il doit abandonner ce genre de
«néo-ottomanisme» qui dissimule un rôle impérialiste, utile aux
intérêts nord-américains. Encore mieux, si la Turquie veut
vraiment être un point de référence pour les peuples musulmans de
la Méditerranée et du Moyen-Orient, il doit rompre ses liens avec
l'OTAN et avec le régime sioniste. Il est en effet schizophrène de
déstabiliser la Syrie et en même temps d'accuser le sionisme et
Israël d'être, selon les mots de M. Erdogan, "un crime contre
l'humanité» et «une menace pour la paix régionale".
Notes: le lien vers le site de Claudio Mutti: http://www.granews.info/content/turkish-revolution-interview-claudio-mutti