Important, parce que, pour la
première fois depuis des décennies, un philosophe reprend la question de
l’ impôt, non pas sous l’angle technique, mais sous l’angle de sa
légitimité – et, osons le mot, sous l’angle de sa moralité. On
pourrait résumer la thèse de Philippe Némo ainsi : le socialisme, en
s’attaquant par l’impôt, au principe même de la propriété privée, est,
par là même, immoral.
J’insiste : pas seulement inefficace,
mais bien immoral. Bon nombre d’observateurs concèdent volontiers que le
socialisme est moins efficace qu’un régime de liberté, mais se
comportent comme s’ils supposaient que cette moindre efficacité était le
prix à payer pour une plus grande justice. Or, il n’y a aucune justice à pratiquer le vol. Et spolier plus de la moitié des revenus d’un être humain, c’est bien un vol.
Ce vol repose sur l’ idée implicite que toutes les richesses appartiennent à la collectivité. C’est
sans doute une version abâtardie de l’ idée de destination universelle
des biens de la doctrine morale catholique. Mais, dans ce dernier cas,
il n’est question que d’un devoir moral des riches de faire en sorte que
les pauvres soient en mesure de vivre décemment. Non d’une
collectivisation des biens. Or, l’histoire a montré que les
libertés économiques étaient le meilleur moyen de sortir les pauvres de
la misère. Comme le note Philippe Némo, si l’on a observé une hausse du
nombre de pauvres au XIXe siècle, avec la naissance du capitalisme,
c’est d’abord parce que ces pauvres ont pu survivre. C’est aussi parce
que les structures sociales de l’Ancien Régime – qui, de soi, n’avaient
rien de contradictoire avec les libertés économiques – avaient été
détruites par la Révolution.
En tout cas, il est clair que les progrès scientifiques, techniques
et économiques enregistrés par l’Europe aux XIX et XXe siècles doivent
énormément à la liberté et rien du tout à l'utopie collectiviste. [...]
[L'impôt] n’est légitime que pour deux missions.
D’abord assurer les fameuses missions régaliennes et notre sécurité (et
ce service étant « négatif », c’est-à-dire qu’il est d’autant mieux
rempli qu’il ne nous arrive rien et que nous ne « sentons » donc pas les
effets du service, il convient de répartir exactement le coût de ces
missions régaliennes entre tous les citoyens). Ensuite, financer les
services publics inaccessibles au marché et, alors, l’impôt doit être
proportionnel. En aucun cas, il ne peut être progressif, car l’ impôt
n’est pas fait pour « assurer la justice sociale », ni pour «
transformer la société »."