Comme on le sait il y a eu assez peu de films sur la Guerre d’Algérie et ses séquelles. Le très beau film d’Alain Cavalier, L’insoumis qui
date de 1964, et qui pourtant ne développe pas un point de vue
politique particulier, avait choisi comme personnage principal un soldat
perdu de l’OAS. Mais ça n’avait pas plu, et le film fut rapidement
censuré pour des raisons politiques assez obscures. Il ne fallait pas
parler de l’OAS, fut-ce pour en dire du mal. D’autres films plus
politiquement corrects comme R.AS. d’Yves Boisset, ou Avoir vingt ans dans les Aurès, de
René Vautier ont traité plutôt de la guerre en elle-même, avec
l’engagement de troupes contre le FLN. Tous ces films sont groupés sur
les années 1972-73, comme si avant on n’avait un peu peur de traiter
cette question. Il y a bien eu aussi Les centurions qui date de
1966, mais bien qu’il s’appuie sur un roman de Jean Lartéguy, écrivain
très largement engagé à l'extrême-droite, et qu’il y ait des acteurs
français comme Alain Delon, Maurice Ronet ou Michèle Morgan, mais c’est
un film américain, réalisé par un metteur en scène classé à gauche ! Ce
film avait été un très gros succès en France, et aussi dans toute
l’Europe. Dans Le complot ce n’est plus de la Guerre d’Algérie
dont il s’agit, mais de la guerre que se livrent les forces de police
assistées par les barbouzes et les restes de l’OAS qui sont traqués de
toutes parts.
Cyrus vient d’être arrêté par le commissaire Lelong
Les
débris de l’OAS jettent leurs dernières forces dans la bataille.
Pensant qu’en libérant Challe de la prison de Tulle, ils pourront
reprendre le combat contre De Gaulle et l’abandon de l’Algérie. Nous
sommes après les accords d’Evian. Cyrus a été arrêté. C’est
le commandant Clavet qui va le remplacer pour mener cette mission à
bien. Il va donc recruter un certain nombre de membres de l’OAS pour
mener trois opérations, d’abord attaquer une perception pour financer la
manœuvre, ensuite se procurer des armes et enfin faire évader Challe.
Mais les hommes du commissaire Lelong appuyés par les barbouzes de
Paraux vont leur donner la chasse. Ils vont s’apercevoir que l’OAS a des
informateurs partout, que ce soit à l’Etat-major ou que ce soit dans la
police. C’est d’ailleurs l’inspecteur Moret qui est en relation avec le
commando. Mais peu à peu la police commence à faire parler ceux qui
trempent de près ou de loin dans ce complot. D’abord l’industriel Carat
qui a lui-même été vendu par un proche, puis c’est Brunet qui se met à
table. Enfin Moret va passer aux aveux. Entre temps les membres du
commando ont réussi le hold-up et volé les armes. Ils se dirigent vers
la prison de Tulle, mais ils vont être interceptés avant d’avoir pu
agir, certains de ses membres seront tués. Le commandant Clavet sera
arrêté. C’est clairement la fin de l’OAS.
Le hold-up a lieu très vite
L’excellent
scénario est dû à Jean Laborde qui signa dans la Série noire des
ouvrages sous le nom de Raf Vallet. Son point de vue refuse de prendre
parti et établi plutôt un constat assez réaliste de ce qui pouvait se
passer en France juste après la signature des accords d’Evian. Il montre
qu’en effet la situation n’était pas si claire que ça puisque les
pied-noir, 1,5 millions de Français tout de même, seront les victimes de
l’indépendance. Il n’est donc pas question de justifier le point de
vue du FLN ou celui de l’Algérie française. Les portraits individuels
des deux camps sont plutôt nuancés, on trouve parmi les membres de l’OAS
des idéalistes, mais aussi des vrais fondus comme Saporo, ou des
crapules comme Brunet qui trahit sans vergogne pour de l’argent. Du côté
des forces de l’ordre, si on peut dire, il y a le commissaire Lelong
qui fait son boulot et qui pense qu’il faut en finir avec cette guerre
civile larvée qui sape les fondements de la république. Mais il y a
aussi Paraux, le chef des barbouzes qui ne s’embarrasse d’aucun scrupule
pour détruire le commando, utilisant des méthodes extra-légales. Une
fois qu’on a compris la diversité des motivations des uns et des autres,
il y a une mécanique, propre au film noir, qui se met en place, c’est
l’ambiguïté d’une situation confuse. En effet la position des uns et des
autres est assez instable et conduit à ce que la trahison soit
généralisée. La trahison se pratique dans les deux camps, du côté du
commando, dès lors que celui-ci se trouve affaiblit, mais aussi du côté
de la police. Moret est l’informateur de l’OAS, on verra également un
sénateur assurer l’OAS de son soutien en cas de putsch réussi si Salan
en prend la tête. Tous les coups sont permis, et le chantage est
généralisé comme méthode. Le loyal Leblanc ne sait plus trop s’il doit
croire à son combat, et Clavet, vaincu est complètement désabusé. Il y a
tout de même une dimension désespérée, représentée par le personnage de
Saporo, un pied noir dont les parents ont été liquidés par le FLN dans
des conditions atroces, et qui se venge en liquidant à son tour des
Algériens dans des cafés arabes de la capitale.
Le commando investit un dépôt d’armes
Malgré
de très bonnes intentions, la réalisation n’est pas vraiment à la
hauteur, le rythme est assez lent, c’est filmé assez platement et
surtout c’est très bavard. Il est assez triste que les décors naturels
ne soient pas mieux utilisés, que ce soit les rues de Paris, celles de
Madrid ou encore le dépôt d’armes. Les angles de prise de vue sont très
souvent étriqués, trop de champ contre-champ dans les dialogues
banalisent le récit et il y a un manque de mobilité de la caméra qui est
assez gênant. On comprend bien que le film développant un point de vue
choral ne soit pas simple à mener, mais est-ce une raison pour saborder
la scène de l’attaque de la perception ou celle du vol du dépôt
d’armes qui auraient pu donner un peu de punch à la réalisation ? Trop
de scènes se passent dans le bureau du commissaire Lelong. C’est
répétitif. Les scènes entre Clavet et sa femme ne sont pas très justes
non plus. Certes on comprend bien que le film ne s’intéresse pas à la
psychologie des personnages, mais il est cependant incohérent que sa
femme ne s’inquiète pas plus que ça des mystérieuses disparitions de son
mari, alors qu’ensuite, face à la police elle dira un peu le contraire.
Paraux annonce à Lelong qu’il va mener la vie dure aux membres de l’OAS
La
distribution est fournie et de grande classe, c’est elle qui sauve un
peu le film. Michel Bouquet est le commissaire Lelong, obstiné et
glacial, c’est un rôle qu’il a souvent joué dans la première moitié des
années soixante-dix. Il est excellent, et on croit tout à fait à son
autorité quand il se met à faire parler les prévenus. Jean Rochefort est
un peu plus pâle dans le rôle difficile de Clavet, un militaire un peu
raide, prisonnier de sa parole. Il retrouvera un rôle un peu semblable
dans Le crabe-tambour, le très beau film de Pierre
Schoendoerffer. Il était jusqu’alors plus habitué aux comédies légères,
dans des positions de faire-valoir. Raymond Pellegrin, grande figure du
film noir à la française hérite du rôle de Paraux, le chef des
barbouzes. Il est toujours très juste, comme d’habitude. Il y a aussi
Marina Vlady dans le rôle de la femme de Calvet, on n’a pas l’impression
qu’elle s’y soit intéressé vraiment. Et pourtant je suis d’habitude
plutôt un inconditionnel de cette magnifique actrice. Michel Duchaussoy
est très bon dans le rôle d’un ancien para, le lieutenant Leblanc, qui
sait que tout est perdu mais qui continue tout de même. Comme c’est une
coproduction la distribution sera complétée par Gabriele Tinti dans le
rôle de l’inspecteur Moret, rôle auquel il donne une dimension fiévreuse
bienvenue, et par Simon Andreu dans celui de Baudry, un autre paria. Un
petit coup de chapeau au passage à Robert Castel qui représente le pied
noir qui a tout perdu, ses parents, ses biens et ses illusions avec la
fin de l’Algérie française. Et puis Dominique Zardi dans le rôle d’un
ancien légionnaire qui se désole d’être toujours du mauvais côté !
Le commissaire a compris que l’inspecteur Moret informait l’OAS
Le
film n’a eu aucun succès commercial, quoique la critique ait été assez
indulgente, trouvant courageux qu’on s’attaque à un tel sujet. Pourtant
malgré les limites de la réalisation il possède au moins deux qualités,
la première est de présenter la fin de la Guerre d’Algérie dans sa
complexité, sans vouloir juger et infliger un pensum politique, la
seconde est d’utiliser ce décor singulier comme un tremplin pour un film
noir. On peut le ranger au rang des témoignages de ce qu’ont été ces
pages sombres de l’histoire. Il y a d’ailleurs en ouverture des images
d’époque des barricades, de la visite de De Gaulle en Algérie, avec le
fameux « Je vous ai compris ». On verra aussi le douloureux exode des
pieds noirs.
Le commando est arrêté
Addenda
Le film peut facilement être trouvé sur internet, via par exemple, la méthode des torrents.