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samedi 13 septembre 2014

Frédéric le Grand, chef de guerre

Nicolas Champion

Chateau


De son vivant, Frédéric-Guillaume se lamentait d’avoir un fils si peu intéressé par la chose militaire, préférant s’instruire en cachette de choses inutiles et de mener une vie de « mignon », à l’instar de son grand-père, Frédéric Ier. Pourtant, lorsque le jeune Frédéric monte sur le trône à la mort de Frédéric-Guillaume, la légèreté va laisser place à un sens du devoir et du dévouement peu commun envers la patrie, mue par un pragmatisme politique et militaire qui permettra à ce jeune souverain, ce « Salomon du Nord » comme l’appelait Voltaire, de faire entrer la Prusse dans le concert des Nations européennes.

Petite histoire de la Prusse avant Frédéric II

L’histoire de la Prusse médiévale et moderne est une histoire complexe, tout autant que celle du Saint Empire, auquel elle a longtemps été affiliée. Prusse et Marche de Brandebourg, les deux provinces qui composent le royaume de Prusse lors de l’accession de Frédéric, ont longtemps connu une histoire séparée, qu’il serait bien trop long de détailler ici.[1]

Frédéric-Guillaume Ier, par Antoine Pesne. :
Chateau


Trois souverains ont marqué l’histoire de la Prusse à la période qui nous intéresse. Frédéric III d’abord, grand-père de Frédéric le Grand. Par son alliance avec le Saint-Empire et la maison de Habsbourg, il obtient en 1701, avec l’approbation de l’empereur d’Autriche Léopold Ier, le titre royal et prend le nom de Frédéric Ier « Roi en Prusse ». Oui, « roi en Prusse », car au départ Frédéric Ier n’est « que » roi de la province Prusse. En dehors de ce territoire, il reste, entre autre chose, margrave de Brandebourg. Le passage du titre de « roi en Prusse » à celui de « roi de Prusse » n’est en fait qu’un glissement sémantique, aucun événement particulier n’ayant marqué ce passage. L’habitude faisant, on ne parlera plus que d’un royaume, le royaume de Prusse, composé grosso modo[2] du Brandebourg, capitale Berlin et siège du pouvoir, et de la Prusse orientale, capitale Königsberg.

C’est ensuite Frédéric-Guillaume Ier, fils de Frédéric Ier, qui laisse un héritage conséquent à la Prusse. Frédéric-Guillaume est l’antithèse de son père. Si ce dernier aimait plus que tout la vie de cour et la frivolité, voulant imiter le grand souverain de son temps qu’était Louis XIV, Frédéric-Guillaume lui, est un être plutôt austère, sévère, préférant la compagnie de ses généraux à celle des courtisans. Cela lui vaudra d’ailleurs le surnom de « roi-sergent » : bien qu’il ne mena aucune guerre, Frédéric-Guillaume entretint une armée extrêmement disciplinée et bien équipée. Grand administrateur, Frédéric-Guillaume stoppa net le train de vie de la cour de Prusse une fois son père mort, privilégiant le développement de son État, la création d’une administration centralisée et efficace, ainsi que d’une armée performante capable de défendre son royaume. Le troisième souverain est, bien entendu, Frédéric II.

Frédéric II, un enfant idéaliste…

Le jeune Frédéric de Prusse. :
Chateau


Frédéric II naît le 24 janvier 1712. Il est l’aîné d’une famille de dix enfants, quatre garçons et six filles. L’enfance de Frédéric est une douloureuse expérience. Son père, très autoritaire, refuse que le jeune garçon suive des études classiques, souhaitant qu’il reçoive l’éducation minimum lui permettant de gérer un État. Pas de langues mortes, pas d’histoire antique, encore moins de philosophie ou de littérature. Ces matières, Frédéric les apprendra en cachette, avec la complicité de son précepteur, qui mettra des livres en français à sa disposition.

Frédéric ne supporte pas son père, qui ne se gène pas pour l’humilier devant ses officiers, en se moquant ouvertement de son air efféminé. La souffrance endurée le conduira à tenter de s’enfuir en Angleterre avec son ami le plus proche — et amant ? —, Hans von Katte, via le Hanovre, où règne son oncle maternel George II. Mais à la veille du départ, c’est le drame. Le projet arrive aux oreilles du roi de Prusse, qui fait enfermer les jeunes gens à la forteresse de Küstrin. Katte est condamné à mort et est exécuté sous les fenêtres de Frédéric, intentionnellement. Craignant pour sa vie, Frédéric n’a d’autre choix que de se soumettre à la volonté de son père. Celui-ci, malgré le serment d’obéissance que lui prête son fils, ne lui fait plus confiance, et ne change en rien ses brimades. Mais Frédéric tient bon. Il veut se racheter.

Il en vient à apprendre l’art de la guerre auprès d’officiers de son père, qui lui enseignent les bases du commandement. Au bout d’un moment, on lui confie le commandement d’une petite unité de la Garde, qu’il commande avec un réel talent, et finit contre toute attente à prendre goût à la chose, pour le plus grand plaisir de son père.

Ce dernier, qui avait placé son fils en résidence surveillée depuis l’incident, relâche quelque peu son emprise et autorise son fils à aller s’installer à Rheinsberg, vers la fin de l’année 1736, où Frédéric entrevoit pour la première fois, et selon ses propres mots « le visage du bonheur ». C’est durant cette période de quiétude, qui durera quatre ans, qu’interviennent deux évènements importants dans la vie de Frédéric : sa correspondance avec Voltaire et la rédaction de l’Antimachiavel.

Portrait posthume de Nicolas Machiavel (détail), par Santi di Tito. :
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C’est une œuvre importante que cet Antimachiavel. Frédéric le rédige en réponse à la sa lecture du Prince, « un livre abominable » selon lui. Le texte reprend la construction de l’œuvre de Nicolas Machiavel, en vingt-six points, où Frédéric s’attache à démonter les arguments du Florentin. On y trouve notamment une critique de l’absence totale de morale chez Machiavel, pour qui la défense de l’État passe au-dessus de toute autre considération, la dénonciation de la guerre de conquête due à la vanité d’un seul homme au dépend du bien-être de son peuple…

C’est le portrait type du « despote éclairé » que peint ainsi Frédéric dans son manifeste. C’est d’après ce principe qu’il entend régner plus tard, un règne de raison et de justice. Hypocrisie ? Lorsque l’on sait que Frédéric envahit la Silésie l’année de son accession au trône, et ce sans déclaration de guerre, on est en droit de le penser. Mais il faut se rappeler que Frédéric, malgré les interdictions de son père, a été bercé de littérature classique et des prémices des Lumières, notamment à cause de sa francophilie. Le jeune Frédéric est un idéaliste, qui a une haute opinion du pouvoir et du bien que le juste souverain doit faire. Toute cette pensée s’effondre lorsque Frédéric-Guillaume meurt, le 31 mai 1740.

…devenu roi pragmatique

À vingt-huit ans, Frédéric monte sur le trône de Prusse sous le nom de Frédéric II. En 1740, rien n’a beaucoup changé depuis le règne de son grand-père : la Prusse est la curiosité de l’Europe, un petit royaume, faible, sans ressource, peuplé de 2 200 000 âmes, divisé en deux, d’un côté le Brandebourg, de l’autre la Prusse orientale, séparé par la Prusse occidentale appartenant à la Pologne.

Malgré tout, le début du règne de Frédéric II commence bien : son père lui a légué un royaume parfaitement bien administré, avec une armée fort bien disciplinée, même si elle n’a jamais servi.

Contrairement à ses prédécesseurs, Frédéric veut marquer l’histoire et faire entrer la Prusse dans le concert des Nations européennes. À une époque où une Nation n’est riche que d’hommes, la Prusse fait pâle figure face aux grandes puissances comme l’Autriche et la France. Si Frédéric veut avoir voix au chapitre, il doit montrer qu’il en est digne, que la Prusse n’est pas un État de second rôle.

Le royaume de Prusse en 1786 :
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L’occasion se présente lorsque l’empereur Charles VI d’Autriche meurt. Ce dernier, n’ayant pas de descendant mâle pour lui succéder, lègue par la Pragmatique Sanction de 1740 l’intégralité des États des Habsbourg à sa fille, Marie-Thérèse. Pensant que cette dernière ne saura s’imposer, Frédéric décide de s’appuyer sur une vieille revendication familiale pour envahir la Silésie, région située au Sud du Brandebourg, sans déclaration de guerre.

Frédéric pense frapper un grand coup, et il a raison : la Silésie est résolument la région la plus riche de l’empire d’Autriche, représentant près de 20% de ses revenus. De plus, une majorité de la population est restée très attachée au protestantisme, malgré l’effort déployé durant la contre-réforme pour ramener dans le giron catholique les populations déviantes. Les armées prussiennes envahissent donc la Silésie, dont la conquête s’avère d’une facilité record. Personne en Europe ne s’attendait à cela, malgré le fait que tous les esprits étaient tournés vers cette région du monde, espérant un prompt dépeçage de l’empire des Habsbourg.

Frédéric entend négocier avec Marie-Thérèse, qu’il pense pouvoir réduire à accepter ses conditions. Mais contre toute attente, cette dernière ne se laisse nullement faire. Lionne parmi les loups, elle parvient à s’affirmer comme souveraine en une année, et ne compte pas laisser le Prussien s’en tirer si facilement.

Au printemps 1741, les troupes impériales entrent en Silésie. Frédéric entend riposter avec force, afin de pousser Marie-Thérèse à signer rapidement la paix. Il choisit donc d’affronter les Autrichiens à Mollwitz. Alors que les choses auraient dues tourner en faveur des Prussiens, les troupes de Frédéric perdent pied et paniquent. Frédéric est persuadé par son entourage de fuir et d’aller se réfugier dans un moulin, où il apprend quelques temps plus tard…qu’il a gagné ! En son absence, ses officiers ont réussi à réorganiser les rangs et à faire fuir les autrichiens, sans parvenir à les écraser toutefois.

Piètre baptême du feu pour celui qui s’imaginait déjà auréolé de gloire. C’est pourtant cette semi-humiliation qui va pousser Frédéric à se pencher plus avant sur la tactique. Cette bataille fut « son école », selon ses propres termes. Pour l’aider dans ses recherches, Frédéric peut compter sur l’aide et les conseils de Karl Théophil Guichard, un allemand d’origine huguenote, militaire et historien, parfait connaisseur de l’Antiquité.

Comme à son habitude, Frédéric lit beaucoup, il se documente. Pas auprès des auteurs antiques comme Polybe ou Végèce, non. Frédéric est pragmatique, ses pensées se tournent donc vers des auteurs plus contemporains, surtout des Français — le français est la seule langue qu’il maîtrise parfaitement — comme Folard et Feuquières, tous deux officiers de Louis XIV.

La pensée militaire de Frédéric II

Frédéric n’est pas un stratège. C’est un pragmatique, nous l’avons dit. Durant les trois guerres qu’il va mener pendant les 46 ans de son règne, son objectif premier sera de mener une guerre courte, rechercher la bataille décisive, qui poussera l’ennemi à la paix. Ce qui peut sembler banal pour un amateur d’histoire napoléonienne ne l’est pas du tout à l’époque.

Du temps de Frédéric, la stratégie est dans l’impasse. Les batailles en rase campagne sont statiques, les unités sont déployées en ordre mince, causant un grand nombre de pertes, pour des résultats discutables. Ni le choc de la cavalerie ou de l’infanterie ne sont encore pensés, ou du moins ne se sont pas employés.

Ce type de guerre, forgé par de puissants États capables d’endurer de longs conflits grâce à leurs ressources économiques et humaines, comme l’Autriche ou la France, ne peut en aucun cas satisfaire le roi de Prusse. Régnant sur un petit État, pauvre économiquement et humainement, Frédéric ne peut se permettre de participer à une guerre d’usure comme se livrent depuis plusieurs siècles les grandes Nations européennes. De cette impérieuse nécessité va naître la pensée militaire contemporaine.

Frédéric s’emploie en effet à rechercher une victoire décisive rapidement, rejouant continuellement le jeu de Sparte contre Athènes à l’époque classique. Réhabilitant l’ordre oblique, tactique consistant à renforcer l’une de ses ailes tout en en dérobant une autre afin de concentrer le feu sur l’aile opposée, Frédéric parvient à défaire des ennemis parfois supérieurs numériquement. Ses qualités manœuvrières combinées à la parfaite discipline de son armée lui valent des succès retentissants, comme à la bataille de Leuthen en 1757, où à 35 000 contre 65 000 Autrichiens, Frédéric parvient, à la faveur du brouillard, à redéployer son armée sur le flanc de l’armée adverse, faisant un carnage. Le bilan en atteste : 6000 Prussiens tués contre 22 000 Autrichiens. Malgré tout, l’ordre oblique n’est pas une tactique à toute épreuve, car si l’offensive n’est pas poussée jusqu’au bout, l’élan de la troupe est stoppé, et cette dernière devient fort vulnérable aux assauts de la cavalerie adverse.

Frédéric ne sort d’ailleurs pas toujours vainqueur. À la longue, ses adversaires comprennent sa tactique, et font tout pour refuser le combat, le forçant à mener une guerre d’usure, nocive pour la Prusse. Mais celui que l’on surnomme désormais « le Grand », comme tant d’autres avant lui, possède une chance incroyable, cette bonne étoile qui veille sur les hommes illustres.

Soldats prussiens à la bataille de Mollwitz :
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La première manifestation de cette chance, c’est Mollwitz. Plus tard, en 1759, alors que les troupes russo-autrichiennes viennent de défaire l’armée prussienne, ouvrant la route vers Berlin, tout semble perdu pour Frédéric, qui songe d’ailleurs au suicide, pour l’honneur. Or contre toute attente, l’ennemi fait route vers le Sud, permettant à Frédéric de renforcer son armée et de vaincre. Deuxième « miracle de la maison de Brandebourg ». Troisième miracle : alors qu’une coalition franco-russo-autrichienne combat la Prusse durant la guerre de Sept Ans, la tsarine Elisabeth de Russie, alors grande puissance émergente, meurt. Son successeur, Pierre III, profondément prussophile, signe à la barbe de ses alliés la paix avec Frédéric, et s’allie même avec lui ! Cette passion pour la Prusse coûtera d’ailleurs la vie au malheureux Pierre, vite remplacé par Catherine II.

Finalement, au bout de 46 années de guerre, le bilan militaire de Frédéric II reste mitigé. Fait incontestable, c’est sous son règne que la Prusse a émergé sur la scène européenne. Par le nombre de ses faits militaires, grâce auxquels elle s’est profondément agrandie par l’annexion de la Silésie et de la Prusse occidentale, réalisant l’unité territoriale qui lui manquait, la Prusse est désormais une puissance sur laquelle il faut compter, passant de 2 à 6 millions d’habitants. Mais à quel prix ? À la mort de Frédéric II en 1786, la Prusse est exsangue humainement et économiquement. 3 guerres, 21 batailles, 11 victoires, 7 défaites et 3 batailles indécises ont coûté la vie à près de 150 000 soldats prussiens. Presque autant deviennent invalides.

Tactiquement parlant, bien que Frédéric ait réinventé l’offensive — ce que les auteurs français, comme Guibert, théoriseront — sa tactique n’est pas infaillible et n’est pas parfaite : la poursuite de l’adversaire défait, clé de voûte de la victoire dans la pensée napoléonienne, n’est pas possible du temps de Frédéric, essentiellement pour des contraintes logistiques, mais aussi parce que la notion de corps d’armée capables d’opérer de manière semi-autonome, n’existe pas encore.

Malgré tout, Frédéric reste le grand penseur militaire du XVIIIe siècle, celui qui a apporté un souffle nouveau à l’art du combat. Ses mémoires militaires seront d’ailleurs pieusement étudiées à l’école militaire prussienne par trois générations d’officiers, prolongeant le mythe de la victoire décisive, chimère qui poursuivra l’état-major allemand jusqu’en 1945.

Notes

Bibliographie

BLED Jean-Paul, Frédéric le Grand, Paris, Fayard, 2004, 540 p.
LOPEZ Jean, « 1745-1945 : deux siècles de fureur et de mythes », in La supériorité militaire allemande ? Le mythe du siècle !, Guerres & Histoire, n°7, Juin 2012
WILDEMANN Thierry, « Frédéric II, l’autodidacte surdoué » in Guerres & Histoire, n°19, Juin 2014


Source

Le bréviaire des patriotes

Poutine, Strelkov et la sixième colonne


Alexandre Douguine

Chateau


Igor Strelkov est vivant et en bonne santé. Il a été forcé de quitter la République Populaire de Donetsk et les charges qu'il y occupait. En tant qu'homme fidèle au seul Monde Russe, il ne pouvait accepter de jouer selon les règles dictées par le parti qui veut liquider la Novorossia et qui a commencé à reprendre l'initiative à Moscou à la mi-mai. Strelkov était devenu un danger mortel pour la « sixième colonne ». Au moyen de basses intrigues, cette dernière parvint à convaincre la direction russe de rappeler Strelkov.

Dès le début du conflit, j'ai pronostiqué une lutte cruelle entre les patriotes et la sixième colonne au sujet de la bataille pour la Novorossia. Sourkov, de retour au pouvoir incarnait le personnage opposé à Strelkov. Il incarnait le clan oligarque, les réseaux d'influence, la bourgeoisie compradore et les restes ratés de la famille Eltsine, c'est-à-dire le pôle du parti de la liquidation.

Mais Strelkov n'allait pas partir dans n'importe quelles circonstances, si ce n'était un ultimatum : tu sors de la République Populaire de Donetsk, et on fournit une aide suffisante pour créer un revirement des forces sur le terrain. Strelkov est devenu le nom du Printemps Russe, une figure du mythe russe. Si l'aide lui avait été fournie, il aurait pris la tête de la Grande Offensive, et le réveil populaire aurait été irréversible, non seulement en Novorossia, mais en Russie même. Avons-nous bien accordé attention au revirement, au sens militaire, à la fin juillet, à peu près au moment du départ de Strelkov ? Avons nous bien compris la déclaration de Zakharchenko au sujet du renforcement de 1200 hommes ? Nous souvenons-nous du moment où les médias de la junte ont commencé à glapir au sujet des « soldats russes » ? Quand donc fut rompu le siège de Donetsk et de Lougansk et commença la marche vers Marioupol ?

De sombres intrigues politiques se nouaient, en parallèle aux succès militaires. A Moscou, d'un côté, on se chargeait de l'aide concrète ; d'un autre on s'occupait de technologie politique. Les récits des uns et des autres diffèrent. Le départ de Strelkov priva la RPD d'un centre politico-militaire. Alors débutèrent les processus destructifs dans la direction des deux républiques du Donbass. Le parti de la liquidation se vit face à un système plus malléable. S'en suivirent des déclarations contradictoires, du type de celles de Minsk, et puis vinrent les démarches très ambiguës d'Antioufeev, qui contribuèrent à ce que commencent à s'effondrer les forces qui était à la source même de la RPD.

Là où se trouve Sourkov, là sévissent le mensonge, l'intrigue, la vilenie, le gâchis, le simulacre, les manigances de Kourganine, et l'échec. Dans un tel milieu, semblable à l'acide sulfurique, un personnage héroïque tel Strelkov ne peut subsister.

Mais il ne faut pas accuser Sourkov seulement. Il est intégré au réseau ramifié de l'oligarchie pro-américaine de la Russie des années '90, oligarchie réformatrice libérale et s'appuyant sur des réseaux d'influence. Il a des alliés à tous les étages du pouvoir russe, depuis l'administration présidentielle jusqu'au sein du gouvernement. De telles coteries existent chez les militaires et dans les services spéciaux. A la fin des années '80 et pendant les années '90, c'est à peine si on n'encourageait pas la collaboration de nos services spéciaux avec ceux des Américains et des Européens. Pendant longtemps, Primakov, partisan de Gorbachev et de la perestroïka, a dirigé le Service des Renseignements Extérieurs et a promu plus d'un personnage douteux dans les hautes sphères du pouvoir.
Après la Crimée, tout ce réseau a été mis sur le pied de guerre. Une série de personnes (très) proches de Poutine sont intervenues directement et ouvertement contre son attitude décidée envers l'Ukraine et envers la Crimée. Mais lorsque commença l'insurrection en Novorossia, la sixième colonne s'insurgea véritablement contre Poutine. Jusqu'ici, il s'agit d'une insurrection matérielle, d'un sabotage actif. Mais les agents de la sixième colonne, stimulés par l'Occident vont clairement passer à une nouvelle étape, et pousseront les choses jusqu'à susciter un maïdan russe. Dans de telles circonstances, le patriote Igor Strelkov, fidèle à Poutine et incarnant l'éveil populaire, ne pouvait être qu'une pierre d'achoppement. Voilà la raison de son péremptoire rappel hors de la RPD. Pour Strelkov, une aide à la RPD, suffisante pour créer un revirement militaire, c'est fondamental, et Poutine , c'est le chef suprême. Voilà les deux motifs de son départ. L'aide est arrivée, de même que l'ordre de partir. Mais pour autant que je comprenne, il n'est pas résigné à demeurer inactif et veut poursuivre son combat pour la Russie et le Monde Russe, combat entamé il y a longtemps, mené sur les fronts de Bosnie, de Transnistrie, de Tchétchénie, de Crimée et du Donbass, de même qu'au sein du FSB de la République de Russie, où il a servi 16 ans en tant que colonel.

Il y en a qui servent sous l'effet de la peur. D'autres sont mus par leur conscience. Strelkov sert en conscience, une conscience combative. Il sert la Russie en tant qu'Idée, en tant qu'Histoire, en tant que Peuple, en tant qu'Empire.

Depuis son départ, on observe deux tendances en Novorossia :

1.l'arrivée de l'aide en contrepartie de son départ (le début de l'offensive).

2. le parti des liquidateurs se conduit en Novorossia comme chez lui, ne rencontrant plus l'opposition de l'inflexible patriote Strelkov et des révolutionnaires de la première vague, qui s'appuyaient sur lui.

Voilà les circonstances dans lesquelles les négociations de paix furent entamées. Porochenko est hanté par l'effroi face à l'effondrement de son opération militaire et à un quasi effondrement. Mais le parti russe des liquidateurs, en échange de la promesse de levée des sanctions, ou encore du retrait d'une nouvelle série de celles-ci, accourt à l'aide de la junte, acculée au bord du gouffre par les succès militaires de la Novorossia. En Finlande des oiseaux de la nichée de Primakov ont mené des entretiens secrets avec le Council of Foreign Relations, tentant de concrétiser le lâchage de la Novorossia. Il s'agit, fondamentalement, du sabotage des décisions patriotiques de Poutine.

En Russie même, les réseaux libéraux ont repris la chasse aux patriotes. Ceux-ci sont démonisés, noircis, calomniés, salis, accusés de « fascisme » et de tous les péchés mortels. Bien entendu, Igor Strelkov est une des cibles principales.

Nous entrons dans une période extrêmement difficile, la sixième colonne liquide la Novorossia, mais elle prépare aussi le renversement de Poutine. Bien sûr, il est fort et décidé. Mais l'élite russe formée dans les années '80 et '90 consiste presqu'exclusivement en libéraux, en partisans de l'Occident et fondamentalement en traîtres à la cause nationale. Ce milieu corrompu a transformé, lavé, et corrompu jusqu'aux militaires et forces de sécurité arrivés au pouvoir avec Poutine. Comment ? On le constate avec l'exemple de la Novorossia : on fait entrer dans l'affaire des technologues de la politique, les intrigues démarrent, et puis les affrontements, la corruption, la tromperie, et la liquidation.

Si on laisse échapper la Novorossia, on perdra la Crimée, quelles qu'aient pu être les promesses que nous aurait faites l'Occident à travers ses réseaux d'influence. Et surtout : nous laisserons échapper l'Idée Russe, trompant les attentes du peuple russe qui commence à s'éveiller, à s'unir et retrouver confiance en lui-même. On en reviendra à un point critique, semblable à celui de la Période des Troubles (au début du 17e siècle), à celui des révoltes en 1917. Et de nouveau, comme si souvent au cours de l'histoire russe, le Guide est arraché et isolé du peuple, et entouré d'une élite traîtresse qui le hait et hait le peuple et joue lâchement à les opposer.
Toutes les conversations concernant un « plan astucieux » ne sont que rêveries naïves. Aujourd'hui, la situation est très difficile pour Poutine. Il n' a pu se décider à miser sur le peuple et à mener jusqu'à la victoire (si proche!) la guerre dans laquelle l'Occident l'a fait entrer. Mais son élite (la sixième colonne), l'a trompé ouvertement. Derrière leur dévouement personnel se cache le réseau d'influence, au service du seul capital, ceux qui espionnent Poutine. Dans la Bible, il est écrit : « Là où est ton trésor, là est ton cœur ». Leur trésor se trouve dans les banques étrangères et offshore, leurs familles et leurs villas sont en Occident. C'est pourquoi leur loyauté est mensongère et intéressée. Ils servent un autre dieu : mammon, leviathan. Dans les situations critiques, seul le peuple peut être un soutien réel pour le Guide, le peuple et son avant-garde patriotique. Le nom de cette avant-garde est Igor Strelkov.

Nous n'avons pas besoin d'un cessez-le-feu. Nous avons besoin de la libération de toute la Novorossia. Nous avons besoin qu'il soit mis un terme au déchaînement de la junte. Il est fini, le temps du faux patriotisme sur commande, dans l'esprit du Seliger et des « nachis ». Nous avons besoin d'une réelle révolution conservatrice, et si elle vient d'en haut, elle ne sera que molle et apprêtée.
 
Source

Bertrand Du Donbass

Pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir…

  Capitaine Martin





Chateau



Le système capitaliste repose sur des médias de plus en plus omniprésents car parfaitement adaptés aux évolutions technologiques du XXIème siècle. Journaux et chaînes télévisées représentent aujourd’hui une arme redoutable pour ceux qui tirent les manettes de l’économie globale. Et ne parlons pas de liberté de la presse !

Tout récemment, les mésaventures de Libération, affrontant une des plus graves crises de son histoire, ont nécessité d’avoir recours à des hommes d’affaires fortunés prêts à renflouer les caisses, moyennant forcément une emprise plus ou moins directe sur l’entreprise et partant, la ligne éditoriale. On ne mord pas la main qui vous nourrit...

Malgré ceci, de nombreuses voix se font entendre pour critiquer ce système qui nous pousse inexorablement vers une crise, économique et morale, de grande ampleur. Certains, tel l’éditorialiste du New York Times Roger Cohen, estiment même que les tensions qui agitent l’Ukraine, la guerre syrienne et les conflits territoriaux en mer de Chine sont autant d’éléments qui pourraient déclencher un nouveau conflit mondial.

Plus que jamais l’Occident, qui continue à être à la traîne de ce système en n’acceptant pas de céder le témoin aux BRICS, met le feu aux poudres en alimentant les guerres et autres entreprises de déstabilisation. Et là encore, l’appareil médiatique n’a jamais autant joué son rôle de propagandiste que depuis la chute du Mur. Le principe du « deux poids et deux mesures » est à ce petit jeu-là un véritable atout dans la manche des États-Unis et de leurs alliés, une arme dévastatrice utilisée au fil des ans pour hypnotiser et tromper une opinion publique de plus en plus privée de sens critique et de profondeur culturelle. Les États-Unis ont même rendu systématique ce « deux poids et deux mesures » en trouvant le terrain d’entraînement idéal avec la Guerre froide qu’elle a menée contre l’Union soviétique au cours du XXème siècle.

Mais comment diable s’y sont-ils pris ? C’est très simple : en accusant le pays des soviets de ne pas respecter les droits humains et d’arrêter injustement les dissidents politiques. Dans le même temps, le maccarthysme battait pourtant son plein au pays des soi-disant libertés, et des milliers d’Américains suspectés d’avoir de simples sympathies pour le socialisme ont connu les foudres de la « chasse aux sorcières ».

Certains, à l’image des époux Rosenberg, ont même connu la chaise électrique. Et lorsque les chancelleries dites démocratiques mettaient en cause le bloc socialiste pour son intervention en Hongrie et en Tchécoslovaquie, les États-Unis et leurs alliés écrasaient les revendications populaires en Corée, au Vietnam, en Angola, au Congo ou en Amérique du sud sans que personne n’osât alors remettre en doute la supériorité morale de l’Empire.

Et peu importe si, à la même période, les États-Unis étaient en train de dépasser l’URSS en termes de taille relative de sa population carcérale... Les médias avaient déjà fait le tri.

On ne parlera même pas de la politique intérieure des États-Unis, marquée durant les années cinquante et soixante par un racisme quasi institutionnel à l’encontre des Noirs et des Hispaniques. Un racisme impensable pour un pays se faisant le chantre de la liberté.
Rappelons que l’ancien président sud-africain Nelson Mandela figurait sur la liste des terroristes établis par l’Empire, et ce depuis la présidence de Ronald Reagan jusqu’en 2008.
Son parti, l’ANC (Congrès national africain), était alors considéré par les autorités américaines comme une organisation terroriste en raison de son engagement contre l’apartheid. Ces éléments n’ont pourtant jamais entamé la confiance aveugle des pays d’Europe de l’ouest vis-à-vis de son allié d’Outre-Atlantique. Cela pouvait encore se comprendre tant que l’URSS était debout ; il s’agissait alors d’une guerre idéologique entre l’Ouest et l’Est, et l’Occident se retrouvait, bon gré mal gré, sous le parapluie de l’OTAN.

Avec la chute de son ennemi soviétique, les États-Unis ont perdu toute excuse. N’ayant plus d’Empire du mal à défier, la « reine des démocraties » aurait dû tenir ses promesses et délivrer au monde entier la prospérité que la présence du monstre soviétique empêchait jusque-là d’offrir. Force est de constater que la chute de l’URSS n’a pas conduit à une amélioration des conditions sociales. Pis, les droits des travailleurs ont commencé à être malmenés et le bien-être ne s’est pas propagé si ce n’est par le développement de nouveaux biens technologiques, mais au prix d’un processus de fragmentation de la richesse aboutissant à la capitalisation par quelques-uns de sommes considérables d’argent au détriment du plus grand nombre.

Quant aux guerres, elles sont loin d’avoir disparu.
L’Irak, la Yougoslavie, le 11 Septembre, l’Afghanistan, les Printemps arabes et l’Ukraine nous rappellent que le monde entier verse chaque jour un peu plus dans le chaos. Le « deux poids et deux mesures » figure toujours en pointe de la propagande de guerre que les médias ont mise en place pour apporter un soutien diplomatique et moral aux interventions militaires de l’Occident. De la Libye de Kadhafi à la Syrie d’Assad, les médias ont orchestré sans discontinuer un gigantesque martèlement visant à identifier l’ennemi de la liberté et de la démocratie, le méchant pourrait-on dire, pour le jeter en pâture à l’opinion publique et justifier du même coup leurs prétentions impérialistes.

Ces manipulations, grossières au demeurant, sont d’autant plus possibles que les masses sont littéralement gavées par la propagande d’État. Il est facile dans ces conditions pour les dirigeants occidentaux de ne présenter qu’une analyse sommaire et manichéenne des faits, une analyse n’appelant aucune réflexion.

Pourtant, les militants djihadistes qui combattent Assad après avoir combattu contre Kadhafi sont présentés par les médias comme des combattants de la liberté, alors que les moudjahiddines qui luttent contre les États-Unis en Afghanistan deviennent subitement des terroristes. Plus près de nous, Hollande affirme que le président Assad n’est pas un partenaire fiable contre le terrorisme, alors que ces mêmes terroristes étaient les interlocuteurs de l’Élysée dans ses velléités de destitution des dirigeants syrien et libyen.

En Ukraine, le mouvement de contestation, baptisé « Euromaïdan », montre comment un coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu peut être fomenté avec succès avec un appui étranger et sans intervention militaire.
Il dévoile, une fois de plus, la partialité des médias occidentaux qui, avec une argumentation fallacieuse, appuient aveuglément l’interventionnisme occidental et, avec une vision dichotomique, qualifient là aussi les uns de bons et les autres de méchants. Parmi ceux-ci, les séparatistes de la République populaire du Donetsk... comme si cette appellation suffisait à faire d’eux des terroristes.

L’Occident n’a eu de cesse de rendre ces ennemis inaudibles, pratiquant la désinformation par une perte de repères due à la surinformation en vue de créer non des illettrés ou des incultes, mais des êtres en phase de « désorientation », psychologiquement conditionnés et réorientés dans le sens souhaité. Pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir...
 
Source

Al manar

La BCE ou l’inefficacité de la politique monétaire



 
 Christian Chavagneux
 
Les annonces du 4 septembre de Mario Draghi confirment que nous sommes dans une période où la politique monétaire est inefficace. C’est à la politique budgétaire de nous éviter la déflation.

Article issu du blog de Christian Chavagneux (1)

Ça ne sert à rien d’arroser le désert

Dans la logique de ses annonces du mois de juin dernier, Mario Draghi a confirmé sa volonté de tout faire pour relancer l’activité dans la zone euro. Mais, avec un taux d’intervention de la banque centrale désormais proches de zéro à 0,05 % après la baisse annoncée aujourd’hui, ce « tout » se résume à distribuer de l’argent aux banques par divers canaux (en leur prêtant de l’argent si elles le destinent à financer l’économie, en leur promettant de leur racheter des actifs financiers). Une politique totalement incapable de soutenir la croissance européenne.

Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une période de « trappe à liquidité », comme disent les économistes, c’est-à-dire un moment où l’activité économique est aussi vide qu’un désert : faute de demande du fait des politiques d’austérité budgétaire et du climat déflationniste qui règne actuellement, la banque centrale a beau déverser tout l’argent qu’elle peut, les liquidités se perdent dans les sables et ne font pas monter le niveau du crédit à l’économie. Et donc, cela ne contribue pas à la relancer.

Trop d’épargne

Et ce n’est pas prêt de se terminer. Pour répondre à la crise, les banques centrales, notamment la Banque centrale européenne (BCE), ont baissé les taux d’intérêt à court terme : ils sont aujourd’hui proches de zéro. Les taux à long terme sont tout juste au-dessus. Plusieurs économistes, comme Lawrence Summers, Paul Krugman et Olivier Blanchard, prévoient qu’ils vont rester durablement très bas parce que le monde fait face à un excédent structurel d’épargne (2).

Pourquoi ce surplus durable d’épargne ? Notamment parce que le ralentissement de la croissance démographique se traduit par moins de besoins en équipement, parce que les nouvelles technologies font baisser le prix de l’investissement et parce que la montée des inégalités concentrent les revenus entre les mains de ceux qui épargnent plus.

Résultat, l’offre de capitaux (l’épargne) sera à l’avenir largement supérieur à la demande (l’investissement), ce qui tirera le prix de l’argent, le taux d’intérêt, vers le bas. Conséquence : les marges de manœuvre de la politique monétaire vont rester basses, et pour longtemps, dans un environnement qui va rester structurellement déflationniste par manque de demande. C’est l’hypothèse de « stagnation séculaire » avancée par Summers, Krugman et Blanchard.

Que faire ?

Dans ce contexte, ces trois-là proposent deux politiques pour tenter de ranimer la flamme de l’activité en Europe.

La première consiste à aider les débiteurs, Etats mais aussi ménages et entreprises, à éponger leurs dettes passées avec de l’inflation. Mais pas de l’inflation salariale. Olivier Blanchard a depuis longtemps suggéré l’idée que les banques centrales devraient se fixer un objectif de taux d’inflation de 4 %, plutôt que les 2 % actuels. Avec des taux à long terme scotchés autour de 2 %, une inflation à 4 % donnerait des taux réels – une fois l’inflation prise en compte – négatifs. De quoi inciter à plus de demande de crédit. Problème : l’inflation ne se décrète pas.

La seconde solution est la relance de l’investissement public. S’il y a excès d’épargne sur l’investissement, c’est surtout parce qu’il y a un manque d’investissement. Les besoins sont pourtant énormes : écoles, infirmières, logements, universités de qualité, transition énergétique, etc., les pays de la zone euro – notamment l’Allemagne aux infrastructures publiques en déconfiture mais qui se flatte de courir après les excédents budgétaires !

La période est idéale : les taux d’intérêt à long terme sont faibles, c’est le moment de s’endetter sans que cela coûte cher. Et l’investissement public, en accroissant la demande, aurait un effet d’entraînement sur l’investissement et l’emploi privé.

Cela ferait monter la dette à court terme ? L’austérité budgétaire a aujourd’hui le même résultat : en cassant la croissance et en réduisant les rentrées fiscales, les déficits ne baissent pas comme le montre le cas français. Quitte à ce que la dette progresse un peu, que cela serve au moins à créer de l’activité et de l’emploi. L’effet de relance permettra alors de diminuer le ratio dette/PIB plus rapidement.

Malheureusement, rien ne laisse supposer que les Etats européens y soient prêts. Mario Draghi a surpris tout le monde lors de la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole, en août dernier, en réclamant plus de flexibilité dans la réduction des déficits budgétaires en Europe, un message réaffirmé en septembre. Il a pourtant raison : il fait ce qu’il peut avec ses armes de politique monétaire, mais il sait qu’elles sont émoussées. Faute d’action budgétaire, la déflation risque de s’installer, et durablement dans la zone euro.
 
Notes

  (1) http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/

(2) http://www.voxeu.org/article/secular-stagnation-facts-causes-and-cures-new-vox-ebook

Source

Alternatives économiques :: lien

Pauvreté : le regard des Français se durcit, les solidarités s'affaiblissent

   
 
 Isabelle Rey-Lefebvre
 
Le constat est terrible, les Français portent un regard de plus en plus dur sur les pauvres. Les chiffres de l'enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc)(1), réalisée sur un échantillon représentatif de 2 000 personnes interrogées en face à face entre décembre 2013 et janvier 2014 et publiée le 12 septembre, le prouvent.
Chateau


De fait, 37 % des Français pensent que les personnes qui vivent dans la pauvreté n'ont pas fait d'effort pour s'en sortir. En 2009, au lendemain du déclenchement de la crise, ils n'étaient que 25 %.

« C'EST INÉDIT »

Autre indicateur, 64 % pensent que, s'ils le voulaient, les chômeurs pourraient retrouver un emploi et 44 % estiment que l'aide de la collectivité aux familles aux ressources insuffisantes les déresponsabilisent. « C'est inédit, les crises économiques ont par le passé renforcé la compassion des Français envers les pauvres, depuis 2008, c'est l'inverse les liens de solidarité s'affaiblissent », observe Jorg Muller chargé de recherche au Crédoc et maître de conférence à Sciences Po.

Les politiques sociales sont de plus en plus remises en causes, les craintes que les aides sociales soient déresponsabilisantes n'ont jamais été aussi fortes. Ainsi, 76 % des personnes interrogées estiment qu'il est parfois plus avantageux de percevoir des minima sociaux que de travailler, 53 % considèrent que le RSA incite les gens à ne pas travailler… Ils n'étaient que 31 % en 2009.

L'opinion s'est retournée entre 2008 et 2014 ; le nombre de Français qui pensent que l'aide apportée aux familles très modestes par les pouvoirs publics est suffisante a plus que doublé passant de 31 % à 63 %.

SCEPTICISME SUR LES AIDES SOCIALES

Le scepticisme sur l'efficacité des aides sociales et leur acceptabilité se répandent parmi les classes moyennes dont le pouvoir d'achat a baissé comme l'a annoncé l'Insee dans une étude publiée le 9 septembre. Le niveau de vie médian a fléchi de 1 % en 2012 en euros constant et même 2 % pour les 20 % de population la plus modeste.

« Il est à prévoir que la solidarité fléchisse même au sein des familles, prévient Jorg Muller. Aujourd'hui, les soixante-huitards, qui arrivent à la retraite, encore aisés soutiennent leurs enfants et amortissent les chocs mais la génération suivante, moins dotée, ne sera pas en mesure de le faire. »

Corrélativement, l'idée que les plus riches doivent donner aux plus modestes perd du terrain : en 2012 les trois quarts des français (71 %) souhaitaient une plus grande redistribution des riches ; deux ans plus tard, ce taux est tombé en dessous, à 55 %. « L' actualité politique avec le sentiments que les riches sont déjà suffisamment taxés n'est pas sans lien avec l'arrivée de la gauche à la tête de l'Etat », remarque le Crédoc .

Pour Jorg Muller, « la crise de représentativité, de scepticisme sur l'action politique, conduit au retrait des individus de la société au repli sur soi ».
 
Notes

(1) http://www.credoc.fr/pdf/Sou/Note_de_synthese_N11_Pauvete.pdf

Source

Le Monde

Amazon, danger pour la diversité culturelle ? Plutôt une aubaine pour les petits éditeurs


 
Xavier C. Petit éditeur  
 
"Amazon porte atteinte à la diversité littéraire" (1). C'est en ces termes qu'Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture, parlait du géant américain, le 12 août dernier. La socialiste se montrait très critique envers les pratiques de cette entreprise, évoquant la mort possible des librairies indépendantes. Xavier C. dirige une petite maison d'édition. Il se montre bien plus nuancé.
Chateau


Entrepreneuse, je dirige ce que l'on peut qualifier une "petite" maison d'édition. Nous ne publions qu'une quinzaine de titres par an, en travaillant "à l'ancienne", c'est-à-dire en privilégiant la qualité littéraire de nos ouvrages, et en prenant du temps pour les retravailler, les corriger, voire les réécrire en partie, en collaboration avec les auteurs.

Quelle est cette maison ? Je ne vous le dirai pas, d'une part parce qu'il s'agirait de publicité, et que tel n'est pas le propos, et surtout pour éviter les représailles de certains libraires. Vous allez comprendre pourquoi...

Vendre des livres : une galère permanente

Comme nos moyens financiers sont limités, il nous est impossible de passer par un diffuseur pour vendre nos livres. D'abord parce qu'il est impossible, pour une petite maison d'édition, d'en trouver un : ceux-ci privilégient exclusivement les "majors", ou assènent aux candidats des tarifs exorbitants.

Ensuite parce que cela nous serait financièrement inaccessible : les diffuseurs prennent une marge de 15 à 20% du prix des ouvrages, qui s'ajoute à la commission des libraires.

Or, comme nous ne vendons que relativement peu d'ouvrages, nos tirages sont limités. Nos frais d'impression sont donc relativement plus onéreux que pour des grandes maisons d'édition (plus le tirage est important, moins les frais d'impression par exemplaire sont chers). D'autant que nous nous efforçons de faire imprimer en France. De ce fait, nos marges sont donc restreintes : 5% en moyenne.

C'est le chien qui se mord la queue : sans diffuseur, pas de gros tirage ni de diffusion importante. Et sans gros tirage, pas de diffuseur. Pour commercialiser nos ouvrages, il nous reste donc deux solutions : démarcher les libraires un par un, ou passer par les sites de vente en ligne, tel Amazon.

Trop de libraires ne jouent pas le jeu

Démarcher les libraires n'est pas garantie d'efficacité. Tout d'abord parce que les libraires véritablement indépendants sont rares. Or, la plupart des autres librairies refusent tout ouvrage d'une petite maison d'édition, 95% des fois sans avoir pris le temps de lire les ouvrages.

En effet, ces librairies préfèrent distribuer les ouvrages qui leurs sont imposés par les entreprises de diffusion, en grande majorité les livres des "grandes" maison d'édition.

Ces libraires, qui s'offusquent à tout crin de la disparition de la "diversité culturelle", ne craignent ainsi pas de vendre le dernier ouvrage d'une star de télé-réalité écervelée, plutôt qu'un bon roman d'un petit auteur talentueux, mais malheureusement inconnu.

Diversité culturelle que ceci ? Et je ne prêche pas que pour ma paroisse : une grande partie de la production littéraire est issue de ces petites maisons d'édition, et d'autres que la mienne publient chaque année de petits bijoux... en pure perte.

Des commissions très élevées

Autre problème avec nos amis libraires : leur commission. La plupart jouent le jeu, et prélèvent une commission de 25 à 30% du prix des livres. Ce qui est déjà beaucoup lorsque l'on songe que l'éditeur qui, lui, prend tous les risques financiers, ne se contente que d'une marge bien inférieure.

Et que dire des auteurs, auxquels la plupart des maisons d'édition n'accorde que 8% de droits d'auteur, alors qu'ils ont tout de même effectué la majeure partie du travail).

Le libraire, lui, ne prend guère de risque, puisque la plupart du temps, le petit éditeur doit lui consentir des retours en cas d'invendus, ou se contenter d'un simple dépôt-vente.

Et si la majorité des libraires demeurent dans les clous, certains n'hésitent pas à profiter de leur position pour réclamer aux petits éditeurs des commissions de 40, voire 45 %.

Un moyen de faire connaître ses ouvrages

Reste donc Amazon, la société responsable de tous les maux de nos amis libraires. Beaucoup de petits éditeurs parviennent à faire connaître (et à vendre) une bonne partie de leurs ouvrages par son biais.

Non seulement leur commission ne s'établit en moyenne qu'à 20%, mais l'on peut y commercialiser tous les ouvrages. Une chance donc pour les nouveaux auteurs, même si elle n'est qu'infime, de faire profiter aux lecteurs de leur talent, et de voir celui-ci reconnu.

Certains lecteurs ne s'y trompent pas, et une partie de ces ouvrages absents des rayons des librairies atteignent des chiffres de vente tout à fait honorables.

Certes, le lecteur ne bénéficiera pas du conseil du libraire. Mais cette méthode favorise le "bouche à oreille", et les bons ouvrages se transmettent de sites spécialisés en forums littéraires, autant dire d'une multiplicité d'avis et de critiques. Précisons : de critiques de vrais lecteurs.

Une aubaine pour les petits éditeurs

Alors oui, Amazon favorise bien la diversité culturelle en France. Cette société est même devenue, au grand dam de certains, la plus grande librairie de France.

Bien sûr, l'on ne peut que regretter que les bénéfices de cette entreprise n'enrichissent pas davantage les caisses de l'État. L'on ne peut que regretter les pertes d'emploi générées par sa position prédominante, au détriment des libraires français.

Mais la balle est dans le camp de ces derniers. Si l'on veut parler de diversité culturelle, bien entendu !
 
Notes

Édité par Sébastien Billard

(1) http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20140812.OBS6151/amazon-meilleur-ennemi-d-aurelie-filippetti.html
 

Source

Le Nouvel Observateur

vendredi 12 septembre 2014

Le pourquoi de l'échec de Jean-Luc Melenchon



Le pourquoi de l'échec de Jean-Luc Melenchon
 
 Philippe Delbauvre
 
Des droites en France depuis la révolution française, il en existe trois, que René Rémond a qualifié en partant de la plus à droite vers la plus centriste de légitimiste (1), de bonapartiste et d'orléaniste. De la même façon, il existe trois gauches dès cette époque que l'on peut appeler, de gouvernement, patriote et républicaine, et enfin de contestation.

Force est de constater que depuis une trentaine d'années, deux de ses trois droites ainsi que deux de ces trois gauches ont disparu. Fatalement donc ne restait dès le milieu des années quatre-vingt qu'une seule droite et qu'une seule gauche. Non sans provocation vis à vis des théoriciens de gauche, j'appelle donc orléanistes la droite et la gauche restant en liste, pratiquant l'une et l'autre forcément la même politique, ce dont les Français ont de plus en plus conscience. Que les Français votent donc Ump ou Parti socialiste, c'est toujours à l'orléanisme qu'ils apportent leurs suffrages. Voilà donc expliqué pourquoi, malgré des alternances entre droite et gauche, c'est toujours la même politique qui est pratiquée : une politique libérale centriste.

Dieu merci, puisque la possibilité d'une alternative est maintenant possible, le Front National a ressuscité la droite bonapartiste, bien davantage d'ailleurs bonapartiste que de droite. En ce sens, d'un point de vue théorique – cela se traduit aussi dans les faits - le bonapartisme s'oppose à l'omniprésence malsaine de l'orléanisme puisqu'il incarne aussi bien la droite comme la gauche.

Après le départ de Georges Marchais, le parti communiste effectua une révolution intérieure qui se traduisit par la défense des micro-minorités. Alors que Georges Marchais se réclamait du Peuple dans sa quasi globalité ( les « gens » disait-il), ses successeurs décidèrent le soutien aussi bien aux homos qu'aux minorités raciales pour ne citer que deux exemples.

De la même façon, Jean Pierre Chevènement, incarnant longtemps la gauche bonapartiste ( une alternative donc) disparut en terme de pensée politique de la scène politique française. Il a décidé de quitter le parti socialiste (devenu orléaniste donc) afin de créer successivement plusieurs mouvements, ce afin de propager ses idées. Chaque tentative se traduisit par des échecs. Tout aussi grave, absent désormais du parti socialiste, il ne disposa plus des moyens de peser sur lui de l'intérieur. La tentative de recréer une des trois gauches disparue, fut donc politiquement un échec.

Jean-Luc Melenchon, très distant de l'orléanisme du parti socialiste eut très bien pu constituer une alternative crédible. Il se présenta d'ailleurs comme tel. D'où par exemple sa célébration du fait républicain. Son idée pour ne pas dire son obsession qui fut et reste de contrer l'ascension du Front National eut pu être une réussite, même partielle. Ce dont souffre Jean-Luc Melenchon, c'est de son trostkisme dont il ne s'est jamais départi. Alors qu'il devrait incarner une gauche bonapartiste (nationale, patriote, laïque, populaire), il s'enferme dans des considérations théoriques détachées des réalités, auxquelles bien évidemment les Français, notamment les classes populaires, sont totalement indifférents.

Cette analyse est tout aussi valable pour la gauche de contestation – la plus à gauche de toutes les gauches – qui s'enferme dans des discours fortement idéologiques, nonobstant le désamour de la plupart des Français pour le fait politique lorsqu'il est politicien ou idéologique. Après tout, notre société, capitaliste par essence, est en crise, et les anticapitalistes devraient avoir le vent en poupe. Or, il faut bien constater que Npa et Lo accumulent les résultats lamentables. Là encore, la responsabilité en incombe à des discours idéologiques dont les Français n'ont cure.

Aujourd'hui, et les études le montreront de plus en plus dans l'avenir, Marine le Pen et le Front National, apparaissent et apparaîtront comme les plus proches des préoccupations des Français. C'est une des raisons majeures de leurs succès.
 
Notes:

(1) René Rémond par la suite, préféra qualifier cette droite de contre-révolutionnaire

Au sujet de la question palestinienne (Partie I)


   
Au sujet de la question palestinienne (Partie I)
 Philippe Delbauvre
 
 
Sur la question palestinienne, il a beaucoup été écrit ces dernières semaines. Le point de vue très majoritaire au sein de la mouvance consiste à refuser de faire un choix entre les deux protagonistes. Peut être en raison de l'individualisme étendu à l'ensemble d'une communauté bien frileuse. C'est ainsi que le conflit israelo-palestinien ne devrait pas nous préoccuper au motif que la Palestine n'est pas contrée européenne. C'est là oublier l'évolution technique qui a permis l'invention de missiles intercontinentaux tout comme la vitesse que permet aujourd'hui les voies de déplacement. C'est croire aussi qu'un conflit local ne peut jamais se propager. Après tout, Athènes est géographiquement très proche de Gaza. Après tout, c'est aussi oublier que les pays arabes, musulmans, sont autrement plus instables que voici quelques années.

On a de par le passé, refusé de « Mourir pour Dantzig » : cela n'a pas empêché une guerre mondiale de se déclencher par la suite, puis de nous atteindre et de nous blesser. Retenons donc la leçon.

Ni l'Europe, ni la France ne sont protégées par l'intermédiaire d'un globe de pendule. C'est tant vrai que les problèmes majeurs qui touchent la France et les Français ne sont nullement endogènes. L'hyperviolence de la délinquance, la fin de l'esprit chevaleresque, l'immigration massive ou le chômage, pour ne citer qu'eux, sont le lot commun des pays occidentaux. La France subit ses fléaux d'importation américaine et cela de plus en plus.

La France mais aussi l'Europe, de par leur passé glorieux, n'ont pas vocation à la neutralité. Considérer que l'une et l'autre doivent être des puissances majeures, ce que chacun au sein de la mouvance souhaite, c'est dès lors postuler qu'elles doivent acquérir une dimension planétaire. A se recentrer sur le terroir des origines en abandonnant ce qui fut un empire (Algérie, Indochine), la France est devenue un simple hexagone d'un petit demi million de kilomètres carrés. D'où le fait que sa voix n'est plus écoutée. D'où son impossibilité aussi de freiner ou d'accélérer des processus qui ont cours à l'échelle mondiale qui pourtant, fatalement, finissent par nous toucher. Et ce n'est certainement pas en se taisant que l'on sera écouté.

Bref exposé de la théorie des chiffons



Bref exposé de la théorie des chiffons

Philippe Delbauvre
 
C'est au vingtième siècle que prend naissance le fait idéologique. Non pas qu'il n'existe pas des précédents auparavant, mais ils restent mineurs : avant le vingtième siècle, très majoritairement, les hommes ont défendu leur patrie, indépendamment de la politique. C'est ainsi que, par exemple, la grande alliance socialiste européenne qui souhaitait se proposer de s'opposer à la première guerre mondiale, échoua : les pacifistes allemands votèrent les crédits de guerre.

On s'étonne aujourd'hui en France du fait djihadiste touchant certains de nos « compatriotes ». C'est oublier les précédents que constituent par exemple la légion condor ou les brigades internationales. Des Français qui allèrent combattre en Espagne entre 1936 et 1939, aussi bien côté franquiste que républicain, il n'en manqua pas. Aujourd'hui encore, des Français se sont engagés en Ukraine dans des camps différents comme leurs aînés des années quatre-vingt dix combattant côté serbe, croate ou bosniaque.

Le fait brouille les cartes et rend l'analyse plus complexe : le temps ou tout était simple, chacun se reconnaissant dans le proverbe anglais « right or wrong my country »(1), est désormais révolu. De mon point de vue, j'y vois un progrès de la pensée célébrée, aux dépens d'un simple réflexe pavlovien. Après tout, la plupart des ministres de la cinquième république furent français au sens où beaucoup l'entendent dans la mouvance (2), sans que leurs actions ne nous apparaissent comme conforme à l'intérêt de la France comme des Français. En ce sens, il eut peut être mieux fallu que nous fussions dirigés par un Allemand ou un Asiatique …

Les Etats-Unis durant le vingtième siècle, et encore aujourd'hui, tentèrent presque toujours de mobiliser les autres pays derrière eux, en agitant tout au long de ce segment historique, différents chiffons, espérant ainsi induire chez les pays concernés la réaction du taureau face à la muleta. Force est de constater que cette stratégie eut beaucoup de succès.

Tout commença à l'échelle internationale par le chiffon brun qu'agita Roosevelt. Ce au point d'aller jusqu'à financer et armer Staline. Il n'est pas certain que Roosevelt avait perçu que le fait se traduisit par l'occupation communiste de la moitié de l'Europe par les communistes, justement affiliés à Staline. Et Churchill déconfit, après la guerre, de s'interroger si c'était « le bon cochon qui avait été tué ». Un aspect apparaît certain, c'est que la croisade fut une réussite, les Américains étant d'ailleurs présents militairement, après la guerre sur le sol européen.

Après le chiffon brun advint celui de couleur rouge. Et la croisade de devenir anticommuniste. Ce n'est certes pas que je me reconnaisse dans le fait marxiste mais force est de constater qu'ils furent très nombreux ceux qui pratiquèrent alors l'alignement systématique sur les Etats-Unis, nonobstant les mises en garde de personnalités comme celles de Thiriart, Duprat ou De Benoist. Et le chiffon rouge d'aussi bien fonctionner que le chiffon brun, pour le plus grand intérêt des Etats-Unis.

Survint le chiffon vert agité, afin de nous faire haïr arabes et musulmans. Et de nous prévenir que l'armée de Saddham Hussein était très dangereuse pour notre survie, sachant qu'elle était la sixième du monde. On sait ce qu'il advint et avec quelle facilité militairement, l'Irak fut vaincu. Vint ensuite Kahafi, victime lui aussi du chiffon vert, qui mobilisa tant d'Européens. Il semble lorsque l'on lit aujourd'hui Bernard Lugan (3), le spécialiste européen de la question, que les Européens, sensibles au chiffon vert, pratiquèrent alors une détestable politique.

Chateau



Le chiffon vert, c'est aussi celui qui après le fait arabe, est agité pour combattre l'islam. Le fait est d'autant plus amusant que la montée en puissance de cette religion , d'un point de vue politique, fut la conséquence de l'agitation du chiffon rouge : qui, si ce n'est les Etats-Unis, armèrent les islamistes afghans et tant d'autres ? Nous en sommes là aujourd'hui et il nous faut faire preuve de la plus grande circonspection même si notre réflexe – pavlovien – nous pousse sans réflexions, à applaudir à la destruction de l'Etat islamique.

Temps est venu pour moi de prévenir le lecteur de la couleur du prochain chiffon : il sera jaune !
 
 
Notes:

(1) Que mon pays ait tort ou raison, je suis derrière lui

(2) Certains dans la mouvance considèrent qu'un Juif ou un Noir ne peuvent être français.

(3) Le site de Bernard Lugan : http://bernardlugan.blogspot.fr/

Réponse à Guillaume Faye - Le grand remplacement n'est peut être pas celui que l'on croit



Réponse à Guillaume Faye - Le grand remplacement n'est peut être pas celui que l'on croit
 Philippe Delbauvre
 
On ne balaye pas d'un revers de la main un écrit de Guillaume faye comme s'il était un bref message posté sur facebook par le tout venant. Dans le cas présent, non seulement l'article est de grande valeur mais il est de surcroît long et issu d'un des penseurs majeurs de la mouvance.

L'un des problèmes majeurs de cette dernière est qu'elle est surtout constituée par des jeunes qui ont naturellement propension, en raison de leur âge, d'être impulsifs et excessifs. C'est ainsi qu'au sein même de la mouvance, la différence d'appréciation entre les uns et les autres, se traduit vite en haine ou excommunication. En fait, malgré nos nuances, sur l'essentiel, sommes nous d'accord, à savoir l'opposition à ce que l'on a coutume d'appeler le Système. Il était peut être bon de le rappeler. C'est la raison pour laquelle ma critique de cet article sera courtoise et respectueuse de l'altérité intellectuelle.

L'histoire de France est longue et il est légitime de s'interroger sur la date à partir de laquelle peut-on légitimement parler de France comme d'un fait accompli. C'est ainsi qu'en l'an 500, 1000 puis 1500 on peut considérer que la France fut française, même si à l'évidence le terme ne désignait pas du tout la même réalité. La France, comme la plupart des pays, est une dynamique plutôt qu'une essence. La langue elle même, comme la religion d'ailleurs, ne furent nullement les mêmes. En ce sens, l'immigration, si on entend par là, l'importation de facteurs étrangers, n'est nullement récente : et Clovis, et Vercingétorix furent initialement des métèques envahisseurs. N'omettons donc pas que ce que nous appelons indo-européens furent des asiatiques qui ont envahi ce qu'on appelle aujourd'hui l'Europe et l'hexagone dans le cas qui nous préoccupe. Quant au christianisme, issu à l'époque de la lointaine Palestine, il remplaça le paganisme initial presque totalement. Même très récemment – 1914 – 75% des poilus ne parlaient pas ce qu'on appelle le Français … Ainsi donc le fait français, qui n'est nullement original, n'est pas une essence mais un devenir.

Croire pour autant que l'article de Guillaume Faye n'ait point de valeur au motif de ces rappels incontestables constituerait une grave erreur. C'est ainsi que jusqu'au dix neuvième siècle, les termes de Patrie et de Race furent déterminants pour ensemble caractériser ce que l'on appelle la France. En ce sens, le plaidoyer racial de Guillaume Faye ne constitue nullement une erreur.

Vint le vingtième siècle et l'apparition de ce que l'on a coutume d'appeler l'idéologie. C'est ainsi que les hommes, pour beaucoup, cessèrent de privilégier le fait racial ou patriotique, préférant accorder le primat à l'idéologie. Il n'est dons pas impossible que la première guerre mondiale fut le dernier conflit qui fut patriotique. Et le fait idéologique d'aller crescendo tout au loin du dernier siècle.

Les communistes français, par exemple, choisirent l'union soviétique plutôt que la France. De nos jours, il existe de nombreuses internationales : rouge encore, mais aussi chrétienne, raciale, demo-libérale et même, fait plus surprenant, nationaliste.

Entre 1940 et 1944, les Français optèrent pour des choix différents voire même opposés : attendre que cela se calme, Giraud, De Gaulle, Pétain, Hitler, Staline … On comprend dès lors que, indépendamment des faits raciaux ou patriotiques, la politique a laminé la cohésion nationale. C'est la raison pour laquelle le fait unitaire a aujourd'hui disparu.

Les guerres de décolonisation ont poursuivi l'involution. C'est ainsi qu'il y eut aussi bien des asiatiques en Indochine mais aussi des arabes en Algérie pour servir l'Indochine et l'Algérie françaises. Réciproquement, les très fameux porteurs de valises à destination du Fln ou les saboteurs dans les usines d'armements françaises, étaient blancs et français... Toute la seconde partie du vingtième siècle, vit durer guerre froide puis détente, durant lesquelles l'essentiel des engagements ne furent ni raciaux ni patriotiques. Et la levée du rideau de fer ne changea pas la donne...

Obama, décrit comme Noir, et en tant que tel, suscitant beaucoup d'espoirs chez les progressistes français, n'en a pas moins poursuivi une politique visant à l'expansion de la démocratie de type américain dans le monde, avec le capitalisme qui lui est attaché : du fait noir, il n'en est nullement question …

Guillaume Faye Blanc et Français, n'en est pas moins très probablement plus proche de Mishima l'Asiatique Jaune, que des pâles consommateurs blancs et français qui peuplent majoritairement notre pays.

Il nous faut aussi rappeler que depuis 1944 le suffrage universel perdure et que les orientations politiques majeures qui furent celles des différents gouvernements qui se sont succédé, n'ont pu l'être qu'avec l'accord des Français Blancs. En effet, depuis 1984, date à partir de laquelle chacun sait ce qu'est le Front National, l'alternative est possible. Même si la barre des 10% fut franchie à cette date, ce qui correspondait à vingt fois plus que lors des échéances précédentes. Cela ne doit pas masquer qu'à l'évidence, 90% du corps électoral fut indifférent à la thématique ethnico-nationale.

C'est ainsi que les faits raciaux et patriotiques ne peuvent servir de clef de voûte politique que si en France aujourd'hui, existaient une majorité de Guillaume Faye. Nous en sommes malheureusement loin. Et si le Front National est aujourd'hui monté à 25%, il n'est pas certain que le fait ethnico-patriotique soit la cause majeure des suffrages qu'il obtient. A mon sens, la raison économico-sociale est autrement plus déterminante.

Donc, si on prend en considération le dernier siècle écoulé, le fait racial mais aussi la Patrie, sont très secondaires par rapport à l'individualisme ou le tribalisme ambiants. Croire que cette mue soit spécifique aux Blancs constituerait une erreur. C'est ainsi que si beaucoup se sont offusqués des manifestations pro-palestiniennes en France, majoritairement composés d'arabes, force est de constater que presque personne n'a vu l'essentiel : sachant les cinq ou six millions d'arabes en France, si la défense de l'ethnie ou de la religion avaient été essentielles, les manifestations en France eurent alors été d'une toute autre ampleur.

En fait, les Arabes, comme les Blancs, en France, se désintéressent presque totalement des faits ethniques et religieux. Même la politique d'ailleurs ne fait plus recette aujourd'hui pour l'ensemble. En ce sens, même s'il est inadmissible de vanter le grand remplacement aujourd'hui au simple motif qu'il dénature la France de toujours en l'espace de très peu de temps, le problème majeur me semble ailleurs.

C'est ce que le général Delaunay appelle le cancer.

Cette pathologie comme chacun sait n'est nullement un virus externe mais bien une auto-destruction. Je me souviens que dès la fin des années 70, mes prises de positions de type patriotique laissaient autrui indifférent voire railleur. La société dans laquelle nous vivons est consensuelle dans l'ensemble, justement parce qu'elle flatte le cerveau reptilien de chacun, cerveau majeur chez la plupart de nos compatriotes. Il suffit d'ailleurs de déclarer que nous ne cherchons pas avant tout à être heureux, pour apparaître comme un paria. Pas un hasard si les sociologues constate que l'état d'esprit des Français a davantage changé durant les quatre dernières décennies que pendant deux siècles, ce que les jeunes ne peuvent ressentir.

Le vrai remplacement à mes yeux n'est donc autre que la vérole psychologique qui touche la majorité de ceux qu'on ne peut même plus appeler compatriotes. Quand bien même sont-ils blancs et de nationalité française qu'ils sont étranger et à leur Race et à leur Nationalité, et dont ils ne se préoccupent nullement de leurs survies. A titre d'exemple, celui qui prône l'utile, l'efficace, le primat de l'intérêt, rompt de facto d'avec le terroir greco-romain, grande matrice initiale.

« Le monde n'est plus peuplé que de zombies aux yeux morts. »
 
Notes: