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samedi 23 juillet 2005

On continue à parler du fascisme et c'est lassant

Samedi, 23 Juillet 2005
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On continue à parler du fascisme et c'est lassant

Philippe Delbauvre

Tribune libre
On continue à parler du fascisme et cela devient lassant. D'une part, parce que les français sont en quête d'un renouvellement, d'autre part parce qu'il s'agit là d'un anachronisme.

Sternhell s'est imposé comme le grand spécialiste du fascisme français et cela grâce à une étude monumentale disponible en quatre tomes en édition de poche.

L'historien israélien s'est vu pourtant reprocher une minimisation de l'influence de la première guerre mondiale par nombre de ses collègues. S'il est exact que l'aspect conceptuel du phénomène politique était préexistant à la première guerre mondiale, il y manquait l'ingrédient qui fait que la réaction en chaines s'opère ou non.

En 1918, celui à qui tout le monde veut ressembler, c'est au poilu. On a beau parler de « der des der », le héros c'est quand même et avant tout le combattant.

Ou mieux, le guerrier. Car au fond, rien de nouveau sous le soleil à cet époque. Héros grecs ou romains, port de l'épée réservé à la noblesse, carrière des armes, mythes des deux empereurs suivant la célébration du « grand » Louis XIV, la vénération populaire passe par la célébration du héros casqué. Ceux qui y sont allés et les autres, l'avant qui tient mais l'arrière sur lequel on se pose des questions et on émet des doutes. On retire le chapeau ou le bérêt devant l'ancien combattant ou le soldat qui défilent. C'est la grande muette qui fait le plus parler.

Alors, après coup, ceux qui en furent versèrent dans le pacifisme quitte à célèbrer le temps des copains et de la fraternité partagée, ou alors célèbrèrent leurs passés plus ou moins glorieux en transmettant et les uns et les autres la bonne parole à ceux qui n'avaient pas l'âge. On comprend bien que les seconds parce que leurs récits étaient plus virils et plus grandioses qui fascinèrent le plus. Entre anciens combattants bardés de médailles scrutant l'outre Rhin (confère les croix de feu) et le jeunesse respectueuse mais aussi soucieuse de faire mieux que les anciens, l'alchimie ne pouvait que naître. Le port de l'uniforme qui n'est d'ailleurs pas le monopole de la droite est à ce titre emblématique de la fascination exercée par l'armée (combattante) sur l'ensemble des esprits de la république. On a donc assisté durant les deux guerres à la militarisation des esprits mais aussi des habitudes voire des réflexes. Et cela non pas afin de préparer la seconde, mais d'imiter, de perpétuer voire de recommencer la première.

Voilà la raison pour laquelle, lorsque je lis « ce fascisme qui vient », je me dis qu'un des phénomènes dont on a le plus parlé n'a pas été compris. Parce que justement, cette militarisation des esprits n'est plus. Les conséquences sont importantes: cela signifie une rupture avec toute l 'éthique guerrière de notre histoire. Cela signifie aussi, et rien ne vous empêche de regarder autour de vous afin de vérifier, que le fascisme est mort.