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lundi 6 février 2006

Caricature et perte du sacré

Lundi, 6 Février 2006
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Caricature et perte du sacré

Philippe Delbauvre

Politique
Caricature et perte du sacré
Je souhaiterais aborder l’épineux problème des caricatures par l’intermédiaire d’un autre angle afin de sortir des redites qui finissent à long terme par devenir lassantes. Ces images, on le sait, arrivent en pleine période de tension entre la Perse et l’occident, de sorte qu’il ne peut s’agir là du fruit du hasard. En effet, l’on n’a pas attendu les derniers événements pour caricaturer et Ben Laden et Arafat. On eût pu s’en prendre au Prophète bien plus tôt si on l’avait souhaité.

Ces caricatures sont aussi une assimilation entre Islam et guerre comme si les deux ne faisaient qu’un. Propagande, donc et par définition puisque cette première peut aisément se définir comme une caricature de l’information.

Tout à fait logiquement et avec une certaine naïveté les musulmans dans leur majorité ont protesté. Si les catholiques français l’ont fait à leur époque (la dernière tentation du Christ), c’est en revanche minoritairement. Cette différence n’est pas la conséquence d’une plus grande tolérance en milieu catholique mais d’une perte de la foi : si Dieu s’est fait homme, qu’il est mort sur la croix et s’est trouvé ressuscité, si en conséquence ce phénomène unique dans l’histoire est avéré, alors tout homme croyant ne peut accepter une caricature de l’idéal qui le fait vivre.

Un heureux hasard m’a fait relire un livre de Mircea Eliade dont le titre est « Le sacré et le profane ». Alors que je songeais aux caricatures, l’ouvrage m’est revenu l’espace d’un instant en tête, ce qui a modifié le cours de mes réflexions.

Au delà, de l’habituelle polémique entre la liberté d’expression et le respect du à chacun se trouve tout autre chose, enfoui, auquel personne ne me semble avoir songé. La liberté de la presse étant elle aussi cadenassée depuis bien longtemps. Inutile d’aborder également la liberté d’opinion, pensée unique oblige.

Ce qui se trouve enfoui, pour ne pas dire enterré n’est autre que le Sacré.

Les occidentaux ont perdu ce concept depuis nombre de décennies ce qui explique leur incompréhension lorsqu’il sont confrontés à d’authentiques croyants, ou plus simplement à certains élèves des grandes écoles militaires dont les traditions sont sacrées justement. Les profanes, même s’ils exportent très facilement leur modèle sociétal ont très probablement perdu ce qui les mettait en contact avec le supramonde : le Sacré grandit l’homme et le place au dessus des contingences simplement matérielles. Mais aussi, il impose aussi à l’homme une humilité dont l’occidental est aujourd’hui dénué. L’individualisme en est la cause majeure. Le Sacré est inclus dans le religieux tout en le débordant. Ainsi, la fidélité au drapeau est bien davantage une fidélité à une représentation par l’étoffe qu’au drapeau lui même. Ce que l’on appelle la garde au drapeau et qui est constituée des six hommes en protection situés autour de lui, bénéficie d’une législation particulière : tout soldat membre de la garde se doit y compris par l’usage de son arme d’empêcher quiconque de venir toucher l’étendard.

Je peux comprendre la surprise du lecteur suite à la lecture de ces informations. Il peut apparaître surprenant qu’effleurer un drapeau puisse coûter un coup de baïonnette. Voilà pourtant là une des conséquences du Sacré. Il est des objets auxquels on ne touche pas, des rites que l’on ne modifie pas, des valeurs qui, parce qu’elles sont au delà du temps, ne peuvent être atteintes. La relative liberté d’expression n’est que la conséquence de plusieurs lois, plusieurs fois modifiées. Donc, par définition, non sacrées.

Je n’ai imagé qu’à l’aide d’un exemple : il en est d’autres.

On peut certes accepter l’avortement, mais on se doit de comprendre que pour certains, la vie même avant la vie est sacrée.

On peut aller visiter athée une église en vue de contempler ses splendeurs, mais c’est déjà là une atteinte au Sacré.

L’indissolubilité du mariage est aussi sacrée. L’était.

Je ne souhaite pas par là montrer que l’Islam est homogène : on peut être musulman d’autant de manières que l’on est chrétien. Une chose est aujourd’hui certaine : c’est probablement cette perte du Sacré chez les occidentaux qui engendrent l’incompréhension de nos contemporain