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mercredi 30 mai 2007

Rester à droite, c'est nous maintenir dans le ghetto

Mardi, 29 Mai 2007
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Rester à droite, c'est nous maintenir dans le ghetto

Philippe Delbauvre

Politique
Rester à droite, c'est nous maintenir dans le ghetto
Il faut être honnête en politique comme ailleurs, ce qui signifie respecter les règles du jeu auquel on a accepté de jouer. Ainsi, dès lors où la droite a gagné, la gauche se doit de céder la place puisque telle est la règle. La droite extrême, parce qu’elle n’est extrême qu’en surplus alors qu’elle est de droite par essence, se doit de soutenir la droite si par grand malheur celle ci se trouve confrontée lors d’un second tour face à la gauche. Ce qui est vrai de la droite extrême l’est aussi de la gauche extrême.

C’est ainsi que de la gauche extrême à la droite extrême chacun joue au même jeu. Il existe un joker connu sous différentes formes: à chat perché, on dit « perché ! ». En jurant, on croise deux doigts dans le dos simultanément et alors « ça compte pas ». Ces subterfuges portent en politique le nom d’abstention.

Il y a bien longtemps ce subterfuge n’en était pas un. S’abstenir c’était ne choisir personne. Aujourd’hui, compte tenu des enquêtes d’opinions on sait très bien à l’avance à qui profite l’abstention. En conséquence, s’abstenir c’est non seulement voter mais aussi choisir celui qui va être élu. Il est dès lors inutile de « croiser les doigts » ou de clamer un « perché » puisque chacun voit le subterfuge.

A quoi bon jouer à un jeu qui a été conçu sans nous mais avec la volonté de nous faire perdre absolument ? Il existe une sociologie politique qui varie assez peu. Les résultats au second tour des présidentielles ne dépassent pas 55 % des suffrages pour le vainqueur et un tel pourcentage passe pour un triomphe. Il y a donc invariablement stabilité du corps électoral. Alors l’idée consistant à faire alliance avec l’Ump en espérant que celle ci trébuche ce qui engendrerait d’une part un ralliement de tout son électorat ainsi que d’autre part celui de toute une partie de la gauche, qui au passage n’oublierait pas l’ancien ralliement, est tout bonnement ridicule.

On peut chercher dans l’histoire mais ce sera sans trouver. Y compris outre Rhin où la majorité n’a pu se faire que parce que la tête de l’exécutif a consenti à ce que les députés de gauche soient invalidés. Le débordement sur la droite ou les théories de l’infiltration ne résistent donc pas à l’analyse. Désolé d’avoir réveillé les rêveurs. C’est ainsi que Juppé fut chassé par Jospin qui lui même fut chassé par Raffarin. C’est ainsi que si Sarkozy échoue, Royal viendra.

Analysez l’analyse et prenez acte. Tout espoir en utilisant cette stratégie nécessite l’intervention du Saint Esprit. A vos missels, pour ceux qui croient.

En revanche, un joueur, quoique puisse écrire Jean Baudrillard reprenant une phrase de Rollerball - Nul joueur ne doit être plus grand que le jeu lui-même – peut mettre fin à une pratique usuelle du jeu. Plutôt que de rester dans ce jeu d’échecs (sic) à imaginer des scenarii à x coups d’avance qui fatalement nous amèneront au mat final, il est préférable d’adopter la technique de l’éléphant dans un magasin de porcelaine. Si le jeu est là et que les règles existent, ce n’est ni le jeu ni les règles qu’il faut modifier puisque cela n’est pas dans nos moyens. En revanche, chacun peut jouer à sa guise. Y compris d’une manière qui dans un premier temps pourrait sembler farfelue.

La stratégie de l’éléphant dans un magasin de porcelaine consiste à voter à gauche au second tour ou à se maintenir de manière à faire élire un candidat de gauche. A condition évidemment que cette tactique ne soit pas posée définitivement sous peine d’être classé comme ceux qui « de toutes façons voteront à gauche quoiqu’il arrive ». Cela serait évidemment ridicule. Et pourtant, nous, c’est à dire les zôtres et pas les nôtres, sont justement ceux dont on dit que « de toutes façons ils voteront à droite quoiqu’il arrive » ; ce qui les rend ridicules.

Je rappelle que l’abstention n’est plus une justification (voir supra) au cas où des esprits mal intentionnés ou oublieux...

Il suffit maintenant d’imaginer le bordel ambiant (pas d’autres mots) dans la classe politique. Voici l’extrême droite (on ne dira pas les nationalistes) faisant élire des candidats de gauche certes ravis de l’aubaine mais bien embarrassés. La droite criera au viol ou pour les gaffeurs à la trahison. Et je parierais bien volontiers que compte tenu de la loi de l’offre et de la demande, de très nombreux et nouveaux contacts s’établiront : après tout le vent n’est mauvais que lorsqu’on se trouve dans la mauvaise direction deviseront nombre d’élus. Il n’est pas impossible que la promotion d’une langue régionale soit la conséquence d’un choix d’un élu de gauche: il n’aurait rien à y perdre et peut être un siège à y gagner.

Plus il y a d’acheteurs (ce sont des marchands) et plus on peut vendre cher. Les enchères monteront. Un front contre nous éventuellement se créera et l’on promettra juré craché que l’on ne nous parlera pas : tant mieux, voilà qui nous mettrait en position centrale. Le front aura ses positions officielles et discutera officieusement contrairement à ce qu’il aura déclaré (c’est humain). Et on avancera.

Une chose est certaine, c’est qu’une force politique dont on ne sait à l’avance pour qui elle va voter, inspire la crainte. On cherche à l’amadouer. Voyez l’attitude de Sarkozy et de Royal à l’égard de Bayrou. Quoique l’on puisse en penser, ce serait le même comportement avec les nationalistes avec certes une forme différente. Pour autant et pour tous ces politiques le raisonnement est le même : une voix est une voix.

Avec 10% des voix un scrutin bascule. La droite n’a nul besoin de faire des cadeaux puisque par réflexe les nationalistes votent en majorité pour elle au second tour. Réciproquement, la gauche tire à boulets rouges parce qu’elle assimile, à juste titre compte tenu de leurs comportements, les nationalistes à la droite.

Qu’est ce qui nous retient alors sachant que la tactique habituelle nous mène et nous a toujours menés à l’échec ? (avec l’exception de l’Action française qui ne s’est jamais aussi bien portée qu’avec l’aide de certains milieux de gauche pour ensuite plonger une fois une position droitière assumée – droite de la droite).

La réponse est simple.

Les vieilles croûtes.

Ceux qui ont connu le bolchevisme international et son pacte de Varsovie et qui n’en sont jamais sortis. Ceux qui ne savent toujours pas que le mur est tombé voilà vingt ans et que l’Europe entière est pratiquement démilitarisée par rapport à ce qu’elle fut.

Ceux qui derrière le socialiste aperçoivent le communiste en entonnant le refrain d’avant guerre.

Où en sont les socialistes ? Où en sont les communistes ?

Les premiers sont devenus libéraux et les seconds inexistants.

A moins de faire preuve de mauvaise foi, le modèle sociétal est le même dans ses bases à gauche comme à droite et l’arrivée au pouvoir de Ségolène Royal n’aurait pas modifié notre vie de tous les jours.

Je peux néanmoins comprendre que sur des idées liées aux mœurs par exemple, on puisse se sentir plus proche de la droite. Plus exactement de la droite d’aujourd’hui puisque celle de demain optera comme elle le fait toujours pour les choix de la gauche d’aujourd’hui. Même chose pour le droit de vote accordé aux étrangers, on peut le noter.

Dans de telles conditions rester à droite (volontairement ou à l’aide de l’abstention) c’est nous maintenir dans le ghetto dans lequel on nous a placés et compte tenu du mode de scrutin n’avoir, même avec 20% des suffrages, que peu de représentants. Quant à exercer le pouvoir, à l’aide des missels peut être, et encore …



mardi 29 mai 2007

Une référence baroque

Mardi, 29 Mai 2007


Une référence baroque

Alain Rebours

Politique
Une référence baroque
Baroque que cette référence aux événements de mai 1968 durant une élection présidentielle se déroulant près de quatre décennies plus tard à laquelle nous avons pourtant eu droit. En effet, ces barricades sans morts, malgré toutes les peurs mais aussi tous les espoirs qu’elles suscitèrent, ne durèrent pas plus de quelques semaines et n’eurent pour seules conséquences politiques que les accords de Grenelle ainsi que, non sans paradoxe, un raz de marée gaulliste lors des élections législatives qui suivirent. Si le général De Gaulle avait été contraint au départ ou si l’assemblée était devenue communiste et restée depuis, on aurait pu comprendre la volonté de certains d’en finir avec cette période par l’intermédiaire d’une rupture déclarée après inventaire. On peut déjà se piquer de curiosité quant au traitement médiatique qui se fera l’année prochaine à l’occasion du quarantième anniversaire. Il s’agit donc incontestablement, compte tenu de la disproportion entre des échauffourées dont l’histoire est riche et l’importance accordée par le nouveau pouvoir, d’un effet d’annonce qui ne fait pas sens.

L’explication ne peut venir que d’une double analyse concernant d’une part les événements de mai tels qu’ils furent mais aussi d’autre part de la manière dont ils furent perçus, distinction historiquement habituelle.

Il existe incontestablement dans ces troubles, qualifiés bien vite d’exclusivement politiques et étudiés à tort uniquement en tant que tels, un facteur de révolte qui est celui d’une partie de la jeunesse contre le monde des anciens appelé société établie. Rien d’extraordinaire à ce fait sachant qu’après tout, ni la beat generation, ni les mods, rockers, hippies, punks et autres gothiques ne se sont focalisés contre le régime du général de Gaulle. Et pour cause. Pas plus que ces différents mouvements ne furent globalement communistes. Les mouvement de jeunesse sont assez exhibitionnistes et soucieux d’exister dans un monde qui n’est pas le leur, cela parce que l’on n’accède pas à des responsabilités à l’échelon national avant un certain âge. A défaut de construire, on suit ou on raille. Reste donc l’ostentation. Si le mouvement de mai 68 fut pluriel (on n’insistera jamais assez sur ce fait), il n’en a pas moins été un mouvement de jeunes avec des préoccupations qui furent celles de la jeunesse d’alors. C’est tant vrai que la sexualité – questionnement par définition lié à la jeunesse, celle de l’âge comme celle du corps, et surtout à une époque où le sujet était tabou – constitue un des leitmotiv majeurs de l’époque. Soulèvement communiste écriront ceux qui voient partout la doctrine du bourgeois allemand exilé en Angleterre: en oubliant ou en ne sachant pas que la sexualité était condamnée dans tous les pays communistes (une forme de la déchéance bourgeoise dixit le Parti), que les manifestants était vêtus de jeans, qu’ils portaient des cheveux longs et qu’ils écoutaient du Pink Floyd, groupe dont l’objectif n’a jamais été de ressembler aux chœurs de l’armée rouge. Alors ? Anarchisme peut être ou plus exactement libertarisme seraient des termes plus appropriés, le second marquant une opposition plus prononcée à l’encontre des pouvoirs mais aussi plus individualiste que le premier. Proudhon et Stirner pourrait-on résumer avec une prédilection pour le premier qui semble donc plus adapté. Ce n’est en conséquence certainement pas par adhésion au communisme officiel que l’Internationale fut chantée mais bien par provocation et à l’encontre du bourgeois terrorisé de peur qui, comme à l’accoutumé, n’avait rien compris à ce qui n’était qu’une farce dont on peut imaginer que nombre des organisateurs furent eux mêmes farcés. Dans cette optique qui rappelle la démarche utopiste des socialistes du début du 19 ème siècle à commencer par Fourier, on faisait l’apologie de mouvements enracinés (Ah, le Larzac !) au sein desquels on pouvait faire l’amour libre dans une réconciliation avec la nature et vivre en revendant les produits de la ferme : le nouveau monde amoureux. Nous voici très loin du plan et du politburo.

Ce premier aspect des événements, assez utopique, se caractérise davantage par une fuite, par un exil intérieur que par une prise position politique qui eut contraint ses adeptes à rester en ville et à faire face plutôt que de se réfugier à la campagne. C’est là un phénomène dont l’évidence n’est pas contestable et qui n’est pourtant jamais souligné.

On pourrait douter de l’intérêt pour cet aspect de mai 68 tant il apparaît inoffensif pour l’actuel gouvernement. A tort. C’est justement parce qu’il s’agit d’une vie vivante et non calculante que ce modèle alternatif, quand bien même non agressif et replié sur lui même, devient inacceptable à l’époque du grand formatage. Une vie sortant des normes établies ne peut être acceptée par l’actuel gouvernement en place que si elle ne l’est qu’à titre individuel ou par une petite minorité. Il n’est qu’à considérer les oppositions des différents gouvernements à l’encontre aussi bien du foulard que de l’enseignement des langues régionales pour s’apercevoir que le Système suit de près toute évolution dissidente même lorsque celle ci ne présente aucun danger. Il existe ici une opposition flagrante entre un modèle sociétal qui, tout en vous remplissant la tête de vérités à apprendre et à réciter vous oblige à porter le casque, et une autre où chacun dispose naturellement de la liberté de chevaucher les cheveux au vent.

Cocteau écrivait que la jeunesse sait ce qu'elle ne veut pas avant de savoir ce qu'elle veut. Il s’agit là d’une citation à nuancer mais qui explique assez bien le flou qui émane de Mai 1968. Passé l’âge de l’idéal, il faut bien se confronter à la réalité, non suite à une prise de responsabilités, mais plus simplement parce que les faits s’imposent d’eux mêmes et qu’il faut ou les accepter ou s’y opposer. Il n’est donc resté pour les tenants de ce Mai 68 là, c’est à dire de cet anarchisme individualiste, ni le lsd trois fois plus dosé que celui d’aujourd’hui ni le cannabis ni les vêtements à fleurs mais simplement l’hédonisme caché sous l’eudémonisme. C’est ainsi que le jouir sans entrave est devenu un consommer sans partage, la quête d’un au delà ou d’un supra, un ici bas. Parce que contrairement aux communautés anarchistes politisés qui furent raillées de la carte suite aux agressions de type communiste ou libérale, les groupements emprunts de l’esprit de Mai 68 disparurent d’eux mêmes parce que chacun de ses membres s’en alla vers la société de consommation. Le combat cessa parce qu’il n’y eut jamais de combattants. C’est l’air du temps associé à un caprice de jeunesse qui les a plongés dans un mai 68 auquel, quoique acteurs, ils n’ont rien compris. En ce sens, leur adaptation à la société libérale n’est nullement une trahison mais bien une continuité de pensée qui prône avant toute chose l’individualisme sans entrave.

Cette explosion davantage libérale que libertaire est un fait historiquement marquant. Elle marque la fin d’un modèle de société dont les figures de proue emblématiques furent aussi bien le général de Gaulle que le maréchal qui le précéda. Dans les deux cas, c’est à dire pour chacun des deux hommes, un même terroir catholique et pratiquant, une suspicion à l’encontre du monde de l’argent, un provincialisme enraciné mais avant tout national, la même école de formation et le choix du métier des armes, une américanophobie sans concession suite au soucis de s’inscrire dans la continuité nationale et de préserver la culture en se gardant d’un « ami » par trop envahissant. L’un transposera à l’industrie les espoirs que l’autre avait mis dans la Terre. Le premier fut bouclier, le second épée.

C’est cette société là qui est mise à mal en 1968. Non pas que le coup donné ait été fatal puisqu’il n’est resté que fort peu de choses de ces événements. Ces barricades sans morts (il est bon de le rappeler) ne furent que la signature que de ce que l’on a coutume d’appeler à tort la libération qui s’est paradoxalement traduite dans les faits par une autre présence militaire étrangère mais cette fois ci de surcroît non européenne sur le sol hexagonal.

Que le premier président symbolique de ce changement de société ne parvienne au pouvoir qu’en 1974 ne change rien à l’analyse. Les causes profondes de l’élection sont bien antérieures et à son élection mais aussi aux événements qui nous préoccupent et qui se sont déroulés six ans plus tôt. Ces deux phénomènes n’expliquent d’ailleurs ni les grands rassemblements des Beatles ainsi que des manifestations qui les accompagnaient, ni l’apologie des robots ménagers censés libérer la femme qui put ainsi aller grâce au temps gagné s’épanouir à la chaîne, ni la création de havres de paix que l’on appelle aujourd’hui cités, ainsi que tout ce qui va avec … Parce que ces bouleversements eurent lieu plus tôt.

Si ce n’est donc pas avec mai 68 que disparut la Nation on peut écrire que ces événements constituèrent un marqueur historique. Les événements de 68 ne créèrent pas une nouvelle société (l’ancienne poursuivit d’ailleurs son chemin comme si rien ne s’était passé) et ne furent que de simples conséquences au même titre que d’autres événements que l’on eut le tort de trop regarder à la loupe plutôt que de prendre le recul nécessaire afin de les replacer dans un contexte global.

Pourtant, en ce mois de mai, il y eut aussi et bien avant – ce qui est malheureusement occulté – un engagement politique incontestable qui s’est traduit dans les faits par des rapports suivis entre les étudiants et le monde ouvrier. Pour citer deux exemples, dans la ville de Caen, le 26 janvier 1968 des étudiants se joignent aux grévistes. De même à Besançon en février 1967 ce sont les grévistes qui, sur leur lieu de travail, organisèrent des animations de type festif où la population fut invitée en nombre et où les étudiants ne furent pas absents. Il faut également rappeler que Mai 68 a eu lieu aux Etats Unis en … 1964 à Berkeley, même s’il s’agit dans ce cas de la mouvance libertaire précédemment étudiée. On ne peut donc pas nier qu’il s’agit ici d’un mouvement qui n’est pas propre au printemps d’une année particulière ni qu’il ne fut pas limité à un seul pays, le cas allemand pouvant lui aussi être évoqué. Pareillement, l’engagement ouvriériste des étudiants communistes ou apparentés n’est pas chose nouvelle. Louise Weil, si elle est célèbre, ne doit pas cacher tous les milliers d’anonymes qui, mettant de côté leurs diplômes, s’en allèrent œuvrer sur le terrain dans le monde du travail y compris comme simple manutentionnaire afin de partager les conditions de vie de ceux qu’ils défendaient. Si la sincérité de ces engagements ne peut être remise en cause, il ne faut pas oublier que parallèlement 1968 correspond approximativement au début du déclin du parti communiste (avéré en 1970), phénomène qui n’était nullement le but déclaré de ces événements. Que certains gauchistes parce que disciples de Mao ou de Trotski détestaient le Pcf ne fait pas l’ombre d’un doute. Il serait pour autant plus qu’abusif de nier leur appartenance commune au marxisme et au communisme. Pour autant et même en tenant compte de la confrontation Est/Ouest ainsi que du début de la concurrence qui commençait déjà à poindre, l’idée que le secteur secondaire de l’économie allait être l’avenir grâce auquel on allait pouvoir créer des luttes était tout simplement ridicule: ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Anpe est créée à la fin des années soixante, symbolisant un malaise économique qu’à l’évidence les manifestants ne perçurent pas. Ainsi, le désordre gauchiste n’avait pas pour objectif le communisme comme forme politique achevée mais bien la contestation de l’ordre sous toutes ses formes. On comprendra dès lors la haine conjointe dont furent l’objet et le Pcf et le gaullisme. On comprendra également et ce n’est pas un hasard l’opposition de la même façon au mariage comme à l’armée. Il est peut être bon de rappeler au lecteur, s’il l’ignore, que le mariage d’amour est un mariage bourgeois: la postérité a retenu l’image contraire.

En conséquence, cette forme d’engagement que l’on peut qualifier d’ouvriériste ne fut qu’une avant garde sociologique qui s’est traduite ultérieurement par un ralliement au Système via une adhésion au parti socialiste. C’est vrai pour les élites puisque nombre des cadres socialistes viennent du trotskisme mais c’est vrai également des masses communistes qui se sont déplacées dans un premier temps chez les socialistes avant de s’éparpiller sur l’ensemble du champ politique. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas question de nationalisations et encore moins de révolution. En ce sens, ce courant est lui aussi mort et on n’apprendra à personne qu’aujourd’hui le métier d’ouvrier n’attire plus les jeunes. Le secteur secondaire est d’ailleurs mort ici comme partout ou presque en Europe. De cette génération politisée de la sorte, étudiants ou non, ils ne reste aujourd’hui pratiquement plus rien si ce n’est des alliances qui prêtent à sourire comme celle qui lie financièrement le journal Libération à Rotschild. Socialiste, cette autre façon d'être sarkozyste. On peut également noter que de Sartre a émané la notion d’intellectuel médiatique qui depuis à fait des émules bien peu progressistes.

A intellectuels du Spectacle, société du spectacle ou société de consommation. Puisque les deux ouvrages sont financièrement à la portée de tous, il n’est pas nécessaire de choisir entre Guy Debord et Jean Baudrillard. Des situs, comme on les appelait, l’homme de la rue ne sait que peu de choses. Rien d’étonnant puisqu’il constituent la forme subversive de mai 1968. Rien d’étonnant non plus à apprendre que déjà dix ans avant les événements les situationnistes travaillaient dans l’ombre. Eloignés des pavés qui face aux boucliers n’ont souvent pour seul fonction que de satisfaire l’ego du lanceur, les situs pensent et écrivent. La plupart des œuvres vieillissent, certaines – celles des moralistes – se maintiennent. D’autres, exceptionnelles prennent de la valeur au cours du temps parce qu’elles avaient pré-vu juste. Si « La société du spectacle » était vraie à sa parution, les évolutions de la société n’ont fait que valider les différentes prédictions contenues dans cet ouvrage. Il en est de même des ouvrages de Jean Baudrillard qui eux aussi frappent souvent juste. La société contemporaine est ainsi déshabillée sans pudeur par les auteurs situationnistes qui semblent s’amuser toujours de ce qu’ils dé-couvrent. On retrouve au passage la subversion telle qu’elle existe dans « Le recours aux forêts » d’Ernst Jünger, la moquerie d’Ernst Von Salomon remplissant son questionnaire, le mépris de Thomas Mann pour les politiciens qui seraient ici peut être justement les ânonneurs marxistes léninistes de 68. On songe aussi à Orwell ou Huxley. Encore que ces derniers recourent à un monde imaginaire pour dépeindre une éventuelle réalité alors que chez Debord c’est la réalité dans ce quelle a de plus triviale qui fait, en passant par l’imaginaire, retour à elle même.

Si les travaux des situationnistes sont méconnus à la base, ils sont étudiés depuis l’origine au sommet. Un bon stratège politique et à fortiori politicien connaît les analyses de Debord. Il s’agit en fait d’un chassé croisé entre la vitrine mise devant le penseur dont l’analyse de l’écran une fois effectuée sert le communicateur. Celui qui a perdu n’est autre que celui qui n’a pas suivi le fil et qui s’en tient soit à l’analyse à un moment donné soit à l’image présentée. Que les hommes politiques aiment courir sur la plage ou ailleurs est connu de chacun mais ce qu’ils préfèrent c’est d’être photographiés courant. Que les hommes politiques serrent des mains, chacun le sait : cela ne signifie pas pour autant que cela soit désintéressé. Le motif est le même.

Le situationnisme a donc lui aussi été récupéré par le pouvoir en place parce que ses analyses portaient directement sur la nature du Système. Cependant à la différences des variantes libertaires ou ouvriéristes, il reste d’actualité – découvrir : c’est à dire ôter le voile qui cache ce que l’on ne veut montrer – et reste donc utilisable aussi par les résistants au nouvel ordre mondial.

C’est l’essentiel.



samedi 12 mai 2007

Il y a du pain sur la planche

Samedi, 12 Mai 2007


Il y a du pain sur la planche

Alain Rebours

Politique
Il y a du pain sur la planche
L’avantage d’écrire après Philippe Randa, en surplus du simple plaisir de la lecture, est de se servir de ce qui fut écrit afin d’enrichir sa réflexion personnelle.

Le terrorisme intellectuelle de la gauche a définitivement vécu en effet. Terminées les modes dites incontournables comme le structuralisme ou la psychanalyse que l’on DEVAIT encenser. Il n’en reste plus rien aujourd’hui ou presque. Et il y aurait tellement d’autres exemples à donner. Ce qui fut gênant, ce n’était pas tant cette hégémonie dont on ne sait aujourd’hui qu’elle ne reposait sur rien, mais l’absence de contre-culture si ce n’est marginale.

Ce qui est désormais inquiétant c’est le passage d’un terrorisme intellectuel à un autre, qui au même titre que son prédécesseur, s’exerce sans la moindre opposition. Terrorisme qui comme naguère est exercé aussi par l’homme de la rue répétant des formules lapidaires comme naguère sans en avoir compris les enjeux.

Inutile d’évoquer le terrorisme par excellence qui n’a jamais été aussi puissant et qui fait la quasi unanimité dans les sphères politiques et dans la rue.

Je trouve que les analystes politiques ne méritent guère leur salaire. Pour expliquer la victoire de Nicolas Sarkozy, ils se contentent de simples analyses de reports de voix et se limitent au simple fait politique. Ainsi, Nicolas Sarkozy aurait gagné parce que d’une part présent dans la majorité mais sans en être vraiment, ce qui lui permettait de conserver sa clientèle naturelle tout en en gagnant une autre, et parce que ponctionnant les voix du Front National. Il ne s’agit pas de prétendre que c’est faux mais que c’est passer à côté du phénomène essentiel de cette élection.

Nicolas Sarkozy a gagné parce qu’il devait gagner. Parce que c’était le seul à être en phase avec la France d’aujourd’hui. Que la faiblesse linguistique du discours qui chez lui n’est pas récente soit feinte ou pas, peu nous importe, il tape juste. Que ‘Karcher’ ou ‘racaille’ puissent choquer, là encore aucune importance puisque c’est le discours qui veut être entendu. Si Ségolène Royal a eu des problèmes au sujet de sa proposition d’encadrement militaire des délinquants, c’est avec son parti mais pas avec l’électorat.

Qu’est ce que l’Ump ? On a fini par oublier la signification des lettres. Cela n’a pas d’importance puisqu’aux yeux de l’électorat c’est l’association derrière Sarko. Parallèle : le parti socialiste a deux tares pour l’électorat. Il est ‘parti’ et il est ‘socialiste’ : de ‘parti’ on retient l’image politicienne, de ‘socialiste’ une idée du même qualificatif. Parce que consciemment ou non, les faits sont perçus ainsi. On comprend le désastre du parti communiste qui se trouve et ‘parti’ et ‘communiste’, ‘communiste’ outre l’aspect politicien étant devenu péjoratif.

Des partis qui ont des structures internes : comité central, bureau politique, section, le conseil national, le bureau national, les courants. Non pas que l’Ump soit exempte de structures, mais elle ne se voient pas. Ainsi quand des sdf montent des tentes à Paris, Nicolas Sarkozy envoie Arno Klarsfeld – qui évidemment n’y connaît rien – mais qui constitue aux yeux de l’opinion une réponse humaine et immédiate. Au parti socialiste on se réunit dans une des instances pour réfléchir et chez les écolos on passe une nuit dehors. Trois réactions inadéquates mais une seule ayant grâce aux yeux de l’opinion.

Le président fraîchement élu s’en va en jean et sans cravate : c’est pas cool ? Le soir de l’élection, dans sa voiture il montre un pouce levé par la fenêtre : c’est pas cool ? Combien de fois porte t-il les mains aux lèvres pour envoyer des baisers à la foule, ce que n’aurait jamais fait ni le général de Gaulle ni François Mitterand : c’est pas cool ? Il va passer des vacances sur un yacht ce que le parti socialiste dénonce immédiatement : le résultat tombe puisque c’est 58% des Français qui approuvent.

Nicolas Sarkozy n’est pas plus en politique que ne l’était Bernard Tapie ; dans les deux cas ce sont des managers. Dans les deux cas ils séduisent bien au delà de leur électorat naturel. Un président d’une association de supporters de Marseille résumait bien les choses voici quelques années en expliquant que peu lui importait les affaires puisque du tant du bon Bernard l’Om gagnait. Les Français espèrent que Nicolas Sarkozy va les faire gagner. N’est-il pas lui même un gagnant ? Un gagnant qui passe pour beaucoup comme issu d’un milieu modeste, ce qui est faux mais ce qui accrédite le rêve de l’ascension sociale, alors que les statistiques des grandes écoles infirment l’idée. Peu importe puisqu’elles ne sont pas lues.

Il n’est nullement nécessaire d’avoir des connaissances importantes pour être élu aujourd’hui : il suffit de paraître comme celui qui est le meilleur. Le phénomène n’est pas une spécificité française puisqu’il suffit de se remémorer le cas de Berlusconi. Ou celui de Bush dont chacun sait qu’il n’est pas une lumière. Il fut pourtant élu et réélu. N’est ce pas ?

Nombre de politiques n’ont toujours pas compris que la société n’existait plus à l’état solide constituée en strates mais qu’elle était aujourd’hui marquée par sa fluidité. Inutile sachant cela de tenir un discours prolétaire ou bourgeois puisque ces termes ont disparu du discours sociologique. La solution passe dès lors par un discours s’adressant à tous et qui puisse faire écho à chacun. Mission évidemment impossible à réaliser sauf si c’est le candidat qui se présente – au sens où on l’entend en marketing – en mettant l’accent sur ce qu’il montre bien plus que sur ce qu’il dit. Une image paraissant (le terme est important) flatteuse doublée d’un discours assez consensuel. Ainsi, personne ou presque ne s’opposera à la punition des délinquants, au contrôle de l’immigration, à la baisse des impôts, à la création d’entreprises, à la célébration de la France qui travaille, etc …

Le nouveau totalitarisme ne passe pas par des encadrements politiques oppressifs mais par une dictature à l’encontre de l’opinion par l’opinion. Le pouvoir de l’image ou des formules toutes faites et bien souvent sophistiques formatent la majeure partie de l’électorat qui ignore les manipulations sous jacentes. Là encore l’extrême gauche avec son concept de ‘libéral-fascisme’ n’a rien compris : en réaction à cette formule l’homme de la rue fera remarquer d’une part que ce qui est libéral ne peut être fasciste et que d’autre part il a le droit de dire ce qu’il veut ce qui montre qu’on est en démocratie. L’homme averti sait que la démocratie sait être très répressive et que le droit d’expression ne vaut rien si personne n’écoute.

Sur l’ensemble, le Grece d’Alain de Benoist avait vu juste dans ses analyses pourtant vieilles d’une trentaine d’années et néanmoins très actuelles.

Il y a du pain sur la planche



vendredi 11 mai 2007

Pour des miettes ?

Vendredi, 11 Mai 2007


Pour des miettes ?

Philippe Delbauvre

Étranger
Pour des miettes ?
La zone d’influence naturelle de la France est ce qu’on appelle communément l’Europe. Durant toute son histoire c’est, à quelques exceptions près, les mêmes pays avec qui nous avons des rapports, qu’ils soient d’alliance ou de conflictualité. Ainsi l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne ou la Russie sous ces dénominations ou sous d’autres ont été des partenaires historiques.

Longtemps dominante sur le continent, la puissance démographique sous Napoléon n’étant pas à négliger, la France va progressivement perdre son statut supérieur et voir émerger et l’Allemagne et la Russie.

Même après la première guerre mondiale et sa défaite, l’Allemagne est incontournable et la Russie devenue Union Soviétique quant à elle se prépare un destin.

On peut toujours mettre en valeur la qualité face à la quantité mais seulement jusqu’à à certain point. Le machinisme, l’industrialisation à outrance font que l’Union Soviétique dépassera la France. Plus grave, l’aviation mais aussi la rapidité croissante des navires se traduisent dans les faits par une diminution des distances. Dans ces conditions, les Etats Unis peuvent entrer en scène puisqu’à l’évidence ils disposent de tout : potentiel démographique, industrie, ressources énergétiques, …

Ce qu’avait compris le général de Gaulle qui célébrait la France éternelle c’est que certaines éternités sont paradoxalement limitées dans le temps et qu’en conséquence si notre pays se voyait enfermé dans un bloc anonymement, il en mourrait. D’où cette intelligence stratégique postulant une troisième voie, favorisant les contacts réciproques avec les non alignés et refusant de manière impérative la vassalisation au profit de l’un des deux grands.

L’Union soviétique s’est effondrée et humainement nous n’allons pas nous en plaindre. Néanmoins, la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui est beaucoup plus difficile à gérer que celle de naguère. Alors qu’auparavant il était facile de rester à l’écart tout en nouant des contacts avec des pays du tiers monde, nous nous trouvons aujourd’hui face à ce que l’on a désormais coutume d’appeler l’hyperpuissance. Celle ci dispose d’une structure militaire appelée Otan qui n’a cessé de se développer alors que dans le même temps le pacte de Varsovie avait disparu. La libération de l’Europe de l’Est a évidemment modifié le centre de gravité du bloc : la France n’en est que plus excentrée et avec de nouveaux européens convertis à l’atlantisme.

Le choix de Nicolas Sarkozy est celui des Etats Unis. Admettons pour la commodité de l’analyse que ce choix puisse être le bon.

Soyons sincères avec nos compatriotes, le budget de l’armée a fait les frais de la chute du mur et qu’à titre d’exemple, il y aura un jour ou l’autre une majorité de gendarmes dans le personnel militaire. Si chacun a sa fonction, on ne peut que douter de certaines valeurs combatives. Plusieurs régiments d’élites ont été dissous à commencer par des troupes parachutistes. Ces dernières ont besoin d’avions de transport pour être larguées. Ils font défaut.

Ce qui signifie que nous n’avons pratiquement rien à apporter aux américains en terme militaire pour leur expansionnisme à venir. Si des soldats français (en nombre restreint et membres de troupes d’élite) sont en Afghanistan, c’est avant tout pour parfaire leur entraînement en se confrontant au combat dans ce qu’il a de réel.

N’ayant rien à apporter nous ne recevront pratiquement rien comme dédommagement. Les américains, et c’est normal, se réserveront la plus grosse part, et éventuellement laisseront des miettes aux pays de l’Otan. Miettes à partager parmi tous ces pays. Autrement exprimé, la France n’aura rien ou presque. En revanche, elle cessera d’être considérée comme une puissance autonome, ce qui lui a permis d’obtenir le respect de pays comme la Chine, l’Inde, les pays arabes, la Russie, etc.. Il nous faudrait donc, sous prétexte d’une participation à un mythique mais également meurtrier Far East renoncer à tout ce prestige, à tout cette grandeur qui honore notre pays et ses habitants ?

Pour des miettes ?

Une grande politique consisterait à extrapoler la moyenne que fut celle de Jacques Chirac et de s’en retourner à notre passé glorieux.

Les maux dont souffrent notre pays sont la conséquence d’un modèle socio-économique qui nous vient d’Amérique. Entre les violences scolaires, l’extrême pauvreté, la carence du vocabulaire, la surcharge pondérale, les prisons pleines et les violences ethniques, tout y est.

Tout en sachant cela Nicolas Sarkozy s’en va fièrement serrer la main de Bush et refuser celle de Poutine. Au nom des droits de l’homme. J’ignorais que ceux ci avaient pour symbole emblématique Abou Ghraib et Guantanamo.

Un Poutine qui au passage pourrait permettre de renouer la très ancienne alliance franco-russe afin de voir grand. Puissance moyenne, la France dispose en cela de tout pour attirer la sympathie. Ce ne sont ni les Chinois, ni les Russes qui ont à nous craindre. En ce qui concerne les puissances moyennes ou mineures, parce que la France n’est pas écrasante, elle peut susciter l’intérêt de beaucoup. C’est un secret de polichinelle que de dévoiler que le conseil permanent de l’Onu est appelé à s’élargir. Voilà qui n’est ni l’intérêt de la France, ni celui de la Russie, ni de la Chine. Encore une alliance qui s’impose puisqu’à l’évidence la notion de veto disparaîtra au profit de celle de majorité. Inutile d’annoncer l’orientation géopolitique des nouveaux venus. A nouveau, c’est une France qui recule en perdant ses moyens de pression.

Faut-il que nous soyons à l’image de ces mammifères qui attendent que les maîtres aient terminé leur repas pour nous nourrir … des restes ?



mardi 8 mai 2007

Mardi, 8 Mai 2007


Le Front National n’a que deux possibilités

Philippe Delbauvre

Politique
Le Front National n’a que deux possibilités
Il est toujours possible de faire dire aux chiffres ce que l’on a envie qu’ils disent dès lors où l’on fait preuve de niaiserie ou de mauvaise foi. C’est ainsi que lue à l’envers on peut affirmer que la température d’un thermomètre n’est pas 27 mais 72.

Que n’a t-on entendu au sujet d’un taux de participation qui, sous prétexte qu’à l’occasion d’une élection il était plus élevé qu’à l’accoutumé, nous montrait la définitive réconciliation des Français avec la politique ! C’est évidemment faux comme l’avenir le montrera. On avait postulé d’une manière similaire en 1981 qu’une nouvelle ère commençait et que parti de l’obscurité on atteignait la lumière. Eteinte depuis. En fait, les Français ont aimé cette élection parce que les émissions d’Endemol les y avaient préparés. D’où ces échantillons pseudo représentatifs de Français questionnant les candidats. C’est ainsi que les Français ont pu jouer mais cette fois ci en grandeur nature. On verra d’ailleurs s’il y a confirmation de cet engouement après les législatives qui elles aussi peuvent recruter en masse. On s’est bien gardé de faire de la politique en proposant des mesures: on s’est simplement contenté d’évoquer des directions approximatives avec de jolies phrases indiquant l’amour, le bonheur, les jours meilleurs. Vrai ou faux ? Télé réalité ou pas ?

Si certains esprits s’inquiétaient d’une extrême gauche si puissante c’était davantage faute de clairvoyance que de malhonnêteté intellectuelle. Un trotskyste, c’est à dire un communiste radical, se caractérise par un rectitude que rien ne peut arrêter. Or les résultats de cette mouvance sont en chute libre alors que paradoxalement l’actualité économique ne pouvait que leur donner du grain à moudre. L’explication de ce paradoxe est toute simple: cet électorat n’est pas communiste dans son énorme majorité et s’il n’est pas impossible que l’on trouve la série x files dans la bibliothèque, je doute sincèrement que s’y trouve placé le Capital ou une autre des œuvres de Karl Marx. C’est donc à la tête et simplement à ça que s’est joué le résultat de l’extrême gauche: Arlette prend de l’âge, d’où l’échec, alors que le facteur est resté beau gosse. Postier qui, rappelons le, songe à modifier le nom de son parti qui ne pourra plus être ligue car le terme est par trop droitier, et qui ne pourra pas plus maintenir le reste en raison des circonstances.

Si cet électorat n’est plus révolutionnaire dans sa majorité, il n’en reste pas moins contestataire ce qui est signe de santé. Pour autant, exit l’extrême gauche.

Même phénomène pour ce que l’on peut déjà appeler déjà le mouvement démocrate de François Bayrou. Le centrisme en politique suppose un tempérament dont on dispose mais que l’on n’acquiert pas. C’est bien souvent le milieu d’une bourgeoisie rangée soucieuse d’ordre dans la modération. Eloignée des capitaines d’entreprises qui achètent simplement pour revendre en tirant bénéfice, elle maintient ses valeurs, souvent catholiques, sans l’ostentation des parvenus. François Bayrou a lui aussi bénéficié d’un succès de gueule mais il va avoir le plus grand mal à transformer cette strate sociale en un mouvement de masse. Il est particulièrement difficile lorsqu’on est un modéré d’énoncer des formules à l’emporte pièce qui galvanisent une foule qui ne se définit pas comme telle. Scrutin majoritaire et fuite d’élus feront le reste. Seule une candidature catastrophique de la droite ou de la gauche pourrait lui permettre d’accéder au prochain second tour. Voilà une autre façon d’exprimer que son propre destin ne dépend pas de lui.

Ségolène Royal est le look par excellence: combien de fois a t-on entendu évoquer la possibilité d’une femme à l’Elysée ? Cependant son score n’en est pas moins faible et il en découle qu’au parti socialiste les discussions vont aller bon train. Une chose est certaine, les nationalisations ne sont pas du tout au programme de ce parti qui d’ailleurs fait des œillades aux démocrates chrétiens. Là aussi, c’est la fin d’une époque, celle de l’alliance idéologique entre socialistes et communistes. Ceci parce que ces derniers en sont désormais réduits à compter les décimales de leurs suffrages et n’ont plus qu’à suivre sous peine de perdre tous leurs élus. En clair, le parti dit socialiste est devenu libéral de progrès et la mobilisation de ce qui se trouve sur sa gauche ne s’est pas faite grâce à l’approbation d’un programme mais en raison de la répulsion à l’encontre du candidat de la droite. Autrement exprimé, au parti socialiste on fait sa mue libérale en se disant que de toute façon les cons suivront: c’est ce qu’ils ont fait.

Ce qui plait chez Nicolas Sarkozy, c’est son dynamisme et son extraordinaire volonté. Psychologiquement ce n’est pas un phénomène nouveau: un dominant ayant de fortes convictions est capable d’entraîner non seulement ceux qui pensent comme lui mais aussi d’autres. Je reconnais donc au personnage une constance dans ses objectifs. C’est un libéral authentique qui veut révolutionner la société française et l’atlantiser alors que je souhaite l’intervention de l’Etat afin que l’économie ne soit pas reine et que la souveraineté nationale soit maintenue dans une confédération où les pays se coopteront suite à des intérêts politiques et pas économiques. On comprendra l’opposition.

S’il a su jouer de sa personne positivement, il a également su habilement capitaliser le mécontentement. Nombre de Français qui ont voté pour lui souhaitent qu’il y ait changement de donne. Certains, au vu de leur condition et de leurs intérêts propres, ne se sont pas trompés. Les autres en revanche vont connaître de nombreuses désillusions. Il se prépare pour l’Ump une majorité absolue à l’assemblée nationale, sauf gigantesque bourde, qui accompagnera la majorité sénatoriale. Ne manqueront que les régions.

Le Front National a lui cumulé les handicaps durant cette campagne. Que l’on se souvienne de l’accueil délicat chez Serge Moati et l’on aura compris l’intelligence de la démarche. Alors qu’habituellement droite, gauche et extrême gauche tiraient sur Jean Marie Le Pen, nous avons eu droit à une indifférence à son égard ou plus exactement à un transfert de haine en direction de Nicolas Sarkozy. C’est un facteur qu’il ne faut pas négliger et qui n’a pas ou peu été rapporté. Ce sont également toutes ces photos du chef montré sénile et de manière délibérée. Ajoutons un temps de parole ne correspondant pas à l’audience réelle et l’on comprendra que l’ensemble fait beaucoup.

Mais il a y eu aussi, signe des temps, des états d’âme confinant à l’individualisme parce que telle ou telle prise de position ou telle ou telle affiche ne plaisaient pas. Or en politique, c’est après la victoire que l’on peut exprimer des griefs mais certainement pas au milieu de la mêlée. De même l’orientation populaire, elle aussi chagrinante pour certains, est tout à fait logique dans un parti qui se veut de masse c’est à dire puissant. L’erreur soralienne ne vient donc pas des choix qui furent ceux de l’écrivain mais du fait que l’inflexion de la démarche frontiste s’est déclenchée à une date trop proche de celle de l’élection.

Dans de telles conditions, le Front National n’a que deux possibilités. La première consiste à tenter de rallier une Ump qui n’en a nullement besoin et qui d’ailleurs ne le souhaite pas, avec la forte probabilité de finir comme un Haider célèbre en son temps et oublié aujourd’hui; la seconde passe par une rupture totale avec l’Ump et avec les concepts dépassés de gauche et de droite. Dernier point, cela fut une erreur majeure dans la campagne, même si on tenta de la corriger sur le tard, que de ménager Nicolas Sarkozy.

Pas plus que l’on a pu rendre à Louis XVI sa tête et par là son trône, on ne pourra refaire ces élections perdues qui, si elles inaugurent un virage sensible, ne sont pas irréversibles en ce qui concerne le destin de notre pays. A condition que nous le voulions et que nous nous en donnions les moyens. Pour se faire, cesser toute forme de contact avec certains nationalistes qui ne sont que des conservateurs : leur place est à la droite de la droite et leur fonction comme depuis toujours est d’assurer le service d’ordre du candidat libéral du moment en étant toujours en quête du gauchiste à abattre. En ce qui concerne les opposants sincères au Système, c’est à dire ceux n’ayant pas en vue de simples réformes et, facteur essentiel, d’où qu’ils viennent, il est nécessaire d’établir des passerelles. Si dans un premier temps nous vantions mutuellement les travaux de l’autre en cas d’accord tout en fermant les yeux sur ce qui nous sépare plutôt que de l’exacerber, un grand pas serait alors franchi.



mardi 1 mai 2007

Dire tout haut ce que Jean Marie Le Pen pense tout bas

Mardi, 1 Mai 2007


Dire tout haut ce que Jean Marie Le Pen pense tout bas

Philippe Delbauvre

Politique
Dire tout haut ce que Jean Marie Le Pen pense tout bas
Cela n’aurait pas été la première fois que Jean Marie Le Pen aurait été le personnage principal d’une émission ou d’une élection auxquelles pourtant il n’aurait pas participé. Une véritable présence, pour ne pas écrire une omniprésence, eut passé par un choix en faveur de Ségolène Royal. Bruits et fureurs dans le Landernau politique où l’éternel jouet fabriqué pour les besoins de la cause eut été cassé.

Explications :

Dans la mouvance, c’est bien connu, on est ni « droite, ni gauche » mais … surtout pas de gauche. C’est là une grave erreur. D’abord parce que pour des raisons strictement tactiques il peut être des plus intéressants de défavoriser ce que l’on continue à appeler, et bien à tort, la droite. Ensuite parce que ce réflexe pavlovien est considéré par l’électorat comme un retour à la sagesse: enfants turbulents de la droite, les membres de la mouvance au moment du choix fatidique, en reviennent à leurs origines. Voilà qui donne aussi du grain à moudre à la célèbre analyse communiste faisant des nationalistes la partie la plus réactionnaire de la bourgeoisie. Voilà également qui donne du crédit à la droite qui n’en mérite aucunement: en effet, si les nationalistes qui par définition sont ceux qui font du bien commun la clef de voute de leur système politique s’en retournent systématiquement à la droite, c’est que celle ci mérite considération. Cela d’autant plus lorsqu’elle présente un homme dont les accents sont inhabituellement droitiers: au passage on comprend mieux l’hémorragie du premier tour. Enfin et surtout parce que les nationalistes ne se situent plus au dessus du lot mais en bas et à droite, ce qui ne peut que les déconsidérer. Notons que la démarche opposée qui systématiquement les placerait en bas et à gauche aurait les mêmes conséquences.

Cet appel en faveur de Ségolène Royal aurait eu de multiples conséquences. Le Front National eut été placé dans la position du faiseur de roi. De reine en l’occurrence. Elle eut brisé toutes attaches avec un passé antérieur et enfin tenu compte de l’effondrement du mur de Berlin. Elle eut fait comprendre que sans les nationalistes aucune perspective de victoire, proportionnelles ou pas, n’était possible. Elle eut mis toute la gauche dans l’embarras aussi, ce qui n’est pas peu. D’une pierre deux coups, à l’aide d’un splendide isolement vis à vis des deux blocs dont à l’un elle est attachée depuis trop de temps, elle se fût placée sous les projecteurs de l’actualité, rayonnant tant en France qu’en Europe. Ce qu’aucun autre nationalisme n’a fait, le Français l’aurait réalisé.

Evidemment, ces soutiens ne peuvent être que ponctuels et factuels. Si les nationalistes faisaient l’erreur d’apporter leur soutien qu’à la gauche exclusivement, ils y perdraient toute crédibilité. Il faut que le choix, si choix il y a, soit explicité. On peut être certain que le corps journalistique avide de sensations, s’en irait alors rechercher les informations à la source. Dans le cas présent, je ne file pas le grand amour avec Ségolène Royal ni avec la gauche d’ailleurs tout en sachant très bien que leur arrivée au pouvoir ne pourra que nous être favorable : la gauche au pouvoir est un faire valoir pour nos idées. Si le candidat de la droite avait été le premier ministre, l’abstention pouvait se justifier. En ce qui concerne l’ancien ministre de l’intérieur, c’est tout à fait différent : rupture avec une économie qui nous évite la proportion de pauvres que l’on trouve chez Tony Blair, rupture avec la notion de communauté au profit de l’individualité, rupture avec la politique étrangère faite de non-alignement. Il ne s’agit donc pas d’une rupture avec l’actualité française mais avec la tradition historique de la France.

Voilà la raison du soutien à Ségolène Royal. D’ailleurs, Jean Marie Le Pen, fin politique et sachant très bien à qui profite son abstention ne s’y est pas trompé. Il suffit de lire entre les lignes et de savoir pour qui voterait sans consignes son électorat pour comprendre.

Il n’est pas impossible que je dise tout haut ce que Jean Marie Le Pen pense tout bas.