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mercredi 30 mai 2007

Rester à droite, c'est nous maintenir dans le ghetto

Mardi, 29 Mai 2007
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Rester à droite, c'est nous maintenir dans le ghetto

Philippe Delbauvre

Politique
Rester à droite, c'est nous maintenir dans le ghetto
Il faut être honnête en politique comme ailleurs, ce qui signifie respecter les règles du jeu auquel on a accepté de jouer. Ainsi, dès lors où la droite a gagné, la gauche se doit de céder la place puisque telle est la règle. La droite extrême, parce qu’elle n’est extrême qu’en surplus alors qu’elle est de droite par essence, se doit de soutenir la droite si par grand malheur celle ci se trouve confrontée lors d’un second tour face à la gauche. Ce qui est vrai de la droite extrême l’est aussi de la gauche extrême.

C’est ainsi que de la gauche extrême à la droite extrême chacun joue au même jeu. Il existe un joker connu sous différentes formes: à chat perché, on dit « perché ! ». En jurant, on croise deux doigts dans le dos simultanément et alors « ça compte pas ». Ces subterfuges portent en politique le nom d’abstention.

Il y a bien longtemps ce subterfuge n’en était pas un. S’abstenir c’était ne choisir personne. Aujourd’hui, compte tenu des enquêtes d’opinions on sait très bien à l’avance à qui profite l’abstention. En conséquence, s’abstenir c’est non seulement voter mais aussi choisir celui qui va être élu. Il est dès lors inutile de « croiser les doigts » ou de clamer un « perché » puisque chacun voit le subterfuge.

A quoi bon jouer à un jeu qui a été conçu sans nous mais avec la volonté de nous faire perdre absolument ? Il existe une sociologie politique qui varie assez peu. Les résultats au second tour des présidentielles ne dépassent pas 55 % des suffrages pour le vainqueur et un tel pourcentage passe pour un triomphe. Il y a donc invariablement stabilité du corps électoral. Alors l’idée consistant à faire alliance avec l’Ump en espérant que celle ci trébuche ce qui engendrerait d’une part un ralliement de tout son électorat ainsi que d’autre part celui de toute une partie de la gauche, qui au passage n’oublierait pas l’ancien ralliement, est tout bonnement ridicule.

On peut chercher dans l’histoire mais ce sera sans trouver. Y compris outre Rhin où la majorité n’a pu se faire que parce que la tête de l’exécutif a consenti à ce que les députés de gauche soient invalidés. Le débordement sur la droite ou les théories de l’infiltration ne résistent donc pas à l’analyse. Désolé d’avoir réveillé les rêveurs. C’est ainsi que Juppé fut chassé par Jospin qui lui même fut chassé par Raffarin. C’est ainsi que si Sarkozy échoue, Royal viendra.

Analysez l’analyse et prenez acte. Tout espoir en utilisant cette stratégie nécessite l’intervention du Saint Esprit. A vos missels, pour ceux qui croient.

En revanche, un joueur, quoique puisse écrire Jean Baudrillard reprenant une phrase de Rollerball - Nul joueur ne doit être plus grand que le jeu lui-même – peut mettre fin à une pratique usuelle du jeu. Plutôt que de rester dans ce jeu d’échecs (sic) à imaginer des scenarii à x coups d’avance qui fatalement nous amèneront au mat final, il est préférable d’adopter la technique de l’éléphant dans un magasin de porcelaine. Si le jeu est là et que les règles existent, ce n’est ni le jeu ni les règles qu’il faut modifier puisque cela n’est pas dans nos moyens. En revanche, chacun peut jouer à sa guise. Y compris d’une manière qui dans un premier temps pourrait sembler farfelue.

La stratégie de l’éléphant dans un magasin de porcelaine consiste à voter à gauche au second tour ou à se maintenir de manière à faire élire un candidat de gauche. A condition évidemment que cette tactique ne soit pas posée définitivement sous peine d’être classé comme ceux qui « de toutes façons voteront à gauche quoiqu’il arrive ». Cela serait évidemment ridicule. Et pourtant, nous, c’est à dire les zôtres et pas les nôtres, sont justement ceux dont on dit que « de toutes façons ils voteront à droite quoiqu’il arrive » ; ce qui les rend ridicules.

Je rappelle que l’abstention n’est plus une justification (voir supra) au cas où des esprits mal intentionnés ou oublieux...

Il suffit maintenant d’imaginer le bordel ambiant (pas d’autres mots) dans la classe politique. Voici l’extrême droite (on ne dira pas les nationalistes) faisant élire des candidats de gauche certes ravis de l’aubaine mais bien embarrassés. La droite criera au viol ou pour les gaffeurs à la trahison. Et je parierais bien volontiers que compte tenu de la loi de l’offre et de la demande, de très nombreux et nouveaux contacts s’établiront : après tout le vent n’est mauvais que lorsqu’on se trouve dans la mauvaise direction deviseront nombre d’élus. Il n’est pas impossible que la promotion d’une langue régionale soit la conséquence d’un choix d’un élu de gauche: il n’aurait rien à y perdre et peut être un siège à y gagner.

Plus il y a d’acheteurs (ce sont des marchands) et plus on peut vendre cher. Les enchères monteront. Un front contre nous éventuellement se créera et l’on promettra juré craché que l’on ne nous parlera pas : tant mieux, voilà qui nous mettrait en position centrale. Le front aura ses positions officielles et discutera officieusement contrairement à ce qu’il aura déclaré (c’est humain). Et on avancera.

Une chose est certaine, c’est qu’une force politique dont on ne sait à l’avance pour qui elle va voter, inspire la crainte. On cherche à l’amadouer. Voyez l’attitude de Sarkozy et de Royal à l’égard de Bayrou. Quoique l’on puisse en penser, ce serait le même comportement avec les nationalistes avec certes une forme différente. Pour autant et pour tous ces politiques le raisonnement est le même : une voix est une voix.

Avec 10% des voix un scrutin bascule. La droite n’a nul besoin de faire des cadeaux puisque par réflexe les nationalistes votent en majorité pour elle au second tour. Réciproquement, la gauche tire à boulets rouges parce qu’elle assimile, à juste titre compte tenu de leurs comportements, les nationalistes à la droite.

Qu’est ce qui nous retient alors sachant que la tactique habituelle nous mène et nous a toujours menés à l’échec ? (avec l’exception de l’Action française qui ne s’est jamais aussi bien portée qu’avec l’aide de certains milieux de gauche pour ensuite plonger une fois une position droitière assumée – droite de la droite).

La réponse est simple.

Les vieilles croûtes.

Ceux qui ont connu le bolchevisme international et son pacte de Varsovie et qui n’en sont jamais sortis. Ceux qui ne savent toujours pas que le mur est tombé voilà vingt ans et que l’Europe entière est pratiquement démilitarisée par rapport à ce qu’elle fut.

Ceux qui derrière le socialiste aperçoivent le communiste en entonnant le refrain d’avant guerre.

Où en sont les socialistes ? Où en sont les communistes ?

Les premiers sont devenus libéraux et les seconds inexistants.

A moins de faire preuve de mauvaise foi, le modèle sociétal est le même dans ses bases à gauche comme à droite et l’arrivée au pouvoir de Ségolène Royal n’aurait pas modifié notre vie de tous les jours.

Je peux néanmoins comprendre que sur des idées liées aux mœurs par exemple, on puisse se sentir plus proche de la droite. Plus exactement de la droite d’aujourd’hui puisque celle de demain optera comme elle le fait toujours pour les choix de la gauche d’aujourd’hui. Même chose pour le droit de vote accordé aux étrangers, on peut le noter.

Dans de telles conditions rester à droite (volontairement ou à l’aide de l’abstention) c’est nous maintenir dans le ghetto dans lequel on nous a placés et compte tenu du mode de scrutin n’avoir, même avec 20% des suffrages, que peu de représentants. Quant à exercer le pouvoir, à l’aide des missels peut être, et encore …