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mardi 8 mai 2007

Mardi, 8 Mai 2007


Le Front National n’a que deux possibilités

Philippe Delbauvre

Politique
Le Front National n’a que deux possibilités
Il est toujours possible de faire dire aux chiffres ce que l’on a envie qu’ils disent dès lors où l’on fait preuve de niaiserie ou de mauvaise foi. C’est ainsi que lue à l’envers on peut affirmer que la température d’un thermomètre n’est pas 27 mais 72.

Que n’a t-on entendu au sujet d’un taux de participation qui, sous prétexte qu’à l’occasion d’une élection il était plus élevé qu’à l’accoutumé, nous montrait la définitive réconciliation des Français avec la politique ! C’est évidemment faux comme l’avenir le montrera. On avait postulé d’une manière similaire en 1981 qu’une nouvelle ère commençait et que parti de l’obscurité on atteignait la lumière. Eteinte depuis. En fait, les Français ont aimé cette élection parce que les émissions d’Endemol les y avaient préparés. D’où ces échantillons pseudo représentatifs de Français questionnant les candidats. C’est ainsi que les Français ont pu jouer mais cette fois ci en grandeur nature. On verra d’ailleurs s’il y a confirmation de cet engouement après les législatives qui elles aussi peuvent recruter en masse. On s’est bien gardé de faire de la politique en proposant des mesures: on s’est simplement contenté d’évoquer des directions approximatives avec de jolies phrases indiquant l’amour, le bonheur, les jours meilleurs. Vrai ou faux ? Télé réalité ou pas ?

Si certains esprits s’inquiétaient d’une extrême gauche si puissante c’était davantage faute de clairvoyance que de malhonnêteté intellectuelle. Un trotskyste, c’est à dire un communiste radical, se caractérise par un rectitude que rien ne peut arrêter. Or les résultats de cette mouvance sont en chute libre alors que paradoxalement l’actualité économique ne pouvait que leur donner du grain à moudre. L’explication de ce paradoxe est toute simple: cet électorat n’est pas communiste dans son énorme majorité et s’il n’est pas impossible que l’on trouve la série x files dans la bibliothèque, je doute sincèrement que s’y trouve placé le Capital ou une autre des œuvres de Karl Marx. C’est donc à la tête et simplement à ça que s’est joué le résultat de l’extrême gauche: Arlette prend de l’âge, d’où l’échec, alors que le facteur est resté beau gosse. Postier qui, rappelons le, songe à modifier le nom de son parti qui ne pourra plus être ligue car le terme est par trop droitier, et qui ne pourra pas plus maintenir le reste en raison des circonstances.

Si cet électorat n’est plus révolutionnaire dans sa majorité, il n’en reste pas moins contestataire ce qui est signe de santé. Pour autant, exit l’extrême gauche.

Même phénomène pour ce que l’on peut déjà appeler déjà le mouvement démocrate de François Bayrou. Le centrisme en politique suppose un tempérament dont on dispose mais que l’on n’acquiert pas. C’est bien souvent le milieu d’une bourgeoisie rangée soucieuse d’ordre dans la modération. Eloignée des capitaines d’entreprises qui achètent simplement pour revendre en tirant bénéfice, elle maintient ses valeurs, souvent catholiques, sans l’ostentation des parvenus. François Bayrou a lui aussi bénéficié d’un succès de gueule mais il va avoir le plus grand mal à transformer cette strate sociale en un mouvement de masse. Il est particulièrement difficile lorsqu’on est un modéré d’énoncer des formules à l’emporte pièce qui galvanisent une foule qui ne se définit pas comme telle. Scrutin majoritaire et fuite d’élus feront le reste. Seule une candidature catastrophique de la droite ou de la gauche pourrait lui permettre d’accéder au prochain second tour. Voilà une autre façon d’exprimer que son propre destin ne dépend pas de lui.

Ségolène Royal est le look par excellence: combien de fois a t-on entendu évoquer la possibilité d’une femme à l’Elysée ? Cependant son score n’en est pas moins faible et il en découle qu’au parti socialiste les discussions vont aller bon train. Une chose est certaine, les nationalisations ne sont pas du tout au programme de ce parti qui d’ailleurs fait des œillades aux démocrates chrétiens. Là aussi, c’est la fin d’une époque, celle de l’alliance idéologique entre socialistes et communistes. Ceci parce que ces derniers en sont désormais réduits à compter les décimales de leurs suffrages et n’ont plus qu’à suivre sous peine de perdre tous leurs élus. En clair, le parti dit socialiste est devenu libéral de progrès et la mobilisation de ce qui se trouve sur sa gauche ne s’est pas faite grâce à l’approbation d’un programme mais en raison de la répulsion à l’encontre du candidat de la droite. Autrement exprimé, au parti socialiste on fait sa mue libérale en se disant que de toute façon les cons suivront: c’est ce qu’ils ont fait.

Ce qui plait chez Nicolas Sarkozy, c’est son dynamisme et son extraordinaire volonté. Psychologiquement ce n’est pas un phénomène nouveau: un dominant ayant de fortes convictions est capable d’entraîner non seulement ceux qui pensent comme lui mais aussi d’autres. Je reconnais donc au personnage une constance dans ses objectifs. C’est un libéral authentique qui veut révolutionner la société française et l’atlantiser alors que je souhaite l’intervention de l’Etat afin que l’économie ne soit pas reine et que la souveraineté nationale soit maintenue dans une confédération où les pays se coopteront suite à des intérêts politiques et pas économiques. On comprendra l’opposition.

S’il a su jouer de sa personne positivement, il a également su habilement capitaliser le mécontentement. Nombre de Français qui ont voté pour lui souhaitent qu’il y ait changement de donne. Certains, au vu de leur condition et de leurs intérêts propres, ne se sont pas trompés. Les autres en revanche vont connaître de nombreuses désillusions. Il se prépare pour l’Ump une majorité absolue à l’assemblée nationale, sauf gigantesque bourde, qui accompagnera la majorité sénatoriale. Ne manqueront que les régions.

Le Front National a lui cumulé les handicaps durant cette campagne. Que l’on se souvienne de l’accueil délicat chez Serge Moati et l’on aura compris l’intelligence de la démarche. Alors qu’habituellement droite, gauche et extrême gauche tiraient sur Jean Marie Le Pen, nous avons eu droit à une indifférence à son égard ou plus exactement à un transfert de haine en direction de Nicolas Sarkozy. C’est un facteur qu’il ne faut pas négliger et qui n’a pas ou peu été rapporté. Ce sont également toutes ces photos du chef montré sénile et de manière délibérée. Ajoutons un temps de parole ne correspondant pas à l’audience réelle et l’on comprendra que l’ensemble fait beaucoup.

Mais il a y eu aussi, signe des temps, des états d’âme confinant à l’individualisme parce que telle ou telle prise de position ou telle ou telle affiche ne plaisaient pas. Or en politique, c’est après la victoire que l’on peut exprimer des griefs mais certainement pas au milieu de la mêlée. De même l’orientation populaire, elle aussi chagrinante pour certains, est tout à fait logique dans un parti qui se veut de masse c’est à dire puissant. L’erreur soralienne ne vient donc pas des choix qui furent ceux de l’écrivain mais du fait que l’inflexion de la démarche frontiste s’est déclenchée à une date trop proche de celle de l’élection.

Dans de telles conditions, le Front National n’a que deux possibilités. La première consiste à tenter de rallier une Ump qui n’en a nullement besoin et qui d’ailleurs ne le souhaite pas, avec la forte probabilité de finir comme un Haider célèbre en son temps et oublié aujourd’hui; la seconde passe par une rupture totale avec l’Ump et avec les concepts dépassés de gauche et de droite. Dernier point, cela fut une erreur majeure dans la campagne, même si on tenta de la corriger sur le tard, que de ménager Nicolas Sarkozy.

Pas plus que l’on a pu rendre à Louis XVI sa tête et par là son trône, on ne pourra refaire ces élections perdues qui, si elles inaugurent un virage sensible, ne sont pas irréversibles en ce qui concerne le destin de notre pays. A condition que nous le voulions et que nous nous en donnions les moyens. Pour se faire, cesser toute forme de contact avec certains nationalistes qui ne sont que des conservateurs : leur place est à la droite de la droite et leur fonction comme depuis toujours est d’assurer le service d’ordre du candidat libéral du moment en étant toujours en quête du gauchiste à abattre. En ce qui concerne les opposants sincères au Système, c’est à dire ceux n’ayant pas en vue de simples réformes et, facteur essentiel, d’où qu’ils viennent, il est nécessaire d’établir des passerelles. Si dans un premier temps nous vantions mutuellement les travaux de l’autre en cas d’accord tout en fermant les yeux sur ce qui nous sépare plutôt que de l’exacerber, un grand pas serait alors franchi.