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samedi 8 octobre 2011

Entretien de Serge Ayoub



Révolution des institutions et révolution du nationalisme »

 

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Serge Ayoub, leader de Troisième voie, appelle à une manifestation nationaliste le 8 octobre à Lille. Il s’en explique et détaille les fondements de son engagement politique actuel.

Son image de chef des skins parisiens lui colle à la peau, même 20 ans plus tard. « Batskin » est aussi connu que Serge Ayoub, surnom souvent accolé à son état civil, comme s’il en était devenu une composante à part entière. S’il a mué son engagement physique en combat politique, et estime réducteur de se voir renvoyer à son passé de chef de bande des années 1980, il en cultive savamment l’image et le mythe, en défilant à la tête de ses Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Serge Ayoub cherche pourtant à promouvoir autre chose. Avec Troisième voie, qu’il a ressuscité en 2010, il élabore un programme politique à tonalité gauchisante, à l’intérieur de la mouvance nationaliste. Il affirme la nécessité de formation de ses militants, organise de nombreuses conférences dans son bar, Le Local, et revendique pour son Front solidariste la seconde place parmi les formations politiques de sa tendance, en terme de militants, (loin) derrière le Front national (FN).

Vous appelez à manifester à Lille, le 8 octobre. Pourquoi ce rassemblement ?

Nous manifestons pour la préservation de nos emplois. Nous pensons que ce n’est pas aux travailleurs français de supporter le poids de cette crise. On cherche aujourd’hui à les faire payer alors que c’est l’oligarchie financière et les politiques qui nous gouvernent qui devraient être mis à contribution. Cette manifestation a également pour but de défendre le poids de la nation qui garantit nos droits sociaux, que certains cherchent à réduire.

Le second objectif, c’est la constitution d’un front solidariste. Une notion que nous avions déjà mis en avant lors du défilé du 8 mai 2011, à Paris. Plusieurs mouvements européens (Nation, Sinistra nazionale, le MSR) s’interrogeant sur cette évolution du nationalisme qu’est le solidarisme, s’étaient alors joints à nous.

Vous semblez mettre en avant lors de ce rassemblement nationaliste des notions et une figure (Roger Salengro) ancrées à gauche. N’y a-t-il pas un décalage entre votre famille politique et vos revendications ?

Oui, le terme “Front populaire” ne nous déplaît pas, car le souvenir qu’il a laissé chez les travailleurs français est positif. On ne se définit ni à droite, ni à gauche. Nous revendiquons une filiation avec les révolutionnaires de 1793, avec Robespierre. Avec les sans-culottes, les communards, avec le Front populaire. Mais en quoi est-ce de gauche d’être sans-culotte ? Pensez-vous qu’Aubry, Hollande, Daniel Cohn-Bendit soient des héritiers des sans-culottes ou des communards ? La gauche et le PS ont trahi la révolution, les travailleurs et les français en général. Il n’y a plus une grande différence entre l’UMP et le PS à l’heure actuelle. Ils sont tous au service du mondialisme.

Quelle est votre conception du solidarisme ? Vous placez-vous dans la lignée des mouvements solidaristes qui ont couru à l’extrême droite à partir des années 1960-1970 ?

Non, cela n’a rien à voir. Nous avons repris ce terme car nous avons une vision solidaire de notre pays. Notre conception se résume en trois mots: liberté, égalité, fraternité. C’est à dire liberté de pensée, liberté d’entreprendre, mais pour être libre il faut pouvoir décider. Nous voulons donc la démocratie la plus directe possible, référendaire, de souveraineté populaire et aux mandats révocables. Être libre c’est être maître chez soi. Les Français et les travailleurs doivent donc se réapproprier la France et ses entreprises par la participation et la nationalisation des banques (qui nous ruinent) et que notre travail ne suffit plus à renflouer. Nationalisation aussi des secteurs stratégiques pour notre indépendance nationale. Égalité des droits et des devoirs mais aussi égalité entre le capital et le travail. C’est à dire réduire, rééquilibrer les rapports de forces entre grands patrons et travailleurs. C’est la codétermination en partie inspiré du modèle allemand. La fraternité c’est la solidarité entre individus d’une même nation, et entre les nations du monde, donc certainement pas la négation de la Nation. Nous sommes démocrates, de demos cratos (le pouvoir du peuple) mais nous considérons que ceux qui possèdent actuellement le pouvoir et se disent démocrates ne veulent pas le rendre, ça sera donc un combat. Nous comptons donc nos forces. Nous en avons deux: le nombre et le travail. Pour le nombre c’est la démocratie directe, pour le travail, nous demandons aux Français de réinvestir le combat syndical, et de combattre au quotidien pour arriver à cette phase révolutionnaire qu’est la grève générale. Pour y arriver, il faudra plus d’une décennie de lutte.

Si vous rejetez à la fois le capitalisme et le communisme, comment vous situez-vous sur le plan économique ?

Nous avons une démarche héritée du colbertisme. Nous sommes pour un État stratège intervenant, si nécessaire, par une politique de planification et de régulation et par une politique de grands travaux. Nous considérons également que la l’économie de la France doit appartenir aux travailleurs français (la participation) et nous souhaitons donc la nationalisation de secteurs stratégiques tels que l’énergie ou les banques. Nous combattons pour l’indépendance nationale et le droit de battre monnaie en demandant l’abrogation de la loi Pompidou-Giscard de 1973.

Pourquoi vous n’assumez pas votre radicalité politique et l’étiquette d’extrême droite ?

Parce que nous ne sommes pas radicaux, au sens où vous l’entendez, et que nous ne sommes pas de droite. En quoi un État stratège est-il de droite ? En quoi la planification est-elle de droite ? En quoi la régulation est-elle de droite ?

Vous avez un parcours politique marqué à l’extrême droite…

Je n’ai jamais été de droite. J’ai été à Troisième voie, j’ai été aux Jeunesses nationalistes révolutionnaire, je ne vois pas pourquoi j’aurais été d’extrême droite. J’ai été un skin il y a vingt ans ! En vingt ans j’ai évolué, comme tout le monde… Quoiqu’il en soit, qu’est-ce qu’un skin, sinon un jeune énervé, working class, qui aime un style musical, qui est prêt à toutes les provocations parce que la droite et la gauche le font gerber.

Vous vous dîtes républicain et rejetez le personnel politique en place, de gauche comme de droite. Pourriez-vous alors envisager de vous représenter à une élection comme vous l’aviez fait lors des élections législatives de 1993 ?

Nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment, nous essayons de définir des réponses plausibles et réalisables. Nous rédigeons actuellement un programme (le livre est en relecture). Nous réfléchissons aux moyens de parvenir au pouvoir légalement. On ne veut pas que le travailleur se fasse tuer parce qu’il veut faire la révolution. La seule chose qui puisse être légale et « vivable », c’est la grève générale.

On a l’impression que vous êtes prisonnier de votre image et de votre propre mythologie. Serge Ayoub réussira t-il un jour à faire oublier “Batskin” ?

Je pense que c’est surtout vous, les journalistes qui êtes prisonniers de cette image et du passé… Cette question me semble bien futile rapportée aux problèmes que rencontrent les gens en France et dans le monde.

En France tout le monde s’en fout de ce que j’ai été (à part vous). Les Français ne sont pas des cons. Ce qui compte c’est ce qu’ils ont dans l’assiette et en l’occurence de ce qu’ils ont de moins en moins dedans. Ce qui importe c’est le présent et l’avenir inquiétant que nous prépare le mondialisme. Le fait est que nous posons de vraies questions et apportons de vraies réponses aux Français et que, du coup, notre Front populaire solidariste et nos idées rencontrent un écho certain. Ça c’est le présent, c’est ça qui est intéressant. En plus, quelle est notre image ? Celle que nous crachent à la figure nos détracteurs y compris dans notre camp. Cette image, ils la disent mauvaise, mais qu’ils se rassurent, nous en avons autant à leur sujet. Ces gauchistes nous critiquent pour le fait que l’on serait sans idée et sans tête. Parce que nous serions prêts à nous battre pour nos idées et que nous les affirmons avec fierté dans la rue. Mais qu’ils balaient devant leurs portes, eux qui s’habillent comme nous en plus sales, eux qui marient des thèses politiques diamétralement opposées comme le communisme et l’anarchisme. Ils ne rêvent que de révolutions et critiquent ceux qui se battent. Ceux qui ressemblent le plus aux sans culottes et aux communards, ce ne sont pas eux. Ils nient et combattent leurs propre histoire, ils se haïssent en fait. cela ne peut se comprendre qu’après une longue psychanalyse. Non ces analphabètes amnésiques hirsutes et bobos agités n’ont rien à nous dire. Et dans notre camp c’est la même réponse que je ferais. Je ne crois pas que se plier à la bienséance du système comme le font les Identitaires peut nous faire avancer. Le révolutionnaire est différent et il doit l’affirmer : de cette manière sa seule existence devient un acte politique. Il ne concède rien, car il sait que ces petites compromissions finissent en défaite. Il doit avoir le courage de prendre le risque de se « griller ». De plus, regardons les faits : en 9 mois nous avons abattu un travail comparable au leur en 9 ans. En 9 mois nous rassemblons plus, avec plus d’ordre, plus de cohésion et derrière un programme ambitieux et novateur, qui ne recycle pas les vieilleries du GRECE. Voilà, des travailleurs dont tout le monde se moque depuis toujours militent plus et mieux que tous. Au lieu d’anticiper ce que pense leur ennemi ils feraient mieux d’écouter les Français. Ils veulent être polis, mais les Français s’en foutent, ils n’ont plus envie d’être polis aujourd’hui.

Cela vous ennuie-t-il que l’on vous présente toujours comme l’ancien leader des skins parisiens ?

Cela ne me dérange pas parce que je l’ai été. Il n’y a pas de honte à combattre pour ce que l’on croit être bon. Mais j’ai grandi et j’ai évolué. J’ai le sentiment que lorsque l’on parle de moi comme cela ce n’est que pour réduire mon combat. La preuve: on a seize sections dans toute la France. Nous comptabilisons nos militants non plus en centaines mais en milliers (avec Opstaan, les Nationalistes autonomes, Nation, le Front comtois et Troisième voie) sur la ligne solidariste. Ce qui fait de nous le deuxième mouvement nationaliste après le Front national, bien loin derrière, certes.

Que répondez-vous à ceux qui qualifient votre mouvance de néo-fasciste?

Que l’on peut qualifier tout le monde de tout. De mon côté, j’ai toujours dit tout ce que je pensais mais j’ai évolué. A dix-sept ans, j’étais militant au Parti socialiste, j’ai vu ce qu’il en était. J’ai fait partie des cocus de 1981. Pour moi, ce parti est une insulte au socialisme. Mais même dans mes pires provocations, je n’ai jamais été d’extrême droite. L’extrême droite c’est libéral, c’est réactionnaire. Aucun de mes propos, même les pires, n’ont été de cette teneur. J’ai toujours cru en la notion d’Etat, de Nation et de peuple. J’ai toujours cru en la science et le progrès. Je suis Français et j’aime mon peuple. Mais je n’ai aucune envie de mettre quelqu’un dans un camp de concentration. Ce qui m’énerve c’est la situation économique, politique et sociale actuelle, et je pense qu’il y a de quoi s’ennerver non ? Mais le fait de s’énerver n’est pas un signe de radicalité tel que vous le percevez. Maintenant le système met sur nous un présupposé, celui d’être d’extrême droite. Je vous invite à réfléchir pourquoi il ne le fait pas sur l’extrême gauche. Pourquoi sa radicalité n’est pas montrée du doigt… Parce qu’elle est, souvent, l’excuse du système, l’autre face d’une même pièce. Bien sûr il y a quelques exceptions. C’est à elle que l’on voit que nous sommes dans un système totalitaire que ce soit au niveau de ce que subit la vraie extrême gauche ou nous les solidaristes. Regardez le Comité invisible, L’insurrection qui vient. On commence à arrêter préventivement des gens parce qu’on sent qu’ils ont dit des mots qui amènent à penser que… Mais on est où là ? Qui est le totalitariste ? Nous vivons dans un système orwellien qui inverse les valeurs et change jusqu’au sens des mots pour asseoir sa tyrannie !

Avez-vous lu L’insurrection qui vient ?

Oui, c’est un peu situationniste. Ce n’est ni exceptionnel, ni subversif au point de devoir arrêter quelqu’un. C’est plutôt marrant à lire.

Des idées vous intéressent-elles dedans ?

Oui bien sûr. Tout ceux qui combattent le système sont proches de nous.

Vous vous sentez proche des anarchistes alors ?

En tout cas pas des solutions que propose l’anarchisme. Mais dans le constat oui. Le mondialisme est une horreur pour l’homme et pour la planète. L’extrême gauche véritable, les nationalistes et toutes les personnes honnêtes et sensées le pensent, et pourquoi pas des anarchistes aussi. Les anarchistes sont anti-impérialistes, nous aussi. Anti-capitalistes, nous aussi. Anti-Américains, nous aussi. Après, les anarchistes sont internationalistes et n’incluent pas l’Etat dans leurs solutions, ce qui n’est pas notre conception des choses. Alors mettons le système à bas, organisons des élections, et on verra bien qui gagnera.

Quels sont vos rapports avec « l’UDF nationaliste » qui est en train de se constituer autour de Carl Lang ?

Ce ne sont pas des ennemis mais nous ne faisons pas partie de cette union. Ils sont libéraux, nous ne le sommes pas. Ils se revendiqueront d’ailleurs plus d’extrême droite que nous, de toute évidence. Je leur avais dit lors d’une journée de Synthèse nationale qu’il y avait une rupture à faire avec l’extrême droite, pour nous solidaristes. Mais la Nouvelle Droite Populaire reste un pont entre nous et eux et propose des solutions souvent proches des nôtres.

Quel regard portez-vous sur le Front national ?

On vit très bien sans lui. Le Front national était un mouvement populaire, pas au niveau idéologique, mais militant. Sa force, c’était celle de ses militants. Maintenant c’est un parti d’électeurs. Il faut faire attention à ne pas se couper de sa base. Il faut former ses militants, ce que le FN ne fait pas à l’heure actuelle. Nous, nous essayons de le faire.

Vous avez dîné avec Marine Le Pen en septembre 2010. Quel était le but de cette rencontre ?

C’était informel. J’ai rencontré Carl Lang et tout un tas de gens également. On est dans un monde qui va de la droite nationale à l’extrême droite radicale en passant par des gens issus de la gauche ou du ni droite ni gauche. On a un point en commun: c’est la Nation. Les gens finissent donc toujours par se croiser. Marine Le Pen m’a rencontré à titre purement informatif. Ce n’est pas inintelligent de sa part de se demander: “c’est quoi cette fin de cortège, c’est qui ces gens là ?” Des rencontres comme celles-ci me semblent normales et plutôt logiques.

Êtes-vous toujours nationaliste révolutionnaire ?

Non je suis solidariste. Le nationalisme révolutionnaire, c’est d’abord une conception géopolitique du nationalisme. Cela peut-être aussi considéré comme une gauche nationale, mais c’est trop réducteur pour notre conception du solidarisme, car nous ne sommes pas que cela. D’ailleurs si l’on regarde bien, le nationalisme révolutionnaire a également abouti à des interprétations très GRECE et Nouvelle droite tel que peut l’être le Bloc Identitaire. Nous avons pris des options très différentes. Nous aimons la Nation et nous voulons une révolution pour changer ses institutions mais nous souhaitons également une révolution dans le nationalisme. Nous sommes un courant novateur et nous souhaitons donc être perçu différemment par rapport au NR.

Propos recueillis par David Doucet et Julien Licourt