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vendredi 20 octobre 2006

Airbus ou la défaite emblématique des nationaux-libéraux

Vendredi, 20 Octobre 2006
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Airbus ou la défaite emblématique des nationaux-libéraux

Philippe Delbauvre

Politique
Airbus ou la défaite emblématique des nationaux-libéraux
Airbus est une entreprise de construction aéronautique soumise à la concurrence. Elle se doit donc de proposer d’une part des produits de qualité mais aussi d’autre part de ne pas par trop alléger le budget de l’acheteur qui est bien souvent une compagnie aérienne ou un pays.

Chacun peut effectuer un parallèle avec la voiture qu’achète le particulier : les suspensions de qualité, les accessoires, les options, l’esthétique ont un prix ; évidemment plus on en veut et plus on paie. Si à l’inverse on achète avec pour objectif de débourser le minimum, on sera contraint de se contenter du modèle de base.

Dans tous les domaines on propose ainsi des produits dont la valeur part du modèle de base pour atteindre le modèle haut de gamme. Ainsi, mes lecteurs utilisent majoritairement du prêt à porter où les prix sont d’ailleurs très variables, alors que des tailleurs existent encore pour une clientèle très ciblée. Cette dernière n’est pas importante numériquement et si l’industrie du luxe se porte bien ce n’est pas en raison du nombre de clients mais de l’épaisseur du portefeuille permettant de s’offrir les produits proposés. Après tout, c’est tant mieux pour eux et cela d’autant plus que notre cher pays est un de ceux dont la réputation dans le domaine de la qualité est la plus reconnue.

Airbus fabrique des avions. On recherche dans ce domaine fiabilité et performance et non chic ou luxe. Il existe bien sur des recherches théoriques qui sont les fruits des travaux de spécialistes en thermique ou en aérodynamique par exemple mais elles ne sont pas essentielles. En effet, s’il ne faut pas prendre par trop de retard comme c’est aussi le cas dans le secteur automobile, là n’est pas l’essentiel puisque les rivaux se suivent de près (Kuhn reste d’actualité). C’est donc la facture qui au final fait la différence. On sait en effet qu’un avion est cher et que de plus, le plus souvent, une commande en comporte plusieurs dizaines d’exemplaires. Un avion est constitué avant tout de pièces métalliques et plastiques, de composants électroniques et d’autres parties de moindre importance. Cela représente un coût. Il faut également produire ces pièces et les assembler avec du personnel qui lui aussi à un coût. Pourquoi donc s’embarrasser à faire venir en France des composants qui sont construits à l’étranger ce qui engendrerait des coûts de transport d’autant plus que la main d’œuvre est beaucoup plus chère ici qu’à l’endroit où justement et les matières premières et les produits finis et le travail d’assemblage sont moins onéreux ?

La délocalisation s’impose donc.

Si on n’y recourt pas, sachant que le concurrent lui le fera, on cesse d’être compétitif et on perdra fort logiquement les parts de marché. Les directions en ont conscience. Les politiques aussi. Et encore davantage les actionnaires qui ne jurent que par le rendement de leur portefeuille d’actions conformément à logique libérale.

Est ce donc si difficile à comprendre ?

Voilà pourquoi j’incrimine à titre d’exemple le ‘nationalisme’ étrangement doublé de libéralisme dont Philippe De Villiers est un représentant mais qui semble de façon très surprenante faire école. Quelqu’un qui a lu les penseurs libéraux sait très bien que cette théorie suppose une concurrence pure et parfaite avec des consommateurs parfaitement rationnels (c’est presque aussi idyllique que du Marx). Soit, pour en revenir au vicomte quand bien même il imposerait la production localisée en France, il ne diminuerait pas la facture et l’entreprise perdrait tous les marchés parce que les produits seraient plus chers que ceux de la concurrence : vendre, c’est vendre à quelqu’un qui lui compare les prix. Ou alors il lui faudrait par l’intermédiaire d’un coup de baguette magique supprimer les frais de transport ainsi que payer le salarié français comme l’est celui du Sud Est asiatique. Voilà pourquoi les libéraux n’ont jamais eu de patrie, n’en ont pas et n’en auront jamais. Je ne leur reproche pas leur choix idéologique mais j’en veux à ceux qui font de même tout en se réclamant de la communauté nationale.

De la même manière, je ne peux que contester une autre notion que j’avais déjà fustigée à savoir celle du patriotisme économique. Cela fait certes très bien aux yeux de l’électorat mais on comprend mieux grâce au triste exemple d’Airbus les limites du concept. Vous achetez du renault ? C’est bien, mais dans le même temps cela signifie qu’à 80% vous achetez étranger puisque c’est le pourcentage moyen présent dans un modèle de cette marque. Comme encore une fois les actionnaires, qui au passage ne sont pas ‘méchants’, mais qui raisonnent simplement en terme de rentabilité ce qui est la règle dans le monde libéral, imposent leur desiderata il ne reste plus rien de la notion chère à ce que l’on appelle par convention la droite.

Egalement, on ne peut passer sous silence la réduction du temps de travail lorsqu’elle n’est pas assortie proportionnellement à la réduction des salaires. Cela pour les mêmes raisons. Dans le monde libéral, mettre en place cette pratique c’est désavantager toutes les entreprises soumises au secteur concurrentiel. Pour un même produit, c’est celui qui aura nécessité le taux horaire le plus bas qui sera le moins cher et donc le plus acheté. Cela, les employés d’Airbus ne veulent pas le comprendre pas plus que les employés des autres entreprises. Ainsi, tant que l’on travaille en France et que la structure professionnelle dans laquelle on s’investit fonctionne convenablement on ne se pose guère de questions : cela n’arrive qu’aux autres. Pourtant, c’est le secteur primaire qui a été balayé, puis le secondaire, et maintenant pour reprendre l’exemple d’Airbus les secteurs de pointe.

Jacques Chirac est en train d’intervenir et va probablement s’entretenir avec la chancelière allemande. Différer les licenciement qui sont dans le système libéral inéluctables au moins jusqu’aux présidentielles. C’est probablement François Fillon, fidèle de Nicolas Sarkozy qui non sans cynisme mais avec une logique toute libérale a prévenu qu’en aucun cas l’état ne devait intervenir. A bon entendeur …

Il est maintenant temps de conclure. N’oublions pas que la France se situe géographiquement à l’extrémité d’un continent et donc très mal placée. La seule possibilité de relancer l’emploi en France si l’on veut rester dans le cadre libéral serait de baisser les salaires au dessous de ce qui se pratique dans les pays sous développés afin de compenser les frais de transports à l’aller des matières premières et au retour des produits finis. C’est évidemment impossible compte tenu des habitudes que nous avons prises même si les baisses d’allocations logement, la baisse du remboursement de médicaments, le déremboursement d’autres, la fin de la sécurité sociale, la Csg, le Rds, vont dans ce sens. Qui accepterait d’être payé deux cents euros par mois ? On comprend que le chômage réel, c’est à dire non masqué par des chiffres amputés, est dans le système libéral une fatalité.

Un national œuvre dans l’intérêt de la communauté nationale: un national-libéral ne peut aujourd’hui à l’époque de la concurrence généralisée être national.