Lundi, 2 Octobre 2006 |
Pipolisation d’aujourd’hui mais aussi d’hier: Ségolène bien sur, mais aussi les autres
Philippe Delbauvre | Politique |
Les attaques dont elle est l’objet viennent de toutes les contrées politiques et prennent globalement deux formes: ce que l’on appelle désormais la pipolisation de la politique dont Ségolène Royal serait l’incarnation emblématique mais également et à un degré moindre l’absence de programme qui est, si l’on y réfléchit bien, particulièrement lié au phénomène de pipolisation. Ainsi, il n’est pas difficile de comprendre qu’à produit égal c’est le ‘packaging’ qui fait la différence’.
Commençons par l’absence de programme.
Ce n’est pas un hasard si c’est justement là que les attaques se font le moins ressentir. C’est pourtant en ces lieux que l’on peut légitimement attendre en politique un débat où il est d’ailleurs le plus facile de décrédibiliser l’adversaire tout en se démarquant avec profit soi même. Cela suppose évidemment une alternative politique a proposer. Dès lors où on n’en dispose pas, on comprend mieux le silence.
Les phrases floues n’ont jamais constitué un programme : on peut ainsi déclarer vouloir ‘aider les plus pauvres, favoriser le plein emploi, créer la France de demain qui sera riche et puissante et fraternelle’. Et j’en passe.
Qui peut ne pas être d’accord ? Viendrait-il à l’idée d’un politique de proposer le contraire ? N’est ce pas déjà de la pipolisation sous une autre forme ? S’agit-il enfin d’un programme ? Ségolène Royal en a t-elle le monopole ?
Puisque les universités d’été sont maintenant toutes terminées ou presque, il est temps de s’interroger sur l’existence de mesures phares avec chiffres, démarches, procédures à suivre à l’appui, qui ont été proposées afin de résoudre les problèmes qui se posent aux français.
En fait c’est le néant. On en revient à de très jolies phrases évoquant un avenir radieux dont la gauche à l’évidence n’a pas le monopole. Mais rien de concret. Rien de justifié. Quand d’ailleurs des mesures sont avancées, c’est toujours devant un parterre bien sélectionné avec auquel cas un discours adapté à la cible considérée.
Parenthèse 1981/1983 mise à part, tous les grands présidentiables sont économiquement libéraux ce qu’ils ne peuvent avouer : cela s’appelle un mensonge par omission. Avec préméditation.
Ou on accepte ce système avec les inconvénients qu’il suppose ce qui n’empêche pas éventuellement quelques très mineures améliorations que l’on brandira comme de ‘grandes avancées’, ou on en sort quitte à voir apparaître d’autres problèmes. En fait, ce que personne n’ose dire, c’est qu’on ne pourra pas résoudre les problèmes actuels sans sortir du système : ils lui sont inhérents. C’est d’ailleurs tant vrai que ceux ci se posent dans les autres pays et pratiquement de la même manière. Que Tony Blair a de meilleurs résultats en ce qui concerne les chiffres du chômage est juste : les chiffres, oui ; la grande pauvreté y est double qu’en France et elle ne figure pas bien évidemment dans les statistiques. Pipolisation que de prétendre le contraire.
Il est bon de rappeler qu’Alain Madelin lui aussi faisait référence à Tony Blair de façon positive.
A nouveau pipolisation, donc. Penser qu’un politique français, qui n’a pratiquement aucune marge de manœuvre sur les résultats économiques mondiaux à commencer par ceux de Etats Unis ou de l’Opep ou des pays asiatiques qui influent bien davantage que toute mesure hexagonale, puisse modifier en France la donne est tout simplement ridicule. Ce qu’il est demandé à un président français est dans ce domaine de ne pas faire de bourdes. Les conseillers sont là pour ça. D’ailleurs la majorité des grands barrons de gauche comme de droite, présidentiables ou pas sont énarques et à ce titre ont la même formation. Les bases du système sont connues et respectées puisque ces hommes ont justement été formés pour et par le système.
Autre aspect du problème, il est intéressant de constater la diversité intellectuelle des politiques des troisième et quatrième république et l’homogénéisation croissante durant la cinquième. Pourquoi au passage les scientifiques sont-ils absents de nos assemblées et du pouvoir alors que leur discipline est justement la seule qui montre ses réussites puisque les résultats techniques, qui ne sont que la conséquence des recherches théoriques, nous l’indiquent tous les jours ?
Il est vrai aussi que nombre de scientifiques sont quelque peu naïfs et appellent un chat un chat. Ce qui se traduit par un chien dans un jeu de quille. C’est ainsi que nombre d’expertises scientifiques dérangent : la pipolisation est étrangère au monde scientifique.
Sur la pipolisation au sens premier:
Des pleurs. La France d’aujourd’hui ne subit pas les traumatismes qu’elle a pu connaître dans son passé. On n’y a pourtant jamais autant versé de larmes chez les politiques.
Laguiller (élevée dans un milieu très feutré il est vrai), Besancennot (probablement membre du Rotary ou du Lions), Aubry (Caliméro : ‘c’est vraiment trop injuste’), Jospin (le trotskysme forme visiblement des tendres), Boutin (Il a pris ma bible, m’sieur). La liste serait à faire.
Pipolisation.
Arrêtons nous sur le dernier cas. Christine Boutin a pleuré à l’assemblée. Elle s’est apitoyée volontairement selon moi. Elle a reçu des fleurs. Envoyées par Laurent Fabius, président de l’assemblée à l’époque, sans que la démarche ne soit officielle. Mais paradoxalement ‘on’ a su. Pourquoi ?
Pipolisation.
VGE s’est invité en son temps, président de la république, chez un français très modeste où il a pu déguster des œufs sur le plat. Raison invoquée : prendre la température populaire. Or, s’il est un type de français qui connaît bien cette température et au jour le jour, c’est bien le politique.
La raison est bien différente : pipolisation.
La théorie de la grande unification est réalisée en politique. Tous contre Jean Marie Le Pen puisqu’il est démagogue, autre nom pour pipolisateur. Ce qui n’empêche pas certains de lui avoir ouvert l’accès des émissions de radio bien avant 1984 ainsi que de l’assemblée nationale par la suite. Ce qui n’empêche pas d’autres y compris dans les milieux centristes d’avoir noué des alliances locales assez juteuses. Autre forme de pipolisation. On constate toujours et c’est valable pour l’ensemble du phénomène le primat du dire ou du monter sur le faire, conséquence de la pipolisation.
Elisabeth Guigou après son accident de santé a reçu chez elle journalistes et photographes. On la voit sur une photo assise sur une modeste chaise (elle doit être pauvre), triste, esseulée, et pieds nus (privée de souliers ?). Impact de la photo ?
Sachant qu’un politique a un droit de regard sur les photographies mais aussi sur les déclarations avant publication, ce n’est pas là hasard.
Pipolisation.
Fin de la cravate chez les politiques pour faire peuple, mais aussi ouvert (sic), détendu.
Pipolisation.
Là encore, la liste serait longue à établir. Je laisse le lectorat la compléter sachant qu’il y a du travail puisque les exemples abondent.
Certains dans ce système échappent majoritairement au phénomène.
Mendes France, Rocard, Barre, Delors et quelques autres.
Pourquoi n’ont-ils pas percé ? Pourquoi n’ont-ils pas atteint le niveau auquel ils pouvaient légitimement prétendre ?
Répondre à la question c’est aussi expliquer le pourquoi de la nécessaire pipolisation dans la structure politique qui est la nôtre dès lors où un politique veut progresser : les programmes étant équivalents, comme écrit plus haut, seule la pipolisation peut faire la différence. Il ne faudrait pas oublier que suite au décès du chien des Bush (rip), il y eût un communiqué officiel de la maison blanche pour annoncer la nouvelle au peuple américain. On ne manque pas outre atlantique d’acteurs ou de chanteurs engagés politiquement ou exerçant un mandat. Ils sont évidemment élus suite à leur nom et non à leur programme. C’est un phénomène qui apparaît déjà en France même s’il ne s’agit qu’un début.
On pourra être surpris du fait que je n’ai pas abordé le très médiatique phénomène Sarkozy. Et pour cause : souhaitant imager mon point de vue à l’aide de plusieurs exemples, je me suis concentré sur le peloton pipole. Quitte à ignorer l’échappé bien loin devant.