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mercredi 6 juin 2007

Les cents jours

Mardi, 5 Juin 2007
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Les cents jours

Philippe Delbauvre

Politique
Les cents jours
C'est ainsi que l'on qualifie une période qui nous est présentée comme glorieuse et qui commence avec le départ de l'île d'Elbe pour se terminer piteusement à Waterloo. Peut être n'est ce là qu'un effet du hasard, et non d'un rapport de cause à conséquence, mais on utilise aussi cette expression afin de caractériser un phénomène récurrent qui suit invariablement chaque élection majeure et dont bénéficie chaque nouveau gouvernement: celui de la survenue d'un état de grâce qui n'a jamais correspondu à la grâce de l'Etat.

A chaque fois, le nouvel élu nous est présenté comme exceptionnel au point que chacun se sente le devoir d'être ébahi devant les incontestables qualités du nouvel arrivant. Après tout, Giscard est arrivé au pouvoir avant d'être quinquagénaire. Après tout, s'il ne portait pas la veste sur l'épaule, il n'en avait pas moins déjà, signe d'une évolution entamée, supprimé l'usage de la jacquette. Et François Fillon n'est qu'un vieux par rapport au jeune premier ministre de l'époque nommé à l'âge de . 41 ans.

« Rien de nouveau sous le soleil » mais aussi et toujours « vanitas vanitatum ».

On peut également remarquer que les ralliements de la part de personnages censés appartenir à l'autre rivage que l'on nous dit opposé ne sont pas non plus faits nouveaux.

Ainsi, plus Giscard montait dans les sondages et plus certaines personnalités se découvraient un profil que l'on qualifiera par pudeur de libéral. Ainsi, peu avant le scrutin de 1988, Dominique Jamet, grand pourfendeur du régime précédent appela à réélire le président en place. François Mitterand fut réélu et Dominique Jamet prit la tête de la bibliothèque nationale de France. Jean Edern Hallier, ancien compagnon de Sartre, soutien tardif de Jacques Chirac, devînt après le scrutin, présentateur d'une émission littéraire. Si mes renseignements sont exacts, Max Gallo vient de devenir immortel.

Au sujet des partis, je n'exprimerai rien.

« Toute ressemblance ou assimilation avec le comportement d'une certaine frange du paysage politique connu pour sa détestation des extrêmes ne serait que fortuite et par là indépendante de la volonté de l'auteur. »

Après tout, nombre de cadres en 1815 durent agir de manière similaire. Napoléon au recto et Louis XVIII au verso du tableau réglementairement attaché au mur. Henri Amouroux n'a t-il pas écrit voici quelques années « 40 millions de pétainistes », ouvrage consacré à une époque où la démographie n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui ?

Il ne s'agit pas de contester l'existence authentique d'Asterix sincères mais de noter qu'à chaque époque de l'histoire, ils ne furent que minoritaires.

Dans toutes ces parties de poker politiciennes élaborées dans la magnificence des châteaux (on nomme ainsi le lieu où on y joue le plus) la scène finale se caractérise toujours par un effondrement de l'ensemble des cartes. Tristes images que furent celles du Giscardisme, du Mitterandisme ou du Chiraquisme finissants.

Ce qui est vrai pour le grand chef l'est également pour ses subordonnés. Ceux ci n'apparaissent sympathiques que dans la mesure où aucune décision n'est prise et où évidemment se sachant filmés, ils se font sympathiques. A titre d'exemple, il paraîtrait (comme je la comprends !) que Ségolène Royal n'aimerait guère se plier au supplice du serrage intempestif des mains, corollaire obligatoire du léchage de pieds que constitue l'élection démocratique. On peut très bien l'imaginer dans sa voiture très privée s'exclamer qu'elle en a marre d'être au milieu de tous ces cons. Pourtant, il semblerait, à la voir faire, qu'elle ait beaucoup de plaisirs à s'y adonner.

Dans la même veine, l'analyse sémantique des propos ministériels qui suivent n'est pas sans intérêts.

Rachida Dati veut une justice qui protège. Alain Juppé veut inventer une autre croissance. Brice Hortefeux veut fermeté et humanisme. Et tant d'autres...

Si l'on prend simplement en considération ce dernier exemple, il va de soi que c'est mission impossible à réaliser - même s'il y aura toujours des naïfs pour croire que la perfection dans l'équité, attribuée à Saint Louis, puisse revivre aujourd'hui - et que la mariée est par trop belle. C'est ainsi que certains la trouveront trop ferme et d'autres trop humaniste. C'est ainsi que se poseront demain des problèmes qui s'ajouteront à ceux qui expliquent la gravité de la situation actuelle, rendant dès lors caduque l'invocation de toute formule, aussi consensuelle soit-elle. Il n'y aura nulle Hélène pour toute la nuit durant, remettre en l'état une tapisserie qui symbolisait un état de faillite. De même, ces nouveaux visages que l'on cherche à voir aujourd'hui, ces voix que l'on souhaite entendre, déclencheront progressivement la lassitude puis à terme le zapping.

Le gouvernement en a conscience et c'est ce qui explique sa volonté d'aller au plus vite avec des mesures prises au zénith d'une popularité aussi habituelle que factice: ce n'est que plus tard que les Français comprendront, et la manouvre, et l'erreur. Comme il faut s'attendre à une majorité absolue dans la prochaine assemblée, conséquence d'un esprit embrumé par la même facticité, le gouvernement disposera d'un chèque en blanc pour cinq ans qu'on ne pourra lui reprendre.

Après, la bataille pourra, tel l'éternel retour, comme à l'accoutumé, se reproduire.

Blücher est déjà prêt. Beaucoup de Français l'ignorent.