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dimanche 21 juillet 2013

Mort aux cons !

Philippe DELBAUVRE



« En lisant «Pour une critique positive», nous avons compris qu'un nouveau combat commençait et nous nous sommes remobilisés. Dans ce texte Dominique descendait en flammes, sans concessions et même avec alacrité, les dinosaures du camp dit «national », qui n'avaient rien compris et, à l'évidence, ne comprendraient jamais rien. Ce sont ces gens qui, cinquante ans plus tard, ont déversé leur haine sur Dominique Venner, car ils ne lui ont jamais pardonné d'avoir raison. La plus grande des ignominies est de cracher sur un mort. Ils ont montré ce qu'ils sont: des cloportes ignobles et, pour beaucoup d'entre eux, des malades mentaux. Profitant de la tribune que leur offrait Rivarol, ces culs-bénits, sentant le rance, le moisi et la vieille bigote qui se néglige, ont déversé, ont vomi leur fiel. » (1)

Je crains fort que le message majeur émis par Dominique Venner voici désormais plus d'un demi-siècle n'ait toujours pas été compris à ce jour. Il en est malheureusement de même pour le travail quelque peu similaire effectué pendant les cinq dernières décennies par Alain de Benoist. Le «Pour une critique positive» a été la conséquence de la prise de conscience par son auteur de deux échecs. D'une part celui de la France qui perdit successivement l'Indochine puis l'Algérie, malgré une lutte moralement justifiée au motif justement de l'immoralité aussi bien des viets que du Fln, immoralité dont la preuve fut donnée dès que ces deux factions commencèrent à exercer le pouvoir. L'autre échec fut celui de la mouvance, incapable de se donner des objectifs consensuels et de parvenir au succès. La mécompréhension de «Pour une critique positive» peut d'ailleurs expliquer l'échec de la candidature de Tixier lors des élections présidentielles de 1965.

Plus de cinquante années donc après l'avertissement de Dominique Venner, il semblerait que pour beaucoup, rien n'ait été compris. Ils sont si nombreux à croire faire de la politique alors que c'est l'idéologie qu'ils pratiquent. On sait le signe d'implication mis entre les deux termes d'idéologie et de pathologie: la peur du monde réel est telle pour certains que nécessité existe de le transformer sous forme kitsch en un modèle beaucoup plus rassurant (2). Voilà qui me rappelle les problèmes de mécanique analytique, pour lesquels il n'existe aucun frottements, rendant ainsi la résolution du problème beaucoup plus aisée. Il va de soi que les résultats théoriques ainsi obtenus, ne seront jamais applicables dans le cas du problème réel, où justement il y a frottements. Et le naïf de ne pas comprendre. Ce mode de pensée, la mouvance, ou plus exactement la partie de la mouvance concernée, n'en a nullement le monopole. Les communistes, idéologues par nature, tombent eux aussi dans le panneau. Et bien sur leur système idéologique de fonctionner tant qu'il n'existe que sur le papier. Et ces braves gens de s'interroger sur le pourquoi de la non réussite du plan quinquennal par exemple. Et les mêmes de ne pas comprendre que la nouvelle génétique, communiste bien sur, ait pu donner des résultats catastrophiques lorsqu'elle fut appliquée sur le terrain en agronomie. Ne riez pas des communistes et de leur bêtise puisque chez nous même, on trouve les mêmes tarés qui ne se rendent pas même compte qu'ils sont les zélateurs d'une pensée dont le terroir n'est autre que celui de la gauche. Par « gauche », entendez justement ceux qui croient par exemple qu'un système peut à lui seul changer l'homme. Que la nature du triste bipède puisse être modifiée. C'est justement à gauche que l'on trouve tant de système si parfaits sur le papier et aussi catastrophiques lorsqu'ils sont mis en application. On connaît par exemple l'adage: la droite croit l'homme coupable et non responsable là où la gauche pense l'inverse. Ce qui manque à cette partie de la mouvance, ce sont des connaissances majeures en éthologie, neurologie et psychologie appliquée. Des disciplines qui nous montrent en profondeur ce qu'est l'homme réel et non celui dont on aimerait qu'il soit.

Dominique Venner, mais aussi Alain de Benoist, ont mis en garde contre les adeptes du rétroviseur qui ont décennies voire siècles de retard. Ce que fait toute une partie de la mouvance c'est ce qu'en américain on nomme reenactmant: ces fins de semaines où des américains d'aujourd'hui, souvent bedonnants d'ailleurs, parce qu'habillés en waffen, se croient les descendants des membres de troupes militairement élitistes. Et ils sont combien dans la mouvance à jouer les warriors alors qu'ils n'ont absolument pas la formation requise pour l'être. C'est ainsi qu'internet fonctionne comme un gigantesque jeu de rôle dans lequel ils s'inventent une personnalité remarquable et d'exception, certainement parce que dans le réel ils sont en situation de profond échec. Ont-ils seulement une seule fois, en simple temps de paix, dormi la nuit sans tente dans la neige par – 15 degrés ? Pas difficile lorsqu'on est protégé via mutuelle et sécu dans un monde très sécurisé de se proclamer descendants d'hommes supérieurs alors qu'on a un quotidien tout ce qu'il y a de plus pépère. Pas difficile non plus d'avoir dans le monde virtuel qu'est internet des déclarations fracassantes. C'est dans le réel qu'il faut agir et je me pose sincèrement la question de savoir si internet fut au final bonne chose pour la mouvance. Rappelons que l'utilisation d'internet, quand bien même on utilise ses doigts pour écrire, n'est nullement une activité manuelle. C'est au contraire un support à destination des intellos. Mais alors que viennent-ils tous faire tous ces Français lambda à venir jouer les penseurs alors que leur place compte tenu du niveau qui est le leur, se situe dans la rue à distribuer des tracts et coller des affiches ? Pour 10 heures passées à écrire sur internet, ce qu'il faut bien appeler le plus souvent des bêtises, combien de temps à effectuer du prosélytisme justement sur le terrain ? Quelle proportion ?

Il s'agit tout simplement de se faire plaisir et de célébrer son moi, ainsi que le veut justement l'esprit du Système qui joue justement sur l'exacerbation des ego. Comment expliquer à ceux qui s'habillent entièrement en noir avec crane rasé et rangers au pieds que leur uniforme est contre-productif. Bien sur, et encore une fois, on se fait plaisir mais au final on colle exactement à la caricature que font de la mouvance les antifas, lui rendant ainsi un très grand service. Le prosélytisme que les commerciaux connaissent très bien, passe par une ressemblance entre celui qui transmet le message et celui qui le reçoit. Contre-productif donc d'aller distribuer des tracts lorsqu'on est habillé de façon radicalement différente des passants. L'adaptation, la finesse d'esprit, dont justement Dominique Venner a fait l'apologie, est une obligation en matière de propagande. On peut au demeurant noter que les communistes, presque partout où ils ont gagné, et ils ont souvent gagné, étaient pourtant très minoritaires. C'est là la conséquence de tacticiens remarquables dont Dominique Venner fut un des représentants. S'il n'y avait eu que des Dominique Venner, la mouvance eut parvenu au pouvoir depuis bien longtemps. Il n'est d'ailleurs pas impossible que toute la vie d'engagement politique d'Alain de Benoist, je ne prends pas en considération la philosophie, n'ait eu pour seule objet que de faire la chasse et de traquer l'extrême droite que je qualifie volontiers de rantanplan. Faut-il rappeler encore une fois la proximité entre Alain de Benoist et Dominique Venner ?

Que l'étude de l'histoire puisse être utile d'un point de vue politique, on n'en doutera pas. Mais encore faudrait-il que ce soit de l'histoire et non de la mythologie. Ils sont si nombreux dans la mouvance à réécrire l'histoire et à considérer que lorsque les leurs étaient au pouvoir, c'était la grande merveille. Pour information, les communistes ne pratiquent pas autrement. Et à mes yeux, c'est une tare que d'avoir un point commun majeur avec les communistes. Les problèmes du passé sont au moins en grande partie aujourd'hui dépassés. Et l'ère des grands rassemblements des années 20 et 30 est obsolète. Là encore, je suis convaincu que le défaut de savoir livresque – j'évoque bien entendu des ouvrages sérieux, alors que la plupart de ceux qui sont lus sont ceux qui font plaisir (toujours le culte du moi propre au système) – se traduit par une méconnaissance des conséquences de la postmodernité qui est rupture totale d'avec le passé. Je crains d'ailleurs que par son acte, Dominique Venner s'est trompé et j'avais mis en garde (3). A l'époque de Français zappeurs, fatalement, l'honorable et grandiose suicide de Dominique Venner, ne pouvait que très rapidement sombrer dans l'oubli. Très majoritairement et je m'en étais douté, la mouvance a célébré le passé de Dominique Venner alors qu'il eut fallu utiliser son suicide – il le voulait surement ainsi – comme tremplin vers l'avenir.

«Morts aux cons !» (4)

On comprendra donc le justifié coup de gueule de Pierre Vial, émis dans le cadre de l'éditorial de la revue qu'il dirige. Et on applaudira.
Notes:

(1) Pierre Vial: http://www.terreetpeuple.com/terre-et-peuple-magazine/terre-et-peuple-magazine-n56-ete-2013/editorial-tp-mag-n56.html?2d4883b0bf7db295e9826020acb22e07=b6f4cf3d3118812a8fea2de3ad3c5ba8

(2) Sur le kitsch et l'idéologisme, lire de Milan Kundera, l'insoutenable légèreté de l'être.

(3) http://www.voxnr.com/cc/politique/EFyAkuukkVEYCtqRPd.shtml

(4) Slogan connu, y compris par Gogol 1er...


Article publié sur Voxnr