Damas & Moscou ont tenu à partager notre deuil suite au drame de Nice. Merci à eux. Au-delà, n’est-il pas temps de nous réveiller & de revoir nos erreurs & nosalliances au Levant. Le Caire, Damas & Beyrouth avant Doha & Riyad.
| Q. Que pensez-vous du débat qui s’installe sur la responsabilité des uns et des autres ?
Jacques Borde. Stop ! Il y a toujours eu un principe de base : toute forme d’autorité qui s’exerce en un lieu donné engage sa responsabilité, puis qu’elle y assure de facto des fonctions régaliennes.
Jusqu’à des entités et troupes étrangères, lorsqu’elles héritent, confisquent ou détournent ce qui relève de la puissance étatique. Exemple : les troupes d’occupation étasuniennes qui, en Irak, laissèrent piller la Banque centrale irakienne, le Musée des Antiquités nationales, etc., alors qu’elles remplaçaient les entités régnicoles (armée, police, etc.) sur zones.
Concernant Nice, que cela lui plaise ou non, la puissance étatique a été impuissante à assurer la sécurité publique qui était, de toute évidence, de sa responsabilité.
| Q. Et plus précisément ?
Jacques Borde. Les enquêtes le démontreront. Un simple exemple, les chicanes en bétondont disposent les services techniques de la ville de Nice n’auraient pas été posées à titre préventif, car, a expliqué au Canard Enchaîné, la conseillère en sécurité d’Estrosi, « le préfet ne l’a pas demandé ».
Il y aurait donc, déjà, si l’accusation se vérifie, responsabilité directe de la Préfecture et du Préfet lui-même, qui ont choisi de ne pas recourir à un dispositif technique qui a fait ses preuves au Levant et en Orient depuis plus de trente ans…
| Q. Et, que pensez-vous de la proposition d’un « Guantánamo à la française » faite par Georges Fenech ?
Jacques Borde. Je suis pour à 200%. Y compris pour les méthodes d’interrogatoire poussées appliquées en son sein par la CIA et la prévôté militaire US ! Georges Fenech, qui préside laCommission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, nous parle a son sujet d’un « établissement dédié à des individus radicalisés ». Ce me semble un peu cheap, trop restrictif et pas assez dur, mais bon. Je pense que tout Fiché S devrait y avoir droit.
| Q. Cela ne pose pas certains problèmes au niveau du droit ?
Jacques Borde. Oui, cela pourrait ? En pareil cas, le plus simple serait une délocalisation du concept. Après tout, nous ne manquons pas d’alliés plus souples que nous sur des tas de questions gênantes…
| Q. Cela fait plus penser aux prisons de la CIA ?
Jacques Borde. (Sourire). Je vois que vous avez saisi l’idée de base…
| Q. Puisque nous parlons d’au-delà de la Méditerranée, pensez-vous qu’il faille nous impliquer davantage dans la lutte contre ISIS en Syrie ?
Jacques Borde. Non, et je pèse mes mots, pas du tout ! Même si je pense que nous avons notre rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme global, mais dans une autre répartition des rôles. Je m’explique :
1- militairement, en Syrie, nous ne servons pas à grand-chose. Nos frappes sont notoirement insuffisantes et trop humanistes (sic). Laissons-donc Russe et Syriens taper comme des sourds et cessons de leur chercher des poux sous le casque au nom de notre indécrottableconfusionnisme droit-de-l’hommiste.
2- les méthodes âpres de la Vozdushno-Kosmicheskiye S’ily (VKS)[1] et de l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)[2], nous gênent aux entournures ? Admettons. Alors, détournons la tête et, de grâce, cessons de sodomiser des diptères[3].
3- déportons l’ensemble de nos forces dédiées à la lutte contre Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)[4] sur les théâtres d’opérations où notre expertise est avérée et indispensable : ceux de la Bande sahélo-saharienne (BSS). Boko Haram & co. y sont la seconde face du Janus bifrons de la terreur takfirî.
2- les méthodes âpres de la Vozdushno-Kosmicheskiye S’ily (VKS)[1] et de l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)[2], nous gênent aux entournures ? Admettons. Alors, détournons la tête et, de grâce, cessons de sodomiser des diptères[3].
3- déportons l’ensemble de nos forces dédiées à la lutte contre Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)[4] sur les théâtres d’opérations où notre expertise est avérée et indispensable : ceux de la Bande sahélo-saharienne (BSS). Boko Haram & co. y sont la seconde face du Janus bifrons de la terreur takfirî.
Tout ceci passant par une remise à plat de notre géostratégie au Levant. Tel Paul[5](re)prenons le chemin de Damas et allions-nous à la seule force terrestre qui vaille : celle du trio Damas-Moscou-Téhéran. Le reste n’est que bavardages. Point final.
| Q. Bavardages, vous y allez un peu fort ?
Jacques Borde. Oui, mais c’est plutôt une amabilité de ma part. Car, quoi qu’en disent nos beaux esprits germanopratins, la guerre que nous conduisons n’est pas si propre que nous faisons mine de le croire. Alors.
C’est ce que soutient, en tout cas, le Washington Post qui, sous la plume de Theodore Karasik, écrit, à propos de notre engagement aéroporté au-dessus de la Syrie que « Après une année de bombardements, les combattants de DA’ECH ont appris à mettre leurs armes à l’abri, à sécuriser leurs outils de communication et à se cacher dans d’importants bunkers ce qui fait que le nombre de civils qui meurent ou sont blessés est élevé au point d’être intolérable ».
Accusations qui, semble-t-il, recouperaient celle du ministère des Affaires étrangères syrien affirmant que « …plus de 120 civils dont des femmes et des enfants ont été tués et plusieurs dizaines ont été blessés dans les frappes des avions de combat français ».
En fait, toujours selon le Post, les Kamiz brunes de DA’ECH « utilisent la technique des boucliers humains, c’est-à-dire qu’ils placent leurs postes de commandement en plein cœur de la population civile, ce qui rend les bombardements hasardeux ».
Autrement dit, nous perdons notre temps oui, plutôt, celui infiniment rare et précieux de nos militaires.
Donc, bis repetitas, partageons-nous le fardeau avec la Syrie de Bachar el-Assad et la Russie de Vladimir V. Poutine : à eux le Levant et à nous le Sahel. Et pourquoi pas nos Fichés S etradicalisés (sic), après tout ? Et la vermine takfirî ne s’en portera que plus mal.
| Q. Que pensez-vous de l’analyse de Pierre Martinet, qui, plutôt que d’en appeler aux réservistes, prône le recours à des « sociétés de sécurité privée » comme en Israël ?
Jacques Borde. Sur le fond, il n’a pas tort. Sauf que les choses sont beaucoup plus compliquées. Je m’explique. Lorsque Martinet dit qu’en appeler « aux réservistes, c’est du grand n’importe quoi »[6], il a, à la fois, raison et tort :
1- ces réservistes formés à la hâte (on parle de 15 jours dans certains cas) n’ont aucune connaissance ni familiarité réelle avec les armes. Il y a de fortes probabilités qu’ils soient totalement dépassés en cas de clash avec qui que ce soit. Ce dans des affrontements qui relèveront, souvent, du Close Quarter Battle (CQB)[7], entre 1m et 7 mm. Là où l’arme d’épaule encombre autant qu’elle ne sert.
2- malheureusement, c’est aussi le cas de la majorité des fonctionnaires de police, qui ne tirent pas assez, et n’ont pas la pratique minimale des armes d’épaule type G36.
3- à voir les techniques d’arrosage (sic) de groupes dits d’intervention (Toulouse, Bataclan, Hyper-Casher) à se demander sérieusement qui en a une pratique minimale des armes tout court digne de ce nom.
4- dans le cas de Nice, les plus réactifs ont été des Municipaux, armés de revolvers six coups chambrés en .38+[8]. Mais très bien formés et entraînés. Donner une bonne arme à un piètre tireur n’a jamais servi à grand-chose.
5- lorsque Pierre Martinet insiste sur le fait qu’« Il faudrait pouvoir faire intervenir des sociétés de sécurité privée pour certaines missions. Certaines sociétés privées sont exclusivement formées d’anciens militaires. En Israël, la plupart des terroristes qui commencent à passer à l’action, à tirer sont stoppés dans leur progression par des membres de sociétés de sécurité privées, formés et armés »[9], il n’a évidemment, pas tort.
2- malheureusement, c’est aussi le cas de la majorité des fonctionnaires de police, qui ne tirent pas assez, et n’ont pas la pratique minimale des armes d’épaule type G36.
3- à voir les techniques d’arrosage (sic) de groupes dits d’intervention (Toulouse, Bataclan, Hyper-Casher) à se demander sérieusement qui en a une pratique minimale des armes tout court digne de ce nom.
4- dans le cas de Nice, les plus réactifs ont été des Municipaux, armés de revolvers six coups chambrés en .38+[8]. Mais très bien formés et entraînés. Donner une bonne arme à un piètre tireur n’a jamais servi à grand-chose.
5- lorsque Pierre Martinet insiste sur le fait qu’« Il faudrait pouvoir faire intervenir des sociétés de sécurité privée pour certaines missions. Certaines sociétés privées sont exclusivement formées d’anciens militaires. En Israël, la plupart des terroristes qui commencent à passer à l’action, à tirer sont stoppés dans leur progression par des membres de sociétés de sécurité privées, formés et armés »[9], il n’a évidemment, pas tort.
Sauf, qu’en France, les entreprises du niveau de celles rencontrées en Terre promise, se comptent sur les doigts d’une main.
Donc retour à la case départ, même si je trouve que l’entretien de Martinet contribue à ouvrir le débat d’une manière intelligente car, probablement, et pour paraphraser une série TV connue : la Vérité est ailleurs. Probablement entre les deux.
| Q. Vous êtes très critique vis-à-vis de forces de l’ordre ?
Jacques Borde. Oui, et non ? Ce d’autant que j’y compte beaucoup d’amis. Que les choses soient claires : à 99,99% les fonctionnaires de police sont dévoués, opiniâtres et courageux. Et, ça n’est, évidemment pas, de leur faute s’ils sont insuffisamment formés et souvent à la hâte.
| Q. Et c’est important ?
Jacques Borde. Fondamental. Prenez un exemple : les jeunes combattants de la Haganahjetés dans la Bataille de Latroun[10] étaient, eux aussi, dévoués, opiniâtres et courageux. Désolé de me citer, mais « Repassez-vous le Ô Jérusalem d’Élie Chouraqui, plutôt bien fait, sur cette période. On y voit clairement de jeunes rescapés, à peine arrivés des camps de la mort, être hâtivement formés puis expédiés se battre avec la Légion arabe[11], l’un des, si ce n’est le meilleur corps d’élite de l’époque. Qui croyez-vous étaient les mieux préparés ? Si la lutte pour la Route de Birmanie[12] et autour de Latroun fut si âpre et coûteuse[13] ça n’est pas sans raisons ».
Mais, revenons en France, combien croyez-vous que le pays compte de fonctionnaires en armes et/ou formés au maniement d’armes ? Nettement plus qu’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH), Jabhat an-Nusrah li-Ahl ach-Chām[14], et Al-Qaida réunis, en tout cas.
Petit rappel : pour armer ses administrations, la France a commandé (de mémoire) quelque 277.000 armes de poing[15]. Comment, sérieusement, nous faire le numéro du manque de personnel ?
Ne doit-on donc mieux ventiler et utiliser plus intelligemment tous ces hommes et femmes en bleu, plutôt que d’en recruter d’autres ?
Notes
[1] Ou Forces aérospatiales russes. Créées le 1er août 2015 suite à la fusion de la Voïenno-vozdouchnye sily Rossiï (VVS, armée de l’Air) avec les Voïenno Kosmicheskie Sily ou (UK-VKS,Troupes de défense aérospatiale.[2] Armée arabe syrienne.
[3] Change du célinien enc… des mouches.
[4] Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
[5] Nous parlons ici de Paul de Tarse (ou saint Paul), citoyen romain de naissance et juif pharisien. Paul est connu pour avoir eu un grand zèle à persécuter les chrétiens jusqu’à sa conversion au christianisme après que Jésus lui fut apparu, alors qu’il se rendait à Damas.
[6] http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Actualite/Actualites/La-France-se-fait-infiltrer-par-l-islamisme-radical?ref=yfp.
[7] Aussi dénommé Close Quarters Combat (CQC), technique d’engagement de combat avec arme à courte distance et de combat à… main nue. Le CQB se concentre sur des armes compactes telles que pistolets mitrailleurs, fusils, armes de poing et couteaux. Certains familiers du CQB ont sur eux jusqu’à 4 armes blanches.
[8] Si mes infos sont à jour.
[9] http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Actualite/Actualites/La-France-se-fait-infiltrer-par-l-islamisme-radical?ref=yfp.
[10] Souvent à peine débarqués des camps de la mort.
[11] En fait Al-Jayš al-’Arabī.
[12] Axe de ravitaillement entre la bande côtière d’Israël et la Jérusalem juive, construite par l’armée israélienne en 1948, nom adopté en souvenir de la véritable route de Birmanie.
[13] Les Israéliens y ont perdu de nombreux soldats et aucun des cinq assauts n’a permis de prendre cette position stratégique qui empêchait le ravitaillement de Jérusalem-Ouest.
[14] Ou Front pour la victoire du peuple du Levant, ou de manière abrégée Front al-Nosra.
[15] Des SIG P2022, version (mal) dédiée du SIG Pro. Plus des Glock 17,19, 26.
Emprise