Bernard Plouvier
L’étude
précise de la notion de liberté d’expression à travers les âges laisse
perplexe. En dépit de milliers de livres consacrés à ce sujet, force est
de reconnaître qu’elle n’a pratiquement jamais existé.
Durant
l’Antiquité (égyptienne, mésopotamienne, juive, persane, chinoise,
romaine ou grecque), le respect pour les institutions et les dieux est
exigé sous peine de mort. Seul varie le mode d’exécution : lapidation,
crucifixion ou plus simplement, l’épée. On n’envoie pas encore au bûcher
et on pend rarement.
À
Rome, une fois passées les luttes intestines du dernier siècle de la
République romaine et du premier siècle de l’Empire, la liberté
d’expression fut, pour la première fois dans l’histoire des
civilisations, respectée aux IIe et IIIe siècles : « On peut penser ce que l’on veut et dire ce que l’on pense », écrit Tacite, un contemporain de Trajan.
Encore
faut-il noter que sous César, Octave-Auguste ou Néron, l’on pouvait
brocarder le maître sans encourir de foudres, mais, en cette époque de
polythéisme bienveillant, Zeus-Jupiter lui-même était maudit des marins
et des paysans en cas de mauvais temps.
Ensuite, le clergé chrétien et mahométan, puis les dictateurs séculiers imposent leurs dogmes.
En
France, sous l’Ancien Régime, dire tant soit peu de mal du roi, de sa
famille, de ses maîtresses, des ministres (du moins tant qu’ils étaient
bien en cour), de la religion et des prélats, ainsi que de trois ou
quatre babioles du même genre conduisait à La Bastille, au donjon de
Vincennes ou au Fort l’Évêque.
Mais
ce fut pire durant la Révolution où un mot de travers pouvait entraîner
son auteur « à la lanterne » ou « au rasoir national ». Sous le Premier
Empire, pas plus que sous la Restauration, la liberté d’expression
n’eut droit de cité.
Sous
la monarchie de Juillet, se moquer du roi-bourgeois procurait un séjour
en prison et sous le Second Empire être classé républicain procurait le
même sort, à moins de s’exiler.
Au
total, pour le cas français, on peut considérer que la liberté
d’expression a existé de 1871 à 1939 (avec une interruption de 1914 à
1918), puis de 1969 à 1972, millésime où recommencèrent les procès pour
atteinte à la religion (à condition qu’elle fût exotique), à l’origine
ethnique (même remarque). En outre, depuis le 14 juillet 1990, on va en
correctionnelle, voire en prison, si l’on ose contester divers dogmes
historiques.
En résumé, quelques décennies de liberté, cela fait peu, si l’on compare le score du « pays des Droits de l’homme »
à celui des Imperatores du Haut-Empire, jugés impitoyables par de
curieux auteurs. La liberté d’expression comme la Justice se laissent
très aisément violer au nom de la « raison d’État ». On peut évoquer le Salut public en temps de guerre pour expliquer, sinon excuser, des atteintes aux libertés.
Il
est d’autres causes absolument inexcusables, comme la domination de
certains lobbies ou le fanatisme religieux. Il a fallu attendre la
décolonisation de l’Afrique et du Proche-Orient pour voir surgir de
nouveau la théocratie musulmane, qui menace présentement l’Europe.
L’histoire
des civilisations est chaotique : aux progrès succèdent des reculs
considérables, pour peu que les Nations les plus avancées, mais aveulies
et amollies, se laissent envahir par des sous-évolués agressifs.
Tout
affaissement du Pouvoir politique face au Pouvoir de l’argent est à la
fois une catastrophe pour le menu peuple et pour les Nations, les
ploutocrates étant par essence cosmopolites du fait de leurs intérêts
transcontinentaux.
En
fin de compte, la liberté de dire et d’écrire serait-elle une question
trop subtile pour être vécue ? Non point ! C’est affaire de véritable
démocratie. Heureux les libres citoyens des États-Unis d’Amérique du
Nord où cette liberté fondamentale est garantie par le Premier
Amendement à la Constitution.
Pour
une fois qu’il y a quelque chose de bon à prendre aux USA, l’électorat
français s’en moque et préfère s’intéresser aux hamburgers, au Coca et à
la réimportation d’Halloween.
Lire EuroLibertés cliquez ici