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jeudi 23 mai 2019

La dernière pépite de Franck Buleux


EXTENSION DU DOMAINE DE LA DROITE

Et pourtant, en matière d’usage, mon titre utilise et consacre le mot « droite », comme Alain de Benoist conservait déjà, en 1979, dans sa célèbre anthologie critique des idées contemporaines, le mot, dans Vu de droite. Si les maux – ou les mots – ont encore un sens, le mot « droite » permet de rejeter les idées progressistes issues de cette troupe médiatico-politique de « soixante-huitards » pour qui la droite commence à François Bayrou, voire à Michel Rocard (ce qui revient à peu près au même, mis à part la région d’élection, Pau n’est pas Conflans-Sainte-Honorine…) et se réapproprier un sentiment d’originalité face à un centre, devenu extrêmement puissant, puisqu’au pouvoir. L’extrême centre, voilà l’ennemi !
Il ne s’agit pas d’être « de droite » pour se retrouver dans le camp des libéraux qui d’ailleurs, le plus souvent, sont plus libertaires que libéraux (et refusent d’utiliser le terme « droite ») et devraient plutôt militer au Parti pirate pour la libéralisation du cannabis, puisque leurs enfants, petits-fils de Mai 68, en font une consommation journalière et passent les longs week-ends de « pont »  à Amsterdam. Oui, l’Europe est belle puisqu’elle est censée harmoniser les systèmes mais pas encore la vente libre des stupéfiants. Point positif, nous venons d’apprendre que les Pays-Bas viennent de remporter le célèbre concours « européen » de l’Eurovision, cela fera une occasion de sortie en mai 2020 dans ce beau pays des fromages. Mais pas seulement de fromages, vous l’aurez compris.
Point positif, le terme « droite » redevient potable, et donc portable. Dans les années 1970, le président libéral Giscard d’Estaing se proclamait centriste, bien qu’il eut été élu, d’extrême justesse, par toutes les droites, y compris les plus infréquentables (souvenez-vous de Pierre Clémenti par exemple !) en mai 1974 face aux gaullistes (au premier tour) et aux socialo-communistes (au second tour). J’apprécie particulièrement l’emploi du terme « socialo-communiste » car il me rappelle des combats de jeunesse, un affichage clairement identifié comme les « M », pas Macron mais Marchais, Mitterrand, Mauroy, Moscou… Oui, c’était bien avant Poutine, pas d’inquiétude chez nos lecteurs partisans aujourd’hui de la Russie post-communiste.
À l’origine, il y a quelques lignes seulement, ce billet était destiné à présenter une « ligne », plutôt droite, pour les élections européennes. J’allais écrire, le premier tour des élections européennes, non car le lecteur aurait pu penser à une malhonnêteté intellectuelle que j’ai lue, ici ou là ces dernières semaines sur la toile, celle de l’appel à voter Rassemblement national (RN) au second tour. Vous verrez si les bureaux de vote sont ouverts le 2 juin, je vous laisse découvrir la porte close, vous empêchant d’appuyer la liste de votre « second choix ». Mais passons, le ridicule ne tue pas…
La droite est de retour, l’Amérique aussi scandait Ronald Reagan, en 1979, lorsqu’il conquit, de haute lutte, la présidence des États-Unis, face au sortant démocrate que les Français appelaient « le marchand de cacahuètes », Jimmy Carter (c’était tout de même un industriel… mais nous avions Raymond Barre, un « économiste », c’était tout de même autre chose quand on y pense…).
Aujourd’hui, la droite conservatrice, illibérale dit-on à l’Est, populiste même, prend le pouvoir : l’Inde, les États-Unis, le Brésil, la Russie, de nombreux pays d’Europe comme la Pologne, l’Autriche, l’Italie, la Hongrie… Certes, la France résiste… Macron élu avec deux Français sur trois permet de concrétiser, dans les urnes, le fol espoir de Valéry Giscard d’Estaing, qui souhaitait réunir deux tiers des nationaux dans un projet centriste. Giscard en avait même fait un livre à la mi-mandat (avant les élections législatives de 1978), il en avait tant rêvé qu’un jeune homme, né sous lui (sous la seconde partie du septennat Giscard) l’a réalisé. C’est sans doute aussi cela la continuité de la Ve République : un président pose une pierre, un autre construit un mur… Au sens figuré bien sûr, n’allez pas penser que le président Macron construit le mur de l’argent, de la honte ou de l’Atlantique. Pour le mur des cons, les magistrats de gauche l’ont déjà fait.
Dans quatre jours, nous déposerons, pour ceux qui le souhaitent, un bulletin de vote dans l’urne, après être passés dans l’isoloir de manière scrupuleuse. Une remarque revendicative préalable au passage mais puisque personne n’en parle, j’en ferais un cheval de bataille : aux États-Unis, il existe un système électoral qui permet de cocher (comme les anciens tickets de PMU pour les plus anciens) son candidat ou/et sa liste préférés. Ce système qui doit être économiquement plus rentable et écologiquement idéal car moins productif (je n’ai pas entendu EELV -Europe Écologie-Les Verts- à ce sujet puisque leurs candidats ont largement les moyens d’avoir des bulletins partout, y compris dans les poubelles de l’histoire) ne semble pas intéressé nos édiles. Bref, ce système permettrait aux trente-quatre listes (quoi qu’on pense de certaines, y compris la 34é, déposée in extremis grâce à l’aval du Conseil d’État, liste a priori à connotation religieuse mais présente en toute logique puisque l’islam est un courant politique spécifique), d’être réellement présentes partout et pour toutes et tous. Car quelle est cette pseudo-démocratie où il faut télécharger ses propres bulletins, en respectant des règles d’imprimeur ? Quelle est cette pseudo-démocratie qui affiche 34 listes mais dont seulement une dizaine (?) sera mis à la disposition des électeurs dans tous les bureaux de vote. Où est, ici, le principe d’égalité ? Mis à part le fait institutionnel qu’il se trouve entre « liberté et « fraternité », il n’est pas, en tout cas, présent ici.
Il serait temps de prendre exemple sur des grandes démocraties comme les États-Unis : droit de constituer un parti politique sans limite idéologique, droit d’acquérir des armes à feu pour se défendre, droit de voter pour la personne de son choix plutôt que de nous arc-bouter sur nos traditions politiques issues d’une époque révolue où le choix entre De Gaulle et Thorez permettait, surtout, de plaire aux communistes, à l’Est. Vous vous souvenez, à l’Est aussi, il y avait plusieurs partis politiques mais tous étaient inféodés au Parti communiste. Alors, le mariage pour tous, la gestation pour autrui pour tous, la procréation pour tous…. Et des bulletins de vote pour tous !
Revenons-en à notre thème initial, l’extension du domaine de la droite et au-delà de lui, les élections des parlementaires français au Parlement européen.
Cela fait 35 ans que le Front national (FN) devenu RN se plaint de ne pas dépasser le fameux « plafond de verre » qui l’empêche, dans la grande majorité des cas, d’obtenir des élus au scrutin majoritaire uninominal (ou de listes) à deux tours. Acceptons-en l’augure et la revendication, il est donc l’heure de mettre en place un second pilier électoral à la droite de la droite et du centre. Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, Debout la France (DLF) et le Centre national des indépendants et paysans (CNIP) ont eu le courage et la volonté d’appeler clairement à voter pour Marine Le Pen, face au candidat mondialiste Emmanuel Macron. Marine Le Pen, malgré un débat et un score décevants, est passée de 21 à 34 % des suffrages exprimés. Il faut quand même le souligner, non ? Pour mémoire, les élections régionales de décembre 2015, avaient vu passer les listes FN dans l’ensemble de la France de 28 % à… 28 % ! Quand à Jean-Marie Le Pen lui-même, en 2002, lors de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac, il était passé de 17 à 18 % en deux semaines, malgré la présence de Bruno Mégret au premier tour qui avait cristallisé un peu plus de 2 % au premier tour. On n’insiste pas suffisamment sur ce bond de 13 points de la candidate nationale qui réussit, ici, une réelle performance non pas dans son résultat de premier tour, trop faible (Macron l’avait distancée avec 24 % et Fillon et Mélenchon était tout près de son score avec environ 20 % chacun) mais dans celui du second tour. Or, l’image de l’union avec Nicolas Dupont-Aignan a forcément débloqué nombre d’électeurs, certes plutôt à droite que France insoumise, mais tout de même… D’ailleurs, ce report s’est encore amélioré lors des élections législatives et les quelques élus du FN (et même les battus de justesse) ont enregistré des bonds significatifs, doublant parfois leurs propres scores, en termes de suffrages et de taux, évoluant de façon assez impressionnante d’un tour à l’autre.
Donc, l’analyse a le mérite de la simplicité mathématique : le score du RN seul est totalement insuffisant pour apporter une victoire par la voie électorale. Ce constat impose la présence d’une force de droite conservatrice, telle celle représentée par la liste conduite par Nicolas Dupont-Aignan et Bruno North, président du CNIP, plus vieux parti de droite (fondé en 1949, le parti du président René Coty, le parti du « père du nouveau franc », Antoine Pinay, le parti auquel ont adhéré Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Marie Le Pen, Jean-Claude Gaudin…), 5e sur la liste. Cette union politique DLF-CNIP, certes mesurée quant à sa portée (certains diront qu’il manque le PCD, Parti chrétien-démocrate de Jean-Frédéric Poisson ou Madame Emmanuelle Gave, avocate et directrice de l’Institut des libertés), permet d’élargir le spectre du vote « à droite » et de ne pas laisser seule, tout en haut à droite à l’Assemblée nationale (les initiés comprendront cette expression), Marine Le Pen.
Pour ceux qui s’offusqueraient de ce rapprochement et qui se situeraient à droite, lisez les programmes respectifs et observez qui dénoncent ses deux listes, tout est semblable ou presque. Certes, le président Macron a choisi son adversaire principal, le jeune Jordan Bardella et la liste RN, c’est son choix, cela n’a rien à voir avec la réalité politique. Pour mémoire, les listes de l’ex-Union pour un mouvement populaire (UMP) soutenues par le président d’alors Nicolas Sarkozy étaient arrivées en tête, en 2009, lors des élections européennes avec 27 %. Et alors ? Les gauches étaient majoritaires, le total des suffrages obtenus par Les Verts avec l’écrivain (Le grand bazar, que je vous conseille pour l’étude des mœurs dans les années 1970) Daniel Cohn-Bendit et le PS était largement supérieur aux listes du prophète de Neuilly-sur-Seine. D’ailleurs, la suite a été sans appel : les défaites électorales se sont pérennisées jusqu’à celle de 2012 (avec, pour terminer, 48 % au second tour face au maire de Tulle, François Hollande) et même au-delà face à Fillon et Juppé lors d’une célèbre « primaire de la droite et du centre » (vous noterez le « et du centre » qui permet, encore, de se détacher de la droite comme expression exhaustive…).
L’ouverture à droite, c’est-à-dire l’union des droites, ne peut pas se passer d’un mouvement qui permettrait de donner une impulsion d’entre-deux tours à Marine Le Pen. Il faudra y penser en votant. Il faut des alliés au RN, pas des ralliés. La tentative du SIEL (Souveraineté, identité et libertés) avec Pierre-Marie Couteaux, ancien proche de Jean-Pierre Chevènement et de Philippe de Villiers, puis Karim Ouchikh a fait long feu car le FN considérait le SIEL comme un « rallié » et non un allié. Le poids des alliés se calcule, les ralliés n’ont pas de poids.
Et puis toujours à droite, il est de notoriété publique que Marine Le Pen a faite du concept de la dédiabolisation, l’alpha et l’oméga de la gestion de sa formation politique. C’est son choix, sans doute a-t-il permis de passer régulièrement la barre des 20 % à de nombreuses élections : européennes en 2014, départementales en 2015, régionales en 2015 et présidentielle de 2017, ce que l’on peut porter à son actif puisque son père n’avait jamais réussi à porter le FN au-delà de 18 % et encore était-ce un second tour, celui de l’élection présidentielle de 2002. Cette stratégie a subi, tout de même, un revers électoral, plafonnant le parti à 14 % à peine, lors des législatives de juin 2017, or rappelons tout de même que le financement public des partis politiques en France est strictement fondé sur le résultat de ces élections, ainsi que sur le nombre de députés élus.
La dédiabolisation pour fonctionner doit permettre à un certain nombre d’électeurs insatisfaits d’avoir une seule option qui leur paraît insuffisante, un débouché politique. La modération d’un discours n’a pas rendu Marine Le Pen et le RN, a priori, compatibles aux oreilles des libéraux représentés par Les Républicains (LR) donc… Si la dédiabolisation ne sert même pas à convaincre son voisin politique le plus proche (par les discours en tout cas) de sa propre respectabilité, à quoi sert-elle ? La dédiabolisation doit donc impérativement permettre l’éclosion de mouvements de droite permettant l’expression de Français qui ne s’expriment pas ou plus… Si Marine Le Pen préfère concentrer son programme sur le passage de l’euro au franc, ou l’inverse, ou le maintien de l’euro, c’est très intéressant mais sait-elle que nombre de nos concitoyens ne regardent pas avec quoi ils paient mais qui ils paient, et s’ils ont les moyens de payer. Depuis 1984, date de la nationalisation – et la généralisation à un haut niveau – du vote Le Pen, il y eut des tentatives de droitisation électorale par des mouvements politiques marginaux, mais toutes sont restées sans effet électoral.
À l’occasion des élections européennes, vous trouverez d’autres listes considérées comme plus à droite que celle portée par le RN : outre l’Alliance royale, La Ligne claire permet de voter pour l’écrivain non conformiste Renaud Camus, qui a su populariser l’expression de « grand remplacement » et Karim Ouchikh, président du SIEL, dont nous avons déjà parlé précédemment. Il faudra télécharger les bulletins. On peut aussi noter la présence d’une liste de gilets jaunes, dont certains des colistiers viennent de la droite ainsi que la liste de la Dissidence française, emmenée par Vincent Vauclin, qui a eu le courage politique et la volonté d’emmener une équipe jeune sur le chemin de la Reconquête (c’est l’intitulé de sa liste). Elle comprend, dans les premières places, des élus régionaux venus du RN, du nord comme du sud de la France. J’ai cru y apercevoir, aussi, un des fils de feu Jean-François Galvaire, bien connu des militants nationaux et nationalistes pour tous les combats qu’il a menés, comme avocat, comme élu, comme militant, avec lequel j’avais partagé quelques mots lors du congrès de Marignane en 1999 qui fondait le Mouvement national républicain (MNR).
Oui, à droite, quels que soient nos options, nous avons largement le choix le 26 mai qui vient. Le choix de recomposer la droite française, le choix de l’élargir.
Non, pas le choix, le devoir. Demain nous appartient.


Addenda de Philippe Delbauvre :