Action du Bastion Social au Celestin novembre 2018 © Tim Douet
Lyon, "berceau" des groupes d'ultra-droite selon la commission d'enquête
Le rapport sur les groupuscules d'extrême-droite rendu cette semaine, par la commission d'enquête à laquelle participait Thomas Rudigoz, député du Rhône, met Lyon au coeur de la carte de l'ultra-droite française. Selon le service central du renseignement 400 personnes graviteraient dans cette nébuleuse sur dans la capitale des Gaules, alors que de nombreuses structures y sont implantées.
Lyon capitale de l'ultra-droite française. La commission d'enquête sur les groupuscules d'extrême-droite a rendu cette semaine un rapport qui documente l'implantation de ces structures dans le pays (lire ici), et pointe Lyon comme un de leurs bastions. La nébuleuse de ces structures d'ultra-droite, suivie de près par les services de renseignement, comprendrait entre 1000 et 3000 personnes au maximum sur le territoire français, réparties en organisation parfois minuscules. Dont 400 à Lyon et aux alentours.Terreaux d'implantation de plusieurs groupuscules d'extreme-droite depuis des années (voire notre carte ici), la capitale des Gaules se trouve au coeur du rapport de la commission d'enquête lancée en novembre dernier à l'initiative du groupe parlementaire de La France insoumise. Lyon y est présentée comme "le berceau" de ces structures et militants, selon les termes de la cheffe du service central du renseignement territorial (SCRT), Lucile Rolland.
"Désir d’emprise"
Un berceau où le service zonal du renseignement territorial (SZRT) a indiqué "être confronté à une ultra-droite d’une particulière virulence", écrit la rapporteure de la commission, Muriel Ressiguier (LFI). "Après la création du mouvement identitaire, en 2002-2003, la ville est très vite devenue une place centrale de ces mouvances, qui ont très tôt manifesté une nette volonté d’appropriation du cinquième arrondissement, poursuit le rapport. Ce désir d’emprise s’est traduit par la ferme détermination d’y disposer d’un local."Le berceau aurait fait son lit dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec la présence de groupe en Savoie par exemple, ou encore l'organisation de concert de métal néo-nazi en Isère. Une répartition géographique de ces militants qui "n’a pas varié depuis les années 1930 : le couloir rhodanien, Lyon, Marseille, et aussi Nice, une ville déjà très importante pour le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot et qui reste un cœur vivant de l’extrême droite française", ajoute Nicolas Lebourg, historien et chercheur à l'université de Montpellier.
Racisme, antisémistisme, négationisme
Le rapport est d'ailleurs cafi d'exemples pris dans la capitale des Gaules pour illustrer les propos et actions des groupuscules d'ultra-droite. Et notamment le racisme et l'antisémitisme de ses membres. Le rapport rappelle ainsi la condamnation de Steven Bissuel ex-chef du Bastion social, la version pimpée du Gud, pour “provocation à la haine raciale et à la violence en raison d’une origine ethnique, en état de récidive légale” (lire ici).La commission d'enquête s'inquiète par ailleurs de la capacité à passer à l'action violente de la part de ces groupes, citant au passage l'exemple de Yvan Benedetti, encore récemment reconstitution de ligue dissoute, l'Oeuvre française (lire ici), pour rappeler l'attaque du local du parti socialiste à laquelle il avait participé ou encore ses propos tenus contre l'ancien préfet du Rhône Jean-François Carenco, qualifié d’"agent officiel de l’anti-France à Lyon". L'épisodique conseiller municipal de Vénissieux a été entendu par la commission d'enquête devant laquelle il a tenu des propos négationniste.
La crème de l'ultra-droite
Comme Lille, la métropole rhodanienne a d'ailleurs fait l'objet d'une visite des députés de la commission emmenés par le régional de l'étape, Thomas Rudigoz. "La commission d’enquête a pu s’entretenir avec les acteurs de terrain à Lille et Lyon, qui ont été particulièrement confrontés au problème de la présence et des agissements des groupuscules en centre-ville et dans leurs régions", note le rapport.Et d'égrener les groupuscules présents sur le bassin lyonnais. "La plupart des groupuscules d’ultra-droite connus y est implantée, pour un total d’environ 400 personnes : le Renouveau français, dont l’idéologie dérive d’une certaine conception de la religion, des suprémacistes, les ethnodifférentialistes du Groupement de recherche et d’étude de la civilisation européenne (GRECE), des nationaux-socialistes qui organisent des concerts et des rassemblements, spécialement au nord du département de l’Isère, les royalistes, les identitaires, avec la branche dite de la Traboule mais aussi celle du paganiste Pierre Vial, dont le siège social a été transféré à Forcalquier, la mouvance identitaire, le courant négationniste et révisionniste de Jean Plantin, les conspirationnistes, apparus un peu plus tard, ainsi que Riposte laïque et Résistance républicaine. Le Bastion social et les identitaires ont été présentés comme étant dans une phase de "rétraction" : le premier décline dans la région lyonnaise, les seconds se cachent et n’extériorisent plus leurs activités, même sur les réseaux sociaux. "
Le Bastion social desserre son emprise dans le Vieux-Lyon
Particulièrement ciblé par les militants des groupuscules d'extreme-droite qui souhaitaient en faire leur base, le quartier du Vieux-Lyon s'était particulièrement ému de l'implantation du Bastion social et de plusieurs boutiques dirigés par ses chefs à l'automne 2017, autour de Saint-Paul. C'est à cette période que la vitrine de Philippe Carry, horloger de la rue Juiverie engagé contre ces groupuscules, avait été saccagée (lire ici).Aujourd'hui, si les les autocollants des groupuscules recouvrent toujours les gouttières du bas du 5e arrondissement, et si les Identitaires ont pu récupérer leur local après avoir procédé aux aménagements demandés par la mairie (lire ici), le Bastion social, en voie de dissolution, a lui fermé son bar, Le Pavillon noir. Idem pour le magasin de vêtements de Steven Bissuel, son ancien chef, qui a mis la clé sous la porte il y a quelques mois. Quant au salon de tatouage tenu par Logan Djian, ex-patron du Gud Paris en exil à Lyon (lire ici), il aurait également déposé le bilan, d'après Thomas Rudigoz.
La version intégrale du rapport est disponible ici