Stéphanie LEROUGE
Paris
(AFP) - Après la gauche, la droite: les élections européennes ont
marqué une nouvelle étape de l'effondrement des partis de gouvernement
traditionnels au profit de LREM et du RN. La situation ouvre différents
scénarios possibles de recomposition politique, selon que les
concurrents de ces deux forces parviennent ou non à s'inviter dans leur
duel.
- Un paysage dominé par l'affrontement LREM/RN -
"Le
big bang de l'élection présidentielle se confirme", analyse Jérôme
Fourquet de l'institut de sondages IFOP: les élections européennes ont
conforté, après les scrutins de 2017, la nouvelle bipolarisation du
paysage politique autour de La République en marche et du Rassemblement
national, qui ont recueilli 22,4 et 23,3% des suffrages le 26 mai.
Le
Parti socialiste, tombé à 6,4% pendant la présidentielle, stagne à
6,2%, quand LR s'effondre à 8,5%, contre 20% il y a deux ans.
L'opposition
hors-RN ne se satisfait pas de ce duel, qui favorise selon elle
l'arrivée au pouvoir de l'extrême-droite, érigée en seule alternance.
Ismael
Emelien et David Amiel, deux anciens conseillers d'Emmanuel Macron,
n'en veulent pas non plus. "Pour éviter que cette alternance prenne un
jour le visage d'une Madame Le Pen, il faut (...) sortir de ce
face-à-face périlleux", écrivent-ils dans Le Monde, en recommandant
d'"assécher" les causes du vote populiste. "Et si nous l'asséchons,
alors le clivage que nous subissons cèdera la place à un autre",
espèrent-ils, sans plus de précisions.
En
attendant, la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa et deux députés de la
majorité ont appelé dimanche dans le JDD tous ceux qui sont "prêts à
faire passer (leur) pays avant (leur) parti" à rejoindre La République
en marche.
- L'hypothèse d'un troisième pilier -
La
relative stabilité du score de LREM masque un glissement de son
électorat vers la droite: selon Opinionway, 32% des électeurs de
François Fillon ont voté pour LREM le 26 mai, tandis que 10% de ceux
d'Emmanuel Macron ont voté pour la liste PS-Place publique et 15% pour
Europe Ecologie Les Verts (EELV).
"La
droite, maintenant, c'est lui", a titré l'hebdomadaire Le Point devant
une photo d'Emmanuel Macron, tandis que pour le JDD "la droite est au
pouvoir".
Dans
le même temps, la gauche a retrouvé des couleurs, totalisant environ un
tiers de l'électorat, contre un quart à la présidentielle (en comptant
le score d'EELV).
Pour
le premier secrétaire du PS Olivier Faure, le paysage politique se
partagerait donc désormais en trois "blocs", un "bloc d'extrême droite",
un "bloc de droite qui est en fait maintenant constitué par la
République en marche" et un "bloc de gauche" qui doit encore "se
constituer" alors qu'il est aujourd'hui "atomisé". Il souhaite pour ce
faire que la social-démocratie se "marie" avec l'écologie politique.
Mais
EELV, fort de son bon score (13,5%), a l'air bien décidé à jouer sa
propre partition, au-delà du clivage droite-gauche. Les écologistes ont
vocation à "s'imposer comme le 3e pilier qui organise la politique" face
aux piliers "populiste" et "du vieux monde assez libéral et
technocratique", imagine le député européen Yannick Jadot.
- Un paysage fragmenté, favorisant l'émergence de coalitions ? -
A
LREM, personne n'est prêt à se dire membre d'un parti de "droite". "Ce
qui a fondé mon engagement à En marche, c'est de considérer que les
lunettes qui consistaient à diviser le monde entre la droite et la
gauche étaient des lunettes qu'il fallait jeter", a encore affirmé jeudi
la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.
Pour
certains membres de la majorité, les sensibilités de gauche doivent
être plus visibles en son sein, ou sur ses flancs. Le ministre de la
Défense Jean-Yves Le Drian, un ex-PS, travaille ainsi à la naissance
d'une parti de centre-gauche extérieur à la majorité, pendant du
mouvement de centre-droit Agir de Franck Riester.
Dans
un tel schéma, LREM serait "l'élément central du catamaran, auquel on
arrime deux gros flotteurs de part et d'autre pour construire la
coalition face aux nationalistes et populistes", explique l'ancien
ministre Stéphane Travert.
Pour
l'ancien secrétaire d'Etat PS Jean-Marie Le Guen, la vie politique
gagnerait à la mise en place d'un système de représentation
proportionnelle intégrale, qui favoriserait l'émergence de telles
coalitions au Parlement. "On ne peut pas avoir des gens qui dirigent
avec 25% des voix", dit-il.