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dimanche 4 décembre 2011

Helie Denoix de Saint Marc honoré


VIA ALTERMEDIA

Dans le froid de la cour d’honneur des Invalides, la foule n’a d’yeux que pour le vieil homme tassé sur son fauteuil roulant : le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, 89 ans. Il a remis son béret vert de légionnaire parachutiste. Malgré la fatigue et l’infirmité, le soldat se redresse, au moment où le chef de l’État lui passe le grand cordon de grand-croix de la Légion d’honneur, la dignité suprême dans l’ordre national. Cette cérémonie du 28 novembre honore un soldat moraliste au destin hors normes. À travers le chef de l’État, la nation reconnaît les combats de toute une vie et poursuit le processus d’apaisement qui doit refermer les blessures de la guerre d’Algérie. Ce cycle ne sera vraiment achevé que lorsque tous ceux qui s’engagèrent pour la France – au premier rang desquels les harkis – seront à leur tour pleinement honorés.

Hélie de Saint Marc est le symbole de ces combats et de ces déchirements. La Résistance, la déportation, les combats en Indochine et en Algérie. Révolté par l’abandon des populations algériennes, il livra son dernier combat en avril 1961.

Putschiste, “pour la parole donnée”, il risqua tout. Condamné à dix ans de prison, il fut gracié en décembre 1966. Il le raconte dans les Champs de braises (1995) et les Sentinelles du soir (1999), « le meilleur de mes livres ».

Saint Marc est un homme debout. Cette règle de vie en fit un proscrit. Cinquante ans après sa rébellion contre le parjure, elle en fait un modèle. Pour la foule réunie aux Invalides, il ne s’agit pas d’un “pardon” mais d’une “reconnaissance”, même si l’Élysée a précisé que la cérémonie n’est qu’« un acte militaire », le président agissant en tant que chef des armées. Pour certains, au contraire, c’est bien un geste politique du candidat Nicolas Sarkozy vers l’électorat de droite et vers les armées.

Cet hommage officiel est surtout une étape de plus dans le processus d’apaisement conduit par tous les présidents de la Ve République (à l’exception de Georges Pompidou), dans cette longue suite – encore inachevée – d’amnisties, de reconnaissance et de rétablissement des droits : ce fut Charles de Gaulle, dès les décrets de 1963 et l’amnistie collective de 1968 ; Valéry Giscard d’Estaing rétablit Saint Marc dans ses droits civils et militaires ; François Mitterrand poursuivit les réparations ; Jacques Chirac éleva Saint Marc à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur.

Le général Bruno Dary, gouverneur militaire de Paris, lui aussi légionnaire parachutiste, souligne cette continuité dans un hommage vibrant à Saint Marc, « mon ancien ». Dans le brouhaha de ce grand salon des Invalides, le commandant reçoit ensuite patiemment les félicitations de chacun. Il faut se pencher, front contre front, pour lui parler et l’entendre. Je m’approche. Ses yeux disent tout. Le regard d’azur reste intense derrière ces rides profondes qui dessinent « le temps perdu, les vies sacrifiées, la confiance trahie ».

On y lit la modestie de l’homme « dépositaire de quelques grammes d’humanité », la douceur du sage « plus démuni qu’un enfant » à l’approche du mystère, la passion de celui qui plongea dans l’Histoire avec une intensité sans équivalent, toujours soucieux de comprendre et de transmettre. Hélie de Saint Marc sait tout l’attachement que lui portent Valeurs actuelles et ses lecteurs. Il tient à nous remercier : « Tout se tient, continuez, me glisse-t-il dans un souffle. Continuez… »



Frédéric Pons dans Valeurs Actuelles