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jeudi 8 décembre 2011

Quand l’extrême droite veut lutter contre «les lobbies»


VIA PREFERENCE NATIONALE

L’association politico-culturelle Terre et Peuple de Pierre Vial a réuni ses sympathisants dimanche 4 décembre autour du thème “Lobbies et groupes de pression en France”.
“Europe: notre grande patrie”. La bannière domine la salle de conférence, encadrée de drapeaux tricolores frappés d’un edelweiss. L’Europe, notion chère à Pierre Vial «puisque, la nation, [selon lui], ne porte pas le concept racial elle est à abandonner à son sort, et les nationalistes doivent désormais se dire des “combattants identitaires européens” partisans de l’Europe des “communautés ethniques, porteuses d’identité”» (1). Mais Europe, aussi, de manière plus fortuite, comme Espace Jean Monnet, à Rungis, lieu cette année de la table ronde annuelle de Terre et Peuple (TP).  Cette dernière devait initialement se tenir au domaine de Villepreux, comme il est de coutume depuis des années pour nombre de formations de la droite radicale. Le propriétaire ayant reçu des pressions de la part de personnes provenant, selon l’explication de M. Vial, du «peuple qui se dit élu», la réunion s’est trouvée reléguée au fond d’une zone industrielle de la région parisienne.
Le drapeau de Terre et Peuple.
Qu’importe, au final, pour les sympathisants du mouvement folkiste (2), puisqu’ils étaient sans doute plus de 600 à arpenter le vaste espace loué pour l’occasion. Sur place, deux salles. L’une, dédiée aux travaux des conférenciers. L’autre, saturée d’étals divers et variés. On y trouve en majorité des bouquinistes proposant des ouvrages pas forcément présents dans le catalogue de la Fnac, traitant du néo-paganisme, de tous les courants du nationalisme, jusqu’au néo-nazisme assumé. Le tout à côté de produits du terroir, de produits artisanaux d’inspiration néo-païenne ou encore de vêtements prisés par le mouvement skin. Un éclectisme qui fait dire à Pierre Vial que sa journée comble «le manque créée par l’arrêt des BBR du Front national».

Marqueur identitaire

Ce dernier explique avoir choisi le thème de la table ronde, “Lobbies et groupes de pression en France”, en fonction de l’actualité, et notamment «des bruits autour d’une éventuelle offensive contre l’Iran et de la Syrie». L’origine qu’il donne à la mésaventure de Villepreux semble également le conforter dans son choix de manière plus concrète. «Il existe un lobby juif et cela ne me scandalise pas, c’est normal, confesse-t-il. Seulement, cela peut avoir des conséquences à grande échelle.» Peu ou prou ce que les différents intervenants des conférences ont essayé de démontrer au cours de la journée, jamais dans l’antisémitisme direct, toujours derrière une critique unanime des «lobbies», rouages «du Système». Une vision qui semble toujours jouer comme un marqueur identitaire et fédératif de l’extrême droite, au-delà de certaines de ses divisions dogmatiques.
Sont donc intervenus Anne Kling (auteur de La France licratisée, qui a développé en public le même propos que dans son interview paru dans Rivarol du 3 décembre), Boyan Rasate (président et fondateur de l’Alliance nationale bulgare, qui s’est présenté comme «un vrai national-socialiste»), Robert Spieler (dont le propos fut proche de celui donné lors de la Synthèse nationale et qui a renouvelé ses attaques contre Jean Robin), Emmanuel Ratier (qui a fustigé les dîners du Siècle, «premier club d’influence de France qui dirige [le pays]») ou encore Eric Delcroix (qui s’est penché sur «les lobbies et le droit», avec la possibilité pour les associations d’aller en justice, utilisée «par les ligues de vertu» pour «rafler de l’argent»). Notons également l’intervention d’Eugène Krampon, de la revue Réfléchir & agir, qui a essayé de lister les principaux lobbies en France:  il évoque ainsi le lobby juif, celui des chasseurs, le Cran, la Halde, celui des gays, du grand patronat, des gens de la presse ou encore de la magistrature. Étendant son propos aux USA, il en dénombre quatre principaux, à savoir les pétroliers, le monde militaro-industriel, le monde autour de la FED et enfin, le lobby juif (Aipac), travaillant tous dans «une alliance objective», dans un «réseau puissant» capable de créer à la fin de la guerre froide le terrorisme islamique pour se trouver un nouvel ennemi, ou encore le 11-Septembre, dont il a remis en cause «la version officielle», lui préférant une explication complotiste. Avant de se poser la question de «créer des lobbies utiles», ou «un lobby identitaire» afin de faire pression sur les députés ou les entreprises.
Pierre Vial, ici le 11 novembre 2011 lors de la Synthèse nationale © Julien Licourt
Pierre Vial, de son côté, préfère invoquer le concept de «réseau» métapolitique, plutôt que de constituer avec ses forces un lobby à part entière. Le vieux leader identitaire (âgé de bientôt 69 ans, il a commencé à militer à 15 ans à Jeune nation, est passé par Europe action, a été secrétaire général du GRECE, a créé Terre et Peuple, rejoint le FN, puis le MNR et est aujourd’hui à la NDP), crise de la dette oblige, s’est notamment penché en conclusion sur les banques, et plus particulièrement l’américaine Goldman Sachs. Un exemple qui illustre le propos de l’universitaire Stéphane François, qui rappelle que «Pierre Vial, citant l’économiste allemand Werner Sombart, voit l’origine du capitalisme dans le judaïsme, relançant implicitement les thèses antisémites sur le capitalisme juif» (2). Le leader de Terre et Peuple a ainsi égrainé les noms des dirigeants «juifs» de «la Firme» («c’est drôle, un recrutement spécifique»), puis il a listé les actuels hommes présents à des postes clés de l’économie européenne, passés à un moment où à un autre de leur carrière par Goldman Sachs. Un exemple qui, selon lui, «met en évidence le rôle déterminant et nocif que jouent aujourd’hui les lobbies». «Il est clair pour nous que dans la lutte de libération des peuples qui doit mobiliser nos énergies, les lobbies sont et seront une cible privilégiée», a-t-il conclu.
Julien Licourt
(1) Nicolas Lebourg, Le monde vu de la plus extrême droite. Du fascisme au nationalisme-révolutionnaire. Presses universitaires de Perpignan. 2010. Voir également le blog de Nicolas Lebourg.
(2) Sur les folkistes, voir Stéphane François, L’extrême droite « folkiste » et l’antisémitismeLe Banquet, CERAP,  n° 24, 2007. Voir également le blog de Stéphane François.