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jeudi 21 décembre 2017

Silence sur la coalition droite - extrême droite

Le mutisme des dirigeants européens sur l’alliance entre conservateurs et extrême droite contraste avec les sanctions prises en 2000 contre l’Autriche.

L’entrée de l’extrême droite dans la nouvelle coalition autrichienne du jeune Sebastian Kurz (conservateur) est « un développement dangereux ». « C’est contraire aux valeurs de l’Europe »… Les deux seules réactions critiques à l’égard de l’attribution de ministères régaliens (intérieur, défense, diplomatie) à des représentants de l’extrême droite (FPÖ) en Autriche émanent respectivement d’un haut-commissaire aux droits de l’homme à l’Onu Zeid Al Hussein et de l’ancien président français François Hollande. Deux voix sans pouvoir.

C’est sans commune mesure avec le barrage européen et l’isolement subi par l’Autriche en 2000 lorsque le FPÖ entrait au gouvernement. À l’époque, 250 000 Autrichiens défilaient dans les rues de Vienne contre cette alliance (500 000 en 1983). Les manifestants n’étaient pas 8 000 hier.

Pourquoi ce silence ?

Tout simplement, en 15 ans, l’extrême droite a gagné tellement de terrain en Europe qu’elle s’est « normalisée » dans la vie politique. Elle se présente sous diverses formes selon les pays, plutôt prospères d’ailleurs, avec toutefois trois points communs : hostilité à l’immigration, euroscepticisme et ressentiment vis-à-vis des partis, des élites politiques, économiques ou culturelles.

En 2017, plusieurs scrutins clés ont confirmé la tendance. Les partis d’extrême droite ont enchaîné les scores les plus élevés depuis la Libération même s’ils n’ont obtenu aucune victoire nationale.
Au Pays-Bas, le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders est devenu en mars la deuxième force du Parlement néerlandais, derrière les Libéraux. En Hongrie, le très nationaliste Jobbik est le principal opposant au très conservateur Viktor Orban, lui-même placé à la droite des droites européennes ?

En France, la présidente du Front national Marine le Pen s’est qualifiée pour le second tour de la présidentielle où elle a obtenu 33 % des suffrages. Deux fois plus de voix que son père en 2002 ! « On a traité cela comme des défaites, mais quand on les resitue dans le passé récent, le verre est aux trois quarts plein », souligne le politologue Patrick Moreau. Enfin aux législatives allemandes de septembre, la percée de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), entrée au Bundestag avec 12,6 % des voix, est sans précédent.
Les prochains rendez-vous en Italie et en Suède, où des législatives sont prévues en 2018, annoncent de nouvelles percées.

Ostraciser ou intégrer ?

Les fronts républicains fonctionnent de moins en moins. Ostraciser a montré ses limites. Aux Pays-Bas et en Allemagne, la tradition pousse à des coalitions bancales.

En France, la recomposition du paysage et le scrutin majoritaire ont éteint le FN aux législatives et la droite de Laurent Wauquiez préfère s’aventurer sur son terrain que s’adresser à lui. Sur des bases idéologiques en phase à propos de l’immigration et de la place de l’islam, les conservateurs en Autriche tentent un modèle de coopération avec le parti extrémiste comme la Finlande l’a fait avec les Vrais finlandais. Ils ont explosé dans l’exercice du pouvoir. 
« L’ADN de ces partis, c’est de s’opposer. Quand ils scellent des alliances ou engrangent des succès, leurs difficultés internes surgissent », rappelle le politologue autrichien Thomas Hofer. Les turbulences au FN et à l’AfD en Allemagne confirment son propos.

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