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mercredi 7 septembre 2011

Commentaire d'une citation d'Edouard BERTH

« Les ouvriers n’ont pas de patrie » dit le Manifeste communiste de Marx et d’Engels. Au contraire, les ouvriers ont une patrie plus encore que les bourgeois qu’on pourrait considérer eux, comme les vrais « sans patrie » ; car le riche est le vrai « déraciné », qui, partout dans le monde, où qu’il se trouve, se trouve bien, précisément grâce à sa richesse ; tandis que l’homme du peuple, le pauvre, le dépaysé, déraciné, transplanté, livré à la double domination capitaliste et étrangère, est doublement esclave et malheureux. En fait dans l’histoire, ce sont les classes riches qui, le plus souvent pour un ignoble intérêt de classe ont vendu la patrie à prix d’or, […] alors que les classes populaires la défendaient avec l’acharnement le plus magnifique.

J. Darville pseudonyme d’Edouard BERTH, « Satellites de la ploutocratie » in Cahiers du Cercle Proudhon, volume V-VI, Paris, 1912.



Je partage le point de vue de la citation qui conserve encore, de nos jours, toute son actualité. C’est ainsi que les gens simples continuent d’avoir des réactions saines face à certains aspects de la postmodernité : ainsi en est-il par exemple de la gay pride ou de l’apologie de l’allogène qui sont contestées au sein du monde ouvrier qui n’a pas la langue dans la poche lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur ce type de sujet. S’il faut se méfier de ce que l’on a coutume d’appeler le bon sens populaire dès lors où la problématique est ardue – les réactions sont auquel cas par trop simplistes - il faut bien admettre qu’en matière de vérités d’évidence, le jugement du Français lambda s’avère le plus souvent juste.

Pour autant, même si la France fut, avant tout, dans son histoire - regrets - un pays rural « labourage et paturage… » avant de voir se constituer les grandes concentrations ouvrières, nous ne devons pas nous voiler la face quant à ce qu’elle est, sociologiquement, devenue depuis. La France de ce début de siècle ne peut plus être qualifiée de pays industriel et par voie de conséquence, le monde ouvrier s’est effacé au profit du secteur tertiaire. Plus grave, la mentalité ouvrière n’est désormais plus homogène et le réflexe de classe – il y aurait là matière à se réjouir – ne fonctionne plus. Bien des ouvriers sont aujourd’hui des bourgeois qui s’ignorent, eux aussi adeptes de la consommation, n’ayant pour principal objectif que d’atteindre le train de vie des classes moyennes : la pensée de chaque ouvrier se doit donc, à l’heure de l’individualisme, d’être étudiée spécifiquement puisque l’opinion de classe n’est plus. On ne doit cependant pas être expéditif sachant que cette strate sociale constitue, numériquement, le meilleur électorat de la mouvance et très certainement le plus fidèle. Nuançons donc.

Ce qui m’a chagriné dans ce que j’ai appelé ouvrierisme ainsi que son apologie, c’est le fait qu’il s’agit d’un appel à un vote de classe et nullement un recours, qui me semble nécessaire, à l’intégralité des nationaux. En effet, la mouvance est censée s’adresser aux Français et éventuellement aux Européens mais certainement pas à une strate constitutive qui, dès lors où est est mise en exergue, devient facteur de séparatisme, exclue qu’elle est de fait via le message spécifique qui lui est adressé. Faut-il aussi rappeler tout le travail de nos aînés en vue justement d’intégrer, et ce à l’encontre des desiderata de la bourgeoisie, ce prolétariat qui fut volontairement exclu de la communauté nationale ? « classes laborieuses, classes dangereuses ».

Le fait est que dans nos entreprises, les emplois furent progressivement supprimés en partant du bas vers le haut, chaque strate supérieure restant indifférente au sort réservé à celle située au dessous ; c’est ainsi que le monde ouvrier, parce qu’il s’estime qualifié, ne s’est pas mobilisé au profit des femmes de ménage qui furent victimes du processus d’externalisation. On peut d’ailleurs remarquer, même si considéré du niveau doctoral, le corps ouvrier semble homogène, qu’il n’en est rien dans la réalité : il existe toute une hierarchie au sein de cette strate et chacun tient à son intititulé. Bien évidemment, ceux qui, sociologiquement, se situaient au dessus du monde ouvrier furent, à leur tour, indifférents, lorsque les grandes charettes des années soixante dix et quatre vingt qui emmenaient les ouvriers vers un chômage qui s’avérait bien souvent définitif.

Ce sont aujourd’hui les petits cadres (techniciens) qui sont touchés en attendant la catastrophe qui s’annonce et fera que les cadres qui méritent leur appellation (bac+4, bac+5) seront, à leur tour, touchés: la démocratisation de l’Afrique du Nord ainsi que la francophonie qui y règne dans un cadre de fort chômage risquent fort de pousser les jeunes diplômés arabes vers le vieux continent en quête d’un travail qu’ils trouveront ici alors qu’il en sont dépourvus là bas. Cela permettra de réviser les salaires des cadres à la baisse même si ces migrants y trouveront leur compte. En ce sens, les cadres, en raison du fait qu’ils étaient les mieux instruits et donc les plus aptes à comprendre le monde contemporain, risquent fort - et ce n’est que justice sachant qu’ils ont abandonné leurs compatriotes plus démunis -de payer très cher l’addition qui va leur être imposée.

Pour toutes ces raisons, il me semble urgent d’en finir avec tous les corporatismes et de rassembler, aussi bien ceux qui sont exclus que ceux qui sont en passe de l’être, sous la bannière nationale.