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samedi 26 novembre 2011

Le parti des bobos et le parti du peuple



Christian Bouchet





Le parti des bobos et le parti du peuple
La croyance populaire comme quoi « Le diable porte pierre » s’est vérifiée ces dernières semaines avec la parution de deux livres écrits par des militants de gauche affirmés. Si Alain Mergier et Jérôme Jourquet, chercheurs à la Fondation Jean Jaurès ont ouvert le feu avec Le Point de rupture, enquête sur les ressorts du vote FN en milieux populaire, ils ont été rapidement rejoints, et complétés, par un journaliste du Nouvel Observateur, Hervé Algalarrondo, avec son livre La Gauche et la préférence immigrée. À la lecture de ces deux opus, une conclusion s’impose : si le Parti socialiste est de plus en plus le parti des bobos, le Front national est, quant à lui, devenu le seul parti du peuple.

Dans son ouvrage, Hervé Algalarrondo dénonce le fait que la gauche ait abandonné la classe ouvrière au profit des immigrés. Une stratégie politique qui symbolise, selon lui, la boboïsation d'une gauche en rupture avec les ouvriers - qu’elle voit comme des réactionnaires séduits par le Front national - au profit des immigrés devenus à ses yeux les nouveaux prolétaires. Et Algalarrondo d’illustrer son propos en montrant comment, au Parti socialiste, à la représentation des ouvriers dans les instances de direction du parti, on préfère celle des « personnes issues de la diversité » et comment SOS Racisme ou Ni putes ni soumises sont devenus les association de référence au détriment et en remplacement des syndicats.

De même, le journaliste du Nouvel Obs nous relate comment la figure du « beauf » s’est développée, au sein de la gauche, comme symbole du prolétaire, forcément réactionnaire, raciste et blanc parallèlement à la mise en avant de l’image positive de l’immigré, y compris du sans-papier, vu comme une incarnation parfaite du « citoyen du monde ». Puis, Hervé Algalarrondo explique comment réclamer la régularisation de tous les sans-papiers est en réalité un « mot d'ordre anti-ouvriers » et comment la défense de « l'ouverture des frontières » se fait en mettant en péril l'emploi des classes populaires autochtones, car «si les nouveaux arrivants trouvent un travail, parfois très pénible, (...) c'est au détriment de postulants hexagonaux sans formation particulière ».

Hervé Algalarrondo remarque aussi que les plus chauds partisans de l’ouverture des frontières sont ceux qui ont les postes les plus à l’abri de la concurrence des immigrés : « Ceux qui militent dans des associations de défense des droits de l’Homme exercent souvent des métiers – fonctionnaires, médecins, avocats – qui sont loin d’être complètement ouverts. Ils sont protégés de la concurrence étrangère. Les conseillers ne sont pas les payeurs ! ». Et il enfonce le clou en soulignant que l’on oublie trop souvent qu’un des meilleurs supporters de l’ouverture des frontières n’est autre que le Medef ravi d’avoir à sa disposition une main d’œuvre moins chère et non syndiquée. Algalarrondo le souligne, et insiste lourdement, et avec ironie, sur le fait qu’aujourd’hui une partie notable de la gauche partage les même idées et objectifs que le grand patronat, et a tiré un trait sur la lutte des classes à laquelle elle préfère la « diversité » et « l’ouverture aux autres ».

Cela a comme conséquence que les classes populaires ont en grande partie désertées le Parti socialiste et plus généralement les partis de gauche et que certains s’inquiètent des conséquences à terme de ce manque à gagner électoral. Ainsi, dans leur essai Le Point de rupture, Alain Mergier et Jérôme Fourquet analysent-ils la montée du vote Front national « en milieux populaires ».

Avec leurs termes de sociologues politiques ils constatent ainsi que à la demande politique des classes populaires, qui est un triple souhait de protection (protection des personnes physiques, protection économique des salariés et protection nationale face à la mondialisation), « ne répond qu’une seule offre qui est celle de Marine Le Pen, il ne faut pas s’étonner du succès de cette dernière. Elle se trouve dans une sorte de monopole de fait. »

Et, bien qu’ils s’en désolent, Alain Mergier et Jérôme Fourquet illustrent leur livre d’analyses chiffrées récentes (elles datent d’avril dernier) qui ne peuvent laisser indifférentes. Parmi les 30 % de la population française qui regroupent les catégories sociales populaires, c’est-à-dire les employés et les ouvriers, où, dit en d’autre termes, l’ensemble des personnes dont le salaire mensuel maximum est inférieur à 1250 euros nets, Marine Le Pen arrive très largement en tête des intentions de vote recueillant 42 % des votes potentiels des ouvriers et 28 % de ceux des employés.

Nos auteurs relèvent que ces catégories sociales sont, à l’encontre de celles qui votent pour l’UMPS, celles qui sont les plus victimes de la délinquance quotidienne, de la concurrence des immigrés, de la désindustrialisation et des délocalisation. Et ils expliquent : « Quand ils sont présents dans l’environnement régional ou de proximité, ces éléments déstabilisants et anxiogènes viennent donner corps aux discours et analyses du Front national. (…) Et quand tous ces ingrédients sont rassemblés, la puissance et la prégnance du vote frontiste peuvent devenir spectaculaire. »

Sur des problèmes économiques plus abstraits, Alain Mergier et Jérôme Fourquet font aussi ressortir que les positions du Front national et de Marine Le Pen, si elles s’éloignent diamétralement de celles des décideurs et des classes favorisées, recoupent par contre étroitement celle des couches populaires de notre nation. Ainsi, l’idée d’un retour au franc et d’un abandon de l’euro, qui apparaît comme une hérésie et une ineptie pour les « décideurs », est assez partagée dans les milieux populaires et plus encore parmi les ouvriers qui sont 50 % à souhaiter que l’on sorte de l’euro contre 11 % des cadres supérieurs et des professions libérales. Dans le même ordre d’idée, si la question d’une remise en cause du libre-échange et de l’augmentation des droits de douane, sur les produits en provenance des pays à bas coûts de main d’œuvre est hors de propos pour la grande majorité des décideurs et des favorisés, environ 75 % des français d’extraction populaire y sont favorable.

Ces livres, ces sondages, et le ressenti des actions militantes de terrain prouvent une chose : il y a bien une France d’en haut et une France d’en bas et si la première vote UMPS, la seconde elle entend, de plus en plus, voter Marine Le Pen.
notes
La gauche bobo et le peuple

« L’immigration à gogo, c’est un credo de bobos »

« En privilégiant les immigrés sur les autres catégories populaires, la gauche bobo suggère que les petits Blancs constituent la lie de la société française. Comment se dire de gauche et cautionner pareil racisme social ? »

« La prolophobie a un pendant : la xénophilie. Elle est le signe d’une discrimination, c’est le mot qui convient, dans l’attitude de la gauche à l’égard des classes populaires ».

Hervé Algalarrondo, La Gauche et la préférence immigrée, Plon, 2011.