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samedi 27 juin 2015

Qu'est-ce qui déclenche une panique bancaire ?



La situation pourrait dégénérer à tout moment en Grèce, où l'argent est retiré en masse des banques. Qu'est-ce qui enflammerait la mèche ? Retour sur les éléments déclencheurs des paniques financières.

Erreur


Les files d'attente devant les banques ne sont jamais de bon augure. Depuis le début de la semaine, les Grecs ont retiré 3 milliards d'euros de leurs comptes, un record - dont un milliard d'euros dans la seule journée de jeudi. Les sorties de capitaux se poursuivent. Sauf nouvel accord à l'issue des négociations avec ses créanciers, le défaut de paiement de la Grèce est imminent. «Beaucoup d‘acteurs économiques et financiers s'attendent à un coup de Trafalgar», avertit Norbert Gaillard, économiste et consultant indépendant. Mais quel sera l'élément déclencheur? On en sait paradoxalement peu sur ces paniques bancaires et financières qui jalonnent notre histoire économique. L'occasion de revenir sur les mécanismes qui les régissent.

Qu'elle soit bancaire avec une course aux guichets, ou financière avec un krach boursier, la panique vient toujours d'un problème de confiance. «Les déposants ne sont pas sûrs de retrouver leur argent et les investisseurs ne sont pas sûrs de la profitabilité des entreprises», explique Julien-Pierre Nouen, économiste-stratégiste chez Lazard Frères Gestion. Sachant cela, les éléments déclencheurs peuvent être très variés, du moment qu'ils instillent le doute - ou qu'ils surprennent. «La décision d'un acteur économique majeur ou l'annonce d'une nouvelle économique ou financière (comme des chiffres trimestriels éloignés du consensus) amène les investisseurs à modifier brutalement leur stratégie, ce qui peut provoquer des décisions brutales d'autres acteurs économiques et conduire à des annonces inadéquates de dirigeants politiques pris au dépourvu», avance Norbert Gaillard. D'où l'attention avec laquelle les événements politiques et monétaires sont scrutés, car «ils sont susceptibles de déclencher des mouvements de panique».

Les paniques s'auto-entretiennent par effet de contagion

Mais il ne s'agit pas simplement de réagir, à titre individuel, à une annonce qui fait reconsidérer un risque ou un rendement. Car il y a aussi l'incontournable effet de contagion. «Les membres de votre famille ont retiré leur argent, le kiosquier dit la même chose. Même si vous n'en savez rien ou que vous savez que ce n'est pas le cas, il y un comportement mimétique», détaille Julien-Pierre Nouen. L'effet d'emballement donne une dimension auto-réalisatrice aux paniques - de même sur les marchés financiers. «Les gérants de fonds anticipent les réactions de leurs confrères, ce que l'on croit être la stratégie du voisin», note Norbert Gaillard.

Comment alors rétablir la confiance pour éviter, selon les mots de Norbert Gaillard, qu' «en quelques jours la situitation passe de délicate à désespérée»? C'est là tout le rôle des dirigeants. Avant la panique, ils doivent maintenir la confiance le plus longtemps possible, comme l‘a fait jusqu'à présent la BCE en prêtant indirectement de l'argent aux banques grecques. Si la confiance est rompue, il faut la rétablir le plus vite possible. «Cela tient parfois à une seule personnalité», précise Norbert Gaillard. Il y a aussi le facteur de la «crédibilité des autorités», selon Julien-Pierre Nouen. «Il faut que la réponse soit proportionnée et efficace. Si l'autorité a bonne réputation cela suffit à calmer». Preuve que ce soutien des autorités est crucial, les agences de notation le prennent en compte pour noter les pays. Standard and Poors, qui a dégradé à CCC+ la note de la Grèce le 15 avril dernier, inclut dans sa méthodologie «la probabilité d'un soutien exceptionnel du gouvernement».

La situation est explosive en Grèce

Dans le cas de la Grèce, une panique bancaire plutôt que boursière est à craindre. «La peur est que du jour au lendemain il y ait un blocage de tout ce qui est en euro (retraits bancaires limités et interdiction d'envoi de fonds à l'extérieur du pays), que les dépôts passent en monnaie grecque dévaluée. Tout d'un coup on ne peut plus rien faire», déclare Laurent Geronimi, directeur de la Gestion Taux chez Swiss Life Banque Privée. Le souvenir de Chypre, qui avait taxé les dépôts bancaires à partir de 100.000 euros en 2013, plane dans tous les esprits. Pour Norbert Gaillard, une panique est d'autant plus probable que «les événements sont de plus en plus politisés: une simple déclaration politique peut affoler». Il y a toutefois peu de chances que la panique se propage hors du pays, qui pèse économiquement peu dans la zone euro. Et la BCE veille.


 Jade Grandin de l'Eprevier

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