Revirement total par rapport à la ligne suivie par la France depuis sept ans. Le nouveau président français a expliqué que la destitution d’Assad n’était pas «un préalable à tout», et assuré que la Russie était essentielle pour éradiquer la menace terroriste.
«Le vrai aggiornamento que j’ai fait sur ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout», a déclaré Emmanuel Macron cité par Reuters, dans un entretien à huit quotidiens européens (Le Figaro, Le Temps, Le Soir, Süddeutsche Zeitung, The Guardian, Corriere della Sera, El Pais et Gazeta Wyborcza), le 21 juin. Et d’affirmer le revirement de la politique française sur le dossier syrien : «Personne ne m’a présenté son successeur légitime.»Le chef d’État français a précisé que le président syrien était un ennemi du peuple syrien, mais pas de la France, expliquant que la priorité de Paris était un engagement total à combattre les groupes terroristes. «Mes lignes sont claires. Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis», a-t-il fait valoir, ajoutant qu’il ne voulait pas que la Syrie devienne un «État failli [en théorie des relations internationales, un État qui n’exerce plus d’autorité sur son territoire]».
Et dans cette optique, il compte bien s’appuyer sur l’aide de Moscou : «Nous avons besoin de la coopération de tous pour éradiquer [les terroristes], en particulier de la Russie.» Mais Emmanuel Macron a également repris l’idée de la ligne rouge exposée par Barack Obama : «L’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule.»
Ces commentaires contrastent fortement avec la ligne suivie par les précédents gouvernements français et offrent un large écho à la position défendue par Moscou, qui estime qu’il n’existe pas d’alternative à Bachar el-Assad.
Un revirement entrevu lors de la visite de Poutine à Versailles
Les bases de ce revirement avaient été posées lors de la visite de Vladimir Poutine à Versailles en mai dernier. Déjà, Emmanuel Macron avait expliqué vouloir à tout prix éviter que la Syrie ne devienne un état failli, estimant que cela représenterait une «menace pour nos démocratie». Il avait également martelé que la priorité absolue de Paris était la lutte contre le terrorisme. Il avait néanmoins déclaré souhaiter une «transition démocratique, tout en préservant un Etat syrien». Des propos qui laissaient penser qu’il penchait à l’époque pour une solution impliquant le départ de Bachar el-Assad.Cette position représentait déjà en soit une évolution majeure par rapport aux positions défendue par le candidat Macron. Début avril, peu après l’attaque chimique présumée à Khan Cheikhoun, il était en effet catégorique : «Oui, il faut une intervention internationale en Syrie. Une intervention militaire.» Le sort du président syrien semblait d’ailleurs être scellé : «Bachar el-Assad n’en est pas à son premier crime. Si les faits se confirment, il faut une intervention militaire internationale […]. On ne peut pas laisser ce qui s’est passé sans sanction». A suivre la logique du président français et son revirement soudain, il faut donc croire que les faits n’ont pas été confirmés.
La France longtemps favorable au départ de Bachar el-Assad
L’actuel chef d’État suivait alors une ligne tracée par François Hollande et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Dès 2012, le ministre aux propos controversés sur le front Al Nosra, faisait étalage de toutes ses qualités diplomatiques, estimant ni plus ni moins que Bachar el-Assad «ne méritait pas d’être sur terre». Un déclaration qui jetait les bases de la future position de la France et qu’il livrait en des termes on ne peut plus clairs en septembre 2015 : «Bachar el-Assad ne peut pas rester au pouvoir.» François Hollande déclarait lui-même fin novembre 2015, quelques jours après les terribles attentats de Paris, que le président syrien «n’avait plus sa place dans l’avenir de la Syrie».Si ce mantra aura été une constante de l’administration Hollande, la fin de son mandat a été marquée par l’élection de Donald Trump et un revirement stratégique annoncé par ce dernier sur la question. «Le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien», osait fin mars le secrétaire d’Etat Rex Tillerson.
Fidèle allié des États-Unis, l’équation se compliquait alors sérieusement pour Paris, qui préféra finalement ne pas froisser Washington et mis donc de l’eau dans son vin. «Si certains veulent à tout prix qu’on place le débat sur : “Est-ce que l’on garde Assad ou est ce que l’on ne garde pas Assad“, ce n’est pas comme cela que la question se pose», estimait le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault, au lendemain de l’intervention de Rex Tillerson.
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