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samedi 4 juin 2016

Bref exposé de la théorie des chiffons


Philippe Delbauvre

Bref exposé de la théorie des chiffons


C'est au vingtième siècle que prend naissance le fait idéologique. Non pas qu'il n'existe pas des précédents auparavant, mais ils restent mineurs : avant le vingtième siècle, très majoritairement, les hommes ont défendu leur patrie, indépendamment de la politique. C'est ainsi que, par exemple, la grande alliance socialiste européenne qui souhaitait se proposer de s'opposer à la première guerre mondiale, échoua : les pacifistes allemands votèrent les crédits de guerre.

On s'étonne aujourd'hui en France du fait djihadiste touchant certains de nos « compatriotes ». C'est oublier les précédents que constituent par exemple la légion condor ou les brigades internationales. Des Français qui allèrent combattre en Espagne entre 1936 et 1939, aussi bien côté franquiste que républicain, il n'en manqua pas. Aujourd'hui encore, des Français se sont engagés en Ukraine dans des camps différents comme leurs aînés des années quatre-vingt dix combattant côté serbe, croate ou bosniaque.

Le fait brouille les cartes et rend l'analyse plus complexe : le temps ou tout était simple, chacun se reconnaissant dans le proverbe anglais « right or wrong my country »(1), est désormais révolu. De mon point de vue, j'y vois un progrès de la pensée célébrée, aux dépens d'un simple réflexe pavlovien. Après tout, la plupart des ministres de la cinquième république furent français au sens où beaucoup l'entendent dans la mouvance (2), sans que leurs actions ne nous apparaissent comme conforme à l'intérêt de la France comme des Français. En ce sens, il eut peut être mieux fallu que nous fussions dirigés par un Allemand ou un Asiatique …

Les Etats-Unis durant le vingtième siècle, et encore aujourd'hui, tentèrent presque toujours de mobiliser les autres pays derrière eux, en agitant tout au long de ce segment historique, différents chiffons, espérant ainsi induire chez les pays concernés la réaction du taureau face à la muleta. Force est de constater que cette stratégie eut beaucoup de succès.

Tout commença à l'échelle internationale par le chiffon brun qu'agita Roosevelt. Ce au point d'aller jusqu'à financer et armer Staline. Il n'est pas certain que Roosevelt avait perçu que le fait se traduisit par l'occupation communiste de la moitié de l'Europe par les communistes, justement affiliés à Staline. Et Churchill déconfit, après la guerre, de s'interroger si c'était « le bon cochon qui avait été tué ». Un aspect apparaît certain, c'est que la croisade fut une réussite, les Américains étant d'ailleurs présents militairement, après la guerre sur le sol européen.

Après le chiffon brun advint celui de couleur rouge. Et la croisade de devenir anticommuniste. Ce n'est certes pas que je me reconnaisse dans le fait marxiste mais force est de constater qu'ils furent très nombreux ceux qui pratiquèrent alors l'alignement systématique sur les Etats-Unis, nonobstant les mises en garde de personnalités comme celles de Thiriart, Duprat ou De Benoist. Et le chiffon rouge d'aussi bien fonctionner que le chiffon brun, pour le plus grand intérêt des Etats-Unis.

Survint le chiffon vert agité, afin de nous faire haïr arabes et musulmans. Et de nous prévenir que l'armée de Saddham Hussein était très dangereuse pour notre survie, sachant qu'elle était la sixième du monde. On sait ce qu'il advint et avec quelle facilité militairement, l'Irak fut vaincu. Vint ensuite Kahafi, victime lui aussi du chiffon vert, qui mobilisa tant d'Européens. Il semble lorsque l'on lit aujourd'hui Bernard Lugan (3), le spécialiste européen de la question, que les Européens, sensibles au chiffon vert, pratiquèrent alors une détestable politique.

Le chiffon vert, c'est aussi celui qui après le fait arabe, est agité pour combattre l'islam. Le fait est d'autant plus amusant que la montée en puissance de cette religion , d'un point de vue politique, fut la conséquence de l'agitation du chiffon rouge : qui, si ce n'est les Etats-Unis, armèrent les islamistes afghans et tant d'autres ? Nous en sommes là aujourd'hui et il nous faut faire preuve de la plus grande circonspection même si notre réflexe – pavlovien – nous pousse sans réflexions, à applaudir à la destruction de l'Etat islamique.

Temps est venu pour moi de prévenir le lecteur de la couleur du prochain chiffon : il sera jaune !