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samedi 4 juin 2016

Réponse à Michel Lhomme (Metamag) concernant le leurre français


Philippe Delbauvre  

Réponse à Michel Lhomme (Metamag) concernant le leurre français
 
Metamag m'a fait l'honneur de reprendre un de mes articles (0) (merci aussi à Synthèse nationale (0 bis)) et de le critiquer via la plume de Michel Lhomme dont j'avais d'ailleurs indiqué qu'il était un auteur fétiche, couramment repris, de Voxnr. Un grand merci à tous ceux qui maintiennent la pensée haute, « Pour l'honneur de l'esprit humain » (1) malgré une postérité qui vante et célèbre le retour à l'animalité (2) – cerveau reptilien – caractérisée par le ludisme, l'hédonisme, le subjectivisme et l'intérêtisme (3). Que Europe Maxima, pour prendre un dernier exemple, soit aussi remercié pour l'effort qui est le sien de transformer les animaux que sont beaucoup de nos contemporains en Hommes...

Je crains que ni l'époque contemporaine (la postmodernité) (4) ni la structure politico-économique (le Système) n'est majoritairement été compris au sein de la mouvance. A cela plusieurs raisons.

1/ Les militants de base, mais aussi la majorité des cadres, au même titre que leurs contemporains du Système, lisent le plus souvent des ouvrages, seulement lorsqu'ils savent que ceux-ci vont leur plaire, oubliant les ouvrages fondamentaux qui façonnent pourtant la colonne vertébrale intellectuelle des uns et des autres. A titre d'exemple, au sein de la partie identitaire de la mouvance, « communauté et société », remarquable et incontournable ouvrage de Ferdinand Tönnies, n'a pas même été parcouru le plus souvent (5).

2/ Très récemment, au sujet des élections grecques à venir, le Front National a effectué un plaidoyer pour la victoire du parti de gauche radicale (6) là bas et de s'attirer ainsi les foudres de bien des cadres et militants de la mouvance. Si chacun sait au sein de la mouvance que le référentiel droite-gauche est obsolète, on constate donc que si le Front National se voit fustigé dès lors où à ce sujet il met ses actes en phase avec cette idée d'obsolescence.

3/ Bien des militants de la mouvance considèrent qu'une présidence de la république, hypothèse d'école, exercée par Jean-Luc Melenchon serait, d'un point de vue théorique, pire que celle pratiquée par l'actuel locataire de l'Elysée. Là encore, c'est rendre pérenne le fameux repère droite/gauche. Il ne s'agit surtout pas pour nous de considérer que plus on se situe à gauche, moins bien c'est, et réciproquement que l'avenir est à droite le plus possible : cela les tenants du Système et donc de son référentiel, le font Ainsi que l'avait analysé depuis fort longtemps Alain de Benoist, le nouveau repère est celui qui fait s'opposer le centre (de l'aile droite de l'Ump à l'aile gauche du Ps) à la périphérie (ceux qui se situent au delà). D'où l'alliance tacite entre les extrêmes, la représentation politique ne devant plus être représentée graphiquement par une segment linéaire mais bien par un cercle (7) (On comprendra alors bien mieux dans ces conditions, le soutien du Front National au mouvement grec très à gauche et hors Système. Rien de bien nouveau au demeurant : que l'on se souvienne des échanges sous Weimar entre le chef de fil communiste Radek et les nationaux-révolutionnaires allemands de l'époque. Dans le cas présent, si Melenchon critique aussi vivement l'actuel gouvernement, espérant ainsi faire fructifier son capital électoral, rien n'indique que ce soit pas justement et paradoxalement le Front National qui récolte les fruits de tous les missiles melenchonniens envoyés en direction du tandem Valls-Hollande.

4/ La mouvance, je la connais et en suis membre actif depuis 35 ans. Elle a considérablement évolué et pas dans un sens qui me satisfait, malgré les grands succès enregistrés depuis par le Front National depuis. Bien des militants aujourd'hui s'autoproclament de la mouvance sans en être. Alors que la mouvance était de type strictement politique jusqu'en 1990 (Rouges/anticommunistes) elle est devenue tout simplement raciste. Rappelons que le racisme n'est nullement incompatible avec le Système dont l'essence est pourtant – nouveau paradoxe - démo-libérale. A titre d'exemple, on peut tout aussi bien citer l'Afrique du sud d'avant l'apartheid ou plus simplement les Etats-Unis, dont la législation fut très longtemps raciste. Ce racisme, que je ne partage pas, peut bien évidemment se comprendre. Il suffirait d'accepter en France la publication de statistiques ethniques pour que les intuitions et haines de beaucoup se voient justifiées. Il n'empêche, l'immigration n'est donc nullement la clef de voûte du Système. C'est au contraire le libéralisme qui le caractérise tant d'un point de vue sociétal qu'économique ou individuel. On est donc de la mouvance (antisystème) dès lors que l'on est, condition sine qua non, anti-libéral.

5/ Je ne souhaite pas être caricatural, sachant par exemple l'atlantisme de la Sfio. Il n'en reste pas moins que longtemps, faire preuve à l'échelle mondiale de tolérance vis à vis de Moscou et du pacte de Varsovie était la marque des hommes de gauche, là où à droite on mettait majoritairement, les contemporains français en garde au sujet du danger communiste . En ce sens, le référentiel intérieur droite/gauche correspondait bien à un choix géopolitique planétaire, justifiant deux versions différentes de l'homme. D'où le titre révélateur de l'ouvrage issu de la prose de Koestler (8), peu lu dans la mouvance d'ailleurs, intitulé le zéro (l'homme) et l'infini (l'Etat). L'occident capitaliste aujourd'hui est si puissant que, non d'un point de vue théorique – la troisième voie a toujours ses raisons d'être à mon sens comme objectif - , mais d'un point de vue pratique, il faut faire un choix entre le monde libéral et ses opposants puisque aucun pays au monde ne représente notre mouvance (principe de réalité). Et, encore une fois, ces derniers peuvent être, aussi bien issus de la droite comme de la gauche,de l'obsolète référentiel.

6/ Si penseurs et philosophes sont souvent en avance sur leur temps (9), les hommes politiques viennent bien après, une fois que nécessité s'est faite loi. Il leur faut un séisme pour accepter de corriger leur tir. Nous ne devons pas espérer de la part des politiques du Système qu'ils mettent à mal le référentiel du Système qui justement leur profite. C'est ainsi que malgré la crise économico-financière de 2008, rien n'a vraiment été changé, peut être justement parce que seuls, deux déciles (10) de la population française seulement ont été touchés. On évoque aussi de plus en plus que la nomination de Macron, avec la pensée économique qui le caractérise, que chacun – à commencer par la droite - devrait se coaliser à ses côtés. C'est bien la marque, on le notera, de la fin du repère droite/gauche. Qui, aussi, ignore que les Français, peu férus de politique pourtant, on bien compris que l'alternance au pouvoir des deux couleurs politiques, savoir bleu et rouge-rose, se traduit pourtant par la mise en œuvre de la même politique ? Seulement voilà, si les hommes politiques sont en retard sur les penseurs, le peuple vient lui en dernière position, malgré quelquefois de bonnes intuitions. Les travaux en psychologie ont d'ailleurs montré que si le Peuple avait du mal à assimiler une nouvelle notion, une fois celle-ci acquise, il lui était, même une fois celle ci devenue obsolète, de l'extirper. Sachant que cela fait deux siècles – c'est beaucoup à l'échelle humaine - que l'on évoque le repère droite/gauche, il faudra très longtemps pour que le Peuple agisse et pense le nouveau référentiel venu. A moins d'un séisme que, bien sur, j'appelle d'ailleurs de mes voeux.

Michel Lhomme, qui ne cherche pas à avoir raison (11), est probablement dans le vrai.

Le Front National est peut être la première victime de ses succès, grandissants, acquis depuis trois décennies. A quoi bon, en effet, changer une équipe qui, presque naturellement gagne, et ce de plus en plus ? C'est peut être là, une explication quant au manque de formation d'excellence pour les cadres. C'est peut être aussi ce qui explique le manque de militantisme de terrain ( à quoi bon coller, tracter, faire du prosélytisme alors que fatalement « on » gagne, et ce de plus en plus ?). On ne peut faire l'impasse non plus sur le terrorisme intellectuel qui rend des plus délicats le plus dur des outing, dont les progressistes ne parlent jamais : « je suis membre du Front National et j'en suis fier ». Même s'il semble que la roue tourne …

La démarche, valorisée par Michel Lhomme, vaut son pesant d'or. L'investissement associatif, hors champ strictement politique, est payant. C'est au demeurant ainsi que les frères musulmans – nulle provocation de ma part - montèrent en puissance puis gagnèrent les élections en Egypte, simplement en distribuant vivres et médicaments au quotidien.

Je ne me remémore plus le nom de ce spécialiste contemporain (Nicolas Lebourg ?) qui faisait remarquer que l'intérêt majeur de la mouvance excentrée consistait à alimenter les grands partis (en ce qui nous concerne le Front National), en munitions intellectuelles et autres idées novatrices. Des personnalités - essayistes - comme Michel Lhomme ou Pierre Le Vigan y contribuent. En ce qui me concerne j'espère, le temps du crépuscule de ma vie advenu, que je pourrais faire mienne l'épitaphe figurant sur la tombe de Willy Brandt :

« J'ai fait ce que j'ai pu. ». 
 
Notes

(0) http://metamag.fr/metamag-2602-LE-LEURRE-FRANÇAIS---Attendre-gentiment-les-elections.html

(0 bis) http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2015/01/23/debat-5542376.html

(1) Jean-Alexandre Dieudonné : Pour l'honneur de l'esprit humain


(2) http://metamag.fr/detail-confrontation-67-L-ECRITURE-MANUSCRITE-TIRE-T-ELLE-SA-RÉVÉRENCE --Pour-ou-contre.html

(3) Dans le cas présent, je préfère ce néologisme au terme couramment employé d'utilitarisme.

(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Postmodernité

(5) Ferdinand Tönnies, Communauté et société

(6) Syriza

(7) Que l'on se souvienne de la représentation en forme de fer à cheval due à Jean Pierre Faye : Langages totalitaires.

(8) Arthur Koestler, le zéro et l'infini

(9) Que l'on songe au décalage chronologique entre les « Lumières françaises » (1725/1750) et l'advenue de la Révolution (1789 ou mieux 1787)

(10) En l'occurrence, le premier et le dernier

(11) « Volonté d'avoir raison, marque d'esprit vulgaire » Albert Camus


Article rédigé en février 2015