Quoi de plus beau, de plus sacré que le métier de boulanger ; à part,
il va sans dire, celui de charpentier, jadis exercé par le Christ ?
D’ailleurs, ne dit-on pas « bon comme le bon pain » ? Et qu’est-ce qu’un
bon copain, si ce n’est celui avec lequel on partage ce même pain ? Et
quel meilleur dessert de pauvres que ce fameux pain perdu ayant enchanté
tant de souvenirs enfantins ?
Aujourd’hui, la femme du boulanger (Jean Giono) a de quoi s’inquiéter de l’avenir de son mari, en tant que porteuse de pain (Xavier de Montépin) : un tiers des entreprises mises en liquidation sont, aujourd’hui et en France, des… boulangeries, à en croire Les Échos. Un chiffre en hausse de 15 % depuis 2013, « alors même que le nombre total de défaillances a baissé de 4 % », note notre confrère. Ça ne mange pas de pain, affirmeront certains, mais tout de même…
Ce sont donc 1.200 boulangeries artisanales qui mettent la clef sous la porte chaque année, alors qu’en 2016 n’en subsistaient encore – mais pour combien de temps ? – que 32.000. Les raisons de cette véritable boucherie, si l’on peut dire ? Les goûts d’une clientèle de plus en plus bobo-snobinarde.
Désormais, on ne va plus acheter une baguette de pain, mais une Tradigraine, une Campasine, un Pignolou aux noix, une Brignolette aux amandes ; et si possible garanti sans gluten. Eh oui, si tous les allergiques au gluten ne sont pas tous des mal-comprenants, les cons sont généralement allergiques à ce même gluten.
Très naturellement, le boulanger traditionnel du coin de la rue peine à suivre ces engouements successifs, faute de moyens financiers et du soutien des banques. Comme quoi y a décidément des pains dans la gueule qui se perdent.
Quant aux turlupins de la CNBPF (Confédération nationale de la boulangerie pâtisserie française), ils assurent « qu’un bon boulanger doit être aussi un bon gérant d’entreprise ». Bref, le tort principal des rois de la boulange consiste à être à la fois idiots d’artisans de naissance et salauds de pauvres sur le long terme.
Il est un fait que, devant la multiplication de ces pains plus haut évoqués, les enseignes industrielles de la grande distribution sont évidemment mieux armées, tel que le rappelle Matthieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie : « Ces structures ont davantage de moyens qu’un petit artisan pour fabriquer un large éventail de pains spéciaux, même sur de petits volumes, et coller aux nouveaux modes de consommation. »
Structures étant donc plus « performantes » pour affronter ne serait-ce que la hausse du prix de ce beurre indispensable à la confection des viennoiseries, lequel a doublé en près d’un an. À ce tarif, c’est au bon beurre (Jean Dutourd) de ceux qui se le font sur le dos de nos derniers boulangers indépendants.
Et c’est ainsi que, peu à peu, disparaissent commerces et vie de proximité, bistrots du coin et amicales boulistes, parvis d’églises et places de villages, épiciers et quincailliers, poissonniers et matelassiers, happés qu’ils sont par la désertification des campagnes et l’urbanisation des champs, l’invasion des centres commerciaux et des ronds-points aux dépens des centres-villes. Et nos édiles tout éberlués devant cette poudre de perlimpinpin se donnant les atours de la modernité.
Comme disait Albert Camus, nous ne sommes peut-être pas là pour refaire le monde, mais au moins pour éviter qu’il ne se défasse.
Autant dire qu’il y a du pain sur la planche.
Nicolas Gauthier
Source
Aujourd’hui, la femme du boulanger (Jean Giono) a de quoi s’inquiéter de l’avenir de son mari, en tant que porteuse de pain (Xavier de Montépin) : un tiers des entreprises mises en liquidation sont, aujourd’hui et en France, des… boulangeries, à en croire Les Échos. Un chiffre en hausse de 15 % depuis 2013, « alors même que le nombre total de défaillances a baissé de 4 % », note notre confrère. Ça ne mange pas de pain, affirmeront certains, mais tout de même…
Ce sont donc 1.200 boulangeries artisanales qui mettent la clef sous la porte chaque année, alors qu’en 2016 n’en subsistaient encore – mais pour combien de temps ? – que 32.000. Les raisons de cette véritable boucherie, si l’on peut dire ? Les goûts d’une clientèle de plus en plus bobo-snobinarde.
Désormais, on ne va plus acheter une baguette de pain, mais une Tradigraine, une Campasine, un Pignolou aux noix, une Brignolette aux amandes ; et si possible garanti sans gluten. Eh oui, si tous les allergiques au gluten ne sont pas tous des mal-comprenants, les cons sont généralement allergiques à ce même gluten.
Très naturellement, le boulanger traditionnel du coin de la rue peine à suivre ces engouements successifs, faute de moyens financiers et du soutien des banques. Comme quoi y a décidément des pains dans la gueule qui se perdent.
Quant aux turlupins de la CNBPF (Confédération nationale de la boulangerie pâtisserie française), ils assurent « qu’un bon boulanger doit être aussi un bon gérant d’entreprise ». Bref, le tort principal des rois de la boulange consiste à être à la fois idiots d’artisans de naissance et salauds de pauvres sur le long terme.
Il est un fait que, devant la multiplication de ces pains plus haut évoqués, les enseignes industrielles de la grande distribution sont évidemment mieux armées, tel que le rappelle Matthieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie : « Ces structures ont davantage de moyens qu’un petit artisan pour fabriquer un large éventail de pains spéciaux, même sur de petits volumes, et coller aux nouveaux modes de consommation. »
Structures étant donc plus « performantes » pour affronter ne serait-ce que la hausse du prix de ce beurre indispensable à la confection des viennoiseries, lequel a doublé en près d’un an. À ce tarif, c’est au bon beurre (Jean Dutourd) de ceux qui se le font sur le dos de nos derniers boulangers indépendants.
Et c’est ainsi que, peu à peu, disparaissent commerces et vie de proximité, bistrots du coin et amicales boulistes, parvis d’églises et places de villages, épiciers et quincailliers, poissonniers et matelassiers, happés qu’ils sont par la désertification des campagnes et l’urbanisation des champs, l’invasion des centres commerciaux et des ronds-points aux dépens des centres-villes. Et nos édiles tout éberlués devant cette poudre de perlimpinpin se donnant les atours de la modernité.
Comme disait Albert Camus, nous ne sommes peut-être pas là pour refaire le monde, mais au moins pour éviter qu’il ne se défasse.
Autant dire qu’il y a du pain sur la planche.
Nicolas Gauthier
Source