Olivier Marty / maître de conférences en institutions européennes à Sciences po.
L'Union européenne doit se montrer intransigeante sur le budget de l'Italie. En cas d'entêtement italien, l'Europe aurait raison d'engager une procédure pour niveau de dette publique excessif.
Le bras de fer sciemment engagé par le gouvernement italien avec Bruxelles sur la question des orientations budgétaires du pays pour 2019 interroge sur la réponse que devrait lui apporter l'Union européenne.
Entre prudence et fermeté, le choix n'est pas
aisé : une ligne dure risque de donner du grain à moudre aux
populistes ; une ligne trop conciliante décrédibiliserait les règles
européennes et affaiblirait davantage l'ensemble de l'UE. Les intérêts
européens et les velléités de destruction de l'union des populistes à
Rome plaident toutefois pour une ligne intransigeante.
Promesses démagogiques
Le
budget présenté par la coalition italienne n'est, en premier lieu, pas
dans l'intérêt des Italiens. Rempli de promesses démagogiques sans autre
logique que celle d'agréger confusément des engagements irresponsables
du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue (baisses d'impôts, revenu
universel, remise en cause de la réforme des retraites...), il ne répond
pas suffisamment aux maux structurels de l'économie italienne (faible
productivité, vieillissement de la population, qualification de la
main-d'oeuvre) et aggravera certainement la dette publique.
Dès lors, « le budget du peuple » risque tout à
la fois d'affaiblir davantage les capacités productives du pays et
d'augmenter la charge de la dette de générations déjà appauvries.
L'Union européenne doit dénoncer cette imposture !
Règles communes
Le budget italien n'est, en deuxième lieu, pas conforme aux règles budgétaires communes. Ces règles ont été intelligemment réformées ces dernières années pour maîtriser davantage la soutenabilité des dettes publiques que les simples déficits nominaux et renforcer l'effectivité des sanctions pour déficits excessifs.
Elles ont la légitimité des Etats qui les ont
approuvées. Elles font, tout comme celles qui favorisent la coordination
des politiques économiques, l'objet d'une appropriation progressive des
Etats membres, qui est elle-même de nature à déboucher sur une
politique macroéconomique commune plus efficace. Dès lors, être
permissif avec Rome serait à la fois affaiblir la crédibilité des règles
communes et remettre en cause des efforts collectifs attendus.
Risques financiers en zone euro
L'aventure
budgétaire italienne risque, en troisième lieu, de raviver des risques
financiers en zone euro. Des tensions renouvelées sur la dette publique
dégradent déjà la situation, fragile, des banques de la péninsule,
ravivant ainsi le cercle vicieux entre risque souverain et bancaire que
l'Union bancaire, encore inachevée, tente de juguler.
Cette situation peut poser la question des
capacités de sauvetage financier de la BCE et du Mécanisme européen de
stabilité et du maintien de l'Italie dans l'UE et la zone euro. Elle est
donc susceptible d'avoir des répercussions négatives sur la stabilité
financière de l'Union monétaire. Il est donc préférable d'éviter un tel
scénario en exerçant une pression précoce sur le gouvernement italien.
Quelles sanctions ?
Dans
l'immédiat, que devrait faire la Commission européenne ? Si la
perspective d'un dialogue visant à rendre le budget italien conforme aux
règles européennes d'ici à la mi-novembre échoue, l'exécutif pourra
choisir d'engager l'une ou l'autre de deux procédures concernant les
niveaux excessifs de déficit structurel ou de la dette publique de
l'Italie.
La Commission aurait intérêt à
opter pour la seconde, c'est-à-dire celle qui serait la plus rapide, la
plus intelligible et la plus punitive. Elle défendra les intérêts de
l'Union au prix de tensions sur les marchés ; toutefois, celles-ci sont
aussi plus susceptibles de faire entendre raison à Rome que les
institutions européennes.
Dans le même
temps, l'Union devrait rappeler les avantages qu'a su tirer l'Italie de
son adhésion, continuer à favoriser des mécanismes d'investissement
novateurs, et avancer sur des initiatives de redistribution permettant
de conforter sa légitimité auprès des plus modestes.