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samedi 10 novembre 2018

L'explosive polarisation des électorats

Le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis montre que le populisme n'est pas une simple « erreur » de l'histoire. Au contraire, il s'ancre, alimenté par une polarisation des votes et des esprits que l'on retrouve partout dans le monde.

Deux ans plus tard, le populisme subit une défaite. A la lumière des contradictions, des embardées, des faux pas et de la brutalité générale de la politique et de la personnalité de Donald Trump, les électeurs américains comprennent leur « erreur » et corrigent leur choix. Telle était la prédiction des démocrates. Hélas, non.  Il n'y a pas eu de « vague bleue » , la victoire est limitée.

D'abord, parce que tous les présidents subissent des reculs à mi-mandat, pas spécialement Donald Trump. Ensuite, parce que le parti républicain a conforté sa majorité au Sénat, ce qui n'était pas arrivé depuis John Fitzgerald Kennedy. Enfin, parce que le vote fait apparaître un durcissement des deux camps plutôt que la victoire de l'un sur l'autre.

Le populisme n'est pas « une erreur » qui s'évapore sitôt confronté à la réalité du pouvoir. Il n'est pas un mouvement qui s'effacera vite de l'histoire, comme on le disait, parce qu'il veut aller, justement, à l'envers de l'histoire. Au contraire, il s'ancre. Ses partisans ne renoncent pas. Les Etats-Unis sont politiquement, démographiquement et géographiquement divisés comme jamais. Le Parti républicain se conforte comme celui des hommes blancs et celui de la ruralité. Le parti démocrate compte près de 100 femmes de plus au Congrès, ses bastions sont les villes et leurs périphéries.

L'Amérique est l'exemple avancé  d'une polarisation des votes et des esprits qu'on retrouve partout. La chute du niveau de vie de la classe moyenne d'une part et d'autre part, facteur le plus important, la remise en cause des modes de vie par l'immigration et les débats « identitaires » ont creusé un gouffre séparant en deux les populations.

Les uns plaident pour la reconnaissance des droits des minorités raciales et sexuelles, pour la mixité, pour le cosmopolitisme, les autres veulent exactement le contraire et ils se réfugient dans le nationalisme. En Allemagne, lors des dernières élections régionales, la consolidation de l'AfD est allée de pair avec la remontée des Verts. Ce sont les partis centristes, ceux du compromis, qui perdent pied.

Donald Trump a incarné le virage à droite des républicains tiraillés par le Tea Party. La campagne des Midterms a montré un virage symétrique à gauche des démocrates, poussés et financés par des mouvements activistes nés après 2016. Privé de l'électorat ouvrier, le parti démocrate est désormais un amalgame d'origines diverses que soude la détestation de Trump. Un tiers de candidats à la Chambre ont été portés par le mouvement Notre Révolution lancé par le « gauchiste » Bernie Sanders.

L'immigration, thème central

Le processus de division s'accélère autour du thème central de l'immigration. Eric Kauffmann, professeur de sciences politiques à l'université de Londres, explique sa diffusion en trois temps  dans un texte publié début novembre (1). D'abord, une réaction différente des individus, l'immigration est bienvenue chez l'un, redoutée par l'autre. Puis la pression morale durcit les positions : les premiers traitent les seconds de racistes, les seconds rejettent l'accusation en dénonçant l'ignorance « politiquement correcte » des « bobos ». Enfin, la perspective d'un gouvernement arc-en-ciel unissant diversité et égalitarisme est vue comme l'avenir pour les uns, mais comme l'enfer pour les autres.

Solution ? Comme de tout temps dans l'histoire, elle viendrait du compromis. Que les libéraux reconnaissent la réalité de l'insécurité culturelle de la majorité blanche, qui sait qu'elle va devenir minorité en 2050 aux Etats-Unis et en 2090 en Grande-Bretagne (comme, sans doute, en France). Que les nationalistes admettent que leur culture et leur mode de vie ne seront que mal défendus par les murs de Donald Trump et, mieux, par l'enseignement et l'assimilation de ses valeurs.

Nous en sommes loin. Une partie des démocrates arrivent au Congrès le pistolet à la ceinture. Donald Trump n'est guère un homme de compromis, c'est le moins qu'on puisse écrire. Après s'être dit prêt à répliquer, si le Congrès multipliait les assignations, les enquêtes sur le rôle de la Russie, sur sa fortune, sur ses impôts, il a tendu la main à ses adversaires sur les sujets de la santé et des infrastructures. Le  débat interne au Parti démocrate entre les radicaux et les centristes donnera la clef. Mais les Etats-Unis sont en profondeur dévorés par la hargne. La menace de violence est générale dans les pays occidentaux.

(1) « Can anything arrest the polarization of the West ? », www.unherd.com
 
Eric Le Boucher
 
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