Le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis montre que le populisme n'est pas une simple « erreur » de l'histoire. Au contraire, il s'ancre, alimenté par une polarisation des votes et des esprits que l'on retrouve partout dans le monde.
Deux ans plus tard, le populisme
subit une défaite. A la lumière des contradictions, des embardées, des
faux pas et de la brutalité générale de la politique et de la
personnalité de Donald Trump, les électeurs américains comprennent leur
« erreur » et corrigent leur choix. Telle était la prédiction des
démocrates. Hélas, non. Il n'y a pas eu de « vague bleue » , la victoire est limitée.
D'abord,
parce que tous les présidents subissent des reculs à mi-mandat, pas
spécialement Donald Trump. Ensuite, parce que le parti républicain a
conforté sa majorité au Sénat, ce qui n'était pas arrivé depuis John
Fitzgerald Kennedy. Enfin, parce que le vote fait apparaître un
durcissement des deux camps plutôt que la victoire de l'un sur l'autre.
Le populisme n'est pas « une erreur » qui s'évapore sitôt confronté à la
réalité du pouvoir. Il n'est pas un mouvement qui s'effacera vite de
l'histoire, comme on le disait, parce qu'il veut aller, justement, à
l'envers de l'histoire. Au contraire, il s'ancre. Ses partisans ne
renoncent pas. Les Etats-Unis sont politiquement, démographiquement et
géographiquement divisés comme jamais. Le Parti républicain se conforte
comme celui des hommes blancs et celui de la ruralité. Le parti
démocrate compte près de 100 femmes de plus au Congrès, ses bastions
sont les villes et leurs périphéries.
L'Amérique est l'exemple avancé d'une polarisation des votes et des esprits
qu'on retrouve partout. La chute du niveau de vie de la classe moyenne
d'une part et d'autre part, facteur le plus important, la remise en
cause des modes de vie par l'immigration et les débats « identitaires »
ont creusé un gouffre séparant en deux les populations.
Les uns plaident pour la
reconnaissance des droits des minorités raciales et sexuelles, pour la
mixité, pour le cosmopolitisme, les autres veulent exactement le
contraire et ils se réfugient dans le nationalisme. En Allemagne, lors
des dernières élections régionales, la consolidation de l'AfD est allée
de pair avec la remontée des Verts. Ce sont les partis centristes, ceux
du compromis, qui perdent pied.
Donald Trump a incarné le virage à droite des
républicains tiraillés par le Tea Party. La campagne des Midterms a
montré un virage symétrique à gauche des démocrates, poussés et financés
par des mouvements activistes nés après 2016. Privé de l'électorat
ouvrier, le parti démocrate est désormais un amalgame d'origines
diverses que soude la détestation de Trump. Un tiers de candidats à la
Chambre ont été portés par le mouvement Notre Révolution lancé par le
« gauchiste » Bernie Sanders.
L'immigration, thème central
Le
processus de division s'accélère autour du thème central de
l'immigration. Eric Kauffmann, professeur de sciences politiques à
l'université de Londres, explique sa diffusion en trois temps dans un texte publié début novembre
(1). D'abord, une réaction différente des individus, l'immigration est
bienvenue chez l'un, redoutée par l'autre. Puis la pression morale
durcit les positions : les premiers traitent les seconds de racistes,
les seconds rejettent l'accusation en dénonçant l'ignorance
« politiquement correcte » des « bobos ». Enfin, la perspective d'un
gouvernement arc-en-ciel unissant diversité et égalitarisme est vue
comme l'avenir pour les uns, mais comme l'enfer pour les autres.
Solution ? Comme de tout temps dans
l'histoire, elle viendrait du compromis. Que les libéraux reconnaissent
la réalité de l'insécurité culturelle de la majorité blanche, qui sait
qu'elle va devenir minorité en 2050 aux Etats-Unis et en 2090 en
Grande-Bretagne (comme, sans doute, en France). Que les nationalistes
admettent que leur culture et leur mode de vie ne seront que mal
défendus par les murs de Donald Trump et, mieux, par l'enseignement et
l'assimilation de ses valeurs.
Nous en
sommes loin. Une partie des démocrates arrivent au Congrès le pistolet à
la ceinture. Donald Trump n'est guère un homme de compromis, c'est le
moins qu'on puisse écrire. Après s'être dit prêt à répliquer, si le
Congrès multipliait les assignations, les enquêtes sur le rôle de la
Russie, sur sa fortune, sur ses impôts, il a tendu la main à ses
adversaires sur les sujets de la santé et des infrastructures. Le débat interne au Parti démocrate entre les radicaux et les centristes
donnera la clef. Mais les Etats-Unis sont en profondeur dévorés par la
hargne. La menace de violence est générale dans les pays occidentaux.
(1) « Can anything arrest the polarization of the West ? », www.unherd.com
Eric Le Boucher