Y a-t-il une « fraternité des ronds-points » chez les gilets jaunes qui préfigurerait un rapprochement des extrêmes ? Chez Marine Le Pen, la question n'est plus taboue.
Quand il s'agit de répliquer au gouvernement, Jean-Luc Mélenchon n'hésite pas à aller dans le sens de Marine Le Pen. « Castaner voudrait que la manifestation soit d'extrême-droite, la vérité c'est que c'est la manifestation massive du peuple »,
dit-il samedi, alors que le ministre de l'Intérieur vient de mettre en
cause Marine Le Pen. Ne pas laisser les « gilets jaunes » être abîmés.
Et tant pis s'il y a quinze jours encore, La France insoumise se
divisait sur sa participation au mouvement, au motif qu'il était soutenu
par le Rassemblement national.
Sur
les ronds-points, deuxième angle de vue. On oublie les étiquettes
politiques, on a tous la même couleur (jaune), et tous le même slogan
« Macron démission ». Certains savent gré à Mélenchon de leur avoir
permis de ratisser large, en leur permettant de sortir d'un tête-à-tête
encombrant avec Le Pen. D'autres reconnaissent qu'un esprit de
fraternité a pu naître dans le froid de la contestation. « Il y a sur notre rond-point des gars du RN. J'ai constaté qu'on pensait au fond la même chose », s'étonne encore un insoumis (entendu sur Europe 1).
Majorités de voix
Une
convergence à l'italienne peut-elle naître sur les nouvelles
barricades ? Malgré l'ambiguïté de Jean-Luc Mélenchon au second tour de
la présidentielle, les spécialistes de l'opinion, jusqu'ici, n'y
croyaient pas. Les électorats de LFI et du RN sont trop différents, les
transferts de voix trop rares, arguaient-ils, les deux camps étant
irréconciliables sur l'immigration.
A six mois d'élections européennes sur lesquelles elle mise beaucoup, Marine Le Pen ne semble plus en faire un tabou. Son « ami »
Salvini en Italie n'a-t-il pas fait alliance avec le mouvement Cinq
étoiles ? A l'Assemblée nationale, elle a applaudi debout aux propos de
Mélenchon dénonçant une « justice politique » perquisitionnant son parti.
Lorsqu'elle évoque la future
assemblée européenne, elle n'envisage pas forcément la constitution d'un
groupe majoritaire anti-Union européenne, mais des « majorités de
voix sur des sujets précis ». « Et si dans ces voix il y en a qui
viennent de l'extrême gauche, cela ne me posera pas problème »,
dit-elle en privé. Il est vrai qu'en Italie, le mariage de l'extrême
droite et de l'extrême gauche a pour l'instant exclusivement profité à
la première.
Cécile Cornudet