La visite du président Poutine fut un événement considérable. Les deux chefs d’État ne marchèrent pas au pas militaire dans la grande galerie des Batailles, mais peu s’en fallut. Le jeune Macron a le sens du décorum et des symboles. Il faut reconnaître son autorité et sa franchise publiques face à un vieux routard de la politique slave – et du renseignement soviétique. Certes, la prolongation de leur entretien suggère que les renvois de balles furent sûrement liftés ou lobés. Résultat ? Attendons les décryptages non bogués et les applications pratiques des accords et « accords sur les désaccords »…
Quant aux déclarations altières et quasi interpellations du Président français lors de la conférence de presse, la suite dira aussi ce qu’il en résultera réellement. En particulier sa menace de réponse immédiate à une attaque d’armes chimiques.
Par qui, contre qui ? Poutine est-il complice ou responsable de toute utilisation par des parties ou factions tierces mal identifiées ? Attaquerons-nous Damas ou Moscou si une nouvelle utilisation était révélée – par des ONG occidentales impartiales, évidemment ? Gonflé par ses virées récentes dans les popotes africaines, notre chef des armées semble surinterpréter nos capacités de réaction armée et oublier le passage obligé par le sas diplomatique de la concertation internationale ou onusienne. Sur ce sujet et avant sa déclaration sans nuance, il aurait dû passer un coup de téléphone à Hollande ou Fabius, qui s’y connaissent en matière de représailles…
Mais enfin, direz-vous, quel autre événement mérite la même chronique ?
Vendredi 2 juin, Thomas Pesquet, notre ingénieux et charismatique astronaute, notre nouveau Petit Prince, quitte la station spatiale internationale – ISS – et revient sur Terre après six mois de séjour circumterrestre. Très actif sur les réseaux sociaux, il n’est quasiment jamais apparu sur les écrans médiatiques saturés par les campagnes, polémiques et autres scandales.
Quel rapport avec la visite de Poutine ? Est-ce cette similitude singulière entre leurs vols respectifs ? Trois heures et demie pour le vol retour de Poutine Paris-Moscou et idem pour la redescente sur Terre de Pesquet ? Ou bien leur initiale patronymique commune ? Il y a plus important et délicat, en la circonstance.
Depuis le retrait définitif de la navette américaine, la Russie a le monopole des transferts – et retours – d’équipages en classe spatiale, avec son vaisseau Soyouz (Союз). Imaginez qu’au cours de leur entretien, notre Président ait été par trop critique ou brutalement exigeant. Et que son invité lui ait répondu en émettant un petit chantage sur l’air de L’Odyssée de l’espace ? Façon Ainsi parlait Zarathoustra, mais en russe, évidemment… « N’oublie pas que c’est moi qui assure le retour et la remise en bon état de ton astronaute ! »
Avec un collègue et compagnon de voyage russe, ils atterriront au Kazakhstan. Certes, ce n’est pas la Russie, mais un des États de la CEI (Communauté des États indépendants) liés à Moscou. En outre, notre astronaute ne rejoindra la France qu’après une petite escale scientifique et médicale à Cologne, en Allemagne. Comme un signe amical à Angela…
Pour compléter son gouvernement avec des personnalités jeunes, dynamiques et expérimentées, le Président imagine peut-être encore frapper l’opinion et solidifier sa majorité parlementaire en débauchant Thomas de l’ESA (European Space Agency/Agence spatiale européenne) pour en faire un ministre. Pourquoi pas de la recherche et de l’enseignement – très supérieur, quitte à remercier la titulaire Frédérique Vidal, peu connue du grand public ?
Alors, toutes les précautions diplomatiques et très confidentielles étaient bien nécessaires en l’occurrence…
Henri Gizardin
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