L’année 2017 sera celle de la démocratie débridée en Europe. Du Liechtenstein le 5 février à la République tchèque le 20 octobre, ce seront 28 élections présidentielles, législatives, régionales ou par voie de référendum, qui seront tenues en Europe. Sans compter l’Italie qui souhaite anticiper ses élections législatives de 2018 en même temps que les élections allemandes (dixit Mateo Renzi) du 24 septembre !
Quelle débauche démocratique encore jamais vue en Europe, comme si la course aux consultations électorales pouvait résoudre les problèmes et problématiques qui secouent l’Europe avec de plus en plus d’acuité. En outre, les résultats d’élections parfois répétés laissent des États sans possibilité de gouvernement : l’Irlande sans gouvernement depuis mars, les Pays-Bas dont les négociations d’après élections n’en finissent pas, la Grande-Bretagne avec une Première ministre fragilisée et contestée. Ailleurs, des coalitions gouvernementales hétéroclites sont constituées, parfois avec les partis dits « populistes » en progression dans la plupart des pays européens (Bulgarie, Norvège, Finlande, Pologne). Enfin, la hausse générale du « parti des abstentionnistes » complète le panorama de la réalité démocratique en Europe (comme aux USA, « père de la démocratie » d’ailleurs).
Devant une telle situation de l’Europe, on ne peut que rester rêveur ou sceptique sur les ressorts et les finalités des consultations démocratiques : élections à répétition, abstention, représentativité médiocre et décalée, coalitions précaires, les pays européens sont déstabilisés sur fond de dégradation économique et sociale et de mondialisation inadaptée aux structures de l’Europe et dans laquelle les pays européens s’embourbent. Sauf l’Allemagne qui surnage grâce à sa position dominante en Europe dont elle affaiblit encore les économies par son hégémonie.
Que valent alors des élections politiques quand les puissances internationales économico-financières sont devenues à part entière les véritables dirigeantes des peuples européens (et d’une grande partie du monde aussi).
La médiocrité démocratique ne peut que les réjouir et donc ne troubler vraiment personne malgré les larmes de crocodiles abondamment versées par nos élites. Le matraquage démocratique est en réalité la traduction en forme de trompe-l’œil d’une survivance de la souveraineté populaire affirmée depuis plus de mille ans et traduite comme un dogme par la philosophie politique. La culture de l’« immédiateté », le culte de l’« apparence » et de l’« image », des « slogans » simplificateurs, le triomphe de l’individualisme, ont fait de la démocratie un décor de carton-pâte, et des peuples européens des villages Potemkine du XVIIIe siècle.
Trop de démocratie apparente tue la démocratie réelle. L’Europe légale n’est pas l’Europe réelle. D’autant qu’il faut superposer à ces contextes nationaux dévoyés, le parangon moderne de la démocratie représenté par l’Union Européenne, autre étalage des distorsions fondamentales entre les peuples et les élites européennes qui cherchent à se « réformer pour mieux répondre aux aspirations des peuples »,
paraît-il… Il faut comprendre ici une nouvelle démarche de travestissement démocratique constituant un nouvel écran de fumée suffisamment convaincant (on compte sur la presse européenne pour le valoriser) pour gagner du temps par une piqûre de rappel d’anesthésie populaire.
« Élections, piège à cons » proclamaient les slogans de mai 1968 : « Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours », écrivait Lamartine. Rien n’a changé. Au contraire.