Mais surtout doit-on se garder de se fier aux dirigeants qui, à l’instar de la chauve-souris et des deux belettes de la fable, s’aviseraient de s’écrier, selon les cas :
« Je suis Oiseau : voyez mes ailes ;
Vive la gent qui fend les airs !
Je suis Souris : vivent les Rats ;
Jupiter confonde les Chats ».
Il en va ainsi de Donald Trump dont le patronyme, de ce côté-ci de l’Atlantique, fournit d’amples occasions à plaisanteries aimables ou à détournements parodiques non moins drolatiques. Nous ne résisterons donc guère à l’irrépressible envie de succomber au pastiche, tant il est vrai que le canard de Washington (ne se prénomme-t-il pas Donald ?) se prendrait désormais, selon certains, pour un éléphant qui « trump » énormément.
Il bruisse, en effet, dans les corridors feutrés des ambassades et autres plateaux de télévisions, l’intention du Bureau ovale de reprendre les négociations du TTIP (traité transatlantique de commerce et d’investissement).
C’est, en tout cas, ce que laisse clairement entendre Wilbur Ross, secrétaire d’État américain au commerce qui estime « sensé de continuer les négociations du TTIP et de trouver une solution qui augmente le volume total des échanges tout en réduisant le déficit commercial [des États-Unis] », prenant soin d’ajouter que « ce n’est pas un hasard si nous nous sommes désengagés du TPP [l’accord de partenariat transpacifique], mais pas du TTIP ». Déjà, en mars dernier, le ci-devant représentant américain auprès des institutions européennes, Adam Shub, exprimait, selon ses termes, son « entier désaccord avec l’idée que le TTIP [soit] mort ». Le même précisait que si « le TTIP a été mis au frigo » c’était en raison du « contexte » des élections américaines fin 2016, mais aussi des élections néerlandaise, française et allemande de 2017, soulignant, par ailleurs, que « ce n’était pas le meilleur climat pour […] poursuivre une négociation commerciale impopulaire comme le TTIP ».
À vrai dire, seuls les candides seront surpris par ce qu’ils qualifieront de « revirement » ou de « changement de pied » de la politique commerciale américaine, lors même, justifieront-ils, que Trump n’aurait cessé de trompeter sa ferme volonté protectionniste. Et Dieu sait que de ses ingénus, il s’en trouve à pleines pelletées dans le camp souverainiste comme dans celui des insoumis mélenchonistes pas mécontents que le Grand Sam lâche un peu la grappe de l’Europe.
Là encore, ce serait oublier à peu de frais que les États-Unis, quel que soit le chef de l’exécutif, ont toujours âprement défendu, presque sans coup férir, c’est-à-dire par le seul éclat de leur puissance, leurs intérêts propres, selon l’inoxydable et immuable précepte que ce qui est bon pour Dallas ou la Silicon Valley est bon pour le reste du monde, à commencer par le vieux continent.
En l’occurrence, le « protectionnisme » dans l’esprit de Donald Trump n’impliquait nullement celui des autres pays du globe et encore moins celui de l’Union européenne. L’actuel chef de l’État américain s’en tenait, évidemment, à la situation de son pays et si le treizième cycle des négociations entamées par son prédécesseur Barack Obama en avril 2016 a pu être interrompu en raison du calendrier électoral, aucun indice réel et sérieux ne laissait présager qu’elles seraient empêchées de reprendre leur cours une fois le processus électoral achevé.
Bref, à l’évidence, nombreux sont ceux qui eurent tôt fait de prendre leurs désirs pour des réalités…
En revanche, comme une mine explosant sans bruit, la surprise est venue du Tribunal de l’UE qui, par un arrêt du 10 mai 2017, a annulé la décision de la Commission européenne refusant l’enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne européenne intitulée « Stop TTIP » (ayant rassemblé 3,2 millions de personnes) demandant l’arrêt des négociations du TAFTA et la non-signature du CETA (accord UE-Canada). En substance, le Tribunal a considéré que « le but poursuivi par l’initiative citoyenne européenne est de permettre aux citoyens de l’Union de participer davantage à la vie démocratique de l’Union ».
Il est un fait que le vent du boulet populiste a incontestablement soufflé aux oreilles des élites judiciaires et politiques européennes. Pour autant, notamment pour ce qui concerne la France, la menace du TTIP est loin d’être conjurée, le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, n’ayant jamais caché ses intentions libres-échangistes. Il est donc légitimement à craindre que ce dernier embouche des « trumpettes » sonnant bien plus mélodieusement aux oreilles de Washington qu’à celles du bon peuple françois.