Tribune au vitriol de Jean-Marie Le Méné dans Valeurs Actuelles :
"La rentrée politique sera une homélie.
Quand on débattra de la loi de bioéthique, nous aurons droit aux
versets de la Révélation moderne. L’homme ne vient de nulle part et ne
va nulle part. Il n’a ni ascendance ni descendance. D’ailleurs, il n’est
rien, il se choisit et se crée à chaque instant, homme, femme ou autre
chose. Issu d’un être embryonnaire qui n’est pas respectable,
l’homme est promis à devenir un être grabataire qui ne sera plus
respecté. Entre la sélection prénatale et la sélection terminale,
l’homme moderne progresse sous l’étendard de l’avortement, de
l’euthanasie et de l’optimisme. Ses parents seront achevés et ses
enfants fabriqués, mais l’homme moderne est content. « Toutes les
guerres depuis le Déluge ont eu pour musique l’optimisme. Tous les
assassins voient l’avenir en rose, ça fait partie du métier. Ainsi
soit-il » écrivait Céline.
On dira que j’exagère. Pourtant les
hérauts habituels ont déjà trompeté de Grands Bonds en Avant. Sous peu,
on fabriquera des embryons humains transgéniques, par clonage, en
mélangeant trois ADN, on fera des essais d’homme, pour voir, pour
tester, pour crâner, on créera aussi des chimères homme-animal pour la
gloire de la cuistrerie et la jubilation du marché, on passera en pertes
des milliers d’embryons sous-calibrés, avant de triompher avec la
matrice artificielle qui livrera sous cellophane des humanoïdes
garantis.
Que les transhumanistes nous épargnent
leurs spéculations de bazars. Leurs nouveautés sentent la naphtaline.
Non l’homme n’est pas une machine, on ne peut pas le débrider comme un
moteur de mobylette, non il ne devient pas meilleur grâce au Progrès,
non la science ne va pas le transformer en demi-dieu, non les hommes ne
vont pas s’aimer demain comme des frères parce qu’on aura aboli les
maladies, la pauvreté et les différences, interdit le tabac, l’alcool et
les animaux de cirques, qu’on aura fait disparaître les frontières des
cartes, les races de la Constitution et les regards appuyés des coins de
rue.
L’homme ne change pas, c’est une fable.
Il est toujours capable d’admiration, une aptitude qui le fait homme.
Regardez l’élégance, l’ingéniosité et la force dont le monde végétal
entoure sa reproduction. Les fruits de l’érable dotés d’ailes
d’hélicoptères sont capables de se poser en douceur à des centaines de
mètres de l’arbre. Les fruits du pissenlit, munis de leurs parachutes
soyeux, peuvent être disséminés par le vent sur des distances allant
jusqu’à 10 km. Les graines du lotus sacré détiennent le record de
longévité : des savants ont fait germer une graine datant de 1 300 ans.
Les séquoias géants résistent au feu grâce à leur écorce et les
enveloppes qui contiennent les graines ne s'ouvrent qu'après avoir été
exposées à une chaleur caniculaire ou à un feu de forêt. Le monde qui
nous entoure ne change pas non plus et sa manière de se reproduire nous
inspire un infini respect.
L’enchantement du réel nous aide à ne pas devenir fous. La permanence du monde nous guérit de « la dégradante obligation d’être de son temps »(Hannah Arendt)."