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samedi 22 octobre 2016

Rébellion 76 : Afrique et Europe même combat !


Nouveau numéro, nouvelle formule
  Au sommaire du numéro 76 de Rébellion :

Editorial : Reconquérir la Politique

Actualité : Considérations sur Daesh par D. Gorteau.

Sur l’Extrême Gauche et l’Islam : la faucille et le Croissant par Franck Canorel

Dossier : Afrique et Europe, des parallèles qui bousculent bien des idées reçues…
Rebellion
Le Panafricanisme en quelques questions par la ligue Umoja.

Entretien avec Patrice Mbeko : géopolitique africaine et panafricanisme.

Culture : Promesses et déception d’un cinéma africain subversif par Dany Colin

Livre : « Ten German bombers in the air  » – Chronique du livre de Serge Gadal  » théorie américaine du bombardement stratégique » par Florian Lejault.

Commande 4 euros (port compris)

Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 TOULOUSE cedex 02

Mossoul: Bonne coordination entre Moscou et Bagdad



Alors que la Turquie hausse le ton pour trouver une place dans la bataille à Mossoul et Ninive, Moscou a déclaré qu’elle ne peut garder les bras croisés, par crainte de voir les miliciens de Daech passés vers l’Est de la Syrie.
 
L’Etat-major russe a averti que l’assaut de l’armée irakienne sur Mossoul, « ne doit pas aboutir au transfert des terroristes de Daech de l’Irak vers la Syrie ».


A ce propos, le général russe Valery Girasimov a estimé que l’offensive contre Mossoul « n’a pas effectivement commencé ». Il a dit espérer que « nos partenaires  de la coalition internationale sont conscients de ce qui peut arriver à ces groupes armés pendant leur débandade ».

Selon le général russe, « les satellites militaires surveillent la situation à Mossoul, tout comme une dizaine de drones et d’avions de surveillance ».

Bonne communication entre Bagdad et Moscou

Entretemps, et deux jours après l’appel téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre irakien Haydar Abadi, une source proche du gouvernement irakien a qualifié de « bonnes » les communications actuelles entre les deux pays.

S’exprimant pour le journal libanais al-Akhbar, cette source a fait état d’une « coordination des efforts au sujet de la fuite de miliciens de Daech en Syrie. Moscou ayant proposé toutes sortes d’aides ».
A ce propos, le membre de la commission de sécurité parlementaire irakienne Majed Gharraoui, a souligné que « la Russie fournit à l’Irak des images sur les déplacements de Daech, mais sans qu’il n’y ait pour autant de coordination organisée ».

Passages sûrs à Daech

En effet, Moscou surveille de près les opérations contre Daech à Mossoul. Rapportant les propos d’une source militaire russe, l’agence de presse russe Sputnik a révélé que « les services de renseignements américains et saoudiens se sont mis d’accord pour assurer une sortie sûre aux miliciens de Mossoul avant le début des opérations de la coalition internationale ».

Avancée de l’armée irakienne

Sur le terrain, les forces irakiennes ont avancé sur l’axe al-Hod, alors que la police fédérale a achevé sa mission sur l’axe al-Chor.
Pendant ce temps, les forces irakiennes poursuivent leur avancée vers Qaraqosh, la plus grande région chrétienne du pays. Elles ont pénétré dans ses banlieues, situées à 15 km au sud-ouest de Mossoul.


Par ailleurs, les peshmergas kurdes ont avancé vers le village Bartala à 21 km à l’Est de Mossoul, alors que le membre du conseil de la province de Ninive, Houssam Abbar, a confirmé que les forces kurdes sont à 9 km du centre de la ville de Mossoul du côté de Khazir, soulignant que ces forces s’arrêteront à Bashiqa, donnant le relais au « service de lutte antiterroriste pour entrer au centre-ville à partir de cet axe ».

 Abadi à Ninive

Par ailleurs, le Premier ministre Haydar Abadi s’est rendu aux régions libérées  dans la province de Ninive. Il a visité les forces sur les fronts et les a rassurées que la bataille de libération de Mossoul va bon train, la qualifiant de bataille clé contre le terrorisme. Il a appelé les combattants à la vigilance face aux plans ourdis par Daech.

Source: traduit du site al-Akhbar

Tocqueville face à la théorie du complot






Nicolas Bonnal

 

Personne n’a expliqué le monde dit moderne et les siècles démocratiques mieux qu’Alexis de Tocqueville. On peut se demander alors ce que ce grand esprit terrassé par le césarisme plébiscitaire de Badinguet (qui stérilisa l’esprit français, en particulier l’esprit aristocratique) pouvait penser de la théorie du complot pour expliquer l’histoire. Or il n’y a pas à se le demander, car il a bien répondu sur ce point dans sa correspondance, à un ami, le sympathique marquis de Circourt, qui lui parlait de l’inévitable et fastidieux jésuite Barruel, auteur du pensum sur les conspirations maçonniques et illuminées pendant la révolution (dans le genre je préfère Robison ou le Napoléon de Walter Scott).

Sur la gesticulation politique au XIXe siècle, Debord avait écrit dans ses beaux Commentaires :

La « conception policière de l’histoire » était au XIXe siècle une explication réactionnaire, et ridicule, alors que tant de puissants mouvements sociaux agitaient les masses (1). »
Tocqueville n’a donc pas lu le légendaire et sulfureux Barruel ; et d’expliquer pourquoi :
« J’en ai toujours été détourné par l’idée que celui-ci avait un point de départ essentiellement faux. Sa donnée première est que la révolution française (il est permis de dire aujourd’hui européenne) a été produite par une conspiration. Rien ne me paraît plus erroné (2). »
Il fait immédiatement une concession rhétorique d’usage (relisez Schopenhauer et son Art d’avoir toujours raison, qui est, dirait Allais, à se tordre) :
« Je ne dis pas qu’il n’y eût pas dans tout le cours du dix-huitième siècle des sociétés secrètes et des machinations souterraines tendant au renversement de l’ancien ordre social. Au-dessous de tous les grands mouvements qui agitent les esprits se trouvent toujours des menées cachées. C’est comme le sous-sol des révolutions. »
Mais Tocqueville rappelle l’essentiel. L’essentiel est qu’il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne. Les Français voulaient que ça saute, comme aujourd’hui ils veulent que Juppé succède à Hollande, trop timide pour accueillir les réfugiés et faire la guerre à la Russie (ce sera leur manière d’être cool et révolutionnaire en 2017 aux bobos).
« Mais ce dont je suis convaincu, c’est que les sociétés secrètes dont on parle ont été les symptômes de la maladie et non la maladie elle-même, ses effets et non ses causes. Le changement des idées qui a fini par amener le changement dans les faits s’est opéré au grand jour par l’effort combiné de tout le monde, écrivains, nobles et princes, tous se poussant hors de la vieille société sans savoir dans quelle autre ils allaient entrer (3). »
Mais… Car il y a un mais.
Nous ne supportons pas cependant ce déclin séculaire de l’histoire, mise au service de ce que Bernanos nomme le « gueuloir de la presse ». Nietzsche parle lui dans la deuxième considération inactuelle du carnaval et de trivialité du présent appliquée au passé ; c’est déjà la fin des humanités.
La crise de la science historique n’échappa pas à notre auteur – et là je cite la bible américaine du maître, quand Tocqueville souligne les limites de la science historique contemporaine :
« Les historiens qui vivent dans les temps démocratiques ne refusent donc pas seulement à quelques citoyens la puissance d’agir sur la destinée du peuple, ils ôtent encore aux peuples eux-mêmes la faculté de modifier leur propre sort, et ils les soumettent soit à une providence inflexible, soit à une sorte de fatalité aveugle (4).»
Et Tocqueville ajoute, inquiété par cette vision tronquée de l’histoire qui dénie à l’homme son rôle sur sa vie, homme conditionné par Darwin puis par les sciences sociales :
« On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite. »
Notre écrivain ajoute dans le même chapitre :
« Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens en Turcs (5). »
Aurait-il prévu l’islamisation euphorique et surtout volontaire de notre vieille Europe ? C’est l’historien de l’Espagne Stanley Payne qui, désespéré par l’anesthésie de cet ancien grand peuple, dénonça la torpeur de ces temps post-historiques. Raison de plus pour rendre hommage à la nouvelle révolution américaine menée par Rocambole Donald Trump !!
  1. Debord, Commentaires, XX
  2. Tocqueville, correspondance, A M. LE COMTE DE CIRCOURT, Tocqueville, 14 juin 1852.
  3. Ibid.
  4. De la Démocratie en Amérique II Première partie CHAPITRE XX
  5. Ibid.

Le gouvernement ne peut pas se permettre un conflit avec la police








Julia Pascual, journaliste au « Monde » et spécialiste de la police, a répondu à vos questions sur les mobilisations nocturnes des forces de l’ordre.

Les manifestations nocturnes de policiers se sont multipliées cette semaine, suite à l’agression de quatre fonctionnaires le 8 octobre à Viry-Châtillon (Essonne) ; l’exécutif tente de reprendre la main et de répondre aux attaques de l’opposition. Après des rassemblements dans la nuit de mercredi à jeudi à Paris, Toulouse, Bordeaux, Nancy, Toulon, Nice, Marseille et Lyon. Près de 500 policiers se sont encore mobilisés, dans la nuit de jeudi 20 à vendredi 21 octobre, place du Trocadéro, dans le 16e arrondissement de Paris, ainsi qu’à Bobigny (Seine-Saint-Denis), Evry (Essonne), Toulouse, Carcassonne, Bordeaux, Montpellier ou Brest. François Hollande a annoncé qu’il recevrait les syndicats de policiers en « début de semaine ». Julia Pascual, spécialiste des questions liées à la police, a répondu à vos questions.

Matou : Quelles sont les revendications des policiers ?

Julia Pascual : Les revendications sont multiples. Elles concernent les questions de moyens (matériel, locaux, effectifs…) mais pas seulement. Les policiers qui manifestent sont critiques à l’égard des syndicats, de la classe politique, de leur hiérarchie et du système judiciaire. Le point de départ, ne l’oublions pas, est l’attaque d’agents à Viry-Châtillon. Les policiers expriment aussi un ras-le-bol par rapport aux violences qu’ils subissent.

Histoire08 : Pourquoi la police était-elle la seule à manifester sa colère ? Les gendarmes exercent-ils dans des conditions différentes ? Merci.

Julia Pascual : La police et la gendarmerie représentent les deux forces de sécurité intérieure. Mais restent de corps distincts. En outre, les gendarmes ont le statut militaire et, à ce titre, n’ont pas le droit de se syndiquer. Ils peuvent néanmoins partager certaines frustrations avec les policiers. Je pense notamment à l’image répandue d’une justice trop laxiste vis-à-vis des délinquants. Ou au manque de moyens matériels. Comme les policiers, les gendarmes peuvent se plaindre par exemple d’avoir un parc automobile trop vétuste.

Rosy : Bonjour. Comment expliquez-vous le fait que M. Cazeneuve, généralement très prudent dans ses propos, a pu parler de « sauvageons » pour qualifier l’agression à Viry-Châtillon, contribuant ainsi, pour une part, à déclencher le mouvement de colère des policiers ?

Julia Pascual : Je ne suis pas sûre que cela ait beaucoup joué sur le déclenchement de la colère. La violence particulièrement grave de l’agression de Viry-Châtillon suffisait amplement, à mon sens, à faire l’effet d’une étincelle. Les ministres de l’intérieur sont dans leur rôle politique attendu lorsqu’ils prennent la défense des forces de l’ordre. On l’a vu par exemple pendant les manifestations contre la loi travail, émaillées d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. A quelques mois de l’élection présidentielle, le gouvernement ne peut enfin pas se permettre d’un conflit qui dure avec la police.

Léo : Pourquoi l’Etat n’intervient pas face à ces manifestations « sauvages » où les policiers sont armés, avec des cagoules ? Quand ce sont des jeunes, des précarisés, l’Etat envoie les CRS

Julia Pascual : Les manifestations de policiers ne sont pas déclarées, mais les autorités dépêchent des dispositifs de sécurisation. A Paris par exemple, hier soir, les gendarmes mobiles ont stoppé l’avancée des policiers à quelques mètres du palais de l’Elysée et de la place Beauvau. Par rapport au fait que des policiers soient avec leur arme de service, ou se soient déplacés en uniforme et avec leur véhicule administratif, c’est précisément ce qui a déclenché une condamnation par le directeur général de la police nationale et l’ouverture d’une enquête administrative. Cela est contraire aux obligations statutaires : les policiers n’ont pas le droit de grève. Ils peuvent se mobiliser, mais en dehors de leur service. Il n’en demeure pas moins que, compte tenu de la sensibilité de cette crise pour le gouvernement, celui-ci n’a pas intérêt à trop taper du poing sur la table. Il préfère jouer la carte de l’apaisement et de la compréhension pour éteindre au plus vite l’incendie.

Delphine : Bonjour. Droite et gauche s’envoient des chiffres à la figure, sur le nombre de postes supprimés, et créés. Qui a raison ?

Julia Pascual : Il y a bien eu, sous le précédent quinquennat, de l’ordre de 13 000 suppressions de postes, soit 7 000 dans la police et 6 000 dans la gendarmerie. C’est le résultat de la révision générale des politiques publiques. Le gouvernement socialiste a mis fin cette « hémorragie », compte tenu des attentats et de la persistance de la menace terroriste notamment. A la fin du quinquennat de François Hollande, le niveau des effectifs de 2007 ne sera pas pour autant retrouvé.

Laurent : On entend régulièrement des policiers-politiques demander le changement des règles d’utilisation de leur arme. On nous explique que les policiers vivent la violence au quotidien, et que la loi sur la légitime défense ne convient pas pour les policiers. Mais quels changements souhaitent-ils exactement ?

Julia Pascual : Les policiers expriment souvent une crainte, celle de se voir reprocher et poursuivis pour avoir utilisé leur arme en dehors des règles. Cela justifie qu’ils demandent une réforme de la légitime défense. Sur ce sujet, vous pouvez lire cet article des Décodeurs.

Manon : Pourquoi les policiers parlent-ils de la violence qu’ils subissent quand les témoignages sur les humiliations qu’ils exercent dans les quartiers populaires se multiplient et quand leur impunité semble flagrante (Rémi Fraisse, Zyed et Bouna…) ?

Julia Pascual : L’un n’empêche pas l’autre. Le « malaise policier » est un peu consubstantiel à la police, et il se nourrit notamment du sentiment de désamour que les agents éprouvent face aux accusations de violences policières et aux violences concrètes qu’ils essuient, notamment dans certains quartiers ou lors des manifestations contre la loi travail. La France se distingue d’ailleurs de ses voisins européens par cet aspect : nous avons une population particulièrement méfiante vis-à-vis de sa police et l’inverse est aussi vrai. La police française se méfie particulièrement des citoyens. Cette défiance ne contribue certainement pas à un apaisement des rapports. Les raisons structurelles à cela sont nombreuses, difficiles à résumer dans ce chat, mais elles tiennent notamment de l’étatisation de la police française, du recrutement des policiers, du style de police plus axé sur l’anticriminalité que sur la prévention…

Jean-robu : Quels sont les syndicats qui encouragent ces mouvements ?

Julia Pascual : Globalement, aucun syndicat ne dénonce brutalement l’actuel mouvement. Ils n’ont certainement pas envie de montrer qu’ils ont « perdu la main ». Pourtant, c’est aussi une défiance à leur égard qui s’exprime ces jours-ci. Si l’on entre un peu plus dans le détail, on peut dire que l’actuelle grogne provient principalement des policiers de la « base », c’est-à-dire des gardiens de la paix qui exercent en sécurité publique. Du coup, les syndicats de gardiens de la paix (Alliance, Unsa, Unité SGP Police FO) sont plus actifs pour essayer de soutenir la grogne – et de la traduire en revendications matérielles devant le pouvoir politique – que les syndicats d’officiers et de commissaires. Ces derniers sont toutefois présents dans le débat aussi.

Folivao : A-t-on des nouvelles sur les appels à manifester en soutien des policiers de la part de certains groupes se disant « patriotes » ?

Julia Pascual : Je n’ai pas à cet instant d’information précise là-dessus. Ce qu’on peut dire néanmoins, par rapport notamment au rôle prétendu du Front national dans le déclenchement de la colère, c’est que, sur le terrain, lors des rassemblements, les policiers réfutent tous cette idée. Indépendamment de la sympathie qu’ils peuvent manifester pour le parti de Marine Le Pen, le fait d’être descendu dans la rue est assez spontané. Et lié à l’attaque de Viry-Châtillon.

Tom : Bonjour, pourrait-on avoir des chiffres quant à l’augmentation des violences sur le corps policier, comparé à l’évolution des violences par le corps policier. Aussi, existe-t-il des chiffres précis quant au taux de mortalité chez la police, en comparaison d’autres métiers (pécheurs, éboueurs, cordistes…) ? Merci pour vos éclairages

Par rapport aux violences contre les policiers, je vous suggère de lire cet article qui propose des chiffres de 2015. Près de 12 388 policiers ont été blessés en 2015, un nombre en baisse de 0,6 % par rapport à 2014, avec toutefois davantage de blessés parmi les policiers assurant des missions de sécurité publique.

André Etchegarai : Sommes-nous vraiment censés croire les policiers qui affirment qu’aucun syndicat ou parti n’organise ce mouvement en sous-main ? Je veux bien croire à un mouvement spontané dans un commissariat isolé, mais un mouvement spontané à l’échelle d’un pays, en période électorale de surcroît, ce n’est pas crédible selon moi. Et donc du coup, qui est à la manœuvre ?

Julia Pascual : Une fois de plus, je ne pense pas qu’il faille voir une quelconque manœuvre. Le mouvement est né de l’attaque de Viry-Châtillon. Les premiers policiers à s’être rassemblés venaient justement d’Evry, en Essonne, et ont rejoint les Champs-Elysées à Paris. Il ne faut pas oublier que la police est une institution où il existe un fort corporatisme, une identité professionnelle et collective très forte, qui peut expliquer les rassemblements en solidarité qui essaiment dans plusieurs villes de France.

Le Monde

«Lobbies sionistes»: les propos de Poisson condamnés chez Les Républicains




Jeudi 20 octobre, le candidat du Parti chrétien-démocrate a évoqué la proximité d’Hillary Clinton avec les «lobbies sionistes». Une déclaration condamnée chez Les Républicains.
Pourfendeur de «l’idéologie mai 68», de la «banalisation de l’avortement» et du mariage gay, Jean-Frédéric Poisson affiche depuis le début de sa campagne une porosité idéologique avec le Front National. Lui qui veut «en finir avec le cordon sanitaire autour du FN», était venu lors du débat du 13 octobre en compagnie de Karim Ouchikh, membre du Rassemblement Bleu Marine et partisan d’un rapprochement entre la droite et l’extrême droite. Le successeur de Christine Boutin tiendra aussi début décembre à Paris un meeting commun avec de nombreuses figures la «droite hors les murs». Il figurera donc aux côtés de Robert Ménard, Philippe de Villiers, Karim Ouchikh ou encore Christian Vanneste, comme l’explique France Info.

Une interview donnée à Nice Matin jeudi sème une nouvelle fois le trouble chez Les Républicains. Jean-Frédéric Poisson y affirme que «la proximité de (Hillary) Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France».

Ces allégations sont vivement condamnées chez Les Républicains. Nathalie Kosciusko-Morizet, la candidate la plus éloignée sur le plan politique de Jean-Frédéric Poisson dans cette primaire a annoncé jeudi soir qu’elle saisirait ce vendredi «la Haute Autorité de la primaire». Elle dénonce des «thèses complotistes» et de «l’antisémitisme» dans ces propos.

Une saisine que Thierry Solère n’a pas attendue. Le patron de la primaire a indiqué sur BFMTV jeudi après-midi que la question serait à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la commission d’organisation de la primaire de la droite qu’il préside le 26 octobre. «En tant que député de Boulogne/Boulogne-Billancourt, je condamne avec la plus grande force les propos de Jean-Frédéric Poisson», a expliqué le soutien de Bruno Le Maire. Selon l’élu francilien, cette expression «nourrit les thèses conspirationnistes et a un caractère insidieusement antisémite». Le député francilien estime que «dans notre pays, l’évocation du ‘lobby sioniste’ n’a pas la même signification qu’aux États-Unis».

Le candidat qu’il soutient, Bruno Le Maire, a profité de son passage sur le plateau de l’Émission Politique de France 2 jeudi soir pour condamner ces propos. «Il y a dans notre pays des actes antisémites qui vont jusqu’à l’assassinat et je ne comprends pas qu’on puisse tenir de tels propos. Je le condamne et ce sera aux électeurs de juger», a asséné le député de l’Eure.

Avant la droite, le Conseil repésentatif des institutions juives de France (Crif) avait aussi demandé «une condamnation ferme des propos» du successeur de Christine Boutin qui «se place en dehors du cadre de la primaire et s’installe aux côtés d’un Alain Soral ou d’un Dieudonné, dont il épouse les thèses», selon son président Francis Kalifat.

«De me traiter de la sorte, je ressens comme une injure, au fond», a répliqué Jean-Frédéric Poisson. Interrogé par France Info, Le candidat à l’investiture de la droite a regretté que ses propos «aient pu provoquer une sorte d’émotion au sein du Crif». «J’en suis désolé, parce que ce n’était évidemment pas mon intention, et je veux redire ici toute l’amitié que j’ai pour l’État d’Israël et pour le peuple juif dans son ensemble», a tenu à clarifier l’ancien maire de Rambouillet. Le candidat n’y voit «aucune espèce de thèse conspirationniste» car «il existe bien des groupes de pression sionistes qui agissent aux États-Unis» selon lui.

Dans un communiqué envoyé ce vendredi après midi, le chrétien-démocrate ajoute: «Je regrette infiniment que ces mots aient pu être interprétés comme de la haine à l’égard du peuple juif ou de l’Etat d’Israël: cette haine m’est totalement étrangère, je la combats, et je condamne, comme je l’ai toujours fait, l’antisémitisme tout autant que l’antisionisme.»

Le Figaro

Piero San Giorgio ce soir sur Méridien Zéro

Ce soir, Méridien Zéro vous propose un entretien avec un vieil ami de la radio, en l’occurrence Piero San Giorgio, pour évoquer son dernier ouvrage NRBC. Survivre aux événements nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimique, paru aux éditions du Retour aux sources. Ce sera l’occasion pour nous de revenir sur les événements de ces derniers jours et de revenir sur la notion d’effondrement.

Piero San Giorgio, de son vrai nom Piero Falotti, né en 1971 à Milan (Italie), est un auteur suisse, souvent catégorisé comme survivaliste, qui s’est fait connaitre du public par son premier livre Survivre à l’effondrement économique.

Piero San Giorgio considère que l’effondrement économique est pour bientôt et que ses conséquences seront telles que la meilleure solution sera de développer une Base autonome durable (BAD), qui doit permettre une vie (et non une survie) autonome et durable grâce à ces sept critères :
  • L’eau ;
  • La nourriture ;
  • L’hygiène et la santé ;
  • L’énergie ;
  • La connaissance ;
  • La défense ;
  • Le lien social.
Il a donné et donne des centaines de conférences sur ce thème, ciblées grand public et ouvertes à toutes et à tous, et aussi pour des associations, notamment l’association française Égalité et Réconciliation, des mouvements politiques alternatifs tels que le Centre royaliste d’Action française, des universités (Université de Lausanne4) et diverses institutions. Il a lui-même créé sa BAD dans les montagnes suisses.

Selon son site web, Piero San Giorgio fait aussi du conseil à des entreprises et particuliers sur comment se préparer à l’effondrement économique. Toujours selon son site web, il demande d’être payé en or (une once par jour de conseil), même s’il lui arrive de conseiller gratuitement les personnes aux revenus modestes.

Son premier livre sorti en octobre 2011 est édité aux éditions Le Retour aux Sources et a dépassé les 20 000 exemplaires vendus en 20125. La version de ce livre en anglais, Survive: The economic collapse, éditée aux éditions Washington Summit6 est sortie en novembre 2013. La version de ce livre en italien, Sopravvivere al collasso economico, est sortie en début 2015 aux éditions Morphema. La version arabe et russe de ce livre sont également sorties en 2015.

Son deuxième livre, sorti en décembre 2012, également aux éditions Le Retour aux Sources, Rues Barbares – Survivre en ville a été coécrit avec le survivaliste et bloggeur franco-américain Vol West.
Son troisième livre, sorti en mars 2014, également aux éditions Le Retour aux Sources, Femmes au bord de la crise traite des crises du point de vue des femmes.

Son quatrième livre, sort en juin 2016, également aux éditions Le Retour aux Sources, NRBC – Survivre aux évènements Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, et Chimiques, co-écrit avec Cris Millénnium, nom de plume d’un ancien responsable de la cellule NRBC au sein du GIGN.

L’émission

Jules César et le Grand Remplacement germanique




 Nicolas Bonnal

Rappelons les chiffres sérieux du Figaro repris par fdesouche.com. 70% de naissances africaines à Paris, 50% sur la côte d’azur, 40% dans le grand Lyon (on le sait enfin grâce au simple test de dépistage de la drépanocytose). Le grand remplacement voulu par les élites, la natalité ou la fatalité se passe tranquillement et sans violence. Tout le monde est content, les immigrés, les réfugiés, mais surtout les Français. Ce n’est pas la première fois que les résidents de ce bel hexagone se font remplacer, mais c’est la première fois que cela se passe aussi bien, aussi cool, sans effusion de sang ou presque (à part quelques excès autorisés de vitesse en camion), avec juste quelques démocratiques éructations médiatiques entre pro et anti.

Consolons-nous avec un exemple historique.

Le peuple gaulois a peur des Germains, dont il sent la puissance militaire et même démographique. On l’apprend par César dans sa Guerre des Gaules. Ce dernier fait mine de s’apitoyer sur le sort des Gaulois qui l’appellent à leur secours (il en tuera un cinquième, avec la bénédiction de la plupart de nos historiens).
Mais les Séquanes vainqueurs ont éprouvé un sort plus intolérable que les Eduens vaincus : en effet, Arioviste, roi des Germains, s’est établi dans leur pays, s’est emparé du tiers de leur territoire, qui est le meilleur de toute la Gaule, et leur ordonne maintenant d’en abandonner un autre tiers à vingt-quatre mille Harudes (1)…
Dans toutes les belles histoires, comme dans tous les bons westerns, on parle de vols de territoires. Et César annonce ainsi à notre nez et notre barbe ce qui se passe aujourd’hui… Il arrivera dans peu d’années que tous les Gaulois seront chassés de leur pays (omnes ex Galliae finibus pellerentur), et que tous les Germains auront passé le Rhin ; car le sol de la Germanie ne peut pas entrer en comparaison avec celui de la Gaule, non plus que la manière de vivre des deux nations (2).
César voit que les Gaulois de jadis auxquels Virgile rendra hommage (3) se sont affaiblis moralement et physiquement. Car il faut demeurer, dit mon maître Ibn Khaldun, un peu barbare pour triompher dans l’Histoire. Ainsi des frugaux Suèves qui aiment la guerre tout en détestant l’alcool : La nation des Suèves est de beaucoup la plus puissante et la plus belliqueuse de toute la Germanie (sueborum gens est longe maxima et bellicosissima germanorum omnium).
On dit qu’ils forment cent cantons, de chacun desquels ils font sortir chaque année mille hommes armés qui portent la guerre au dehors. L’importation du vin est entièrement interdite chez eux (vinum omnino ad se importarti non patiuntur), parce qu’ils pensent que cette liqueur amollit, énerve le courage des hommes (4).
En guise d’énerver, ce César utilise le terme sexiste effeminari qui lui vaudra un jour des problèmes avec la justice. Comme s’ils annonçaient Hitler (ou l’OTAN) et son « devoir de dépeupler » la Russie et l’Europe, les Suèves se flattent de faire le vide autour d’eux. C’est déjà Paris et le désert français…
Ils regardent comme leur plus grande gloire nationale d’avoir pour frontières des champs vastes et incultes ; ce qui signifie qu’un grand nombre de nations n’ont pu soutenir leurs efforts. Aussi dit-on que, d’un côté, à six cent mille pas de leur territoire, les campagnes sont désertes.
Vous avez vu ce qui arrivait aux Gaulois ? Quand on vous dit qu’il faut être contents ! Ne nous plaignons donc plus. Comme l’écrit Tocqueville à un M. de Circourt qui se plaint de dormantes années 1850 :
Combien de temps pires que le nôtre! Combien d’hommes plus mauvais que nos contemporains ! Si nous avons perdu des vertus mâles, combien de passions violentes et dévastatrices ne sont point attiédies ! Combien de conquêtes sur la vieille barbarie ! Ne soyons donc pas fâchés d’être au monde, je vous prie (4).
Treize ans plus tard, c’était Sedan.
  1. Guerre des Gaules, I, 31
  2. Ibid.
  3. Enéide, VIII, 655-662
  4. Guerre des Gaules, IV, 1
  5. Lettre du 17 avril 1857. O.C., Paris, 1866, Tome VII, p.451

Petite leçon de sémantique à l’usage des habitants de la Nouvelle-Hollandie

Il ne faudrait en aucun cas, sous peine d’attrister notre bien-aimé et si dévoué chef de l’État, confondre acte légitime de guerre, fraiche et joyeuse, et crime de guerre, vil autant qu’abominable.


Bernard Plouvier





Lorsque les aéronavales US et française, avec ou sans le secours de l’aviation turque, bombardent la ville de Mossoul, il s’agit d’une action très honorable, en quelle que sorte d’une saine leçon infligée à d’immondes barbares… et pour le coup, on ne peut qu’approuver la propagande des sieurs Obama-Erdogan-Hollande.

Toutefois, s’il est logique, dans le contexte terroriste actuel, d’écraser sous les bombes la capitale de l’État Islamique (variantes : Daesh ou Daech, comme on voudra), il est important de constater que seuls des militaires ennemis, de vilains partisans fanatiques d’un dénommé allah, sont tués. Les chasseurs-bombardiers de la coalition du Bien, du Droit, pilotés par de preux chevaliers de Dame Démocratie, sont des gentils avions propres, qui ne touchent pas d’innocents civils… écoutez la propagande des media officiels globalo-mondialistes et vous ne pourrez qu’en être convaincus.
En totale opposition, il importe de conspuer radicalement les bombardements des quartiers rebelles de la ville d’Alep par les avions de l’armée régulière, obéissant aux ordres du chef légitime de l’État syrien et les aéronefs de son allié russe. Ces bombardements ne font que d’innocentes victimes civiles… et notre bien-aimé président d’entonner dévotement son antienne sur la nécessité d’en appeler à l’ONU (le « machin » si utile et si cher à de Gaulle), voire au Tribunal Pénal International de La Haye.
Car si les bombardements du premier type sont souhaitables, voire même éthiquement justes et bons, ceux du deuxième type sont ignobles, malsains, en un mot criminels. Bientôt, l’on ressortira à leur propos l’accusation infamante (et imprescriptible) de « crime contre l’humanité », soit l’horreur suprême, l’abomination de la désolation, un attentat presque aussi grave que le piratage des données les plus confidentielles de la Bourse de Wall Street.
Cette puérile opposition manichéenne, entre des individus tout pleins bons et de très hideux méchants, fait recette depuis l’aube des temps cléricaux. Toute religion bien organisée se dote d’ennemis mortels, suppôts haïssables d’un Satan quelconque.
En matière de politique, ces niaiseries ont envahi le cirque médiatique lors de la Révolution française de 1789 sq. Plus tard, dès les premiers jours de cette guerre qui parut Grande parce qu’on y faisait entrer un nombre ahurissant d’États et qu’on immolait des millions d’êtres humains et détruisait des milliards d’unités de compte, ce fut un délit grave, voire un crime de haute trahison, que de ne pas approuver la propagande d’État, opposant les défenseurs du (bon) Droit, de la Justice et de la Liberté aux ennemis, inspirés par le Malin. Aux vrais soldats du front des combats, ces sornettes firent très rapidement l’effet d’un « bourrage de crânes ».
Il ne faudrait en aucun cas, sous peine d’attrister notre bien-aimé et si dévoué chef de l’État, confondre acte légitime de guerre, fraiche et joyeuse, et crime de guerre, vil autant qu’abominable.
Lorsque les aéronavales US et française, avec ou sans le secours de l’aviation turque, bombardent la ville de Mossoul, il s’agit d’une action très honorable, en quelle que sorte d’une saine leçon infligée à d’immondes barbares… et pour le coup, on ne peut qu’approuver la propagande des sieurs Obama-Erdogan-Hollande.

Toutefois, s’il est logique, dans le contexte terroriste actuel, d’écraser sous les bombes la capitale de l’État Islamique (variantes : Daesh ou Daech, comme on voudra), il est important de constater que seuls des militaires ennemis, de vilains partisans fanatiques d’un dénommé allah, sont tués. Les chasseurs-bombardiers de la coalition du Bien, du Droit, pilotés par de preux chevaliers de Dame Démocratie, sont des gentils avions propres, qui ne touchent pas d’innocents civils… écoutez la propagande des media officiels globalo-mondialistes et vous ne pourrez qu’en être convaincus.
En totale opposition, il importe de conspuer radicalement les bombardements des quartiers rebelles de la ville d’Alep par les avions de l’armée régulière, obéissant aux ordres du chef légitime de l’État syrien et les aéronefs de son allié russe. Ces bombardements ne font que d’innocentes victimes civiles… et notre bien-aimé président d’entonner dévotement son antienne sur la nécessité d’en appeler à l’ONU (le « machin » si utile et si cher à de Gaulle), voire au Tribunal Pénal International de La Haye.
Car si les bombardements du premier type sont souhaitables, voire même éthiquement justes et bons, ceux du deuxième type sont ignobles, malsains, en un mot criminels. Bientôt, l’on ressortira à leur propos l’accusation infamante (et imprescriptible) de « crime contre l’humanité », soit l’horreur suprême, l’abomination de la désolation, un attentat presque aussi grave que le piratage des données les plus confidentielles de la Bourse de Wall Street.
Cette puérile opposition manichéenne, entre des individus tout pleins bons et de très hideux méchants, fait recette depuis l’aube des temps cléricaux. Toute religion bien organisée se dote d’ennemis mortels, suppôts haïssables d’un Satan quelconque.
En matière de politique, ces niaiseries ont envahi le cirque médiatique lors de la Révolution française de 1789 sq. Plus tard, dès les premiers jours de cette guerre qui parut Grande parce qu’on y faisait entrer un nombre ahurissant d’États et qu’on immolait des millions d’êtres humains et détruisait des milliards d’unités de compte, ce fut un délit grave, voire un crime de haute trahison, que de ne pas approuver la propagande d’État, opposant les défenseurs du (bon) Droit, de la Justice et de la Liberté aux ennemis, inspirés par le Malin. Aux vrais soldats du front des combats, ces sornettes firent très rapidement l’effet d’un « bourrage de crânes ».

Éléments n°162 : Demain la guerre civile ?

Extrait de l’éditorial d’Alain de Benoist.




Le capitalisme a été pendant des décennies largement accepté dans la population pour trois raisons : il favorisait la croissance, il élevait le niveau de vie moyen et il permettait d’augmenter la consommation très au-delà du simple besoin matériel. Ces trois modes de légitimation ont aujourd’hui disparu. (…) Incapable de tenir plus longtemps sa promesse de progrès collectif, le capitalisme se trouve de ce fait dans un état critique sans commune mesure avec les crises conjoncturelles qui l’ont affecté dans le passé. (…)
L’économie réelle ne portant plus le système, celui-ci est en même temps devenu de plus en plus spéculatif et financier, non sous l’effet d’une « dérive », comme le croient beaucoup, mais tout simplement pour survivre : la financiarisation n’est qu’un dispositif de fuite en avant. Mais cette façon de faire a elle-même atteint ses limites. À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’en dépit des politiques d’austérité elle ne sera jamais payée. (…)
Faute de mieux, le système tente de gagner encore un peu de temps en faisant fonctionner à plein rendement la planche à billets, c’est-à-dire en fabriquant toujours plus de capital fictif. (…) Ces injections de liquidités massives, poussant à des placements spéculatifs plutôt que productifs, sécurisent artificiellement (et momentanément) les banques, mais ne font pas redémarrer l’économie. Et comme le progrès capitaliste a maintenant détruit tout ce qui pourrait le réguler ou le limiter, un nouveau krach mondial, beaucoup plus terrible qu’en 2008, se profile à l’horizon. (…)
Le système capitaliste est confronté à une contradiction de fond incontournable. Cette contradiction est celle qui tient à la baisse de la valeur des produits individuels comme conséquence inéluctable de la diminution du temps de travail moyen nécessaire pour la production d’une marchandise donnée, en raison des gains de productivité. D’un côté, le capitalisme repose sur la transformation du travail vivant en travail abstrait, qui contient la valeur, et donc le profit, de l’autre il ne peut résister aux gains de productivité qui permettent de faire face à la concurrence. (…)
Annoncer la fin du capitalisme, c’est assurément faire preuve de beaucoup d’audace. Combien de fois, dans le passé, n’a-t-on pas annoncé une « fin » – de l’histoire, du travail, de la politique, etc. – qui ne s’est jamais produite ? La nature sociale et politique, comme la nature tout court, n’en a pas moins horreur du vide. Qu’est-ce qui remplacera le vide ? Tout le problème est là.

Au sommaire du N°162 d’Eléments
  • Alain Valterio, un psy contre les psys
  • Cinéma : 40 raisons d’aimer Fritz Lang
  • La tentation de la guerre civile
  • Entretien avec Jean-Yves Camus
  • Portrait d’une cinéaste : Cheyenne-Marie Carron
  • Cheyenne-Marie Carron : « Je suis une catho-païenne »
  • Humeurs : Les femmes iront en enfer
  • La haine du sexe
  • Le scandale des antibiotiques
  • Avec Hillary Clinton, les néocons sont de retour !
  • Entretien avec Xavier Eman
  • À la rencontre des conservateurs de gauche
  • Actualités de Drieu La Rochelle
  • Portrait de Jean-Louis Curtis
  • Série télé : Turn
  • Philosophie : la vérité scientifique
  • L’esprit des lieux : New Delhi
Dossier
  • Pourquoi notre monde devient de plus en plus laid
  • Le triomphe de la laideur
  • L’enlaidissement des villes
  • L’art européen
  • La biologie du beau
  • L’invention du marché de l’art contemporain

Sur Guy Debord

Hommage à Guy Debord

Pascal Garnier

Le fondateur de l’Internationale Situationiste qui se donnait pour but rien de moins que de “renverser le monde” s’est donné la mort à l’automne dernier. Nous, qui partageons avec lui cette même haine du système, devons accorder notre attention à Guy Debord qui a su bâtir une œuvre délibérément en dehors des sentiers battus. Fait paradoxal, alors qu’il a passé son temps à dénoncer le système, on n’a jamais autant parlé de lui que maintenant: réédition de ses livres, articles de presse, émissions de télévision et de radio… Il n’aurait sans doute jamais imaginé un pareil posthume tapage médiatique autour de sa personne. Bref Guy Debord intrigue. Justement au moment même ou le système médiatique semble donner quelques signes d’essoufflement (baisse de l’audience de la télévision) et ou celui-ci semble s’entrouvrir bien malgré lui aux idées politiquement incorrectes (voir l’affaire Garaudy et ses rebondissements avec l’Abbé Pierre), les éditions Folio ont eu l’idée opportune de rééditer son œuvre la plus connue qui a précédé les évènements de mai 1968: La société du spectacle. Ce livre d’une densité extrême a eu le mérite de faire figure d’anticipateur.
Dans un premier temps, il s’ouvre sur une critique du système médiatique dont, pour nous, il est primordial de dénoncer la perversité puisqu’il est: “la justification totale du systême existant” que nous combattons, “devenu en soit conception du monde”. L’émergence de ce type de société a été permise par la première phase de l’économisme qui a favorisé la dégradation de l’être en avoir, la deuxième phase étant l’aboutissement de celle-ci par le glissement généralisé de l’avoir en paraître. Cet ordre s’est établi et perdure grâce à “une reconstruction matérielle de l’illusion religieuse” ou le peuple se complet dans un désir de dormir, “le spectacle étant le gardien de ce sommeil”, “monologue élogieux de l’ordre présent”, univers doux et aseptisé du grand hospice occidental où l’histoire se retire comme d’une marée dont on a peur. D’ailleurs, les développements sur les rapports entre religion et conception de l’histoire rejoignent les analyses d’un Cioran, celui d’Histoire et utopie, laissant entrevoir un capitalisme unifié mondialement, régulé par les média, le village global de MacLuhan en quelque sorte.

Cette fin de l’histoire annoncée par Fukuyama permettrait à ces foules solitaires de se contenter de suivre éternellement sur leurs écrans: “les fausses luttes des formes spectaculaires du pouvoir”, l’alternance programmée entre la gauche et la droite pour ne citer qu’un seul exemple ainsi que d’avoir “le faux choix de l’abondance par la juxtaposition de spectacles concurrentiels et solidaires”: Arthur, Dechavanne et Delarue pour aller au plus simple.
Les autres formes d’évolution sociales n’ont été selon Debord permises que par l’émergence de cette société du spectacle. Celles-ci encouragent au sein de nos sociétés la primauté de l’économique sur le politique, la supériorité du quantitatif sur le qualitatif, le fétichisme de la marchandise, l’atomisation de la société, notamment grâce à une technologie omniprésente isolant le sujet sur sa machine (thème repris par la suite par des gens comme Baudrillard ou Faye), l’existence, à côté d’un capitalisme sauvage, d’un socialisme bureaucratique et policier qui aboutit à une prolétarisation du monde. De la sorte, nous aboutissons à une nouvelle forme d’organisation sociale, la nôtre, individualiste et égalitariste, où le boom du tertiaire et de la communication mène à “la logique du travail en usine qui s’applique à une grande partie des services et des professions intellectuelles”. Cet univers concentrationnaire de la tertiarisation, version moderne de la mine (mais une mine propre) permet un renforcement de la société capitaliste. Et ceci en acceptant qu’une part croissante de la population soit sous-employée et en tolérant ce que Guy Debord nomme “une nouvelle forme de lutte spontanée: la criminalité”. Tous ces processus depuis 30 ans se sont largement amplifiés.
Aussi, cette critique de notre société qui se veut de gauche, par bien des aspects, fait penser aux conclusions d’un Guénon ou d’un Evola. Notons cependant parfois une phraséologie marxiste qui semble céder à la mode de son époque (nous sommes dans les années 60) et qui paraît désuète aujourd’hui. Sachons également qu’il existe dans ce texte un oubli de taille: la dénonciation de la destruction de l’environnement qui elle, interviendra un peu plus tard dans Commentaires de la société du spectacle. Insistons également sur un fait où l’auteur se trompe (et c’est sans doute ce qui rend un caractère si pessimiste à son œuvre), c’est sa vision fausse de la paysannerie, qui est pour lui l’“inébranlable base du despotisme oriental”. Ce n’est sans doute pas une quelconque révolution prolétarienne (à laquelle Debord ne croit d’ailleurs justement pas) mais au contraire un réenracinement dans les valeurs immémoriales et universelles du sang et du sol que les hommes trouveront leur salut et leur épanouissement. Sans doute le fils nanti d’industriels cannois n’a-t-il pas eu l’occasion de découvrir les milieux simples des gens enracinés. Nous comprenons son mépris pour son milieu d’origine et pour la vaste poubelle parisienne où il a passé le plus clair de son existence. Sa critique du système est très lucide mais nous, nous proposons une vraie alternative aux échappatoires alcooliques des bistrots parisiens où il s’est abîmé. C’est celle du réenracinement du Maître des abeilles de Henri Vincenot, de L’Eveil de la glèbe de Knut Hamsun ou du monde artisanal de La gerbe d’or d’Henri Béraud.

Mais cela n’enlève rien à la pertinence de Debord dans les 221 paragraphes biens distincts de son texte: dans sa préface, datant de juin 1992, il parle ainsi des déçus de mai 1968: «Les pires dupes de cette époque ont pu apprendre depuis, par les déconvenues de toute leur existence ce que signifiait la « négation de la vie qui est devenue visible », « la perte de la qualité » liée à la forme-marchandise et la prolétarisation du monde». Sûr de lui jusqu’au bout, il écrit: «Une telle théorie n’a pas à être changée, aussi longtemps que n’auront pas été délimitées les conditions générales de la longue période de l’histoire que cette théorie a été la première à definir avec exactitude». Il n’y a rien à ajouter.

Guy DEBORD, La société du spectacle, Folio n° 2788, mars 1996., 27 FF.

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Pierre Le Vigan - la droite et le libéralisme

Maurras rappelle une réticence classique des droites vis-à-vis du libéralisme quand il énonce : « la liberté de qui ? la liberté de quoi ? c’est la question qui est posée depuis cent cinquante ans au libéralisme. Il n’a jamais pu y répondre » (Maurras, Dictionnaire politique et critique, 1938). Pour comprendre cette réticence, il faut remonter aux origines de la droite.




Août – septembre 1789 : à l’occasion du débat constitutionnel, les partisans du veto absolu (et non suspensif) du roi se situent à droite de l’assemblée. À gauche se placent les partisans d’un pouvoir royal faible. Dans le même temps, une partie des droites se prononce en faveur d’une constitution à l’anglaise fondée sur le bicaméralisme. De quoi s’agit-il ? Exactement de deux rapports très différents au libéralisme, et qui concernent dés l’origine les familles politiques qui se situent « à droite ». Être partisan d’un veto royal absolu signifie refuser l’autorité venue « d’en bas », c’est-à-dire du Parlement. C’est, d’emblée, défendre une conception transcendante du pouvoir, et considérer, avec Joseph de Maistre, qu’on ne peut « fonder l’État sur le décompte des volontés individuelles ». À l’inverse, être partisan du bicaméralisme signifie se méfier du peuple tout autant que du pouvoir. Tout en ayant comme point commun l’opposition à la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ce sont là deux façons très différentes d’être « à droite ». Le paysage se complique plus encore en prenant en compte les arrière-pensées de chaque position.

Si le bicaméralisme est l’expression constitutionnelle assez claire d’un souci d’alliance ou de compromis entre la bourgeoisie montante et l’aristocratie déclinante, par contre, la revendication d’un pouvoir royal fort peut – et c’est une constante de l’histoire des familles politiques de droite – se faire en fonction de préoccupations non seulement différentes mais contradictoires : s’agit-il de donner au roi les moyens de liquider au profit de la bourgeoisie les pouvoirs nobiliaires qui s’incarnaient dans les anciens parlements, ou au contraire s’agit-il de pousser le roi à s’arc-bouter sur la défense de ces privilèges nobiliaires, ou bien encore de nouer une nouvelle alliance entre roi et  peuple contre la montée de la bourgeoisie ? De même, le bicaméralisme a pour préoccupation d’affaiblir le camp des « patriotes » (c’est-à-dire de la gauche), et rencontre donc des soutiens « à droite ». Pour autant, est-il « de droite » dans la mesure où il relève d’une  méfiance devant tout principe d’autorité ? En tant que moyen d’empêcher la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ne relève-t-il pas indiscutablement du libéralisme, c’est-à-dire d’une attitude moderne qu’exècrent une grande partie des droites ?

Cette attitude moderne a ses racines, comme l’a bien vu Benjamin Constant, dans un sens différent de la liberté chez les Anciens et les Modernes. Le bonheur étant passé dans le domaine privé, et étant, sous cette forme, devenu « une idée neuve en Europe » (Saint-Just), la politique moderne consiste à ne pas tout attendre de l’action collective. La souveraineté doit ainsi être limitée, ce qui va plus loin que la simple séparation des pouvoirs. « Vous avez beau diviser les pouvoirs : si la somme totale du pouvoir est illimitée, les pouvoirs divisés n’ont qu’à former une coalition et le despotisme est sans remède » (Benjamin Constant). Tel est le principe de fond du libéralisme : la séparation tranchée des sphères privées et publiques. Conséquence : la crainte du pouvoir en soi. Car dans le même temps, la désacralisation du monde aboutit à ce que chacun estime – comme l’avait vu Tocqueville, avoir « un droit absolu sur lui-même », par déficit de sentiment de  participation à la totalité du monde. En sorte que la volonté souveraine ne peut sortir que de « l’union des volontés de tous ». La réunion des conditions d’une telle unanimité étant à l’évidence difficile, – ou dangereuse – le libéralisme y supplée en affirmant le caractère « naturel » – et par là indécidable – de toute une sphère de la vie sociale : la sphère économique, celle de la production et reproduction des conditions de la vie matérielle. Rien de moins.

Un tel point de vue par rapport à l’économie et aux rapports de travail dans la société n’est caractéristique que de l’une des droites – une droite qui n’est pas « née » à droite mais qui a évolué vers le freinage d’un mouvement qu’elle avait elle-même contribué à engendrer. C’est en quelque sorte la droite selon le « droit du sol » contre la droite selon le « droit du sang ». Relève de la première l’homme politique et historien François Guizot, valorisant la marche vers le libéralisme avant 1789, mais cherchant à l’arrêter à cette date. C’est la droite orléaniste. Les autres droites, celles qui le sont par principe – et parce qu’elles croient aux principes  – prônent l’intervention dans le domaine économique et social. « Quant à l’économie, on ne saurait trop souligner combien le développement d’une pensée sociale en France doit à la droite, remarque François Ewald. […] Il ne faut pas oublier que les premiers critiques de l’économie bourgeoise et des méfaits du capitalisme ont été des figures de droite (Villeneuve de Barjemont, Sismonde de Sismondi) (1). »

Cette critique des sociétés libérales par certaines droites n’est pas de circonstance. Elle s’effectue au nom d’une autre vision  de l’homme et de la société que celle des libéraux. « Il y a une sociologie de droite, précise encore François Ewald, peut-être occultée par la tradition durkheimienne, dont Frédéric Le Play est sans doute avec Gabriel de Tarde le représentant le plus intéressant ». La pensée anti-libérale de droite est, de fait, jalonnée par un certain nombre d’acteurs et de penseurs importants. Joseph de Maistre et Louis de Bonald voient dans l’irréligion, le libéralisme, la démocratie des produits de l’individualisme. Le catholique Bûchez (1796 – 1865), pour sa part,  défend les idées de l’association ouvrière par le biais du journal L’Atelier. Le Play, de son côté, critique « les faux dogmes de 1789 » : la perfection originelle de l’homme (qui devrait donc être restaurée), sa liberté systématique, l’aspiration à l’égalité comme droit perpétuel à la révolte. La Tour du Pin, disciple de Le Play, critique la séparation (le « partage ») du pouvoir, considérant que celui-ci doit s’incarner dans un prince, mais propose la limitation du pouvoir et la consultation de la société (civile) notamment par la représentation corporative : le refus du libéralisme n’équivaut pas à une adhésion automatique à l’autoritarisme.

Par contre, le refus d’une société réduite à des atomes individuels est une constante de la pensée de droite, de l’école contre-révolutionnaire aux divers traditionalismes. Maurras a défendu l’idée, dans ses Réflexions sur la révolution de 1789, que la loi Le Chapelier interdisant l’organisation des travailleurs était un des actes les plus néfastes de la Révolution. Il établit un lien entre celle-ci et le libéralisme pour, tous les deux, les condamner. « L’histoire des travailleurs au XIXe siècle, écrit Maurras, se caractérise par une ardente réaction du travailleur en tant que personne à l’encontre de son isolement en tant qu’« individu », isolement imposé par la Révolution et maintenu par le libéralisme (2). » Thierry Maulnier résumait de son côté l’opinion d’une Jeune Droite composante essentielle des « non-conformistes de années Trente » en écrivant : « Il devait être réservé à la société de structure libérale d’imposer à une catégorie d’individus un mode de dépendance qui tendait, non à les attacher à la société, mais à les en exclure (3) ».

L’Espagnol José Antonio Primo de Rivera formulait un point de vue largement répandu dans la droite française extra-parlementaire quand il évoquait, en 1933, la signification du libéralisme économique. « L’État libéral est venu nous offrir l’esclavage économique, en disant aux ouvriers : vous êtes libres de travailler; personne ne vous oblige à accepter telle ou telle condition. Puisque nous sommes les riches, nous vous offrons les conditions qui nous conviennent; en tant que citoyens libres, vous n’êtes pas obligés de les accepter; mais en tant que citoyens pauvres, si vous ne les acceptez pas, vous mourrez de faim, entourés, bien sûr, de la plus haute dignité libérale. »

Les critiques à l’égard du libéralisme énoncées par une partie des droites sont parallèles à celles énoncées d’un point de vue catholique par Louis Veuillot, puis par René de La Tour du Pin et Albert de Mun, promoteurs des Cercles catholiques d’ouvriers, qui furent confortés par l’encyclique Rerum Novarum (1891), mais dont les positions annonçaient avec cinquante ans d’avance celles de Divini Redemptoris (1937). C’est à ce moment que se met en forme, à droite (avec Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Robert Francis, etc.), une critique du productivisme complémentaire de la critique du libéralisme. La Jeune Droite rejoignait sur ce point la critique d’auteurs plus inclassables (Drieu La Rochelle, Robert Aron, Arnaud Dandieu, …).

Si l’anti-productivisme, comme l’anti-économisme (celui par exemple de la « Nouvelle Droite » du dernier quart du XXe siècle) apparaissent par éclipse à droite, la condamnation du libéralisme est le noyau commun de la pensée de droite. Caractéristique dans sa banalité droitière même est le propos de Pierre Chateau-Jobert : « Le libéralisme, écrit-il, […] a pris la liberté pour seule règle. Mais pratiquement, c’est le plus fort, ou le moins scrupuleux, ou le plus riche, qui est le plus “ libre ”, puisqu’il a le plus de moyens (4) ». Droitiste d’une envergure plus considérable, Maurice Bardèche ira jusqu’à déclarer que, comme Jean-Paul Sartre, il « préfère la justice à la liberté ».

Cette conception de la liberté comme toujours subordonnée à d’autres impératifs explique que la droite soit à l’origine de nombreuses propositions sociales. En 1882, Mgr Freppel demande la création de retraites ouvrières. En 1886, Albert de Mun propose la limitation de la journée de travail à dix heures et, en 1891, demande la limitation du travail des femmes et des enfants. En 1895, le même de Mun demande que soit reconnue aux syndicats la possibilité de posséder de biens à usage collectif. En 1913, Jean Lerolle réclame l’instauration d’un salaire minimum pour les ouvrières à domicile (5).

Les projets de réorganisation des rapports sociaux de Vichy (la Charte du travail soutenue par nombre de syndicalistes) comportent  de même des aspects socialement protecteurs. Enfin, la difficulté de réaliser des transformations sociales qu’a montré l’expérience de gauche de 1981 à 1983 permet de réévaluer les projets de participation et de « troisième voie » du Général de Gaulle et de certains de ses soutiens venus de la droite radicale comme Jacques Debu-Bridel, d’ailleurs anciens du Faisceau de Georges Valois.

La critique du libéralisme par la droite – hormis le courant orléaniste -, concerne tout autant l’économie que le politique. Le parlementarisme, expression concrète du libéralisme politique selon la droite est, jusqu’à l’avènement de la Ve République, accusé de fragmenter l’expression de la souveraineté nationale, et de la soumettre aux groupes de pression. Pour Barrès, « le parlementarisme aboutit en fait à la constitution d’une oligarchie élective qui confisque la souveraineté de la nation ». D’où sa préférence pour le plébiscite comme « idée centrale constitutive » : « le plébiscite reconstitue cette souveraineté parce qu’il lui donne un mode d’expression simple, le seul dont elle puisse s’accompagner ».

De son côté, Déroulède précise : « Vouloir arracher la République au joug des parlementaires, ce n’est pas vouloir la renverser, c’est vouloir tout au contraire instaurer la démocratie véritable ». Péguy, pour sa part, dénonce en 1902 le parlementarisme comme une « maladie ». Trente années plus tard, André Tardieu (1876 – 1945), chef d’une droite modernisatrice de 1929 à 1936, créateur des assurances sociales, député de Belfort (ville se dotant souvent de députés originaux), auteur de La révolution à refaire voit dans le parlementarisme « l’ennemi de la France éternelle ». Dans un contexte singulièrement aggravé, et énonçant le point de vue de la « Révolution nationale », Charles-Emmanuel Dufourcq, dans Les redressements français (6) concentre aussi ses attaques contre le parlementarisme et l’autorité « venue d’en-bas » comme causes, tout au long de l’histoire de France, des affaiblissements dont le pays n’est sorti que par le recours à l’autorité indiscutée d’un roi, d’un Napoléon ou d’un Pétain. Il manifestait ainsi une remarquable continuité – ou une étonnante absence d’imagination selon le point de vue – avec les tendances théocratiques de la Contre-Révolution.
En revanche, plus marginaux sont les secteurs de la droite qui se sont sentis concernés par la critique du parlementarisme effectuée par le juriste Carré de Malberg, qui inspirera René Capitant et les rédacteurs de la Constitution de 1958.  Dès le XIXe siècle, aussi bien la droite dans ses composantes non-orléanistes que la gauche des démocrates et des socialistes – de Ledru-Rollin à Proudhon – sont en porte à faux par rapports aux mythes fondateurs de la modernité française. « L’objectif de 1789 […] consiste, indique Pierre Rosanvallon, à démocratiser, “ politiquement ”, le système politique, qui est d’essence absolutiste, et à libéraliser, “ sociologiquement ”, la structure sociale, qui est d’essence féodale (7) ».

La difficulté du processus tient dans sa simultanéité (et c’est la différence avec l’Angleterre). D’un côté, la gauche socialiste veut « républicaniser la propriété » (Jules Guesde), de l’autre, une certaine droite met en cause « les responsabilités des dynasties bourgeoises » (Emmanuel Beau de Loménie) et le libéralisme qui les a laissé prendre tant de place. Rien d’étonnant à ce que des convergences apparaissent parfois (le Cercle Proudhon avant 1914, les planistes et « non-conformistes des années Trente », le groupe Patrie et Progrès au début de la Ve République, …).

En effet, pour toute la période qui va du milieu du XIXe siècle à nos jours, la distinction proposée par René Rémond en 1954 entre trois droites, légitimiste, orléaniste, bonapartiste, apparaît peu adaptée. D’une part, l’appartenance du bonapartisme à la droite est très problématique : c’est un centrisme césarien. D’autre part, l’orléanisme est écartelé dès son origine entre conservatisme et libéralisme : conservatisme dont François Guizot est une figure centrale, qualifiée par Francis-Paul Benoît de « conservateur immobile, donc non libéral (8) », le libéralisme étant représenté, plus que par les économistes « classiques », par les saint-simoniens modernistes ralliés à Napoléon III.

À partir de 1870, le clivage qui s’établit, « à droite », oppose, plutôt que les trois droites de la typologie de René Rémond, une droite radicale (radicalement de droite, et non conjoncturellement radicalisée), voire une « droite révolutionnaire » (Zeev Sternhell) en gestation, et une droite libérale-conservatrice. L’organisation d’une « droite » libérale au plan économique, conservatrice au plan politique est en effet ce qui permet après le Second Empire le passage, sinon sans heurts, du moins sans révolutions de la France dans l’univers bourgeois et capitaliste. C’est à l’évidence à cette droite que pensait un jour François Mitterrand disant : « la droite n’a pas d’idées, elle n’a que des intérêts ». C’est la droite comme la désigne désormais le sens commun.

Entre la droite révolutionnaire (forme extrême de la droite radicale) et la droite libérale (qui n’est conservatrice que dans la mesure où un certain conservatisme, notamment moral, est le moyen de faire accepter le libéralisme), la vision de la politique est toute différente. Du point de vue libéral, dans la mesure où la souveraineté ne peut venir que du consensus, le champ de la « naturalité » économique et sociale doit être étendu le plus possible. À la suite des penseurs libéraux français comme Bastiat, Hayek affirme que « le contrôle conscient n’est possible que dans les domaines où il est vraiment possible de se mettre d’accord » (ils ne sont évidemment pas très nombreux).

Tout autre est l’attitude du radicalisme de droite (appelé souvent « extrême droite » avec de forts risques de contresens). Jean-François Sirinelli, coordinateur d’une Histoire des droites en France (9), remarque que « l’extrême droite aspire rien moins qu’à un état fusionnel de la politique ». Certes. En d’autres termes, elle aspire à retrouver – ou à inventer – un critère d’indiscutabilité du principe d’autorité, et du lien social lui-même. Conséquence : cette droite radicale tend à ne pas décliner son identité comme celle d’une droite, s’affirmant « ni de droite, ni de gauche » (Barrès, Valois, Bertrand de Jouvenel, Doriot, les hommes des Équipes d’Uriage, le Jean-Gilles Malliarakis des années 80, …), ou encore « simultanément de droite et de gauche » (la « Nouvelle Droite »).
La difficulté de caractériser la droite par des idées à amener certains analystes comme Alain-Gérard Slama à essayer de la définir par un tempérament. Celui-ci consisterait, selon Slama, dans la recherche du compromis. Cette hypothèse ne fait que souligner l’existence de deux droites, une droite libérale, et la droite radicale, que presque tout oppose. Si la première recherche effectivement les accommodements, la droite radicale se caractérise plutôt par la recherche d’un dépassement synthétique des contradictions du monde moderne. À divers égards, sous des formes et à des niveaux très différents, c’est ce qui rassemble Le Play, Péguy, Bernanos, Drieu la Rochelle, Charles de Gaulle. Dépassement des contradictions de la modernité : vaste programme… que ces hommes – pas toujours « à droite », mais sans doute « de droite » – n’ont jamais envisagé de mettre en œuvre par des moyens par principe libéraux.

Notes

1 : François Ewald, Le Magazine littéraire, « La droite. Idéologies et littérature », décembre 1992.
2 : cité dans Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1981.
3 : Thierry Maulnier, Au-delà du nationalisme, Gallimard, 1938, p. 153.
4 : Pierre Chateau-Jobert, Manifeste politique et social, Diffusion de la pensée française, 1973.
5 : Cf. Charles Berrias et Michel Toda, Enquête sur l’histoire, n° 6, 1992, p. 13.
6 : Charles-Emmanuel Dufourcq, Les redressements français, Lardanchet, 1943.
7 : François Furet, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, La République du centre. La fin de l’exception française, Calmann-Lévy, 1988.
8 : Francis-Paul Benoît, Les idéologies politiques modernes. Le temps de Hegel, P.U.F., 1980, p. 314.
9 : cf. Histoire des droites en France, Gallimard, trois volumes, 1992.
Le présent article, remanié pour Europe Maxima, est paru dans Arnaud Guyot-Jeannin (sous la direction de), Aux sources de la droite, L’Âge d’Homme, 2000.

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