François Hollande baisse l’impôt sur le revenu. Le prochain président fera sans doute de même. Pourtant, cet impôt n’a jamais autant rapporté. Rien d’étonnant dans un pays qui ne maîtrise toujours pas sa dépense publique.
Oyez, oyez, braves gens ! Dans sa
magnificence, le seigneur de Hollande va encore diminuer la taille !
Réjouissez-vous, sujets du beau royaume de France ! Le seigneur qui
aspire à lui succéder l'an prochain fera de même ! Des dizaines de
milliards d'euros en moins, des millions de foyers déjà exonérés par le
vicomte de Balladur il y a déjà près d'un quart de siècle, d'autres
millions ou parfois les mêmes exonérés par ce bon Monsieur de Hollande
ces dernières années. Relèvement du plancher, abaissement du plafond,
hausse de la décote, indexation du barème, ajustement des tranches,
élargissement des niches : rassurez-vous, votre tour viendra d'une
manière ou d'une autre. Au rythme des promesses, vous n'aurez bientôt
plus de taxes à payer.
Ainsi
va la France à l'approche des élections. Ses gouvernants ne cessent de
tripatouiller l'impôt sur le revenu, qui rapporte pourtant moins que
dans tous les autres pays avancés - à peine plus de 3% du PIB contre une
moyenne dépassant 8% dans les pays de l'OCDE. Passionné de la chose
fiscale, François Hollande a battu un record en la matière. Il a touché à
l'impôt sur le revenu chaque année de son quinquennat - avec d'abord la
création d'une tranche à 45% et le gel du barème, puis des baisses pour
les foyers les moins aisés. Mais il n'est pas le seul. Depuis vingt
ans, l'exécutif a changé le barème une année sur deux! Sauf en
2012-2013, les mouvements ont tous été à la baisse. Sans compter les
autres ajustements - Nicolas Sarkozy n'avait pas touché au barème à part
un gel politiquement malencontreux en fin de mandat, mais il avait créé
de nouvelles niches (heures supplémentaires, intérêts d'emprunt,
renforcement du boucler fiscal).
Et
pourtant, les Français souffriraient d'un ras-le-bol fiscal. Et
pourtant, l'impôt sur le revenu n'a jamais rapporté autant, moitié plus
qu'il y a sept ans. Etrange histoire... sauf à admettre l'évidence. Une
évidence toute simple qu'il faut pourtant rappeler, et qui dépasse
largement le seul impôt sur le revenu : il n'y aura pas de baisse
durable de l'impôt sans baisse durable de la dépense. Or la dépense
publique ne baisse pas durablement, absorbant toujours plus de la moitié
des richesses produites dans le pays. Le seigneur est donc condamné à
muter en saigneur les nuits de pleine lune...
Le
gouvernement ne fera que 40 des 50 milliards d'euros d'économies qu'il
avait promis de faire en trois ans. Encore s'agit-il d'économies par
rapport à une tendance haussière, et non à un niveau de départ. Dans ses
dernières prévisions, le gouvernement affirme que « depuis 2013, les dépenses publiques rapportées au PIB baissent continûment
». Mais pour en faire la preuve, il retient l'indicateur plus favorable
(dépense publique hors crédit d'impôt). Et il oublie les outils
employés.
Car pour empêcher la dépense de monter, les pouvoirs publics ont manié trois outils : le taux, la faux et le rabot. Le taux d'intérêt
d'abord, qui leur permet d'emprunter beaucoup moins cher et d'alléger
ainsi de plusieurs milliards d'euros par an les intérêts qu'ils doivent
rembourser. (dans les comptes de la nation, les intérêts versés par les
administrations publiques ont baissé de 10 milliards d'euros entre 2012
et 2015). La faux ensuite qui passe dans les investissements publics, en
particulier dans les collectivités locales (la formation brute de
capital fixe des administrations publiques est passée depuis 2012 de 4% à
3,5% du PIB, soit encore une dizaine de milliards d'euros en moins). Le
rabot enfin, qui enlève chaque année quelques copeaux de l'action
publique sans jamais la réorganiser. Mais les taux d'intérêt finiront
par remonter. Il faudra investir. Et les dépenses trop comprimées ne
demandent qu'à repartir à la moindre occasion budgétaire ou politique,
comme le montre le relâchement de l'effort à l'approche de l'élection
présidentielle (mesures pour l'emploi et la jeunesse, embauche de
fonctionnaires, augmentation des salaires dans le public...). Ces
dernières années, la dépense publique a été ralentie, contenue, mais non
maîtrisée.
Et rien n'indique que
cela va changer. A gauche, la réflexion sur la question semble peu
avancée - c'est un euphémisme. A droite, les programmes pour la primaire
des Républicains donnent des indications intéressantes. Tous les
candidats annoncent des baisses d'impôts accompagnées d'une forte
réduction des dépenses publiques, qui correspond à un souhait exprimé
dans les sondages (quatre Français sur cinq y seraient favorables). Mais
au-delà du recul de l'âge de la retraite, aucun candidat n'insiste sur
les deux conditions de la réussite, qui sont aussi deux mots qui
fâchent. La productivité d'abord, un mot qui pouvait suffire il y a
quelques années à faire claquer la porte par une délégation syndicale
lors d'une négociation sur la fonction publique. L'évaluation et la
réorganisation ensuite. Dans toutes les entreprises, le numérique
bouscule hiérarchies et structures alors que le traitement de
l'information n'est pas au coeur de leur métier. Renault manipule encore
des tôles, Danone du lait. En revanche, l'essentiel de l'action
publique consiste à traiter des informations - les recueillir, les
agréger, les hiérarchiser, les analyser, les diffuser. Les nouvelles
technologies devraient y être un levier formidable. Et certaines
activités aujourd'hui publiques devraient à l'évidence basculer dans le
privé. Pratiquement aucun politique n'ose en parler.
Résultat : la promesse restera promesse. « Ils annoncent tous 100 milliards d'euros ou presque de dépenses en moins, constate le conseiller économique d'un des candidats à la primaire.
Mais les programmes ne sont pas assez précis. Si celui qui emporte la
primaire puis l'élection arrive à faire 50 milliards d'économies, ça
sera le bout du monde. Or ce n'est même pas le tiers du surcroît de
dépenses publiques en France par rapport à la moyenne européenne. » Oyez oyez, braves gens : la baisse d'impôts est une illusion.
Jean-Marc Vittori