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jeudi 6 octobre 2016

Aides à l’emploi des jeunes : des résultats «décevants», dénonce la Cour des comptes



Dans un rapport rendu public ce mercredi, les sages de la rue Cambon critiquent l’empilement des mesures, le manque de coordination et la dispersion des crédits.

Aides trop nombreuses pour des résultats « décevants », mille-feuille financier d'une rare complexité, surabondance d'intervenants, cibles visées trop rarement atteintes, objectifs qui visent plus souvent le volume des bénéficiaires que l'accès effectif à l'emploi... le rapport que publie ce mercredi matin la Cour des comptes sur « l'accès des jeunes à l'emploi » est particulièrement critique sur des années d'action publique en faveur des 16-25 ans, dont la situation, pourtant, ne cesse de s'aggraver.
C'est vrai pour les non qualifiés, mais le phénomène gagne de plus en plus les diplômés de l'enseignement supérieur. Résultat, cette tranche d'âge présente au sein de la population active le taux de chômage le plus élevé : 23,4 % en 2014 selon l'Insee, contre 10 % tous âges confondus. Sans oublier les discriminations liées à l'habitat, au patronyme ou au genre...

Droite comme gauche

 

L'enquête de la Cour des comptes, complétée par une descente dans 7 territoires, transcende les partis politiques dans leur échec - droite comme gauche ont fait de la lutte contre le chômage des jeunes une priorité - car ses conclusions, implacables, balayent les nombreuses bonnes pratiques ici ou là. Elles peuvent se résumer en un chiffre : sur la petite trentaine de dispositifs qui mêlent plus ou moins aide directe à l'embauche, accompagnement personnel ou formation, le tout mobilisant 10,5 milliards d'euros par an, seuls ceux qui sont ramassés dans le temps et qui mettent le paquet sur les relations entre conseiller et jeune affichent un taux d'accès à l'emploi de plus de 50 %. 
C'est le cas notamment de la Garantie jeunes, qui assure un entretien tous les 21 jours en moyenne ou tous les 6 jours si l'on teint compte des entretiens collectifs. Le gouvernement a inscrit 420 millions d'euros dans le budget 2017 pour sa généralisation. Et encore, le taux de sortie vers l'emploi dépend beaucoup du niveau de formation. Pour le reste des dispositifs, les résultats oscillent entre 30 et 40 %, à l'exception des contrats aidés dans le secteur marchand (66 %). A un bémol près : parce qu'ils s'adressent à des publics proches du marché de l'emploi, ces contrats favorisent un effet d'aubaine selon la cour. Autrement dit, les employeurs auraient embauché même sans aide... 

Se « recentrer» sur les jeunes les plus prioritaires

 

Résumé de la Cour des comptes: « La nature des réponses publiques au problème de l'accès des jeunes à l'emploi implique que leur efficacité ne peut être que limitée puisqu'elles ne peuvent que compenser à la marge les difficultés rencontrées par certains publics ». « Cependant, ajoute-t-elle dans son style policé, même en tenant compte de ces limites intrinsèques, les aides proposées ne paraissent pas à la mesure des coûts importants qu'elles induisent. »
Au moment où elle a relancé une grande concertation sur le sujet entre partenaires sociaux et organisations de jeunesse, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, trouvera matière à méditer avec ce nouvel opus des sages de la rue Cambon. Surtout avec les chapitres III et IV qui permettent de comprendre l'origine du mal, voire d'y remédier. Non pas que les pouvoirs publics soient complètement à côté de la plaque  : compte tenu du coût de tous les dispositifs pour les finances publiques, la nécessité d'un « recentrage » sur les jeunes les plus prioritaires et d'une « densification » des apports en formation ont « présidé à la dernière vague des contrats aidés », Emplois d'avenir notamment. 
Raté, estime la Cour, qui met en avant le décalage entre la large gamme des dispositifs et les besoins à la fois des jeunes et des employeurs. Les jeunes qui cumulent les plus grandes difficultés d'insertion sont relativement peu présents dans les dispositifs les plus lourds en accompagnement dont ils ont pourtant le plus besoin. Les contrats aidés ? lls devraient être moins prioritaires et plus courts (notamment les contrats d'avenir) en les considérant avant tout comme une phase transitoire vers une formation qualifiante, plaident les rapporteurs. Autre préconisation  : redéployer progressivement les crédits des contrats aidés du secteur non marchand vers les dispositifs les plus intensifs, comme la Garantie jeunes ou les dispositifs deuxième chance ou les formations en alternance.

Alain Ruello