Dans un rapport rendu public ce mercredi, les sages de la rue Cambon critiquent l’empilement des mesures, le manque de coordination et la dispersion des crédits.
Aides trop nombreuses pour des résultats « décevants »,
mille-feuille financier d'une rare complexité, surabondance
d'intervenants, cibles visées trop rarement atteintes, objectifs qui
visent plus souvent le volume des bénéficiaires que l'accès effectif à
l'emploi... le rapport
que publie ce mercredi matin la Cour des comptes sur « l'accès des
jeunes à l'emploi » est particulièrement critique sur des années
d'action publique en faveur des 16-25 ans, dont la situation, pourtant,
ne cesse de s'aggraver.
C'est vrai pour les
non qualifiés, mais le phénomène gagne de plus en plus les diplômés de
l'enseignement supérieur. Résultat, cette tranche d'âge présente au sein
de la population active le taux de chômage le plus élevé : 23,4 % en
2014 selon l'Insee, contre 10 % tous âges confondus. Sans oublier les
discriminations liées à l'habitat, au patronyme ou au genre...
Droite comme gauche
L'enquête
de la Cour des comptes, complétée par une descente dans 7 territoires,
transcende les partis politiques dans leur échec - droite comme gauche
ont fait de la lutte contre le chômage des jeunes une priorité - car ses
conclusions, implacables, balayent les nombreuses bonnes pratiques ici
ou là. Elles peuvent se résumer en un chiffre : sur la petite trentaine
de dispositifs qui mêlent plus ou moins aide directe à l'embauche,
accompagnement personnel ou formation, le tout mobilisant 10,5 milliards
d'euros par an, seuls ceux qui sont ramassés dans le temps et qui
mettent le paquet sur les relations entre conseiller et jeune affichent
un taux d'accès à l'emploi de plus de 50 %.
C'est
le cas notamment de la Garantie jeunes, qui assure un entretien tous
les 21 jours en moyenne ou tous les 6 jours si l'on teint compte des
entretiens collectifs. Le gouvernement a inscrit 420 millions d'euros
dans le budget 2017 pour sa généralisation. Et encore, le taux de sortie
vers l'emploi dépend beaucoup du niveau de formation. Pour le reste des
dispositifs, les résultats oscillent entre 30 et 40 %, à l'exception
des contrats aidés dans le secteur marchand (66 %). A un bémol près :
parce qu'ils s'adressent à des publics proches du marché de l'emploi,
ces contrats favorisent un effet d'aubaine selon la cour. Autrement dit,
les employeurs auraient embauché même sans aide...
Se « recentrer» sur les jeunes les plus prioritaires
Résumé de la Cour des comptes: «
La nature des réponses publiques au problème de l'accès des jeunes à
l'emploi implique que leur efficacité ne peut être que limitée
puisqu'elles ne peuvent que compenser à la marge les difficultés
rencontrées par certains publics ». « Cependant, ajoute-t-elle dans son style policé, même
en tenant compte de ces limites intrinsèques, les aides proposées ne
paraissent pas à la mesure des coûts importants qu'elles induisent. »
Au moment où elle a relancé une grande
concertation sur le sujet entre partenaires sociaux et organisations de
jeunesse, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, trouvera matière à
méditer avec ce nouvel opus des sages de la rue Cambon. Surtout avec les
chapitres III et IV qui permettent de comprendre l'origine du mal,
voire d'y remédier. Non pas que les pouvoirs publics soient complètement
à côté de la plaque : compte tenu du coût de tous les dispositifs pour
les finances publiques, la nécessité d'un « recentrage » sur les jeunes les plus prioritaires et d'une « densification » des apports en formation ont « présidé à la dernière vague des contrats aidés », Emplois d'avenir notamment.
Raté,
estime la Cour, qui met en avant le décalage entre la large gamme des
dispositifs et les besoins à la fois des jeunes et des employeurs. Les
jeunes qui cumulent les plus grandes difficultés d'insertion sont
relativement peu présents dans les dispositifs les plus lourds en
accompagnement dont ils ont pourtant le plus besoin. Les contrats
aidés ? lls devraient être moins prioritaires et plus courts (notamment
les contrats d'avenir) en les considérant avant tout comme une phase
transitoire vers une formation qualifiante, plaident les rapporteurs.
Autre préconisation : redéployer progressivement les crédits des
contrats aidés du secteur non marchand vers les dispositifs les plus
intensifs, comme la Garantie jeunes ou les dispositifs deuxième chance
ou les formations en alternance.
Alain Ruello