Extrait de l’éditorial d’Alain de Benoist.
Le capitalisme a été pendant des décennies largement accepté dans la population pour trois raisons : il favorisait la croissance, il élevait le niveau de vie moyen et il permettait d’augmenter la consommation très au-delà du simple besoin matériel. Ces trois modes de légitimation ont aujourd’hui disparu. (…) Incapable de tenir plus longtemps sa promesse de progrès collectif, le capitalisme se trouve de ce fait dans un état critique sans commune mesure avec les crises conjoncturelles qui l’ont affecté dans le passé. (…)
L’économie réelle ne portant plus le système, celui-ci est en même temps devenu de plus en plus spéculatif et financier, non sous l’effet d’une « dérive », comme le croient beaucoup, mais tout simplement pour survivre : la financiarisation n’est qu’un dispositif de fuite en avant. Mais cette façon de faire a elle-même atteint ses limites. À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’en dépit des politiques d’austérité elle ne sera jamais payée. (…)
Faute de mieux, le système tente de gagner encore un peu de temps en faisant fonctionner à plein rendement la planche à billets, c’est-à-dire en fabriquant toujours plus de capital fictif. (…) Ces injections de liquidités massives, poussant à des placements spéculatifs plutôt que productifs, sécurisent artificiellement (et momentanément) les banques, mais ne font pas redémarrer l’économie. Et comme le progrès capitaliste a maintenant détruit tout ce qui pourrait le réguler ou le limiter, un nouveau krach mondial, beaucoup plus terrible qu’en 2008, se profile à l’horizon. (…)
Le système capitaliste est confronté à une contradiction de fond incontournable. Cette contradiction est celle qui tient à la baisse de la valeur des produits individuels comme conséquence inéluctable de la diminution du temps de travail moyen nécessaire pour la production d’une marchandise donnée, en raison des gains de productivité. D’un côté, le capitalisme repose sur la transformation du travail vivant en travail abstrait, qui contient la valeur, et donc le profit, de l’autre il ne peut résister aux gains de productivité qui permettent de faire face à la concurrence. (…)
Annoncer la fin du capitalisme, c’est assurément faire preuve de beaucoup d’audace. Combien de fois, dans le passé, n’a-t-on pas annoncé une « fin » – de l’histoire, du travail, de la politique, etc. – qui ne s’est jamais produite ? La nature sociale et politique, comme la nature tout court, n’en a pas moins horreur du vide. Qu’est-ce qui remplacera le vide ? Tout le problème est là.
Au sommaire du N°162 d’Eléments
- Alain Valterio, un psy contre les psys
- Cinéma : 40 raisons d’aimer Fritz Lang
- La tentation de la guerre civile
- Entretien avec Jean-Yves Camus
- Portrait d’une cinéaste : Cheyenne-Marie Carron
- Cheyenne-Marie Carron : « Je suis une catho-païenne »
- Humeurs : Les femmes iront en enfer
- La haine du sexe
- Le scandale des antibiotiques
- Avec Hillary Clinton, les néocons sont de retour !
- Entretien avec Xavier Eman
- À la rencontre des conservateurs de gauche
- Actualités de Drieu La Rochelle
- Portrait de Jean-Louis Curtis
- Série télé : Turn
- Philosophie : la vérité scientifique
- L’esprit des lieux : New Delhi
- Pourquoi notre monde devient de plus en plus laid
- Le triomphe de la laideur
- L’enlaidissement des villes
- L’art européen
- La biologie du beau
- L’invention du marché de l’art contemporain