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jeudi 6 octobre 2016

Le clivage droite-gauche, une hémiplégie morale ?

La politique française est scindée entre «la droite» et «la gauche». Pour Arnaud Imatz, il est urgent d’en finir avec ce «mythe incapacitant» déjà remis en cause par l’opinion publique.

Le hasard fait quelquefois bien les choses… nous évoquions ces dernières semaines le défi de la désignation de l'ennemi — alors que notre pays rechigne à partir en guerre, — puis celui du retour de la barbarie. Mais il ne s'agit pas cette fois de l'Etat islamique : pour l'historien et politologue Arnaud Imatz, c'est plutôt « le dissident politique qui incarne la nouvelle figure du barbare » car « celui-ci n'a pas droit de cité ».

Notre invité vient de publier Droite/Gauche, pour sortir de l'équivoque, aux éditions Pierre Guillaume de Roux. Sous ce titre se cache une étude volumineuse, rigoureusement sourcée — qui ferait pâlir d'envie bien des universitaires. Sa thèse centrale est à la fois simple et polémique : il nous faudrait sortir de l'ornière et remettre en cause « le mythe incapacitant » qu'est le clivage droite/gauche. Comme notre auteur le fait justement remarquer, ce dernier est «&nsbp;décrédibilisé dans l'opinion publique ». « 75% de la population considère que ce clivage ne recouvre plus grand-chose, explique-t-il avant d'ajouter que « le groupe des gauches et du centre-droit votent dans le même sens au Parlement européen ». De surcroît, « 88% des Français ne fait plus confiance aux partis politique ». Aussi Imatz a-t-il posé une question sensible : « ce clivage défendu par nos élites n'est-il pas finalement un masque pour défendre une situation acquise ? Ne cache-t-il pas un clivage latent, entre les représentants de l'oligarchie mondialiste — qui défend un monde unipolaire — et en face les peuples qui se veulent souverains — qui défendent leurs racines et leur identité ? » Afin d'y répondre, notre auteur reconstitue avec brio l'histoire des mouvements dissidents, « qui ont essayé de lutter contre le matérialisme, l'individualisme et la vision du monde bourgeoise » et suivi une « double préoccupation, entre la défense de valeurs spirituelles et patriotiques, et un intérêt pour les questions de justice sociale ». Entre autres : les contre-révolutionnaires, les non-conformistes des années 30 ou encore la Nouvelle Droite, qui ont préparé une profonde remise en cause de l'ordre politique actuel. Bien sûr, ce dernier entend se défendre mais, pour Arnaud Imatz, « voir dans toute forme de contestation ou remise en cause du système actuel la main de l'extrême-droite ou du néofascisme serait trop facile » : « il n'en est rien si l'on se réfère à l'histoire », nous dit-il. Des interrogations cruciales et un essai indispensable donc, même si nous pourrions émettre quelques réserves. D'une part, il y a fort à parier que « la droite et la gauche » perdureront aussi longtemps que nos représentants siègeront dans un hémicycle. La politique façonne la pensée et l'opinion autant que celles-ci s'expriment en politique. Par ailleurs, la dynamique libérale ne peut être sous-estimée : son intention originelle et profondément révolutionnaire était la sortie — et donc la destruction — du politique. Ainsi ce non-conformisme pourrait-il être à la fois avalé par les institutions et subir l'érosion de l'esprit public.