Michel Lhomme ♦ philosophe, politologue.
A l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer rassure et les pédagogistes s’en vont.
Michel Lussault, le grand disciple de Mérieu, l’un des pires partisans de la déséducation depuis des années, nommé en 2014 par Najat Vallaud-Belkacem comme moderniste président du Conseil des Programmes vient de démissionner en raison, dit-on prosaïquement, de « profondes divergences de vues avec l’actuel ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer ».
On ne peut que se réjouir d’un tel départ à condition qu’il s’accompagne aussi de tous les formateurs que les disciples de Philippe Mérieu ont formé et qui sont aujourd’hui responsables dans les ESPE (les écoles de formation d’enseignants) de stages dans le style ” comment répondre à un refus d’élève en adoptant une attitude de bienveillance non frontale » (sic).
Le nouveau ministre de l’Education nationale entendrait-il donc à l’école son lustre d’antan et pour cela, aurait-il décidé de faire place nette ? On le souhaiterait un peu mais c’est toute alors une ribambelle d’inspecteurs et de conseillers en éducation qu’il faudrait congédier immédiatement, tous ces formateurs « progressistes » adeptes du sans évaluation, du cours inversé et autres lubies pour bobos argentés. Seulement voilà : il ne restera sans doute alors plus personne rue de Grenelle !
87 000 bacheliers ! Ce sont donc 87 000 bacheliers que le système informatique Admission Post-bac (APB) a mis cet été sur le carreau comme beau résultat de l’aberration pédagogique du système. Nonobstant, APB ouvrira dans quelques jours sans entraîner aucune remise en question sérieuse, ne serait-ce que du logiciel informatique lui-même. Dans quelques semaines, les professeurs principaux des classes Terminales continueront comme avant et maintenant sans même le soutien de conseillers d’orientation psychologues professionnels puisque tous les centres d’orientation ont été fermés par pure mesure de restriction budgétaire et au nom du tout numérique. Ils devront donc faire tout seul le boulot d’information, le Ministère se déchargeant sur une mallette informatique que tous les élèves en théorie devraient avoir depuis le Collège mais qu’ils n’ont souvent pas. Ce n’est plus vraiment de l’orientation mais de la désorientation générale au cœur de la déséducation.
Avec le contenu des cours, la réduction des programmes (suppression par exemple du raisonnement mathématique en quatrième), le scandaleux fiasco de l’orientation scolaire n’est pourtant que l’aboutissement ultime de l’idiotie éducative consistant à refuser toute sélection et à la livrer toute entière à l’aléatoire au nom de la lutte contre les inégalités. Pour le Ministère, on sait que le système est grippé mais il ne s’agit pas de le soigner ou de le repenser, le tirage au sort finira bien par devenir plus efficace et même pour certains plus « démocratique » que le système méritocratique que pratique pourtant tous les systèmes éducatifs au monde qui se respectent.
Ministre, recteurs, responsables syndicalistes d’enseignants comme d’étudiants claironnent donc en chœur : « nous sommes opposés à toute forme de sélection ». La dernière réforme des collèges vise clairement à ouvrir les flux d’élèves vers la seconde générale afin de les retenir le plus longtemps au lycée. C’est pour que les pseudo structures d’accompagnement personnalisé dans des classes de moins en moins dédoublées ont été créés pour faire entrer la masse dans le supérieur sauf que dans le supérieur, cela coince sérieusement puisqu’on n’y crée pas de places supplémentaires et qu’on maintient les Universités exsangues sans réforme de fond comme si l’ancien modèle universitaire pouvait tenir avec un pourcentage élevé d’étudiants de bacs professionnels ou technologiques s’inscrivant maintenant dans des filières dites nobles comme Lettres ou Sciences-Humaines où une grande partie échouera ou fera plonger les cours vers le bas.
Il y en tout cas urgence car d’après les chiffres de la prospective, ce sont 40 000 bacheliers supplémentaires qui vont venir grossir chaque année les rangs des étudiants jusqu’en 2025. Les Staps (formation d’éducation physique) avec 33 000 vœux n°1 cette année sur APB en juin 2017 n’offrait qu’un peu plus de 17 000 places disponibles. La pénurie de moyens dans un système délibérément choisi par ceux qui nous ont gouvernent gouvernés, celui de l’éducation de masse génère de fait une situation croissante de pénuries de moyens que connaissent à peu près toutes les filières. Une petite sélection hypocrite sous forme de « prérequis » s’est même installée dans certains départements mais elle ne résout en rien le problème de la capacité d’accueil et de l’offre de formation dans le contexte choisi.
Or, ces deux sujets cruciaux, les capacités d’accueil universitaire et l’offre de formation post-bac si l’on veut poursuivre ce modèle – que pour notre part, nous ne souhaitons pas – ne sont pas vraiment abordés et traités dans les problèmes éducatifs de la rentrée. La réforme du bac obligera à repenser le premier cycle universitaire. Du coup, pour chercher à en savoir plus, il faut se reporter au rapport publié en septembre par Terra Nova. On y parle de concevoir une licence à rythme variable et personnalisé avec la validation de modules (l’idée existe déjà en terminale avec cette possibilité de redoubler tout en conservant ses notes du baccalauréat de l’année précédente). En filigrane qu’est-ce qui se dessine ? La généralisation des années de remise à niveau que pratiquent certaines facultés en direction des plus faibles ceux qui viennent du professionnel ou du technologique avec des modules de remédiation en particulier en orthographe voire la création d’un sous-cursus dédié.
On s’acheminerait donc bien vers une université pour tous mais une université généraliste au rabais. Le baccalauréat ne sera plus qu’un diplôme de fin d’études secondaires mais en même temps dans cette université au rabais mais autonome, chaque formation ne manquera pas de fixer ses propres règles d’affectation amplifiant du même coup la concurrence et les inégalités qu’on était pourtant chargées de soigner.
En tous les cas, le niveau universitaire serait tiré vers le bas tandis que ces jeunes des sections technologiques ou professionnelles qui représentent plus de la moitié des bacheliers seront condamnés à ne recevoir jamais le savoir escompté, le savoir libérateur. Plus grave en effet, la fragilité du monde universitaire que l’on est en train de programmer pour demain entérine l’absence de tout idéal commun sur fond de précarisation généralisée, de la file d’attente en vue d’un avenir de plus en plus incertain.
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A l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer rassure et les pédagogistes s’en vont.
Michel Lussault, le grand disciple de Mérieu, l’un des pires partisans de la déséducation depuis des années, nommé en 2014 par Najat Vallaud-Belkacem comme moderniste président du Conseil des Programmes vient de démissionner en raison, dit-on prosaïquement, de « profondes divergences de vues avec l’actuel ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer ».
On ne peut que se réjouir d’un tel départ à condition qu’il s’accompagne aussi de tous les formateurs que les disciples de Philippe Mérieu ont formé et qui sont aujourd’hui responsables dans les ESPE (les écoles de formation d’enseignants) de stages dans le style ” comment répondre à un refus d’élève en adoptant une attitude de bienveillance non frontale » (sic).
Le nouveau ministre de l’Education nationale entendrait-il donc à l’école son lustre d’antan et pour cela, aurait-il décidé de faire place nette ? On le souhaiterait un peu mais c’est toute alors une ribambelle d’inspecteurs et de conseillers en éducation qu’il faudrait congédier immédiatement, tous ces formateurs « progressistes » adeptes du sans évaluation, du cours inversé et autres lubies pour bobos argentés. Seulement voilà : il ne restera sans doute alors plus personne rue de Grenelle !
87 000 bacheliers ! Ce sont donc 87 000 bacheliers que le système informatique Admission Post-bac (APB) a mis cet été sur le carreau comme beau résultat de l’aberration pédagogique du système. Nonobstant, APB ouvrira dans quelques jours sans entraîner aucune remise en question sérieuse, ne serait-ce que du logiciel informatique lui-même. Dans quelques semaines, les professeurs principaux des classes Terminales continueront comme avant et maintenant sans même le soutien de conseillers d’orientation psychologues professionnels puisque tous les centres d’orientation ont été fermés par pure mesure de restriction budgétaire et au nom du tout numérique. Ils devront donc faire tout seul le boulot d’information, le Ministère se déchargeant sur une mallette informatique que tous les élèves en théorie devraient avoir depuis le Collège mais qu’ils n’ont souvent pas. Ce n’est plus vraiment de l’orientation mais de la désorientation générale au cœur de la déséducation.
Avec le contenu des cours, la réduction des programmes (suppression par exemple du raisonnement mathématique en quatrième), le scandaleux fiasco de l’orientation scolaire n’est pourtant que l’aboutissement ultime de l’idiotie éducative consistant à refuser toute sélection et à la livrer toute entière à l’aléatoire au nom de la lutte contre les inégalités. Pour le Ministère, on sait que le système est grippé mais il ne s’agit pas de le soigner ou de le repenser, le tirage au sort finira bien par devenir plus efficace et même pour certains plus « démocratique » que le système méritocratique que pratique pourtant tous les systèmes éducatifs au monde qui se respectent.
Ministre, recteurs, responsables syndicalistes d’enseignants comme d’étudiants claironnent donc en chœur : « nous sommes opposés à toute forme de sélection ». La dernière réforme des collèges vise clairement à ouvrir les flux d’élèves vers la seconde générale afin de les retenir le plus longtemps au lycée. C’est pour que les pseudo structures d’accompagnement personnalisé dans des classes de moins en moins dédoublées ont été créés pour faire entrer la masse dans le supérieur sauf que dans le supérieur, cela coince sérieusement puisqu’on n’y crée pas de places supplémentaires et qu’on maintient les Universités exsangues sans réforme de fond comme si l’ancien modèle universitaire pouvait tenir avec un pourcentage élevé d’étudiants de bacs professionnels ou technologiques s’inscrivant maintenant dans des filières dites nobles comme Lettres ou Sciences-Humaines où une grande partie échouera ou fera plonger les cours vers le bas.
En fait, il est totalement anormal qu’il y ait aujourd’hui en France 90% de bacheliers
Le résultat en fut cet embouteillage de l’année dernière qu’APB promet de reconduire sans coup férir en 2018. Discuter avec n’importe quel universitaire sérieux et il vous dira que la moitié des étudiants de première année n’auraient pas du être là. Or soit on pratique la sélection soit il faut augmenter les capacités d’accueil et de l’offre en formation universitaire et donc créer de nouvelles filières universitaires et ouvrir les places et de nombreux postes, assumer en somme la logique induite par les réformes successives des gouvernements précédents : une universités de masse.Il y en tout cas urgence car d’après les chiffres de la prospective, ce sont 40 000 bacheliers supplémentaires qui vont venir grossir chaque année les rangs des étudiants jusqu’en 2025. Les Staps (formation d’éducation physique) avec 33 000 vœux n°1 cette année sur APB en juin 2017 n’offrait qu’un peu plus de 17 000 places disponibles. La pénurie de moyens dans un système délibérément choisi par ceux qui nous ont gouvernent gouvernés, celui de l’éducation de masse génère de fait une situation croissante de pénuries de moyens que connaissent à peu près toutes les filières. Une petite sélection hypocrite sous forme de « prérequis » s’est même installée dans certains départements mais elle ne résout en rien le problème de la capacité d’accueil et de l’offre de formation dans le contexte choisi.
Or, ces deux sujets cruciaux, les capacités d’accueil universitaire et l’offre de formation post-bac si l’on veut poursuivre ce modèle – que pour notre part, nous ne souhaitons pas – ne sont pas vraiment abordés et traités dans les problèmes éducatifs de la rentrée. La réforme du bac obligera à repenser le premier cycle universitaire. Du coup, pour chercher à en savoir plus, il faut se reporter au rapport publié en septembre par Terra Nova. On y parle de concevoir une licence à rythme variable et personnalisé avec la validation de modules (l’idée existe déjà en terminale avec cette possibilité de redoubler tout en conservant ses notes du baccalauréat de l’année précédente). En filigrane qu’est-ce qui se dessine ? La généralisation des années de remise à niveau que pratiquent certaines facultés en direction des plus faibles ceux qui viennent du professionnel ou du technologique avec des modules de remédiation en particulier en orthographe voire la création d’un sous-cursus dédié.
On s’acheminerait donc bien vers une université pour tous mais une université généraliste au rabais. Le baccalauréat ne sera plus qu’un diplôme de fin d’études secondaires mais en même temps dans cette université au rabais mais autonome, chaque formation ne manquera pas de fixer ses propres règles d’affectation amplifiant du même coup la concurrence et les inégalités qu’on était pourtant chargées de soigner.
En tous les cas, le niveau universitaire serait tiré vers le bas tandis que ces jeunes des sections technologiques ou professionnelles qui représentent plus de la moitié des bacheliers seront condamnés à ne recevoir jamais le savoir escompté, le savoir libérateur. Plus grave en effet, la fragilité du monde universitaire que l’on est en train de programmer pour demain entérine l’absence de tout idéal commun sur fond de précarisation généralisée, de la file d’attente en vue d’un avenir de plus en plus incertain.
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