Auran Derien ♦Universitaire, économiste.
Depuis que les criminels en col blanc ont mis la main sur la création monétaire à partir de rien, afin d’acheter l’humanité censée leur appartenir de droit divin, leurs domestiques s’acharnent à inventer toutes sortes de raisons qui justifient l’endettement systématique de tout un chacun. Il vaut la peine de jeter un œil dans le pont-aux-ânes traditionnel.
Une pensée binaire
D’abord, il est répété que le pouvoir politique décide de l’importance et de la structure du budget annuel, qu’il fixe le montant des déficits, sans jamais soulever le problème de ces politiciens. Les directives sont prises par l’OCDE, l’Union Européenne, ou lors de rencontres comme à Davos. Pour prendre leurs décisions, les fonctionnaires des organisations européennes ont à leur disposition deux grandes écoles dont divers arguments habillent les intérêts de la finance.
1 – L’école classique, dont les manuels maintiennent la fiction, ne se préoccupe plus de connaître la réalité du monde marchand. Pour elle, les biens s’échangent contre des biens, la concurrence prévaut, les prix sont flexibles, le sous-emploi ne peut être un problème sérieux. La monnaie et les institutions monétaires ne sont pas reconnues comme des éléments fondamentaux, la quantité d’argent n’ayant d’importance que pour déterminer le niveau des prix. On a toujours cette antienne d’une politique monétaire destinée à fournir les moyens de paiement nécessaires aux transactions et de la politique budgétaire centrée sur le principe de la “finance saine” qui bombarde le public de quatre arguments : l’effet d’éviction (l’emprunt retire des fonds aux utilisations productives privées) ; le développement excessif de l’activité gouvernementale, souvent en faveur d’une politique irresponsable ; l’augmentation des charges budgétaires fixes pour payer les intérêts ; la difficulté de rembourser le capital emprunté.
2 – La finance fonctionnelle. Les dépenses publiques, les impôts, varient selon la conjoncture car il convient de contrôler la demande globale. La dette doit pouvoir absorber de la liquidité, s’il y en a trop, ou activer de l’épargne oisive. En phase de dépression, il serait normal de rembourser la dette pour redonner des moyens de paiement au public.
Mais les institutions ont changé
Le même discours ne signifie plus la même chose lorsque le Trésor Public et la Banque Centrale coopérent ou sont indépendants l’un de l’autre. En France, jusqu’en 1972, le ratio de la dette publique par rapport au Revenu National avait baissé. De 70% après la guerre, il était revenu à 22% en 1972. Quand au coût, nous en étions alors à 2,2% des dépenses budgétaires. Aujourd’hui que la monnaie est seulement créée par la banque centrale européenne au service des autres banques, le ratio n’est même plus sincére puisque des dettes sont laissées en dehors du calcul sans autre raison que de tromper le peuple.
A côté de l’État, le secteur privé lui aussi s’est endetté mais pas pour produire des richesses. L’idée que l’endettement finance l’investissement productif est trop liée à l’époque des élites patriotes.
Pas de limites : le monde aux financiers
Il y a quelques décennies, l’économiste Serge KOLM avait signalé la monétisation du capital par les banksters de Wall Street, alors qu’il expliquait le principe général de la production financière dont la base est une compensation des flux dans le temps et dans l’incertain, le coût de la transformation étant d’autant plus faible que le volume total transformé est plus grand.
Mais la théorie a été perturbée par le fait que la monétisation a cessé de signifier un processus de diversification à partir des activités productives d’agent à surplus de financement et d’agents à déficit. Désormais, les économistes sérieux mettent l’accent sur l’effet Cantillon (1) qui désigne le fait que les prix augmentent au point d’entrée de la création monétaire. La manne céleste, en se diffusant, produit une distorsion des prix. Le phénomène de hausse ne devient pas forcément général : certains prix n’ augmentent pas.
C’est la situation actuelle où on parle de bulles, car seuls enflent les prix des actifs, de tous les actifs existants, achetés par le crédit qui crée la monnaie, et évidemment seuls augmentent les revenus de ceux qui travaillent dans la finance. Ainsi, tous les agents proches de la source demandent du crédit pour s’acheter le monde. Comme ils sont en train de négocier avec quelques nouveaux acteurs, les BRICS, qui souhaitent une part du gâteau, on assistera nécessairement à la fin du dollar, à la création d’une monnaie numérique sous l’égide du FMI car les oligarchies de la Chine et de l’Inde ont été acceptées à la table du festin.
On se permettra, pour terminer, de signaler une caricature de la politique d’endettement au profit des mafias mondialistes : le Président de l’Argentine, Mauricio Macri, s’est lancé dans l’endettement public massif dès sa nomination en 2015, comme le font les dirigeants des États européens. En deux ans,l’Argentin a battu le record mondial en l’augmentant de 55 mille millions de dollars. Les oligarques ont soif…
- Sur l’effet Cantillon on se reportera aux écrits publiés par l’institut Coppet représentant l’école libérale autrichienne.